Accepter la mort, maintenir
les soins auprès du malade
Monseigneur Jean-Pierre
Ricard revient sur les conclusions de
Les
passages soulignés et en gras le sont par nous-mêmes.
Mgr Jean-Pierre Ricard
[20/09/2004]
Au
début de l’été, une Mission d’information de l’Assemblée nationale a déposé un
rapport intitulé « Respecter la vie, accepter la mort » et une proposition de
loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. Toute forme de
dépénalisation de l’euthanasie en a été résolument écartée. La proposition de
loi cherche à garantir le droit pour tout malade de refuser les traitements
médicaux ou même les soins qui lui sont proposés, si telle est bien sa volonté.
Il est de plus précisé qu’en cas d’incapacité du malade à exprimer sa volonté,
le médecin peut légitimement décider, après les consultations requises,
d’arrêter les traitements médicaux devenus inappropriés.
Sur des sujets aussi délicats, chacun des termes employés devra
évidemment faire l’objet d’un examen attentif, de manière à éviter toute
ambiguïté. Mais l’Eglise catholique ne peut que dire son accord avec les
objectifs majeurs de la proposition de loi en sa forme actuelle.
En effet, "le médecin n’a pas à l’égard du patient de droit séparé ou
indépendant ; en général, il ne peut agir que si le patient l’y autoriseexplicitement ou implicitement (directement ou
indirectement)"[1]. "Le malade doit être mis dans la condition de
pouvoir choisir personnellement et de ne pas devoir subir lesdécisions
et les choix des autres".[2]
En outre, "il est certain que l’obligation morale de se soigner et de se
faire soigner existe, mais cette obligation doit être confrontée aux situations
concrètes ; c’est-à-dire qu’il faut déterminer si les moyens thérapeutiques
dont on dispose sont objectivement en proportion avec les perspectives
d’amélioration. Le renoncement à des moyens extraordinaires ou disproportionnés
n’est pas équivalent au suicide ou à l’euthanasie ; il traduit plutôt
l’acceptation de la condition humaine devant la mort".[3]
Une telle décision ne dispense évidemment pas du devoir non seulement d’éviter
toute action qui précipiterait délibérément la mort, mais aussi de continuer à
prendre soin de la personne malade. Se pose donc la question délicate des soins
à maintenir auprès de tout malade, sauf raison dûment justifiée. Cela concerne
tout spécialement l’alimentation, par des voies naturelles ou artificielles.
Il serait, certes, inhumain de chercher à prolonger des agonies. Lorsque la
mort est inéluctable à brève échéance, une totale priorité pourra être donnée à
la lutte contre la souffrance et à l’accompagnement du malade. Mais, dans les
autres situations, l’arrêt de traitement est compatible avec une vie plus ou
moins longue, à condition que soient donnés les soins nécessaires. Il peut
arriver qu’un malade refuse alors toute intervention sur son corps, à
l’exception des "soins de confort". Les soignants ne pourront que s’incliner,
après avoir épuisé les ressources du dialogue. Dans les autres cas, il
conviendra de maintenir les soins courants, et notamment de chercher la manière
la plus adéquate d’alimenter le malade, ou, au moins, de lui apporter des
éléments nutritifs. Agir autrement témoignerait d’un désintérêt à l’égard du
malade ou même d’un véritable abandon.
[1] - PIE XII, Discours à des médecins, le 24 novembre 1957,
[2]-
JEAN-PAUL II, Discours du 3 octobre 1982 à des médecins catholiques, D.C., n°
1840, p. 1029-1032. [retour]
[3]
- JEAN-PAUL II, Encyclique Evangelium Vitae, n° 65,
25 mars 1995 [retour]
Mgr Jean-Pierre Ricard est
archevêque de Bordeaux et Président de