Chers amis, devant
l'amoncellement de lettres et de communications téléphoniques demandant des
renseignements précis sur « l'affaire du sacre », sachant combien l'opinion est
agitée par les fausses nouvelles, les surenchères, les débats passionnés, nous
avions promis de vous donner quelques éclaircissements sur les relations entre
Mgr Lefebvre et le Vatican. Ayant, il y a quarante-huit heures, téléphoné à Mgr
Lefebvre lui-même, je vais tâcher de résumer sa pensée sans la déformer. II est
exact que Mgr Lefebvre a envisagé - non décidé - de sacrer des
évêques.
1 - QU'EST-CE QUE LE SCHISME?
Mgr Lefebvre refuse
formellement l'idée d'un schisme. Parce que le schisme est un grand péché.
C'est une déchirure qui blesse l'unité d'amour et de direction dans l'Eglise.
« Le schisme, dit saint Thomas d'Aquin, est une sorte de
rébellion, faite de mépris obstiné des préceptes de l'Eglise et d'un refus de
se soumettre à ses décisions » (IIa, IIae, q. 39, a, l ad 2).
Et Cajetan précise : c< La
désobéissance n'est pas un schisme tant qu'elle ne comporte pas une révolte
contre la fonction du pape ou de l'Eglise » . Notez bien, il ne s'agit pas de
s'opposer à des paroles ou à des agissements du pape, mais bien de se révolter
contre sa fonction en tant que telle. Prenons un exemple : si un enfant refuse
d'aller à l'école à la rentrée des classes, c'est de la désobéissance ; si il dit à son père : vous n'êtes plus mon père
mais un étranger pour moi ; je ne vous écoute plus, et ne vous obéirai plus
jamais, c'est un schisme.
2 - Y A-T-IL UN DANGER DE SCHISME ?
Il y aurait un danger de
schisme si les évêques sacrés par Mgr Lefebvre se constituaient en chefs
d'Eglises autonomes (ou autocéphales, comme le disent les Orthodoxes). Mais
dans le cas qui nous occupe, les évêques n'auraient comme fonction que
d'assurer la continuité du sacerdoce fidèle, de continuer de communiquer la vie
divine par les ordinations sacerdotales et les confirmations.
Notez bien, il s'agit d'un vrai
sacre épiscopal conférant tous les pouvoirs d'ordre et de juridiction. Mais
l'évêque ainsi sacré n'userait que de son pouvoir d'ordre, se bornant à
ordonner des prêtres et à confirmer des enfants. Sans « mission canonique », il
ne peut exercer un quelconque pouvoir de juridiction particulière. Consacré
sans la permission du pape, il se gardera de devenir le pasteur d'un diocèse
parallèle ; il refusera, sous peine de devenir schismatique, de se constituer
le chef d'une autre Eglise. Il n'y a qu'une seule Eglise catholique,
apostolique et romaine. Pour rien au monde, par conséquent, il n'usurpera une
juridiction comme l'ont fait les Orthodoxes.
3 - MAIS SI LE PAPE EXCOMMUNIE Mgr LEFEBVRE ?
Nous répondrons : il serait
étonnant que tant d'évêques et de prêtres ouvertement hérétiques dans le monde
ne soient pas inquiétés et que le seul évêque qui garde la foi et les
sacrements soit excommunié !
D'autre part, pour être
excommunié, stipule le Droit Canon, il faut avoir commis un péché grave contre
la foi ou les mœurs. Or Mgr Lefebvre, prélat dont on s'accorde à reconnaître la
sainteté de vie, a plus de quatre-vingt ans : peut-on penser qu'il
choisisse pour perpétrer un si grand péché le moment où il va paraître devant
Dieu ?
Donc, chers amis, gardez votre
sérénité. Ne lisez pas, ou du moins ne croyez pas les journaux ou la
télévision. L'information (aujourd'hui désinformation) est devenue la sorcière
du monde moderne. Comme dans les contes de jadis, cette sorcière jette des
sorts, elle jette des malédictions, impose des slogans, déroute les esprits,
déforme la vérité. Chers amis, au lieu de vous laisser impressionner par ces
media, que vous détestez au fond de vous, attendez patiemment que Mgr Lefebvre
s'explique lui-même quand il aura jugé bon de le faire, peut-être cet
automne.
4 - POURQUOI Mgr LEFEBVRE A-T-IL SOUDAINEMENT PARLÉ
DE L'ÉVENTUALITÉ D'UN SACRE?
Cette mesure extrême ne peut
avoir pour mobile que de très hautes raisons. La raison essentielle, c'est
qu'une rupture dramatique s'est fait jour dans le Magistère de l'Eglise. Cette
rupture, hélas ! entérinée par les hommes du Vatican est apparue dans les
réponses qui ont été données aux « dubia » (objections) que Mgr Lefebvre a
présentées au cardinal Ratzinger, il y a deux ans, concernant la déclaration
conciliaire Dignitatis humanae et les conséquences dramatiques qu'elle a
entraînées. Résumons en deux mots : la nouvelle doctrine consiste à laisser
l'erreur pulluler sous prétexte de liberté, en refusant d'annoncer les droits
souverains du Seigneur Jésus sur les sociétés. Or cette négation de fait de la
Royauté du Christ s'accompagne de la reconnaissance d'un « espace d'autonomie n
en faveur de toutes les religions, leur permettant de développer et de répandre
leurs erreurs. Non seulement, donc, le Vatican cesse d'affirmer l'unique
médiation du Christ entre Dieu et les hommes, mais il interdit aux Etats (même
aux Etats catholiques) de frayer un chemin à l'évangélisation. Comme si
d'autres voies de salut existaient en dehors du Christ. Comme si le Christ
n'avait pas déclaré : « Qui n'amasse pas avec moi dissipe ! ».Jusqu'ici l'Eglise n'a eu de cesse d'affirmer les
droits souverains de Dieu et de son Christ sur toute la société. C'est son
unique raison d'être. Son audace s'appuyait sur un dogme irrécusable que deux
paroles résument : l'affirmation solennelle de Jésus en réponse à Pilate : « Tu
l'as dit : je suis roi » et l'injonction de saint Paul qui en est la
conséquence : « 11 faut qu'Il règne ». Pendant des siècles l'Eglise a rappelé
aux pouvoirs temporels leur devoir de la protéger et de l'aider à répandre son
message, sa doctrine, ses sacrements, qui sont pour le Christ le moyen de
régner sur le monde et de sauver les âmes.
Eh bien, cela, c'est fini.
Maintenant les hommes du Vatican envoient des nonces dans tous les pays pour
dire aux gouvernements, même catholiques : il faut donner un « espace
d'autonomie » à toutes les religions. Même celles qui veulent renverser la
royauté de Jésus-Christ ? Oui, même celles-là.
5 - ALORS C'EST « L'AUTODESTRUCTION » DE L'ÉGLISE
DONT PARLAIT PAUL VI?
Disons que ce sont les plus
hauts dignitaires de l'Eglise eux-mêmes qui semblent travailler à supprimer,
abolir le rempart qu'elle avait édifié au cours des siècles contre les poisons
de l'erreur et du vice. Ils encouragent ce que Léon XIII appelait « la liberté de l'erreur, la liberté de perdition ».
Ils donnent une voix, une représentation, une aire d'extension à ceux qui
disent: « Nous ne voulons pas que le Christ règne sur nous ».
L'Eglise abolissant le système de défense de son propre organisme s'est mise pour ainsi dire elle-même en état d'immuno-déficience, dont vous connaissez le syndrome fatal. Tout le monde en parle. Je tairai son nom.
Voici entre mille, un exemple
frappant que donne Mgr Lefebvre : celui de la Colombie. « Si la Colombie était
en 1966 un pays encore à 95 % catholique, c'est grâce à l'Etat, qui a empêché
par sa Constitution la propagation des sectes protestantes : aide inappréciable
à l'Eglise catholique ! En protégeant la foi des citoyens, ces lois et ces chefs
d'Etat auront contribué à mener au ciel des millions d'individus, qui auront la
vie éternelle grâce à ces lois et ne l'auraient pas eue sans cela ! - Or
maintenant en Colombie c'est terminé !
Cette loi fondamentale a été
supprimée sur les instances du Vatican, en application de la « liberté
religieuse » de Vatican II ! Alors actuellement les sectes pullulent ; et ces
pauvres gens simples sont désarmés face à la propagande de sectes protestantes
pourries d'argent et de moyens, qui viennent et reviennent sans cesse
endoctriner les analphabètes.
Je n'invente rien, Eh bien
cela, n'est-ce pas une véritable oppression des consciences, protestante
et maçonnique ? Voilà où aboutit la prétendue liberté religieuse du Concile !
».
Dans le même ordre d'idées, nos
frères qui fondent un monastère au Brésil nous ont écrit dernièrement que des
sectes protestantes venues d'Amérique du Nord avaient acheté toute une vallée,
où sévissent leurs prédicants, et que c'est toute une population sans défense
qui passe au protestantisme.
Voilà pourquoi Mgr Lefebvre est
allé à Rome déposer aux pieds du Saint Père le livre « Ils L'ont découronné ».
Il a dit au cardinal Ratzinger : « Voici la doctrine de l'Eglise ; si vous êtes
d'accord, alors il faut lutter contre les erreurs qui s'y opposent. Sinon, nous
ne pouvons plus vous faire confiance ».
Chers amis, gardons notre calme
et notre sérénité. Si nous prions, si nous restons fermement attachés, à la
Tradition de l'Eglise, nous sommes sûrs de ne pas être trompés, et nous
connaîtrons, même au milieu des tempêtes, la joie de l'âme et la tranquillité
de l'esprit.