« Nous voulons rester catholiques » déclare Mgr Lefebvre

 


Mes bien chers frères,

 

C'est toujours avec une grande joie et une grande satisfaction que je viens parmi vous dans cette magnifique église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, non seulement parce qu'elle est belle - surtout maintenant qu'elle a été rénovée grâce à votre générosité, au dévouement à cette paroisse de vos prêtres et en particulier de M. 1’abbé Laguérie, votre curé et je félicite tous ceux qui ont participé à cette rénovation, signe de vitalité de la Tradition.

A l'occasion de ce passage, en ce troisième dimanche de l'Avent à douze jours de la fête de Noël et à quelques semaines du Nouvel An, je veux vous offrir mes vœux.

Et quels seront ces vœux ? Je les résumerai dans cette phrase toute simple en vous disant mes bien chers frères : soyez de bons traditionalistes.

 

QU'EST-CE QU'UN TRADITIONALISTE?

 

Qu'est-ce qu'un traditionaliste ? Un traditionaliste c'est celui qui croit, qui a la foi et qui veut que cette foi soit intègre, qu'on ne la change en aucune manière, que l'on n'enlève pas un seul iota. Des martyrs nombreux ont donné leur vie pour défendre une seule vérité de la foi. Et c'est Léon XIII qui a dit d'une manière très explicite: « Si quelqu'un nie un seul article de foi, il n'est plus catholique ». Celui qui aime la Tradition, qui veut vivre de la Tradition garde la foi. C'est une marque des traditionalistes.

Le traditionaliste est aussi celui qui s'efforce de tout son cœur, de toute son âme d'observer la loi du Bon Dieu et les préceptes de l'Evangile. Il ne veut pas que l'on transforme cette loi de Dieu et qu'on la renie. II veut l'observer pour être conforme à la volonté de Dieu.

Il s'efforce par conséquent d'éviter le péché qu'il considère comme le mal de son âme. Car celui qui pèche ne s'aime pas; il n'aime pas son âme. C'est encore une des caractéristiques du traditionaliste.

Les traditionalistes veulent garder la foi et les commandements de Dieu pour lui obéir, et garder les préceptes de l'Evangile. Mais, il sait parfaitement qu'il est faible et qu'il a besoin de tous les secours que le Bon Dieu a transmis par l'intermédiaire de son Eglise sortie de son cœur sacré. Cette Eglise à laquelle il a transmis tous les moyens de la sanctification, en particulier les sacrements et le Saint-Sacrifice de la Messe et la dévotion à la Très Sainte Vierge Marie.

Le traditionaliste est attaché à la dévotion au Saint-Sacrifice de la Messe, à la vraie Messe, à la Messe qui est le Sacrifice de la Croix renouvelé sur l'autel, avec la présence réelle, physique, du Corps, du Sang, de l'âme, de la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ. C'est pourquoi venant communier au Corps et au Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, il s'agenouille, plein de respect, d'adoration, d'action de grâce. II demande pardon au Bon Dieu: Non sum dignes. Non sum dignes, je ne suis pas digne de vous recevoir Seigneur Jésus. Venez-en moi. Aidez-moi à observer les commandements de Dieu. Gardez-moi dans la foi catholique. Car le traditionaliste, comme le dit saint Pie X, est tout simplement catholique. Et c'est vrai. Et c'est pourquoi vous êtes si résolus à garder cette Tradition, parce que vous voulez demeurer catholiques.

Je vous en félicite de tout cœur. Et à ce point de vue le Bon Dieu veut que Saint-Nicolas-du-Chardonnet soit un exemple pour tous ceux qui veulent garder la foi catholique. Dans le monde entier on connaît votre magnifique église. On sait qu'elle est remplie plusieurs fois tous les dimanches et c'est un grand encouragement. Mais pour tous ceux qui n'ont pas le bonheur qui est le vôtre d'avoir des prêtres à votre disposition, ceux qui manquent de prêtres, pensent et s'unissent à vous qui ont l'avantage et la joie d'avoir des prêtres qui les gardent dans la Tradition.

 

UNE GRANDE GRACE QUE LE BON DIEU NOUS A FAITE

 

Oui, mes bien chers frères, c'est une grande grâce que le Bon Dieu nous a faite de nous garder catholiques. Et vous savez bien que dans les circonstances dans lesquelles nous vivons, on nous estime plus ou moins en dehors du bon chemin. On voudrait nous faire croire que nous avons abandonné la voie droite, la voie qui mène à Dieu, qui conduit au Ciel. Eh bien non ; nous sommes bien persuadés qu'en gardant la doctrine qui a été enseignée par l'Eglise pendant vingt siècles, qu'en gardant le magistère de l'Eglise, qu'en gardant le catéchisme du Concile de Trente qui est le résumé de toute notre foi, nous sommes bien sur le chemin du Ciel. Et nous ne voulons pas changer. Nous voulons demeurer ce que nous sommes.

 

DEPUIS DES ANNEES JE DEMANDAIS UNE VISITE A ROME

 

Nous avons donc eu, mes bien chers frères, une visite de Rome et je vous avoue que je l'ai demandée depuis des années. Lorsque j'avais l'occasion de me rendre à Rome, je demandais au cardinal Seper, au cardinal Ratzinger : mais envoyez-nous un visiteur, autant que possible une personnalité, un cardinal. On ne condamne pas quelqu'un sans le connaître : venez voir, venez entendre. Pourquoi ont-ils attendu si longtemps ? Dieu seul le sait ! Peut-être pour nous permettre de nous étendre, de nous développer, de croître sous la grâce du Bon Dieu, de telle manière que l'envoyé de Rome puisse mieux constater les fruits de la Tradition.

 

L'ADMIRATION DU CARDINAL GAGNON DEVANT LES FRUITS DE LA TRADITION

 

Je crois, en toute sincérité, que même si le Cardinal Gagnon n'est pas venu vous rendre visite, il a visité cette église de Saint-Nicolas, il a entendu plusieurs d'entre vous. Il s'est entretenu avec eux, avec vos prêtres, avec de nombreux prêtres partout où il est allé. Et il a dit avec une grande simplicité, je crois avec une grande sincérité son admiration. Admiration de la foi des catholiques qui se tiennent dans la Tradition, admiration également devant leur obéissance aux commandements de Dieu, en voyant tous ces foyers magnifiques qui ont de nombreux enfants, qui observent la loi du Bon Dieu dans leur famille, dans leur foyer. Cela a été pour lui une grande consolation, en particulier pour lui qui est chargé de la Commission pontificale pour la famille. Et il a admiré la dévotion des membres de la Tradition. II a admiré les fruits, ces fruits magnifiques que sont les vocations et particulièrement les vocations contemplatives. Il a pu voir, visiter les carmels, visiter les Moniales de la Font-de-Pertus (Le Barroux). Il a pu visiter aussi les religieuses dominicaines qui enseignent les enfants et que sais-je... toutes les congrégations religieuses, celles de la Fraternité et bien d'autres. Il a donc pu voir qu'il y avait de nombreuses vocations, ferventes, pleinement dévouées à l’œuvre de la contemplation du Bon Dieu et à l'apostolat.

 

Il a pu constater le nombre des familles chrétiennes qui font partie de la Tradition et que celle-ci n'est pas seulement réservée aux personnes qui sont déjà plus âgées, mais au contraire qu'une belle jeunesse était tout à fait attachée à la foi catholique tout simplement. Je suis persuadé, comme il l'a dit lui-même, que le Cardinal fera un rapport favorable pour tout ce qu'il a vu et ce qu'il a entendu.

 

UNE IMPORTANTE PIECE A CONVICTION

 

Ce sera mes bien chers frères, je le pense sincèrement, pour vous et pour nous, une pièce à conviction importante, ce document que j'espère bien avoir entre les mains un jour, bientôt même. Ce sera pour nous une reconnaissance des bienfaits de la Tradition, de ce que peut produire la foi catholique dans les âmes et par conséquent une reconnaissance officielle des bienfaits de notre résistance, de notre maintien de la foi malgré tous les efforts que l'on a fait pour nous faire perdre la foi catholique.

 

 

DEPUIS 20 ANS ON ESSAYE DE NOUS FAIRE PERDRE LA FOI

 

Car depuis vingt ans, beaucoup de personnes responsables dans l'Eglise, s'efforcent de faire perdre la foi aux enfants par les mauvais catéchismes, par toutes sortes d'écrits, par ces congrès de faux théologiens, qui par un faux oecuménisme détruisent la foi de l'Eglise.

Devant Dieu par conséquent, nous aurons cette satisfaction profonde de penser que même la Rome actuelle, la Rome qui hélas ne donne pas toujours l'exemple de la foi catholique, cette Rome reconnaît que la résistance que nous avons opposée à ces forces subversives de l'ordre dans l'Eglise, a été un bienfait et a porté de bons fruits.

 

QUELS SERONT LES RESULTATS DE CETTE VISITE DU CARDINAL GAGNON ?

 

Quel sera le résultat de cette visite, mes bien chers frères, il m'est bien difficile de vous le dire, je ne peux pas savoir exactement quelles seront les propositions qui me seront faites par Rome après la constatation qui a été faite par le cardinal Gagnon.

Mais ce que je puis vous assurer, c'est qu'à Rome, constatant les bienfaits de cette résistance et de ce maintien de la foi catholique dans les cœurs et dans les esprits, ils devraient logiquement nous aider à maintenir cette foi catholique.

 

NOUS REFUSERONS SI...

 

Si par hasard on nous pressait de faire des concessions au Concile, parce que beaucoup de personnalités romaines aujourd'hui - on l'a répété lors des deux derniers Synodes - ne veulent pas imputer ses mauvais fruits à Vatican Il, nous ne pourrions l'accepter.

Jusqu'à présent, il nous semble bien hélas que ses fruits, ceux de cette « Nouvelle Pentecôte » ne sont pas très réjouissants pour l'Eglise. Ils sont même plutôt empoisonnés. Alors s'ils veulent absolument faire en sorte que nous établissions une espèce de compromis avec ces doctrines modernes qui détruisent notre foi, nous refuserions. Nous voulons rester catholiques. Nous n'avons pas combattu pendant vingt ans pour abandonner notre combat et passer dans les rangs de ceux qui perdent la foi.

J'espère qu'ils seront logiques. Concluant que ce que nous faisons est bon et sain, conforme à la doctrine et à la sainteté de l'Eglise, j'espère qu'ils viendront à notre aide d'une manière positive et qu'ils nous permettront de nous développer et de répandre ces bienfaits. Mais je n'en suis pas certain. A cause du poids actuel dans toute cette Eglise modernisée et moderniste, de ces théories qui empoisonnent leurs esprits, je ne serais pas surpris qu'ils' cherchent par tous les moyens à faire en sorte que nous nous rapprochions d'eux et de cet esprit conciliaire. Je redoute cela. Mais je mets ma confiance et, mes bien chers frères, mettez votre confiance dans la Très Sainte Vierge Marie. Ce mois de l'Avent est le mois de la Vierge Marie. Nous venons de fêter l'Immaculée Conception. Marie porte Jésus dans son sein et bientôt elle va nous le présenter. Et pour nous, Jésus qui vient, c'est notre roi. Nous voulons qu'Il règne. C'est notre Dieu. C'est Notre Seigneur. Ce sera notre juge à l'heure de notre mort.

 

LA CROIX ET LA COURONNE

 

Et c'est pourquoi nous voulons qu'Il porte la Couronne, la Couronne du Roi. Qu'Il règne! Qu'Il règne sur nos cœurs, sur nos âmes, sur nos volontés ; qu'Il règne sur nos familles et sur nos Cités. Voilà ce qu'est la Tradition de L'Église. Voilà ce qu'est le traditionalisme. Or, nous sommes obligés de constater que ce Jésus que la Vierge Marie nous donne et qu'elle nous apporte comme le Roi du monde, le Roi de l'Éternité et le Roi du temps, ils veulent le diminuer et ils le diminuent. Ils veulent le mettre au rang de tous les faux dieux. Ils ne veulent plus qu'Il règne sur la Cité. ILS L'ONT DÉCOURONNE. Nous, nous voulons couronner Notre Seigneur Jésus-Christ. Il l'est, que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, Notre-Seigneur sera toujours couronné. Il est Dieu. Il est le Roi. Nous ne pourrons jamais lui enlever la Couronne, mais nous, nous la reconnaissons et nous voulons la reconnaître.

J'ai beaucoup apprécié aussi la dernière livraison de la brochure qui a été faite par notre Institut Universitaire Saint-Pie X : « LA CROIX ET LA COURONNE », montrant que nos rois, autrefois, portaient la Croix et la couronne. Cette union de la couronne et de la Croix est magnifique. Penser que nos rois portaient la Croix. Ils croyaient en le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ et ils voulaient étendre ce règne de Notre Seigneur.

Nous, nous sommes les fils de ceux qui ont uni la couronne et la Croix, parce que nous voulons que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne non seulement dans nos familles, mais aussi dans nos Cités.

 

REFUSER DE DONNER APPUI A CEUX QUI SONT CONTRE LE DÉCALOGUE

 

Vous aurez en 1988, des décisions à prendre, et je pense que vous les prendrez conscients de l'importance qu'il y a de donner à notre pays des dirigeants qui croient au Décalogue et qui l'observent, ainsi que les préceptes de l'Évangile.

C'est la volonté de Dieu. C'est la source de la paix. C'est la source de l'ordre, de l'ordre chrétien. Refusons de donner notre appui à ceux qui sont contre le Décalogue. C'est clair. C'est évident. C'est ce que nous devons dire à ceux qui nous représentent dans les instances supérieures de la Cité. Etes-vous pour ou contre le Décalogue ? Pour la loi du Bon Dieu ? Pour observer sa loi ? - Si oui, nous sommes avec vous, sinon, nous ne sommes pas avec vous. Parce ce que nous voulons que la loi de Dieu règne dans notre pays, comme elle règne dans nos foyers et dans nos églises, comme nous essayons de la faire régner dans nos âmes.

Je souhaite vivement, mes bien chers frères, que vous demeuriez fidèles à la Tradition de l'Église, à la tradition de nos rois chrétiens, à la tradition qui fait de nous des catholiques. Ayez cette ferme résolution de toujours rester catholiques, de ne jamais passer au modernisme, au progressisme et à toutes ces erreurs qui ont été condamnées par notre saint pape Pie X, dernier pape qui soit saint. Soyons fidèles à la doctrine de ce saint qui est un modèle pour notre temps.

Demandons particulièrement à la Très Sainte Vierge Marie et spécialement à Notre-Dame de Fatima qui est la Vierge de notre siècle, car Notre-Dame de Fatima est apparue en 1917 et elle avait préparé son troisième secret pour 1960. Elle est donc venue à notre secours, notre Bonne Mère du Ciel. Elle ne nous oublie pas. Elle a pitié de nous. Elle est venue sur terre à Fatima pour nous dire: prenez garde au danger immense qui risque d'envahir le monde entier : le communisme.

 « Priez, priez, faites pénitence. Consacrez le monde, consacrez la Russie à mon Cœur immaculé et la Russie se convertira ». Elle savait ce qu'elle disait notre Bonne Mère du Ciel et elle le sait toujours.

Nous, nous voulons nous confier à elle.

Demandons-lui tout particulièrement en ce temps de l'Avent, qu'elle vienne à notre secours et qu'elle fasse ce miracle, ce miracle extraordinaire que Rome nous donne la possibilité de continuer à multiplier le nombre des catholiques et à les défendre, à multiplier nos séminaires, nos couvents, nos monastères, nos familles chrétiennes, afin que Notre Seigneur Jésus-Christ, son divin Fils, règne sur la terre comme au Ciel.

 

Ainsi soit-il.

 

Mgr Marcel LEFEBVRE