Lettre du Cardinal Castrillon Hoyos à Mgr. Fellay
Cher Frère dans le Seigneur,
depuis le début de nos contacts fraternels
pour trouver ensemble le chemin vers la pleine communion, il me semble que nous
avons fait l’expérience de la sollicitude du Seigneur miséricordieux :
vraiment il ne nous a pas ménagé son aide et son soutien, pour mettre ensemble
toute la grandeur de ce qui nous unit, et tâcher de dépasser ce qui nous divise
encore.
J’ai lu en son temps avec attention, dans la
prière et non sans souffrance, votre lettre du 22 juin dernier. J’ai également
pris connaissance de certains documents concernant nos conversations, rédigés
par des membres de la Fraternité Saint Pie X, publiés sur Internet et
distribués aux autres moyens de communication. J’ai relu aussi les lettres des
Évêques de la Fraternité Saint Pie X, les interviews accordées par votre
Excellence et les lettres que vous m’avez envoyées.
Jusqu’à aujourd’hui, de mon côté, je n’ai
jamais accepté d’accorder d’interviews à ce sujet, pour maintenir la réserve
sur les détails de nos dialogues : ils ont toujours eu un caractère
interlocutoire et discret, à cause même de la grande responsabilité que je
ressens en conscience pour cette matière.
Il me semble maintenant opportun, pour l’amour
de la vérité, de préciser ici quelques aspects du déroulement de cette
réconciliation, dans le but de lui imprimer un nouvel élan, dans la franchise,
pour dépasser d’éventuelles suspicions, des malentendus qui compromettraient
l’aboutissement que, je n’en doute pas, votre Excellence désire aussi.
Le sujet que nous traitons aura, en effet, des
conséquences historiques particulièrement importantes, parce qu’il touche à l’unité,
à la vérité et à la sainteté de l’Église, et il faut donc le traiter avec la
charité mais aussi avec l’objectivité de la vérité. Notre unique Juge est le
Christ Seigneur.
Permettez-moi de faire maintenant une brève
synthèse historique de notre iter :
1. Avant tout, je dois réitérer une vérité
historique, à la base de tout. Ma première initiative n’est pas due à quelque
mandat Pontifical, et elle n’est pas le fruit d’un accord ou d’un projet de
quelque autre personne du Siège Apostolique, à l’inverse de ce qui a été écrit
et répandu, comme s’il s’agissait d’une stratégie définie. Comme j’ai déjà eu l’occasion
de le dire plusieurs fois, l’initiative du dialogue m’a été tout à fait
personnelle.
Dans la deuxième semaine d’août 2000, en
revenant de Colombie, j’ai appris par la presse qui nous était proposée dans l’avion,
et seulement par elle, que la Fraternité Saint Pie X participerait au Jubilé. Motu
proprio, et sans en parler avec quiconque, j’ai décidé d’inviter les quatre
Évêques de la Fraternité à un déjeuner privé chez moi. La rencontre avec des
frères Évêques se voulait un geste d’amour fraternel, l’occasion d’une
connaissance réciproque. J’ai donc eu la joie de rencontrer votre Excellence,
ainsi que Messeigneurs Tissier et Williamson. Comme il vous en souviendra, nous
n’avons traité d’aucun sujet de fond, même si, naturellement, nous avons parlé
des rites liturgiques, et j’ai pu ainsi connaître quelques aspects de la vie
actuelle de votre Fraternité. J’ai manifesté publiquement la bonne impression
que m’ont faite lesdits Prélats.
J’ai rendu compte par la suite au Saint-Père
de cette rencontre, et j’ai reçu de sa part des mots d’encouragement. J’ai
exprimé le désir de maintenir les contacts pour explorer les possibilités de
cette unité tellement souhaitée. Le Souverain Pontife m’a demandé de continuer,
et il a manifesté sa claire volonté d’accueillir la Fraternité Saint Pie X, en
favorisant les conditions nécessaires à cet accueil.
Quelque temps après j’ai lu, avec une intime
satisfaction, l’interview accordée par votre Excellence à la revue 30 Jours. Le
journaliste mettait ces mots sur vos lèvres : "Si le Saint-Père m’appelle,
je viens, ou mieux je cours"... J’ai eu l’occasion de parler avec le
Saint-Père de cette interview, dans laquelle votre Excellence exprimait
librement et spontanément sa pensée : le Saint-Père me signifia, une fois
de plus, sa volonté généreuse d’accueillir votre Fraternité.
Par conséquent, j’ai pris contact avec les
Cardinaux Angelo Sodano, Secrétaire d’État de Sa Sainteté, Joseph Ratzinger,
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Jorge Medina Estévez,
Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements,
ainsi qu’avec Son Excellence Mgr Juliàn Herranz, Président du Conseil
Pontifical pour l’Interprétation des Textes Législatifs. Tous ont manifesté
leur satisfaction en vue d’une solution éventuelle des difficultés. J’ai
consulté également les Cardinaux Paul Augustin Mayer et Alfons Marie Stickler,
qui ont été du même avis.
C’est ainsi que nous avons étudié les
problèmes théologiques fondamentaux, déjà présents en 1988, quand se préparait
un accord avec Son Excellence Mgr Lefebvre. Il ne nous est pas semblé qu’il y
eût de nouveaux problèmes. Nous avons ensuite commencé à étudier quelques
formes juridiques qui rendent possible une réinsertion ; elle était plus
que souhaitable, selon l’avis de tous. Au cours de l’histoire, la sollicitude
pour l’unité de l’Eglise a toujours été une constante du Siège de Pierre.
Il est apparu convenable à tout le monde que,
si votre Excellence en convenait, le soussigné puisse procéder à un nouveau
dialogue de caractère interlocutoire. Il ne s’agissait pas de discuter des
problèmes théologiques de fond, mais d’aplanir le chemin pour la
réconciliation.
2. J’ai donc invité votre Excellence par écrit ;
vous avez aimablement accepté l’invitation et la rencontre a eu lieu, le 29
décembre 2000.
Comme votre Excellence le sait bien, nous
avons alors étudié la possibilité de la réconciliation et du retour à la pleine
communion, comme un fruit très concret et spécial de l’Année Jubilaire. Nous
avons conclu chez moi par un déjeuner auquel a pris part le Révérend Michel
Simoulin, dans un climat très fraternel et cordial.
Informé de cette nouvelle réunion, malgré la
somme de travail des derniers jours du Grand Jubilé, le Saint-Père vous a reçu
avec l’Abbé Simoulin, le 30 décembre 2000, dans sa chapelle privée. Après
quelques minutes de prière silencieuse, le Saint-Père a récité le Pater
noster, suivi par les personnes présentes, puis il les a saluées en leur
souhaitant un "Saint Noël", et il les a bénies en leur offrant
quelques chapelets et en encourageant à continuer le dialogue entrepris.
Dans le même Palais Apostolique et en présence
d’un des Secrétaires personnels du Saint-Père, j’ai donné lecture à votre
Excellence du Protocole du dialogue du jour précédent, qui serait remis au
Souverain Pontife. Vous avez manifesté votre accord en précisant deux points :
1. la prière pour le Pape dans le Canon de la Messe n’était pas votre mérite,
mais c’était une disposition précédente de Mgr Lefebvre ; 2. la réserve
sur le Concile Vatican II concerne spécialement la "liberté
religieuse", en tant qu’on ne pourrait pas limiter les droits du Christ concernant
l’ordre public. Le Secrétaire a pris note pour rapporter au Saint-Père. Pour
plus de clarté, je me permets de transcrire ici ledit protocole :
Le 29 décembre, comme prévu, j’ai eu une
rencontre de caractère interlocutoire avec S.E. Mgr Bernard Fellay, Supérieur
Général de la Fraternité S. Pie X.
La rencontre a été caractérisée par une vive
cordialité et par son esprit de foi.
1. Position de Son Excellence Mgr Fellay
1.1 Il manifeste sa volonté d’être pleinement
catholique.
1.2 Il reconnaît sa Sainteté Jean Paul II
comme Successeur de Pierre et il veut se soumettre à Son autorité. Il a fait
faire aux séminaristes la promesse de prier pour le Saint-Père et de citer le
nom de Sa Sainteté Jean Paul II dans le Canon de la Messe.
1.3 Il accepte le Concile Vatican II tout en
rappelant des difficultés sur quelques points.
1.4 Principales difficultés :
- en revenant à la pleine communion, il n’entend
pas renoncer à la lutte contre le modernisme dans l’Eglise, la libéralisation,
le démocratisme et l’influence de la franc-maçonnerie ;
- l’expérience du passé l’empêche d’être
confiant, et lui fait craindre que la Fraternité soit malmenée et abandonnée,
en perdant par conséquent son charisme de défense de la Tradition ;
- il considère que la Messe de Paul VI
présente des silences qui ouvrent la voie à la protestantisation (les
célébrants laïcs), et qui ne soulignent pas la dimension sacrificielle de la
Messe ;
- concernant le Sacrement de la Confirmation
il considère - mais ce serait à étudier - que l’huile d’olive est une matière ad
validitatem ; en cas de doute, envers quelques candidats, ils
procèdent à une nouvelle administration sub conditione ; il
considère en outre que certaines traductions de la formule ne sont pas exactes
théologiquement ;
- il croit que le Droit canonique ouvre le
chemin à une conception démocratiste de la collégialité (les Conférences
Épiscopales), qui présenterait la collégialité au détriment de la primauté
pétrinienne ;
- il considère que le texte conciliaire sur la
liberté religieuse se prête à des interprétations relativistes et tendant au
protestantisme ;
- il considère qu’il y a qu’une forme d’œcuménisme
qui fait perdre l’idée de l’unique Eglise, avec le danger d’une mentalité
protestante (S.Ex. Mgr Kasper parle d’abandon de l’œcuménisme "de
retour", pour un oecuménisme "de chemin commun", qui oriente les
chrétiens vers l’unité réconciliée).
2. Ma position
2.1 le Saint-Père a les bras ouverts.
2.2 On assainirait la situation actuelle des
Évêques, et à l’avenir, quand le cas se présentera, on présentera des terna
de candidats à l’épiscopat.
2.3 La Fraternité serait une Société de Vie Apostolique
avec rite spécifique.
2.4 On s’en tient au protocole signé par le
Card. Ratzinger et S.E. Mgr Marcel Lefebvre.
2.5 Il y aura la Commission spéciale avec la
participation d’Évêques de la Fraternité, telle que prévue dans le Protocole.
2.6 Naturellement, on retire l’excommunication,
et on procède aux sanations nécessaires ad normam iuris.
Quelques jours après
une audience m’a été demandée, avec votre Excellence, qui était accompagné de l’ex-abbé
bénédictin, Dom Thomas Niggel (Weltenburg) et de l’Abbé Simoulin. Le dialogue
fut très intense, et se prolongea quelques heures. Avec beaucoup d’honnêteté, votre
Excellence a présenté quelques-uns de ses points de vue concernant la Sainte
Messe et les difficultés à prévoir dans ce processus. À ce moment-là, il me
semblait clair qu’on ne niait aucun dogme, ni l’autorité Pontificale. On se
trouvait par contre face à des difficultés d’interprétation théologique, d’évaluation
de la vie et de la crise de l’Eglise, d’éclaircissement ou d’interprétation de
certains textes du Concile Vatican II.
J’ai considéré que
ces dialogues de précision théologique, certainement importants et non exempts
de difficultés, pourraient être poursuivis au sein même de l’Eglise, après
avoir atteint la pleine communion substantielle laquelle, cependant, n’exclut
pas une saine critique. Mes assesseurs et les Cardinaux spécialement impliqués
dans l’affaire partageaient mon avis sur ce point.
Après ces
événements, en remarquant votre bonne volonté et en me basant sur le fait que
votre Fraternité ne répandait certainement aucune doctrine hérétique, et qu’elle
n’entretenait pas d’attitudes schismatiques, j’avais osé vous proposer, sans
consulter personne au préalable, d’établir une date possible pour la
réinsertion. J’ai présenté comme date possible, la Solennité de Pâques 2001, et
votre excellence, bien que surpris, n’a pas exclu cette possibilité, en
manifestant de toute façon que, probablement, à l’intérieur de la Fraternité
Saint Pie X quelques problèmes seraient apparus.
Je suis donc mis en
peine de chercher une formule qui donnât à votre Fraternité pleine garantie pour
maintenir son charisme de service à la Tradition, assurer le rite de la Messe
de Saint Pie V et continuer pleinement son effort pour la sauvegarde de la
saine doctrine et la préservation de la discipline et de la morale catholique.
Je ne crois pas que
l’on puisse interpréter correctement – comme l’ont fait certains des vôtres –
cette attitude claire qui est la mienne et ma déclaration d’intention, dans le
sens d’une conversion de l’Eglise de Rome, qui devrait maintenant aller chercher
le "depositum fidei" au sein de la Fraternité Saint Pie X. On ne
devrait pas non plus pouvoir conclure que ma recherche de dialogue signifie
reconnaître l’incapacité de l’Eglise universelle à sortir d’une crise
intérieure. En effet, ce que nous avons fait dans nos dialogues, transcrits
dans les protocoles, est très différent : nous avons parlé de l’œuvre
commune de frères pour promouvoir la sainteté de l’Eglise, laquelle est semper
reformanda dans la vie de ses membres.
Le Saint-Père a reçu
avec satisfaction le compte-rendu intégral de cette réunion, et a de nouveau
exprimé sa disponibilité à maintenir les bras ouverts pour la réconciliation.
À ce stade, j’ai
convoqué une première réunion plénière de la Commission Ecclesia Dei avec tous ses Membres, ainsi qu’avec leurs Éminences
les Cardinaux Felici, Mayer et Stickler. Je leur ai expliqué la mise en route
de ce chemin et l’état actuel de la question.
Peu après le
Saint-Père a nommé, pour la première fois, Membres de la Commission les Cardinaux
Ratzinger, Medina, Billé et S.E. Mgr Herranz. Il n’en est pas manqué, parmi les
vôtres, pour interpréter ce geste comme un mouvement destiné à contrôler,
dominer et absorber la Fraternité Saint Pie X.
3. Vous même, cher Mgr Fellay, après avoir
entendu quelques membres de la Fraternité et avoir réuni votre Conseil, vous m’avez
envoyé le Secrétaire de la Fraternité Saint Pie X, l’Abbé Selegny, accompagné de
l’Abbé Simoulin, avec la mission de présenter quelques questions concernant les
formules d’une éventuelle réinsertion.
Le Secrétaire, après
avoir écouté mes réponses articulées à ses nombreuses questions, s’est exprimé
d’une manière extrêmement dure à propos du rite actuel de la Sainte Messe, que
suivent les fidèles unis au Vicaire du Christ et à leurs Évêques, en affirmant
que ce rite était « mauvais » ; il m’informait en outre avoir
reçu de votre part un mandat pour suspendre les dialogues, si deux conditions
préalables n’étaient pas accordées : lever l’excommunication et permettre
à tous les prêtres catholiques de célébrer selon le rite dit de Saint Pie V.
Je dois dire que je
suis resté affligé et perplexe, parce que cette étape n’était pas dans la ligne
du climat de foi, de fraternité cordiale et de respect réciproque qui, jusqu’alors,
avait soutenu et animé nos rapports.
Depuis le commencement,
sur la base de cette bonne disposition, on entretenait l’espoir de pouvoir
mettre fin à la situation irrégulière dans lequel se trouve votre Fraternité ;
c’était aussi parce que je ne relevais ni senteur d’hérésie, ni volonté d’encourir
un schisme formel de votre part, mais seulement le désir de contribuer au bien
de l’Eglise universelle, considérant comment le charisme spécifique de la
Fraternité Saint Pie X envers la Tradition, dans le contexte actuel, n’aurait
pu que profiter au chemin de l’Eglise.
Il ne s’agissait
absolument pas d’un « piège », tendu pour vous faire taire ou pour
détruire votre mouvement, et on n’a jamais suivi de stratégie basée sur des
intentions cachées ou avec des buts inavoués, comme en revanche certains
d’entre vous l’ont écrit.
Je peux dire que de
la part du Saint-Siège et de toutes les personnes impliquées dans cet épisode
difficile mais prometteur pour l’unité de l’Eglise, la volonté loyale de voir
la Fraternité Saint Pie X réconciliée avec le Siège de Pierre n’a jamais fait
défaut, pour qu’avec son charisme particulier de service à la Tradition, elle
puisse contribuer à l’oeuvre missionnaire de nouvelle évangélisation.
Aussi, bien que je
ne doute pas de la disponibilité de votre Excellence à continuer notre dialogue
vers le terme désiré, je suis surpris des déclarations que vous-même et d’autres
membres de la Fraternité Saint Pie X avez faites à ce sujet.
Il me semble en
effet que vos déclarations, qui semblent mettre en doute la sincérité des
intentions du Saint-Siège, ne soient pas utiles pour faire prospérer nos
efforts communs, qu’elles suscitent un climat moins favorable et qu’elles
fassent douter de la compréhension de cette importante matière de la part de la
Fraternité Saint Pie X.
Je me permets donc,
à la suite de vos déclarations, d’énumérer quelques-unes de ces attitudes et
affirmations contradictoires dans lesquelles votre Fraternité semble s’être
hasardée, qui suscitent la perplexité et sont en contradiction avec la
Tradition de l’Eglise. Du reste, comment pourrais-je ne pas affronter ces
points douloureux, s’ils contiennent des questions ou invitent au moins à des
éclaircissements?
Il
me faut donc énumérer quelques-uns des points dont nous avons eu connaissance :
« Il
est indéniable que les dysfonctionnements dans la Hiérarchie catholique…, les
lacunes, les silences, les inductions, les tolérances d’erreurs et même des
actes positifs destructeurs se rencontrent jusque dans la Curie et
malheureusement jusque chez le Vicaire du Christ. Ce sont des faits publics et
constatables par le commun des mortels »
(Lettre de Mgr Bernard Fellay au Card.
Castrillón, Menzingen, le 21 janvier 2001)
Cette attaque
frontale à la hiérarchie de l’Eglise catholique, Pape y compris, et le reproche
d’avoir abandonné la Tradition, constitue en pratique une prétention dangereuse
à juger jusqu’à l’Autorité suprême. Dans le fil de l’enseignement du Concile
Vatican I, Pastor Aeternus Dz 1830, nous croyons que personne ne peut s’arroger
le droit de juger le Saint-Siège : « cuius
auctoritate maior non est, iudicium a nemine fore retractandum, neque cuiquam
de eius licere iudicare iudicio ».
Nicolas I le disait
déjà au neuvième siècle, dans la lett. Proposueramus, (MGH Epistolae 6,
465.474-475) : « Le juge ne sera jugé ni par l’empereur, ni par l’ensemble
du clergé, ni par les princes, ni par le peuple... » « Le siège
principal ne sera jugé par personne... »
On ne peut oublier
également, dans la ligne de la vraie Tradition catholique, ces autres
assertions du Concile Vatican I sur l’Eglise catholique. L’Eglise catholique,
en effet, « a Domino nostro Iesu
Christo, Salvatore humani generis ac Redemptore, claves regni accepit :
qui ad hoc usque tempus et semper in suis successoribus, episcopis sanctae
Romanae Sedis, ab ipso fundatae eiusque consecratae sanguine vivit et praesidet
et iudicium exercet » (Pastor Aeternus DZ 1824) ; c’est
ainsi que l’Eglise Romaine « custodita
cum Romano Pontifice tam communionis quam eiusdem fidei professionis unitate,
Ecclesia Christi sit unus grex sub uno summo pastore. Haec est catholicae veritatis doctrina, a qua deviare salva fide atque
salute nemo potest.” (Pastor Aeternus DZ
1827).
Toujours dans Pastor
aeternus, on lit à propos du Siège Apostolique : “quia in Sede Apostolica immaculata est semper catholica reservata
religio, et sancta celebrata doctrina. Ab huius ergo fide et doctrina separari
minime cupientes (…) speramus, ut in una communione, quam Sedes Apostolica
praedicat, esse mereamur, in qua est integra et vera christianae religionis
soliditas.” (Pastor Aeternus
DZ 1833).
La Fraternité Saint
Pie X accuse, disant que la vérité aurait été abandonnée par l’Eglise qu’elle
appelle, de façon péjorative, « conciliaire » :
« L’église
conciliaire est comme une termitière qui se ronge de l’intérieur. Depuis 30 ans
et plus, ce sont les mêmes principes qui sont mis en application, avec une
cohérence imperturbable, malgré leurs fruits catastrophiques » - « Alors nous préférons conserver notre liberté
d’agir pour toute l’Eglise, sans nous laisser mettre en isolement dans le zoo
de la Tradition. Il faut secouer le monde catholique qui s’endort dans la
léthargie post-conciliaire… »
(Entretien de Mons. Fellay dans la revue « Pacte »,
été 2001)
De
plus, dans une lettre que vous m’adressiez, votre Excellence écrivait :
« De
notre côté, il me semble pouvoir affirmer, en suivant les papes Pie XII et Paul
VI, que l’Eglise se trouve dans une situation littéralement apocalyptique »
(Lettre de Mons. Fellay au Card. Castrillón,
22 juin 2001)
Je n’arrive pas à
saisir à quelles paroles exactes de Pie XII se réfère votre Excellence. Je n’ai
pas de difficulté à reconnaître, avec le Pape Paul VI, que « la fumée de
Satan » s’est introduite dans l’Eglise, même si le contexte de l’affirmation
était limité. En réalité il semble qu’à toute époque de l’histoire de l’Eglise,
parfois plus parfois moins, on puisse parler de situation d’Apocalypse. Mais on
ne devrait pas s’étonner du péché, puisque c’est la grâce qui est étonnante.
Malgré la décadence de la pratique de la foi qui touche jusqu’au vieux
continent européen, malgré la présence ici et là de certains abus dans la
discipline et dans la liturgie, il est disproportionné, faux et inacceptable d’affirmer
que l’Eglise et la Papauté ont perdu la foi.
Sainte Catherine de Sienne écrivait à Barnabé
Visconti Seigneur de Milan :
« Il est fou celui qui se dresse ou qui
agit contre ce Vicaire qui tient les clés du sang du Christ crucifié. Quand
bien même il serait un démon incarné, je ne dois pas lever la tête contre lui,
mais toujours m’humilier et demander le sang par miséricorde.
Et ne faites pas attention à ce que le démon
vous proposera et vous a déjà proposé sous couleur de vertu, c’est-à-dire de
vouloir faire justice contre les mauvais pasteurs au sujet de leur défaut. Ne
vous fiez pas au démon : n’essayez pas de faire justice de ce qui ne vous
regarde pas.
Dieu ne veut pas que ni vous, ni personne d’autre
s’érige en justicier de ses ministres. Il s’est réservé le jugement, et il l’a
réservé à son Vicaire : et si le Vicaire ne faisait pas justice, nous
devons humblement attendre la punition et la correction de la part du Souverain
Juge, Dieu éternel. » (Epistolaire vol. I,
Lettre n. 28).
Pour revenir à cette
situation, je dois vous dire ma peine de constater que vos publications, malgré
le désir louable de mettre en garde contre certaines fautes et péchés, manquent
de la sensibilité qu’il faudrait pour faire goûter la grâce et les éléments
positifs, aussi au milieu des défauts.
« Ce sont précisément les nouveautés de la
nouvelle théologie, condamnées par l’Eglise sous Pie XII, qui font leur entrée
à Vatican II. … On voudrait nous faire croire aujourd’hui que ces nouveautés
seraient en développement homogène avec le passé? Elles ont été condamnées au
moins dans leur principe. »
(Lettre de Mgr Fellay au Card. Castrillón, 22
juin 2001)
Selon l’avis de la Fraternité Saint Pie X, l’Eglise
catholique s’éloignerait du « depositum fidei ».
« Nous
ne sommes qu’un signe de la terrible tragédie que traverse l’Eglise, peut-être
la plus terrible de toutes jusqu’ici, où non seulement un dogme mais tous sont
attaqués… »
(Lettre de Mgr. Fellay au Card. Castrillón, 22
juin 2001)
« Un
magistère qui contredit l’enseignement du passé, (par exemple l’œcuménisme
actuel et Mortalium Animos), un
magistère qui se contredit lui-même, (voir la déclaration conjointe sur la
justification et la note précédente du cardinal Cassidy, ou la condamnation et
la louange du terme Eglises Sœurs), là est le problème lancinant. … Les milliers et millions de fidèles
catholiques qui déchoient de la foi se damnent à cause de ces défaillances de
Rome, voilà notre souci. »
(Lettre de Mgr. Fellay au Card. Castrillón, 22
juin 2001)
« Cette
crise magistérielle pose un problème quasi impossible à résoudre pratiquement.
… Et le cauchemar s’étend de la Curie aux évêques résidentiels ».
(Lettre de Mgr. Fellay au Card. Castrillón, 22
juin 2001)
Votre Excellence
déclare croire à l’indéfectibilité de l’Eglise, et l’on reconnaît volontiers
vos mérites dans la lutte vigoureuse contre quelques tendances sédévacantistes.
Cependant, en ce qui concerne la citation du Concile Vatican I, DZ 1836, sur le
caractère, l’objet et le but de l’infaillibilité du Romain Pontife, il me
semble nécessaire de citer intégralement ce que contient ce paragraphe et le
suivant :
« Quorum
quidem apostolicam doctrinam omnes venerabiles Patres amplexi et sancti Doctores
orthodoxi venerati atque secuti sunt ; plenissime scientes, hanc sancti
Petri Sedem ab omni semper errore illibatam permanere, secundum Domini
Salvatoris nostri divinam pollicitationem discipulorum suorum principi factam :
‘Ego rogavi pro te, ut non deficiat fides tua : et tu aliquando conversus
confirma fratres tuos’ (Lc 22,32). »
L’assurance divine
que manifeste ce texte, selon laquelle le Siège de l’apôtre Pierre sera
toujours exempté de toute espèce d’erreur, ne permet pas d’accuser le Pontife
actuel au nom d’un Concile antérieur, comme s’il n’y avait pas de continuité
entre les Conciles et comme si la promesse du Seigneur ne valait plus à partir
du Concile Vatican II. Le charisme indéfectible de la vérité et de la foi (cf.
DZ 1837 : « Hoc igitur veritatis
et fidei numquam deficientis charisma Petros eiusque in hac cathedra
successoribus divinitus collatum est… ») n’a pas été attribué à un
moindre degré à la personne de Jean-Paul II, dont la foi est celle de l’Eglise
de toujours.
Si Votre excellence considère
sérieusement cette déclaration à propos de la fides numquam deficiens du
Pontife Romain, il me semble qu’il faudrait faire preuve d’une plus grande
cohérence théologique pour réfléchir sur le développement organique du
Magistère de l’Eglise ces dernières années.
Il est vrai que l’on
constate des divergences d’opinions et de formations théologiques parmi les
Prélats de l’Eglise ; cependant, une simple phrase, même dite par le
Souverain Pontife, n’est pas un acte de magistère ; nous savons tous que
les déclarations revêtent divers degrés d’autorité.
Il est toujours
possible de critiquer ce genre de déclarations, comme aussi une orientation de
gouvernement. La critique, cependant, demande une compréhension authentique de
la pensée d’autrui, et doit présupposer qu’il possède aussi la vraie foi
catholique. Si on relève des incohérences, la critique, faite avec humilité et
charité, devient un service à rendre dans un grand respect et en esprit de
sincère collaboration.
Origène, Contre
Celse, 3,12-13 : « Les
Écritures, reconnues par tous comme divines, furent comprises de différentes
manières et des sectes apparurent : elles prirent le nom d’hommes pleins d’admiration
pour l’origine de la doctrine chrétienne, mais arrivés, pour divers motifs, à
des divergences considérables. Pourtant, il ne serait pas raisonnable de ne pas
vouloir entendre parler de médecine à cause de ses différentes écoles, comme il
ne serait pas convenable de haïr la philosophie en prétextant les opinions
différentes des philosophes ; comme enfin on ne doit pas condamner les
livres sacrés de Moïse et des prophètes à cause des diverses sectes apparues
dans le judaïsme.
Si tout cela est logique, pourquoi ne devrions-nous pas de
la même manière justifier la présence de sectes parmi les chrétiens? Ce que dit
Saint Paul en la matière semble admirable : « Il
faut qu’il y ait aussi des hérésies parmi nous, pour manifester parmi nous ceux
qui sont expérimentés » (1Co 11,19).
De même que dans la science médicale est « expérimenté » celui qui s’est exercé avec différentes
méthodes et qui, après avoir sagement pesé les diverses écoles, a choisi la
plus excellente ; et de même qu’en philosophie, celui qui a fait de vrais
progrès c’est celui qui a adhéré à la doctrine la plus solide après s’être
exercé à en connaître beaucoup d’autres ; je dirais ainsi qu’entre
chrétiens le plus sage est celui qui a étudié avec grand soin les différentes
sectes du judaïsme et du christianisme. Celui qui blâme notre foi à cause de la
présence de différentes sectes doit aussi mépriser la doctrine de Socrate,
puisque son enseignement suscita diverses écoles qui certes, concordent peu ;
et il doit blâmer aussi la doctrine de Platon à cause d’Aristote, qui en
abandonna l’enseignement pour divulguer de nouvelles vérités. »
« Rome
est très pressée d’aboutir. Nous le sommes beaucoup moins, comme le disait Mgr
Fellay récemment. Après Vatican II le train des réformes s’est mis en marche,
petit à petit il a pris de la vitesse. … Il s’élance à une vitesse de plus en
plus folle vers l’antichristianisme total comme le disait si bien Mgr Lefebvre
en 1987 ».
(Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du Séminaire
Saint Pie X à Écône, Interview de Giovanni Pelli, 15 maggio 2001)
« Rome
s’est penchée vers nous en disant : écoutez, vous avez un problème, il
faut le régler. Vous êtes dehors, il faut que vous rentriez, moyennant
certaines conditions. À nous maintenant de répondre : non ce n’est pas
ainsi. Si nous sommes dans la situation dans laquelle nous sommes actuellement
(qui est une situation de mise à l’écart et de persécution), nous n’en sommes
pas la cause. La cause, elle est à Rome, c’est parce qu’à Rome il y a de graves
déficiences que Mgr Lefebvre a dû prendre des positions de retrait, des
positions qui permettent de conserver certains bien de l’Eglise qu’on était en
train de galvauder. »
(Interview de
Mgr Fellay , “Pacte”, été 2001)
« Ce
dilemme dans lequel on veut à nouveau nous enfermer, nous le refusons. C’est
très clair : nous ne sommes pas dehors, et nous ne nous laisserons pas
mettre en cage non plus! »
(Interview de Mgr Fellay , “Pacte”, été 2001)
Aucun
hérétique ni schismatique, au long de l’histoire, n’a déclaré s’être trompé.
Ils ont toujours pensé que c’était l’Eglise qui se trompait.
Dans des
circonstances particulièrement difficiles, pas seulement de persécution, l’Eglise
prévoit l’éventualité d’« états de nécessité ». Mais ces « états
de nécessité » sont toujours soumis au critère du jugement de l’autorité Ecclésiastique
Suprême, et des mesures qu’elle adopte en conséquence ; ils ne peuvent pas
être revendiqués contre ou en dehors de cette Autorité Suprême, de la part de
forces, si orthodoxes soient-elles, mues par une volonté de réforme et bien
intentionnées. Votre conception et votre interprétation de ces « états de
nécessité » ne sont pas conformes à la foi en l’indéfectibilité de
l’Eglise, et de fait elles n’ont jamais été partagées par l’épiscopat mondial
avec le Pape à sa Tête.
Ce nous est une
douleur que de vous voir enfermés dans une telle position, qui contrarie
beaucoup le retour à la pleine communion que l’on désire.
« Personnellement
je ne crois pas à des discussions qui ne porteraient pas sur le fond : sur
Vatican II, sur la nouvelle messe, intrinsèquement mauvaise comme nous l’avons
toujours affirmé dans la Tradition, sur le nouveau code de droit canonique, qui
fait entrer la nouvelle ecclésiologie de Vatican II dans la législation de l’église. »
(Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du Séminaire
Saint Pie X à Écône, Interview de Giovanni Pelli, 15 maggio 2001)
« Après
20 ans de pontificat, Jean-Paul II n’a pas changé. Il est toujours le pape d’Assise.
L’idée qui le mène c’est le nouvel œcuménisme issu de Vatican II. … Je pense
personnellement qu’il veut nous intégrer dans cette église pluraliste.
Intégration qui serait notre désintégration ».
(Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du Séminaire
Saint Pie X à Écône, Interview de Giovanni Pelli, 15 maggio 2001)
« Nous
sommes en ce moment au point mort, dans une sorte d’impasse. Je pense que cette
espèce de blocage résulte des bases sur lesquelles le dialogue s’était engagé ».
(Interview de Mgr Fellay , “Pacte”, été 2001)
Pour se qualifier de
« catholiques », on doit toujours, avant toute chose, chercher la
pleine communion avec Pierre. Face à d’éventuels doutes et problèmes, il est
toujours possible de présenter les critiques que, en conscience et humblement,
on considère être vraiment constructives. Malgré les difficultés, cette pensée
de Léon XIII doit nous éclairer :
« L’Eglise est
unique en vertu de l’unicité de sa doctrine comme en vertu de l’unité de son
gouvernement, et elle est catholique ; et puisque Dieu a fait de la chaire
de Saint Pierre son centre et son fondement, c’est à juste titre qu’on l’appelle
Romaine : "Là où est Pierre, là se trouve l’Eglise" (S.
Ambroise, In Psalmum 40,30 : PL 14, 1082). Donc quiconque veut se
qualifier du nom de catholique, doit répéter sincèrement les paroles de Jérôme
au pape Damase : "Moi, ne désirant suivre personne d’autre que le
Christ, je veux être en communion avec ta béatitude, c’est-à-dire avec la
chaire de Pierre : je sais que sur cette pierre l’Eglise a été fondée (cf.
Mt 16,18) ; celui qui ne recueille pas avec toi, disperse (cf. Mt 12,30)"
(S. Jérôme, Épître 15 : PL 22, 355) ».
(cf. Léon XIII,
lett. Testem
benevolentiae, 22.1.1899)
Même si les membres
de votre Fraternité reconnaissent la légitimité du Pape actuel, Jean Paul II,
et reconnaissent en Lui le vrai successeur de Pierre et le légitime Vicaire du
Christ, le langage employé souvent par certains n’est pas très respectueux. De
fait, il semble que ceux-ci n’acceptent pas les prérogatives du Pape concernant
d’éventuelles modifications de la forme rituelle du Saint Sacrifice de la
Messe.
« Nous
refusons la nouvelle liturgie car elle met en danger notre foi catholique. »
(Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du Séminaire
Saint Pie X à Écône, Interview de Giovanni Pelli, 15 maggio 2001)
Cette attitude est à comparer avec l’enseignement
du Magistère antérieur :
Concile de Trente, Dz 1728 : « [Le
saint Concile] déclare en outre : l’Eglise a toujours eu, dans la
dispensation des sacrements, leur substance étant sauve, le pouvoir de décider
ou de modifier ce qu’elle jugeait mieux convenir à l’utilité spirituelle de
ceux qui les reçoivent ou au respect des sacrements eux-mêmes, selon la variété
des circonstances, des temps et des lieux ».
Dans l’encyclique Mediator Dei, le Pape Pie XII écrit : « Que tout se fasse
donc en respectant l’unité due à la hiérarchie ecclésiastique. Que personne ne
s’arroge l’arbitraire de se créer des règles personnelles et d’imposer aux
autres sa volonté en la matière. Seul le souverain Pontife comme successeur de
Saint Pierre, auquel le divin Rédempteur a confié le soin de tout le troupeau
(cf. Jn 21,15-17), et avec lui les évêques que "l’Esprit saint... a
établi... pour paître l’Eglise de Dieu" sous l’obédience du Siège
apostolique (Ac 20,28), ont le droit et le devoir de gouverner le peuple
chrétien... »
“True, the Romans may always convert, but, again,
given a track-record such as the Vatican’s over the last 40 years, then the
burden of proof lies with those who claim they have converted, and not with
those who assume, by the Romans’ fruits, that they are still wolves and foxes
and sharks!”
(Lettre aux bienfaiteurs de Mgr Williamson du
1 février 2001)
« Et
le récent message du cardinal Sodano aux pèlerins de Paris à Chartres insiste
deux fois en dix lignes sur l’obéissance aux évêques, sur la nécessaire
docilité des catholiques traditionalistes à l’égard de leurs persécuteurs de 30
ans. Pour ceux qui s’imaginaient que Rome ouvrait grand ses bras, c’est un
camouflet. Un de plus. »
(Abbé G. de Tanoüarn, Pacte, Été 2001, p. 11)
Je
ne peux pas ne pas relever avec souffrance que ces tons, concernant les
intentions du Saint-Siège, n’aident pas à la réconciliation, puisqu’ils ne vont
pas à la rencontre du don supérieur de la charité, tel que l’enseigne Saint
Irénée :
« Il jugera
aussi les créateurs de schismes, qui sont privés d’amour de Dieu et qui
cherchent leur intérêt propre, et non pas l’unité de l’Eglise ; pour une
cause petite et quelconque, ils fendent et divisent le grand et glorieux corps
du Christ et, autant qu’il leur est donné, ils le tuent ; ils parlent de
paix et ils font la guerre, vraiment ils filtrent le moucheron et ils avalent
le chameau : aucune de leurs réformes n’est comparable à la ruine du
schisme. Alors que la gnose véritable tient en cela : la doctrine des
apôtres, tout l’enseignement ancien de l’Eglise dans le monde entier, le signe
distinctif du corps du Christ, garanti par la succession des évêques, et
communiqué par les évêques à toute Eglise particulière. Ce qui nous est
parvenu, c’est la conservation fidèle des Écritures, leur exposition intégrale,
sans additions ou déductions ; leur lecture dépourvue de duperie, leur
explication en tout conforme, correcte, harmonieuse, dépourvue de danger ou de
blasphème ; finalement c’est le don sublime de l’amour, qui est plus
précieux que la gnose, plus précieux que la prophétie, supérieur à tous les
autres charismes. » (Contre les hérésies, 4,33.7-8).
Saint Thomas écrit ce qui suit
sur la souffrance que cause le schisme, en commentant un passage de Saint Paul
(1 Co 12, 22) :
« Et, similiter in ecclesia, imperfectioribus sunt magis consolationes
adhibendae, quibus perfectiores non egent. Unde dicitur Is. 11, 11 : in
brachio suo congregabit agnos, et in sinu suo levabit, foetas ipse portabit,
et, 1 Petr. III, 7 dicitur : viri quasi infirmiori vasculo muliebri
impartientes honorem… est notandum quod triplicem defectum circa membra
notavit, scilicet inhonestatis, ignobilitatis et infirmitatis. Quorum primum in membris ecclesiae pertinet ad culpam ; secundum ad
conditionem servilem ; tertium ad statum imperfectionis… secundo ponit
causam finalem, dicens ut non sit schisma in corpore. Quod quidem sequeretur,
si defectui membrorum non subveniretur. Hoc autem schisma quantum ad membra
corporis mystici manifeste vitatur, dum pax ecclesiae custoditur per hoc, quod
singulis ea quae sunt necessaria attribuuntur. Unde et supra dictum est cap. I, v. 10 :
idipsum dicatis omnes, et non sint in vobis schismata. »
Chère
Excellence, la clarté sincère sur la genèse et le parcours de notre histoire n’entend
pas le moins du monde vous vexer ou vous mettre dans l’embarras. Je considère
la sincérité totale dans les rapports comme une condition imprescriptible d’un
vrai accord et du succès de nos projets.
Excellence,
je vous prie de me considérer vraiment comme un frère qui vous aime et qui veut
le bien de l’Eglise, sa claire unité, témoignage de l’unité du Christ avec le
Père et l’Esprit Saint, face au monde. Vous savez que je n’ai jamais voulu
favoriser la division de la Fraternité Saint Pie X et de ses Évêques, même si
aujourd’hui je suis convaincu qu’il y a en vos rangs des personnes qui n’ont
plus la vraie foi en l’authentique Tradition de l’Eglise ; des personnes
qui, à moins d’une conversion provoquée par le Saint Esprit, reviendront
difficilement à l’unité, il me semble.
Votre
Excellence connaît les détails de cet événement que je considère, et beaucoup d’autres
avec moi, comme providentiel : l’incorporation dans la pleine unité du
groupe de Campos. Je n’hésiterais pas dire que, sur notre chemin, il y a un
avant et un après : avant Noël 2001 et après Noël 2001.
À
cette date, comme vous le savez, le Saint-Père Jean Paul II a signé la Lettre
selon laquelle il accueillait dans la plénitude de la communion catholique
S.E.R. Mgr Licinio Rangel, ainsi que les prêtres membres de l’union « Saint
Jean Marie Vianney », avec tous leurs fidèles de Campos (Brésil).
J’ai
eu la joie de recevoir personnellement la profession de foi et le serment de
fidélité au Pontife Romain de cet Évêque, avec les prêtres de l’union, dans une
émouvante célébration publique qui se tint dans la Cathédrale diocésaine de
Campos, le 18 janvier dernier, en présence de différents Évêques et du Représentant
Pontifical.
Je
crois fermement que cet Événement de Campos – qui a recousu une blessure
ouverte dans le Continent Latino Américain, et qui a été célébré avec émotion
par toutes les personnes présentes, et qui a été perçu comme un événement de
grâce – est à juste titre un encouragement pour continuer nos efforts ; le
but est d’arriver à cette embrassade chaleureuse que Pierre désire pouvoir
échanger avec vous, comme il l’a échangée avec l’union « Saint Jean Marie
Vianney ».
Cette
embrassade s’est concrétisée avec la forme juridique la plus adaptée, offerte
de manière permanente, pour le développement du charisme de cette Union, au
sein de l’unique Eglise du Christ avec Pierre à sa Tête : je me réfère à l’administration
Apostolique personnelle de Campos, qui n’est pas une solution transitoire mais
qui est donnée d’une manière stable (on ne peut aucunement douter de cette
stabilité et de cette volonté). Je sais que beaucoup de personnes, laïcs,
prêtres et religieux de la Fraternité Saint Pie X veulent trouver la paix de la
conscience, dans la réconciliation pleine avec l’Eglise.
Déjà
avant les événements de Campos je souhaitais vous rencontrer, mais devant le
fait de cette réconciliation et de la nouvelle Administration Apostolique
personnelle, cette rencontre avec votre Excellence me semblerait encore plus
opportune et souhaitable : elle pourrait se tenir après les Fêtes
Pascales, pour continuer notre dialogue, et pour clarifier aussi, avec charité
et vérité, dans un entretien fraternel, tout ce qui est mûri dans notre coeur à
partir de Campos. Il ne servirait pas à grand-chose, il me semble, de continuer
un dialogue à travers des écrits directs ou indirects que nous nous
échangerions pour faire la lumière sur des choses qui méritent par contre d’être
traitées à un niveau personnel et cordial, comme cela s’est déjà produit entre
nous.
On
ne peut pas, en effet, ne pas voir combien providentiel a été le retour dans la
plénitude de la communion avec le Siège de Pierre, précisément dans la Semaine
consacrée à l’unité des chrétiens, de ces frères qui partagent avec votre
Fraternité les mêmes idéaux et qui désormais se réjouissent d’avoir atteint ce
que, en conscience, ils savaient ne plus pouvoir être retardé : la pleine
communion avec le Vicaire du Christ.
La
souffrance et la prière de beaucoup de fidèles ont rendu possible cette joie de
recouvrir la pleine communion avec l’Eglise guidée par Pierre, pour l’union « Saint
Jean Marie Vianney » ; et je suis convaincu que le Seigneur Jésus,
qui a commencé cette œuvre, la portera à son achèvement.
Ce
qui m’a poussé depuis le commencement, et qui m’incite à vous écrire aujourd’hui,
c’est cette Charité du Christ qui m’engage à ne négliger aucune tentative pour
faire triompher l’unité, vraie marque de la Charité! Aujourd’hui, plus encore
qu’hier, je souffre et porte le poids de vous savoir en situation d’excommunication,
alors que tous les fidèles de Campos ont désormais heureusement dépassé cette
situation, sous la conduite de leur Pasteur.
J’ai
donc un grand désir de pouvoir vous rencontrer le plus tôt possible ; je
vous assure que j’ai écrit cette lettre avec l’esprit et le cœur plongés dans
les sentiments du prochain 2e Dimanche de Pâques, le Dimanche de la Divine
Miséricorde.
En
vous souhaitant toute sorte de grâce et de bénédiction du Ciel, je vous reste
uni et dévoué dans les cœurs de Jésus et de Marie.