Mgr
Lefebvre
« Si c'est mon devoir je sacrerai des évêques »
- Monseigneur, votre dernière déclaration publique est un violent
acte d'accusation contre la réunion de prière d'Assise... N'avez-vous pas
l'impression de confondre l 'oecuménisme du pape Wojtyla avec l idéologie
déformée du dialogue inter-religieux - si en vogue au cours des
années passées -qui nie l'unicité historique du salut chrétien ?
Mgr L. -
Je ne vois qu'un type d'oecuménisme : celui promu par le Concile, qui souligne
le respect et la collaboration avec les fausses religions, mises sur le même
pied. C'est une conception nouvelle, en contradiction avec la Tradition, qui a
été ainsi imposée. A la place de l'Eglise « missionnaire » apparaît la nouvelle
Eglise « oecuménique ». La réunion d'Assise consacre cette nouvelle Eglise, et
cela est énorme, scandaleux. D'autre part, cette initiative a un précédent
significatif : il y a près d'un siècle, en 1894, à Chicago, se tint un
spectaculaire Congrès des religions mondiales auquel prirent part des évêques
catholiques américains.
Si on rapproche leurs discours
d'alors de celui qu'a adressé le Pape aux cardinaux en décembre dernier sur l'«
esprit d'Assise », on relève des analogies impressionnantes. Mais, il y a un
siècle, le pape Léon XIII condamna sans réserve la participation des évêques
des Etats-Unis au Congrès de Chicago. Non, c'est un scandale, un
blasphème public: pensez aux missionnaires catholiques qui, en Afrique, ont vu
à la télévision les représentants des religions animistes prier à Assise à
l'invitation du Pape... Dans quel esprit pourront-ils continuer l’œuvre
ardue de l'évangélisation parmi les populations qui suivent ces rites païens ?
Si le salut est possible même sans la conversion au Christ dans l'Eglise, et en
continuant d'adorer ses faux dieux, quel sens a encore la mission ? Toutes les
religions sont donc égales, bonnes... Si ce pape avait vécu au temps des
persécutions romaines des premiers siècles, peut-être le christianisme
aurait-il trouvé une place respectable au Panthéon des religions.
- Vous tracez une caricature de l’oecuménisme du Pape! Jean-Paul
II n'a jamais dit que toute religion est une voie ordinaire dé salut. Même à
Assise, il a proclamé sans équivoque la certitude que seul le Christ sauve et
mène à bonne fin le sens religieux naturel.
Mgr L. - Certes, la position du Pape n'est pas celle du
libéralisme pur, selon lequel toutes les religions se valent. Mais on peut
parler de catholicisme libéral, qui donne la première place à la conscience et
rend subjective la vérité que pourtant il professe. Vous n'êtes pas d'accord,
mais si l'on examine attentivement le protocole suivi à Assise, on« voit
comment la « philosophie » inspiratrice a été de mettre sur un plan d'égalité
absolue, toutes les religions représentées. On peut objecter que le Pape
siégeait au centre des invités, mais je suis sûr que quand il se rendra à
Tokyo, lors de la prochaine édition de la réunion de prière, n'étant plus
maître de maison, il n'occupera pas une place spéciale ou prééminente. Il sera
un parmi les autres.
- Pourtant, lorsque vous êtes sorti de l'audience du 18 novembre 1978, le ton de vos déclarations
était bien différent: « J'ai confiance, avez-vous dit, avec Jean-Paul
II tout devient possible». A quoi attribuez-vous votre changement d'attitude
?
Mgr L. - J'avais été frappé par un passage de son
discours dans lequel il affirmait que le Concile devait être lu à la lumière de
la Tradition. Enfin! me dis-je, on peut espérer une révision de Vatican
II. Mais, mon attente a été déçue. Qui sait, ce furent peut-être les
hommes de la Curie qui l'empêchèrent d'avancer sur cette voie... Tout le monde
sait qu'agit au Vatican une influente mafia libérale-maçonnique sans le «
placet » de laquelle aucun changement n'est possible. Aussi est-on arrivé
au moment actuel de l'Eglise où l'on célèbre le triomphe du libéralisme.
- Après cette audience, n'avez-vous plus rencontré le Pape en
privé ?
Mgr L. - Non, je n'ai eu de contacts « officiels »
qu'avec le cardinal Ratzinger, le cardinal Oddi et le cardinal Gagnon. A titre
plus « officieux » j'ai aussi rencontré le Français Jean Guitton, qui se montre
extrêmement intéressé à mon « cas ».
- On peut se douter qu'au cours de ces entretiens vous avez discuté
d'éventuelles solutions de votre « cas ». Peut-on en parler ?
Mgr L. - Le Saint-Siège serait disposé à «
régulariser » l'existence de notre oeuvre, la « Fraternité sacerdotale Saint-Pie
X », à laquelle fut retirée en 1975, par une décision que je tiens pour
invalide au plan juridique, l'approbation ecclésiastique accordée le l er
novembre 1970. On a dit que le Pape serait tout à fait disposé à ériger la
Fraternité en Prélature personnelle. Nous aurions en outre l' autorisation,
déjà prévue en partie par l'indult de 1984, de célébrer la messe selon l'ancien
rite de saint Pie V. Le tout à condition, cependant, que nous souscrivions à
une déclaration de pleine acceptation des décrets et réformes de Vatican II.
Mais, cela en conscience, ne nous est pas possible.
- Le 29 janvier 1979, vous avez déclaré avec satisfaction à un
journal suisse: « Le Pape lui-même m'a dit qu il suffirait d'une
déclaration de ma part, dans laquelle je dise accepter le Concile selon la Tradition ». Un accord est alors apparu
possible, ou bien faisons-nous erreur ?
Mgr L. - Même le cardinal Ratzinger, quand il fut nommé
Préfet de l'ex Saint Office, pensa que notre cas pourrait être résolu en
quelques mois. Mais il faut être honnête. La phrase que vous avez citée peut
être interprétée de diverses manières. Que signifie « accepter le Concile selon
la Tradition ? » Nous en avons parlé plusieurs fois, précisément avec le
cardinal Ratzinger
pour lui, cela veut dire que
les thèses de Vatican II devraient être intégrées dans celles de la Tradition.
Mais, intégrer, est un verbe encore vague. A mon avis, il convient de
distinguer. II y a quelques textes conciliaires évidemment, conformes à la
Tradition, qui ne posent aucun problème: je pense à Lumen Gentium, mais aussi à d'autres documents, tel celui sur la
formation sacerdotale et sur les séminaires. Il y a ensuite des textes ambigus,
qui peuvent cependant d'une certaine manière être correctement « interprétés »
selon le Magistère précédent. Mais il y a aussi des textes franchement en
contradiction avec la Tradition et qu'il n'est possible en aucune manière d'«
intégrer » : la Déclaration sur la Liberté religieuse, le décret sur
Oecuménisme, celui sur la Liturgie. Ici, l'accord devient impossible...
- Pour autant que nous le sachions, vous avez voté en faveur du
décret sur la Liturgie...
Mgr L. - Oui, je dois l'admettre... mais, je ne pouvais
prévoir juqu'où irait la réforme liturgique...
- Et vous avez célébré pendant quelques années, la messe selon le
nouveau rite...
Mgr L. - J'ai célébré la messe selon les nouvelles
directions liturgiques de 1965, mais jamais selon celles définitives de 1968 et
qui portent la signature de Mgr Bugnini. De toute façon, c'est la Déclaration
sur la Liberté religieuse qui est la vraie pomme de discorde, parce que de
l'introduction de ce principe libéral dans l'Eglise, découlent les autres
erreurs. La rupture avec la Tradition dans ce cas est évidente: onze papes, de
Pie VI à Pie XII, ont condamné le libéralisme, le Concile l'a approuvé.
Personne ne peut me convaincre qu'il n'existe pas une contradiction. Quand, au
cours de l'audience que j'eus à Castelgandolfo en septembre 1976, je posai la
question à Paul VI, il me répondit: « On n'a pas le temps maintenant de parler
de théologie ». Comme s'il s'agissait d'une question purement académique !
- Et le cardinal Ratzinger, quelle réponse vous a-t-il
donnée ?
Mgr L. - Le Préfet de la Congrégation pour la doctrine de
la foi m'avait demandé de mettre par écrit mes opinions et mes doutes sur ce
thème. C'est ce que j'ai fait, et je lui ai envoyé en novembre 1985 une étude
de cent cinquante pages dactylographiées. En janvier 1986, il m'a répondu qu'il
avait reçu ces documents et qu'il en avait apprécié le soin philologique. Nous
savons que le Saint Siège a demandé à tous les épiscopats d'envoyer à Rome une
étude sur le thème de la liberté religieuse et que l'épiscopat français a déjà
envoyé sa contribution. Le père jésuite qui en est le rédacteur écrit : « Il
est tragique que tous les papes du XIXe siècle n'aient pas compris la vérité
chrétienne qui se trouve dans les principes de la Révolution française » . Vous
voyez, il y a rupture, et comment!
REVISER VATICAN II
- Etant donné ces préliminaires, la seule solution du « cas »
Lefebvre que vous puissiez accepter, semblerait être un désaveu public de
Vatican II par le Souverain Pontife. Mais, est-ce que vous voyez le Pape,
un dimanche matin, se montrer place Saint-Pierre et annoncer aux fidèles
qu'après plus de vingt ans, il s’est avisé que le Concile s est trompé et qu il
faut abolir au moins deux décrets votés par la majorité des Pères et approuvés
par un Pape ?
Mgr L. - Allons donc! A Rome,
on saurait bien trouver une modalité plus discrète... Le Pape pourrait affirmer
avec autorité que quelques textes de Vatican II ont besoin d'être mieux
interprétés à la lumière de la Tradition, de sorte qu'il devient nécessaire de
changer quelques phrases, pour les rendre plus conformes au Magistère des papes
précédents.
II faudrait qu'on dise
clairement que l'erreur ne peut être que « tolérée », mais qu'elle ne peut
avoir de « droits » ; et que l'Etat neutre au plan religieux ne peut, ni ne
doit exister. Mais, bien sûr, je ne me fais pas d'illusions : même si le Pape
voulait apporter ces corrections, il ne pourrait pas le faire. Cette « mafia
libérale-maçonnique » à laquelle j'ai déjà fait allusion, ne peut le
tolérer.
- Vous avez un certain penchant à voir des « complots » un peu
partout. Cinq jours avant d'être frappé de la suspense « a divinis », écrivant
à Paul VI, vous avez dénoncé « une entente secrète entre de hauts dignitaires
ecclésiastiques et francs-maçons, établie dès avant le Concile »...
Mgr L. - Mais, tous les journaux américains ont écrit
que, avant le Concile, le cardinal Bea, fondateur du Secrétariat du Vatican
pour l’œcuménisme, rencontra à l'hôtel Astoria de New York, les chefs de la
loge judéo-maçonnique la plus influente et leur demanda ce qu'ils
espéraient du Concile. « Une déclaration sur la liberté religieuse », lui
répondirent-ils.
- Vous avez plusieurs fois qualifié de défenseurs de 1’« ordre
chrétien » des personnages comme Franco, Salazar et maintenant Pinochet. Les
régimes dictatoriaux sont-ils donc la seule traduction historique
possible de l'« Etat catholique » ?
Mgr L. - Prenons Pinochet. Je ne dis pas que son régime
soit parfait, mais du moins trouvons-nous les principes chrétiens pour
programme fondamental de son orientation politique. C'est un homme de justice
et d'ordre et il favorise la présence de l'Eglise catholique, même si les
évêques chiliens - quel paradoxe! - ne lui sont nullement
reconnaissants. Il semble plutôt que les évêques chiliens veuillent pour leur
pays, un nouvel Allende. Par bonheur, le peuple catholique ne les suit pas sur
ce point. Je suis allé à Santiago il y a un mois, pour inaugurer l'ouverture de
l'une de nos églises. Je crois que les fidèles nous suivraient en masse, si
nous avions suffisamment de prêtres, tant ils sont exaspérés par l'attitude de
leur hiérarchie ! Quand Pinochet a échappé dernièrement à un attentat, il s'est
déroulé dans la capitale des manifestations de solidarité et d'affection à son
égard. Beaucoup d'entre elles ont eu un caractère religieux spontané. Les gens
criaient : « Merci, très Sainte Vierge, d'avoir protégé la vie du général ».
- Pouvez-vous tracer à grands traits, une carte de 1’extension
de votre Oeuvre dans le monde ?
Mgr L. - Nous sommes présents dans vingt-huit
nations et sur tous les continents, sauf l'Asie, bien que nous projetons de
fonder une maison en Inde. Nous gérons cinq séminaires, environ quatre-vingt-dix
prieurés, plusieurs écoles et à Paris, un Institut universitaire. Deux cents
prêtres et cinquante religieuses sont effectivement membres de notre
Fraternité. Mais, un bien plus grand nombre de prêtres et de soeurs, sans en
être membres, se reconnaissent dans notre OEuvre.
UN ISOLEMENT QUI N'EST QU'APPARENT
- Votre isolement croissant dans l'Eglise ne fait-il pas
grandir quelque doute en vous ?
Mgr L. - Notre isolement est plus apparent que réel. De
nombreux évêques et au moins une dizaine de cardinaux m'ont dit en privé qu'ils
partagent nos positions. Je pourrais dévoiler leurs noms et prénoms. Nous
savons par exemple qu'un certain nombre de cardinaux n'étaient pas d'accord
avec la réunion d'Assise et ont manifesté leurs réserves au Pape. Mais aussi,
et surtout, nous ne nous sentons pas isolés par rapport au passé, à la
Tradition. Nous nous faisons fort des paroles et du Magistère de l'Eglise qui
nous a précédés.
- Récemment, deux cas de défection dans vos rangs ont eu un écho
discret dans l'opinion publique: les six jeunes séminaristes d’Ecône et le
couvent du père Joly à Flavigny. Comment les expliquez-vous ?
Mgr L. - Les séminaristes ont été influencés par des
prêtres de l'extérieur qui ont agité devant eux l'épouvantail de
l'excommunication. Mais, il est normal que, dans un séminaire, il se produise
de temps en temps des abandons. Il faut dire aussi que, en regard des
défections motivées par notre « raidissement » présumé vis-à-vis de
Rome, il y en a eu d'autres justifiées par notre « faiblesse » présumée à
l'endroit du Pape.
- Parler d '« influences extérieures » est peut-être valable
pour ce qui concerne les jeunes séminaristes, mais cela ne tient pas dans le
cas du père Joly ..
Mgr L. - Il a toujours été un homme assez fermé. Il était
difficile d'entrer dans son couvent. Un jour, presque à l'improviste, il a
décidé d'accepter de nouveau la juridiction de l'évêque de Dijon. Etrange. II
était beaucoup plus traditionaliste que nous. J'ai procédé à vingt-quatre
ordinations sacerdotales dans son couvent. Il devra désormais célébrer la nouvelle
messe de Paul VI.
LA FOI CATHOLIQUE EN PÉRIL
- Admettons, comme une simple hypothèse, que vous ayez raison. Est-ce
que l'histoire de l'Église et la Tradition de ses saints ne nous enseignent pas
précisément que la voie droite de 1’obéissance est la seule qui avec le temps
porte ses fruits ?
Mgr L. - S'il ne s'agissait que d'une difficulté «
disciplinaire », je n'aurais aucune hésitation. Si Pie XII était aujourd'hui
vivant et me demandait de fermer le séminaire d'Ecône, mon obéissance serait
immédiate et sans problème. Mais, aujourd'hui, c'est la foi elle-même qui
est en jeu. Je sens que l'Église « conciliaire » change et met en péril le
centre de la foi catholique. Pour ce motif l'obéissance n'est plus possible.
Même le Pape n'a pas le pouvoir de changer la foi, il n’en est que le
serviteur. Accepter la liberté religieuse, l'oecuménisme, les réformes
conciliaires, signifierait pour moi contribuer à l’œuvre d'« auto-démolition
» de l'Église. En conscience, cela ne m'est pas possible. Le libéralisme du
Pape détruit de l'intérieur la foi catholique.
- Pardon, mais quelle définition donnez-vous de la foi ?
Mgr L. - La foi est l'enseignement de l'Église au cours
des siècles, conformément à l'enseignement des Apôtres.
- Cela semble plutôt une définition de la tradition, non de la foi...
Mgr L. - Alors, je
vous donne une autre définition, celle que contient le serment anti-moderniste
de Pie X : la soumission de l'intelligence et de la volonté à la Révélation de
Dieu, parce que Dieu est l'autorité suprême et qu'Il ne peut se tromper.
- Et il vous semble vraiment que Paul VI et Jean-Paul II ont
changé en substance ce noyau fondamental de la foi ? Vous iriez jusqu à
1’affirmer ?
Mgr L. - Je pense qu'ils donnent une autre définition de
la foi. Pour eux la foi est un sentiment religieux, un acte intérieur,
subjectif.
- Subjectif ? « Redemptor Hominis s dit que « le Christ est le centre du cosmos et de I histoire ! » C est autre chose que de I 'intériorité pure
!
Mgr L. - Mais alors, pourquoi mettent-ils une aussi
grande emphase sur la conscience, sur le devoir de « respecter » les
consciences ? La conscience est faite pour obéir à la Révélation, non pour soi-même.
Le problème est que pour les derniers papes - chrétiennement parlant -
le « sujet » vient avant « l'objet ». Tandis que pour la tradition de
l'Église, c'est exactement le contraire qui est vrai : l'objet précède le
sujet... Il existe donc une obligation morale d'adhérer à la foi catholique,
que l'État, en tant qu'organisation suprême de la communauté publique, peut et
doit reconnaître et privilégier.
- Sans nier, du reste, un principe fondamental de la Tradition, saint
Thomas en tête, à savoir que l’obéissance au donné de la Révélation, si elle
n'est pas pleinement libre et consciente, n'est pas une véritable obéissance...
En tout cas, on peut discuter sur la validité historique ou non de
I’ « Etat catholique » dans le monde d 'aujourd'hui ; ce qui apparaît pour le moins exagéré,
c’est de faire de sa nécessité, un article de foi..
Mgr L. - A mon avis, les questions sont inséparablement
connexes. L'acceptation du principe de la « liberté religieuse » manifeste une
vision « subjective » de la foi. Le pape Wojtyla peut même affirmer que le
Christ est le centre du cosmos et de l'histoire, mais en même temps percevoir
cette affirmation comme l’« opinion » personnelle des catholiques. Niant, de
cette manière, le caractère « exclusif » et « catholique », c'est-à-dire
universel de la foi. Non, tout cela est inacceptable, cela va à l'encontre de
la tradition, de la foi, à l'encontre du Magistère de onze papes, de Pie VI à
Pie XII .Je choisis de suivre ces onze papes et non les deux derniers.
AVEZ-VOUS SACRE SECRETEMENT UN EVEQUE ?
- Monseigneur, vous avez plusieurs fois menacé de sacrer un évêque
qui poursuive votre oeuvre. D'aucuns pensent que vous avez déjà procédé
secrètement, à un épiscopat: pouvez-vous en conscience démentir des
rumeurs ?
Mgr L. - Oui, de la manière la plus catégorique. Si je le
fais, je le ferai publiquement.
- Quelles circonstances devront se produire pour que vous
franchissiez ce pas gravissime qui entraîne « ipso facto », 1 excommunication ?
Mgr L. - J'attends un signe de la Providence. Lequel, je
ne sais pas. Je ne suis pas prêt à le faire tout de suite... peut-être
d'ici un an. Mais, je veux préciser une chose : les évêques que je sacrerai, si
j'en sacre, n'auront aucune autorité spéciale dans la Fraternité. Ils auraient
pour seule tâche d'administrer les ordinations sacerdotales et de donner la
Confirmation. Ils n'auront pas un territoire, une région ; la juridiction de
l'Ordre appartient au Supérieur général : c'est lui le chef de la Fraternité,
qui envoie les personnes et fonde les prieurés. Actuellement, le Supérieur
général est l'abbé Schmidberger, qui a été élu par le chapitre général de 1982,
avec un mandat de douze ans, donc jusqu'en 1994. C'est lui qui me succède comme
autorité à l'intérieur de la Fraternité.
- Sauf erreur de notre part, vous avez utilisé le pluriel, en parlant
de sacres épiscopaux..
Mgr L. - Si en conscience je juge nécessaire, pour le
bien de Oeuvre par moi fondée, de franchir ce pas, je procéderai non pas à un,
mais à trois, quatre ou peut-être cinq sacres épiscopaux. L'Oeuvre a des
maisons dans le monde entier et je dois en tenir compte en pensant à l'avenir.
- Mais concrètement, qu'est-ce qui pourrait vous empêcher de
faire ce geste ouvertement « schismatique » ?
Mgr L. - Si la situation ecclésiale redevenait normale,
si on revenait à la Tradition, il n'y aurait plus de problème.
DIEU SEUL EST MAITRE DE L'AVENIR
- Monseigneur, comment imaginez-vous ce « retour » à la
tradition ? Pensez-vous qu'il puisse se produire dans le cours des années
qu’il vous reste à vivre ?
Mgr L. - Dieu le sait. Qui peut dire quels événements
nous réserve le proche avenir ? Peut-être un conflit nucléaire éclatera-t-il
et la situation changera-t-elle radicalement... Que le changement
advienne sous ce pontificat, pour le moment cela semble improbable, presque un
miracle. Mais qui sait ?
- A la seule pensée de terminer votre vie non réconcilié avec
l'Eglise, quels sentiments éprouvez-vous ?
Mgr L. - On ne peut considérer comme hors de l'Eglise que
ceux qui n'ont pas la foi, car la raison fondamentale de l'unité, dans l'Eglise
catholique, c'est la foi. Ceux qui provoquent le schisme, ce sont ceux qui
changent la foi. Je suis certain d'appartenir à l'Eglise catholique de
toujours, l'Eglise éternelle...
- Dans votre optique, le Pape serait donc schismatique ?
Mgr L. - Oui... peut-être... plus ou moins. Mais la
réunion d'Assise constitue un fait gravissime. Et, si le Pape, dont la fonction
est de confirmer la foi, n'accomplit plus son devoir, que faire ? La situation
atteint son plus haut degré de gravité. Je ne vois pas de précédents analogues
dans l'histoire de l'Eglise. Au XIVe siècle, un pape, Jean XXII, fut condamné
et déposé par un Concile spécial parce que sur un point il ne fut pas trouvé
conforme à la doctrine catholique. Aujourd'hui, c'est encore pis : ce n'est pas
un seul article, mais tout un contexte qui n'est plus catholique.
- Est-ce que vraiment la menace d’une excommunication de la
part de la hiérarchie catholique actuelle vous laisserait indifférent ?
Mgr L. - Absolument indifférent. Quelle valeur aurait une
excommunication décidée par l'actuel gouvernement libéral de l'Eglise ? Pendant
plus d'un siècle des papes conservateurs ont condamné et excommunié les
Lamennais, les Buonaiuti, les Loisy, parce que libéraux et modernistes. Ce sont
eux maintenant qui détiennent le pouvoir dans l'Eglise et ils veulent excommunier
les traditionalistes, c'est-à-dire les vrais catholiques ».
LE BON DIEU NE PEUT PAS NE PAS VOULOIR QUE LA
FRATERNITE CONTINUE
La réponse que Mgr Lefebvre a
faite aux deux journalistes italiens à propos d'un sacre éventuel d'évêques, ne
constitue pas ce que l'on appelle en jargon journalistique un « scoop ».
En effet, Monseigneur a bien des fois exprimé sa
préoccupation quant à 1 avenir de la transmission du sacerdoce catholique, sans
toutefois vouloir devancer la Providence.
Très officiellement dans la
solennelle mise en garde qu'il avait adressée au Saint Père, conjointement avec
Mgr de Castro Mayer, le 31 août 1985, les deux évêques concluaient en affirmant
K ...nous ne pourrons que persévérer dans la sainte tradition de l'Eglise et
prendre toutes les décisions nécessaires pour que l'Eglise garde un clergé
fidèle à la foi catholique ».
Au mois de septembre dernier,
lors de la retraite sacerdotale à Ecône. Mgr Lefebvre avait explicité sa
pensée.
Evoquant les fatigues que lui
causent ces incessants déplacements à travers le monde et qui se multiplient au
fur et à mesure que se développe la Fraternité, Monseigneur a d'abord défini le
rôle des évêques qu il pourrait être amené à sacrer, comme devant être ses «
auxiliaires ».
Il est clair, comme il l’a dit
aux journalistes italiens, que la tâche qui leur serait confiée serait
essentiellement celle des ordinations et des confirmations, sans aucune
attribution de juridiction, ni autorité territoriale particulière dans la
Fraternité, le Supérieur général, élu par le chapitre, l’exerçant.
« Ils pourraient avoir une
fonction, comme moi-même en son temps, lorsque je dirigeais le séminaire
d'Ecône et allais donner les confirmations.
Ce qui compte devant l'Eglise,
devant les autorités de l'Eglise, qui espérons-le, un jour changeront
d'esprit et de doctrine, c'est ce que représente la Fraternité, et non les
évêques que je pourrais sacrer, ou son Supérieur général.
Ils seraient au service de la
Fraternité, parce que c'est elle qui est d'Eglise, qui est entée sur l'Eglise
et qui a reçu les approbations officielles de l'Eglise .
Si un jour, je sacre des
évêques, ce ne sera jamais dans l'intention de créer une église parallèle. Il
n'en est absolument pas question. Il s'agit simplement de pouvoir continuer la
Fraternité, afin qu'elle ne meure pas de sa belle mort, parce qu'il n'y aurait
plus personne pour faire des prêtres. C'est tout, uniquement tout.
Et le jour où le Bon Dieu
permettra qu'à Rome la lumière remplace les ténèbres qui y règnent maintenant,
la Tradition reviendra. Il n'y aura plus aucun problème. Les évêques remettront
leur charge épiscopale entre les mains du Pape en disant: « Maintenant, nous
vivons comme de simples prêtres et si vous le désirez, utilisez-nous ».
Ce qui importe, c'est que la Fraternité,
qui est une oeuvre voulue par Dieu, continue. Je voudrais bien qu'il y ait
quatre ou cinq évêques qui viennent me dire : « Nous nous chargeons des
ordinations et des confirmations ». Alors ce serait fini. II n'y aurait plus de
problème. Nous dirions : Deo gratias ! »
ASSURER LA PERPETUATION DU SACERDOCE CATHOLIQUE
Au cours d’une conférence faite
au mois de février au séminaire de Zaitzkofen, Mgr Lefebvre a de nouveau
développé sa préoccupation relative à la perpétuation du sacerdoce catholique.
« Comment voyez-vous
l'avenir ? Comment allez-vous assurer votre succession ? Ce sont les
questions que tous me posent.
Il nous faut d'abord nous
placer dans le contexte historique où nous nous trouvons parce qu'il est le
signe de la Providence.
J'ai toujours souhaité suivre
la Providence et non la devancer. Or, actuellement les signes de la Providence
sont clairs : Rome est en train de perdre la foi. Non pas que tout le monde
soit hérétique, mais beaucoup perdent la foi.
L'influence de Rome s'exerce sur
l'Eglise tout entière, sur les diocèses, sur toutes les institutions et nul ne
peut contester qu'à l'heure actuelle il n'y a plus de séminaires traditionnels
dans le monde, mis à part ceux de la Fraternité. Même si certains ont un aspect
un peu traditionnel, comme le séminaire du cardinal Siri à Gênes, ou celui de
Ratisbonne en Allemagne fédérale, ou celui qui se trouve en Espagne, ou bien
encore le séminaire de Paray-le-Monial, tous subissent l'influence
de Vatican II. On y porte quelquefois la soutane, dans les cérémonies il y a
une certaine discipline, une forme de piété, mais on admet la liberté
religieuse, l’œcuménisme, la nouvelle liturgie, la collégialité, le nouveau
droit canon, enfin tout ce qui vient de Vatican II. L'esprit libéral et
moderniste a pénétré dans ces séminaires.
Je n'en connais pas un seul où
l'on ait gardé fidèlement ce que nous conservons dans nos séminaires.
Lorsque je vais mourir, qui va
continuer le sacerdoce catholique ? On ne forme pas les prêtres n'importe
comment. Le sacerdoce catholique maintient l'esprit de l'Eglise et perpétue
l’œuvre de la Rédemption de Notre-Seigneur Jésus-Christ par l'Eglise, par
le Saint Sacrifice de la Messe, par les sacrements, par la foi intégrale, par
la tradition. C'est simple.
« FAUT-IL QUE JE SACRE DES EVEQUES ?
»
Evidemment la question se pose.
Pour continuer, faut-il que je sacre des évêques, ou faut-il que je
laisse les séminaristes se débrouiller pour qu'après ma mort ils trouvent des
évêques pour les ordonner ?
Je ne connais pas dans le monde
un évêque qui accepterait de le faire, Plusieurs cardinaux et des évêques ont
une certaine sympathie pour la Fraternité. Mais je ne crois pas que l'un ou
l'autre accepterait d'ordonner nos séminaristes, de crainte des foudres de
Rome. C'est pour avoir ordonné des prêtres que j'ai été illégalement et
injustement frappé d'une mesure de suspense. A plus forte raison si je sacrais
des évêques !
Dans le nouveau droit canon,
l'excommunication est portée et sans doute n'est-ce pas un hasard. Cela
n'a pas été fait sans penser à nous. Alors ces évêques n'oseront pas risquer
d'être excommuniés.
Moi, cela ne me fait pas peur,
car Rome nous traite déjà pratiquement comme si nous étions excommuniés. Que
peut-on faire de plus contre nous.
A supposer que je sois
excommunié, que nous soyons tous excommuniés, quel mal supplémentaire viendrait
s'ajouter à ce que nous subissons déjà maintenant ? Nous ne pouvons plus aller
dans les paroisses. On ne peut pas célébrer la messe dans une église. Si nous
demandons une autorisation à un évêque pour une circonstance exceptionnelle,
elle nous est refusée. Si nous voulons faire la moindre cérémonie dans un
diocèse, des communiqués sont donnés à la presse, interdisant aux fidèles de
s'y rendre : « Ils sont suspens! Ils sont en rupture avec Rome, contre
Rome. Ils ne sont plus en communion avec le Pape ».
Une excommunication ne nous
apporterait rien de plus, surtout si l'on veut bien considérer d'où elle
viendrait. Etre excommunié par des libéraux, par des modernistes, ce serait plutôt
une marque d'orthodoxie. Cela prouverait que nous sommes demeurés dans la bonne
ligne. Nous serions excommuniés parce que l'on ne pense pas comme eux. Eh bien
oui, nous ne pensons pas comme eux. C'est vrai!
Nous nous trouvons donc dans
une situation qui revêt un certain caractère d'urgence. Certes le Bon Dieu me
laisse une assez bonne santé. Mais, les années passent et j'approche de la fin.
Nos séminaires sont remplis de séminaristes, prêts à recevoir le sacerdoce.
Alors devant ce refus qui nous est opposé de lever cette suspense, à laquelle
ils croient, mais dont j'ai déjà prouvé qu'elle était illégale, nous sommes
empêchés de poursuivre normalement l’œuvre de la Fraternité pourtant reconnue
officiellement et en l'absence d'évêque qui puisse me remplacer, que faut-il
faire ?
Dois-je ne rien faire et
m'en remettre totalement à la grâce de Dieu, à la Providence : arrivera ce qui
arrivera ; ou bien dois-je considérer qu'il est de mon devoir de sacrer
quelques évêques pour permettre au sacerdoce catholique de continuer afin de
sauver les âmes ?
C'est pourquoi, avec Mgr de
Castro Mayer, lors de notre dernière rencontre en Argentine, nous n'avons pas
écarté cette éventualité.
Naturellement on peut rétorquer
que pour sacrer des évêques qui aient la succession apostolique, il faut
l'autorisation de Rome. C'est vrai. Et pourquoi n'aurions-nous pas cette
autorisation ? Non pas parce que ce que nous ferions serait mauvais, mais parce
que ce serait contraire à l'orientation actuelle moderniste et libérale de Rome.
« Vous allez faire des évêques traditionnels, pour ordonner des prêtres
traditionnels. Nous n'en voulons plus. Nous voulons des prêtres qui soient dans
l'esprit de Vatican II ».
On peut conclure de cette
opposition radicale, qu'il est impossible d'accéder moralement au Pape -
physiquement bien sûr c'est toujours possible - mais moralement, parce
qu'il est orienté vers l'application du Concile et ses conséquences. C'est son
oeuvre. C'est son but. Il est inutile d'essayer de placer la tradition dans son
esprit.
POURTANT LE PAPE FAIT DE BONNES CHOSES...
On nous dira mais enfin Jean-Paul
II fait une année mariale, il publie des lettres qui ne sont pas mauvaises...
Alors, relisons l'Encyclique Pascendi du
pape Pie X, il dit en substance : Voilà comment sont les modernistes. Vous
lisez une page. C'est parfait, orthodoxie rigoureuse, excellente. Vous tournez
la page, celle-là n'est plus du tout conforme à la doctrine de l'Eglise
catholique, absolument opposée au magistère de l'Eglise. Cela, c'est proprement
moderniste. Il y a deux hommes dans le moderniste : celui qui se dit catholique
et celui qui se dit moderne, avec les idées du monde, avec le monde. Il y a
toujours deux visages, deux pensées, comme deux âmes... C'était le propre de
Paul VI: un homme au double visage, à la double pensée. Jean-Paul II
c'est la même chose. Tantôt ce qu'il dit ou fait n'est pas mauvais, tantôt
c'est tout le contraire, c'est proprement moderniste. On ne peut pas compter
sur des hommes comme cela.
Donc je pense qu'étant donné l'impossibilité
d'atteindre le Pape moralement parlant et
devant la nécessité de la continuation du sacerdoce catholique, cela peut-être
une exigence de la Providence ».
Devant son auditoire Monseigneur a posé les questions qu'on soulève le plus
souvent vis-à-vis d'une telle éventualité et il y a fourni les
réponses. Les voici :
Q. - Les évêques consacrés contre Rome seront-ils
nécessairement schismatiques ?
R. - Je distingue :
contre la Rome catholique et fidèle à la tradition : oui c'est vrai. Contre la Rome
infidèle à la tradition : Non.
Q. - Considérez-vous le Pape actuel comme infidèle ?
R. -Dans le sens de
l'infidélité à sa tâche primordiale qui est de préserver ses frères dans la foi
: oui. Non seulement il ne préserve pas leur foi, mais il les en détourne.
Q. - Implicitement, il semble que vous soyez « sedevacantiste » ?
R. - Non, ce n'est pas
parce que je dis que le Pape est infidèle à sa tâche que je dis qu'il n'y a
plus de pape, ou que je dis qu'il est hérétique formel. Je crois qu'il faut juger
les hommes de la Rome actuelle et ceux qui sont dans leur influence, comme les
évêques, ainsi que le pape Pie IX et saint Pie X considéraient les libéraux et
les modernistes.
Q - Comment les considéraient-ils ?
R. - Le pape Pie IX
condamnait les catholiques libéraux. Il a même eu cette phrase terrible : « les
catholiques libéraux sont les pires ennemis de l'Eglise ». Que pouvait-il
dire de plus ?
Toutefois, il n'a pas dit: tous
les catholiques libéraux sont excommuniés, sont hors de l'Eglise et il faut
leur refuser la Communion. Non, il considérait ces hommes comme « les pires
ennemis de l'Eglise » et cependant il ne les a pas excommuniés.
Le saint pape Pie X, dans son
Encyclique Pascendi Dominici Gregis, a
porté un jugement aussi sévère sur le modernisme le qualifiant de « rendez-vous
de toutes les hérésies ». Je ne sais pas s'il est possible de porter un
jugement plus sévère pour condamner un mouvement ! Mais, il n'a pas dit que
tous les modernistes seraient désormais excommuniés, hors de l'Eglise et qu'il
fallait leur refuser la communion. Il en a condamné quelques-uns.
Aussi je pense, que comme ces
deux papes, nous devons les juger sévèrement, mais pas nécessairement en les
considérant comme étant hors de l'Eglise. C'est pourquoi je ne veux pas suivre
les « sédévacantistes » qui disent : ce sont des modernistes ; le modernisme
est le carrefour des hérésies ; donc les modernistes sont hérétiques ; donc ils
ne sont plus dans la communion de l'Eglise : donc il n'y a plus de pape...
On ne peut pas formuler un
jugement d'une logique aussi implacable. Il y a dans cette manière de juger de
la passion et un peu d'orgueil. Jugeons ces hommes et leurs erreurs ainsi que
les papes eux-mêmes l'ont fait.
Le Pape est moderniste c'est
sûr, comme le sont le cardinal Ratzinger et bien des hommes de leur entourage.
Mais, jugeons-les comme les papes Pie IX et saint Pie X les ont jugés.
C'est pourquoi d'ailleurs, nous
continuons à prier pour le Pape et à demander à Dieu de lui accorder les grâces
dont il a besoin pour accomplir sa tâche.
Q. - Malgré
l'excommunication, vous n'excluez pas la possibilité de sacrer des évêques.
R. - Pour le moment les
signes de la Providence inclinent plutôt vers la nécessité d'accomplir cet
acte. Mais, avec Mgr de Castro Mayer, nous partageons le même point de vue :
patienter encore un peu.
Si je le fais, je ne le ferai
pas secrètement. J'agirai dans le sens qui me semblera conforme à la volonté de
Dieu.
Q. - Ne craignez-vous pas qu'alors beaucoup de fidèles, effrayés par l'excommunication,
vous quittent ?
R. - C'est possible qu'il
y en ait un certain nombre. Mais beaucoup ont compris la situation qui prévaut
à Rome : d'un côté on n'est plus catholique et de l'autre on est encore
catholique. Ils ont fait leur choix. Ils veulent demeurer catholiques, avec
Notre Seigneur Jésus-Christ et ne pas abandonner la véritable Eglise
catholique.
Il n'est cependant absolument
pas question de faire une Eglise parallèle, parce que nous sommes un rameau
puissant de l'Eglise, parce que nous avons été reconnus officiellement comme
tel, même si nous avons été ensuite condamnés injustement et illégalement.
Pour conclure, Monseigneur a
ajouté
« Je ne pense pas que ce soit
la volonté du Bon Dieu que la Fraternité disparaisse, alors qu'Il lui a ménagé
tant de grâces et de bénédictions. Or, si l'on ne fait plus de prêtres, bien
sûr ceux qui le sont le resteront, mais est-ce que le Bon Dieu ne veut
pas plus que cela ? Ne veut-Il pas que cette oeuvre continue, se propage
encore davantage. Je ne pense pas que le Bon Dieu ait pu dire jusqu'à
maintenant : « Marche, marche » et que tout à coup Il dise :
«
Arrête ! Lorsque les oeuvres sont bonnes, Il veut qu'elles continuent ».