Le
nouvel « Ordo Missae » vers une messe œcuménique
L'EXPERIENCE DU REFUS
Comment selon la mesure de nos
faibles forces et de nos pauvres moyens, pouvons nous faire face à
l'épouvantable « auto démolition » de l'Eglise, dénoncée par Paul VI, le 7
décembre 1968 ? Non seulement la Cité de Dieu apparaît désormais comme investie
de tous cotés, mais il n'est pas de semaine qui ne nous apporte l'annonce d'un
nouvel éboulement du rempart. Il faudrait courir sans cesse d'une brèche à
l'autre.
Comme nous voudrions pouvoir
faire lire à nos évêques les appels que nous recevons de lecteurs ! Ils nous
demandent, avec un accent quelquefois bouleversant: « Que faut-il penser
? - Que dois-je faire ? » .
... Il s'agit, dans ces appels
angoissés, du sacerdoce, de sa fonction véritable, de ses obligations
(soumises, on le sait, à la plus folle, à la plus lâche, à la plus hypocrite
des «consultations populaires »)...
Il s'agit de la perturbation de
l'apostolat catholique, dissimulée sous lé masque de la suppression des paroisses
et des curés ou sous l'appellation fallacieuse de « la mission ».
Il s'agit du réformisme
liturgique...
Il s'agit... Il s'agit...
Comment répondre à tout, et par
où commencer ? Eh bien ! Nous allons commencer par la Messe. La foi catholique
tout entière gravite autour de l'idée qu'on s'en fait. Et, d'abord, le
Sacerdoce. L'opinion de la populace baptisée « Peuple de Dieu », ne changera
rien à cette donnée divine fondamentale : La Messe est un vrai Sacrifice :
c'est-à-dire une oblation réelle et actuelle, par un homme
consacré, le Prêtre, d'une Victime rendue réellement présente sur l'autel, par
la transsubstantiation du pain et du vin.
Toutes les atténuations qu'on
apportera à ce dogme, en pensée, en paroles ou en rites, ruineront, à la base,
non seulement le caractère du sacerdoce, mais aussi tout le catholicisme. Notre
propos n'est pas de prouver... cette vérité. Nous prions nos lecteurs de faire
une réflexion personnelle sur ce sujet: qu'ils rapportent à ce dogme de la
Messe-sacrifice tous les autres dogmes de leur foi ; ils verront qu'ils sont,
un par un, ébranlés par la moindre fissure faite au premier.
Le système protestant tout
entier s'est construit à partir de la négation de la « Messe romaniste», comme
disaient ses premiers sectateurs. Leur idée, pourtant fondamentale, de « la
justification par la seule Foi » est, en effet, suspendue elle-même à une
autre, préalable: que l’œuvre de notre rédemption n'est point exercée,
perpétuée, renouvelée, à la Messe, par l'Action personnelle du prêtre.
D'un mot : le Protestantisme,
autant que peuvent être réduites à l'unité ses formes innombrables, est une
religion (?) laïque. Et, si nous voulons être objectifs, au risque de paraître
cruels, nous devons ajouter: cette religion laïque a été, à l'origine, une religion
de défroqués, conçue à la mesure de leur désertion, pour se donner à eux-mêmes
et au monde une justification honorable de leur apostasie. Ils changeaient la
Messe, pour n'être point forcés d'avouer qu'ils avaient changé eux-mêmes.
Pénétrés de cette conviction,
il est temps, désormais, de dire clairement, sur le réformisme liturgique, ce
qu'on pouvait, depuis quatre ans, hésiter à dire, soit parce que, suivant la
parabole évangélique, l'erreur-ivraie n'avait pas encore atteint ce point
de croissance qui permet infailliblement de la reconnaître, soit parce qu'il
fallait laisser au magistère hiérarchique le temps d'exercer sa fonction.
Nous avons donc attendu. Des
milliers de prêtres, des centaines de milliers de fidèles ont attendu. lis ont
demandé, mendié le bon pain de la certitude. Nous ne dirons pas qu'on leur a
donné, à la place, une pierre. On leur a donné du vent. Car des paroles
contredites sans cesse par des actes ne sont pas autre chose qu'un f7atus vocis
; comme disaient les nominalistes médiévaux.
Quand tous les recours à
l'autorité légitime se sont avérés inutiles et vains, il ne reste plus qu'un
moyen au fidèle de se manifester: un moyen extrême, grave, déplorable
Le refus.
Puisque la règle de M. Annibale
Bugnini et de ses carthaginois est de faire des « expériences », pourquoi ne
pas leur offrir une expérience qu'ils n'ont jamais faite jusqu'ici : celle de
la Résistance des Dociles ?
Ces messieurs veillaient
soigneusement à se couvrir uniquement sur leur gauche, persuadés que les «
fidèles de la Tradition » n'oseraient jamais résister à une révolution, dès
lors qu'elle était légalisée par « l'autorité ». Et puis, qui donc oserait
s'exposer aux épithètes d'intégriste, d'immobiliste ? Qui donc oserait refuser
de paraître « jeune » (Nous pensons ici au mot terrible du Cardinal Ottaviani à
l'endroit des novateurs de son ordre : « Ils ont peur de paraître vieux
»).
Nous n'avions, quant à nous,
jamais été impressionnés par ces épouvantails-à-moineaux. Mais notre
dévotion à l'Eglise de Rome nous tenait silencieux. Eh bien ! La même dévotion
nous ordonne aujourd'hui de parler. Il est tard ; mais pas trop tard pour ceux
qui veulent se placer au-dessus du temps.
VERS UNE MESSE POLYVALENTE
Ce qui nous décide aujourd'hui,
à parler, c'est la publication, ces jours-ci, du nouvel Ordo Missae :
c'est-à-dire de la nouvelle ordonnance de la Messe romaine.
Préparée (... c'est ainsi qu'on parle aujourd'hui, à propos des prières les
plus saintes !) préparée, disons-nous, par la « Commission » de Liturgie issue
du Concile, cette ordonnance a été promulguée par le Pape Paul VI, le 3 avril
de cette année, dans une Constitution Apostolique qui commence par les mots: Missale Romanum.
C'est bien, en effet, un
nouveau « missel » qui est ainsi promulgué, mais il faut savoir et dire que les
nouveautés de ce missel ne touchent pas seulement... un choix nouveau des «
lectures », encore sur le chantier. Ces nouveautés portent sur ce que nous
appellerons, pour aller vite, la partie fixe de la Messe : l'ordinaire :
paroles, gestes, rites.
En la comparant à la précédente
ordonnance, promulguée par le Pape saint Pie V, le 14 juillet 1570 (mais qui
consacrait, en les unifiant, des textes ou des rites vieux de 400, 600, 1000
ans), on constate que l'Ordo de Paul VI apporte, sur des points capitaux, les
autre nouveautés suivantes :
1" Des suppressions.
2° Des modifications.
3°
Des additions.
4e Des rites laissés au choix
du célébrant.
Bornons-nous à dire,
respectueusement, les sentiments que ces innovations, prises dans leur
généralité, nous inspirent. Ce faisant, nous ne nous hausserons pas au-dessus
de notre rang dans l'Eglise. Nous parlerons comme peuvent parler les prêtres et
les fidèles à l'intention de qui, précisément, cette nouvelle Messe a été
fabriquée. Puisque nous devons prier sur ces prières, offrir, selon ces rites,
le Saint Sacrifice, il est naturel, n'est-ce pas, que nous fassions
connaître notre... goût ?
Il eût été, certes, préférable
de le manifester avant qu'après, mais on ne nous a pas consultés!... Bien plus,
ce nouvel « Ordo », tel qu'il nous arrive, contredit des vœux, des instances,
presque des supplications, que des milliers de fidèles n'ont cessé de porter au
Siège de Pierre, dès qu'ils ont eu le soupçon du but où on voulait les mener en
considérant les étapes qu'on les forçait insensiblement à parcourir.
Ce but de la réforme du Missel,
nous allons le laisser déclarer par un protestant. Un protestant « modéré » :
M. Max Thurian, « frère de Taizé ». Dans un article (nous disons bien : un
article), paru dans « La Croix » du 30 mai 1969, sous le titre : « Le nouvel
ordre de la messe va dans un sens profondément œcuménique », il écrit, en
conclusion :
« Le nouvel ordre de la messe, quelles que soient ses
imperfections relatives, dues au poids de la collégialité et de l'universalité,
est un exemple de ce souci fécond d'unité ouverte et de fidélité dynamique, de
véritable catholicité : un des fruits en sera peut-être que des communautés non
catholiques pourront célébrer la Sainte Cène avec les mêmes prières que l'Eglise
catholique. Théologiquement c'est possible. »
Entendons,
maintenant, l'un des motifs capitaux de l'adhésion de ce protestant à cette
nouvelle messe. Motif qui nous parait le plus caractéristique de tous ; il
s'agit de ce que l'on continuerait à appeler l'Offertoire, après qu'on l'a
anéanti
« Cet offertoire simplifié, dit M. Thurian, n'apparaît
plus comme un doublet de la prière eucharistique (= le Canon), ni comme un acte
sacrificiel anticipé ; ainsi s'atténuent les difficultés que créait l'ancien
offertoire, dans la recherche œcuménique »
Voilà
qui est dit, assurément, avec la délicatesse d'un séparé qui veut rester un
frère et d'un frère qui veut rester un séparé. Mais nous avons, nous, le droit
et le devoir de parler avec plus de clarté, sinon de franchise. Et, d'abord, de
poser des questions de grammaire, qui se prolongent dans des questions de
philosophie, puis de théologie :
1)
Qu'est-ce qu'une « unité ouverte » ? Il n'est pas absolument nécessaire
d'être thomiste et aristotélicien, pour définir l'un : ce qui est indivis en
soi et qui est divisé de tout autre : car c'est le sens commun qui nous le dit.
Mais nous aimons ajouter à
cette définition la réponse que saint Thomas fait à la question : « L'unité
ajoute-t-elle quelque chose à l'être ? » (la, XI, 1) :
« L'unité ne surajoute à l'être aucune réalité, mais uniquement
la négation de la division. Car l'un ne signifie rien d'autre que l'être
indivis. D'où il résulte avec évidence que l'un et l'être sont interchangeables
(convertitur)... » Et voici la conclusion, qui s'applique directement à
notre sujet : « De là vient que toute chose, comme elle défend son être,
défend aussi son Unité ». Et réciproquement !
Donc, parler, comme M. Thurian,
d'une « unité ouverte », c'est, du même coup, parler d'un Etre ouvert. Un être
ouvert, qu'est-ce donc ? C'est ou bien un être en devenir, ou bien un
être composé: composé de parties hétérogènes, en voie de dissolutions et de
transformations perpétuelles.
Nous tenons ainsi, de la bouche
d'un protestant qui le proclame tranquillement dans « La Croix » (laquelle
passe communément pour un journal catholique), nous tenons, disons-nous,
un jugement que nous n'aurions osé prononcer nous-même qu'avec d'immenses
scrupules. Ce jugement, le voici en clair :
Le nouvel Ordo Missae introduit ou favorise
un nouveau concept de l'unité religieuse.
Il permet, en effet, d'exprimer
avec des mots identiques des idées différentes. Ce qui, évidemment, n'est
devenu possible que parce que les mots sont équivoques ou les idées indécises.
Dans
les deux cas, comment peut-on continuer à nommer la Messe « Le mystère de
la Foi » ? Où est le mystère, et de quelle foi ?
Et puis, que devient l'article
du Symbole que « l'unité » est le signe de reconnaissance (la « Nota ») de
l'Eglise véritable de Jésus-Christ, distinguée ainsi des fausses ?
Enfin, que devient la formule
(attribuée au pape Célestin I`r) et devenue un « lieu commun théologique » : «
Que la règle de la prière détermine la règle de la Foi » ? Quel dogme le
fidèle, quel approfondissement le théologien pourront-ils désormais tirer
d'une « Messe » célébrée tranquillement par un calviniste qui est décidé à
rester calviniste ?
L'acte le plus sublime de
l'homme religieux n'apparaît-il pas ainsi, par le fait de cette
indétermination, avili au niveau d'une convention diplomatique, rendue assez
vague pour que les deux parties contractantes puissent, à tout moment, se
dégager ?
Mais alors, et c'est la
question qui résume et domine toutes les autres : la Messe est-elle un
acte du culte divin ou un geste de fraternité humaine ? Ne posons pas la
question, puisque l'« Instruction générale » qui précède le nouveau Missel nous
donne la réponse (Typographie Vaticane: p. 15, n° 7)
« La Cène du Seigneur, appelée aussi la Messe est la sainte
assemblée ou le rassemblement du peuple de Dieu qui se réunit sous la
présidence d'un prêtre (sacerdote praeside), afin de célébrer la mémoire du
Seigneur. C'est pourquoi, à ce rassemblement de l'Eglise dans un même lieu
(local) s'applique éminemment la promesse du Christ: « Là où deux ou trois sont
rassemblés en mon nom, là je suis au milieu d'eux ».
Rien,
on le voit, dans cette définition, qu'on ne trouve également dans un réveillon
de Noël, dans un feu de camp boy-scout, ou dans une réunion de famille pour
célébrer les noces d'or du grand-père. Dieu n'y est ni plus ni moins
présent, et il n'est pas question de demander aux invités s'ils sont d'extrême-droite
ou d'extrême-gauche ; pourvu que chacun garde la politesse et la bonne
humeur: ce qui est, nous semble-t-il, le résumé de toute la «
théologie » de l’œcuménisme.
2) Quant à la « Fidélité
dynamique » dont M. Max Thurian découvre pareillement les signes heureux dans
le nouvel Ordo Missae, elle n'est que le prolongement de l'unité ouverte
: car la fidélité est la forme sensible de l'unité, nous dirions : son
expression affectueuse. Une épouse est fidèle à son époux, quand elle s'est
donnée à lui et à lui seul. Il n'y a de cœur « ouvert », de cœur « dynamique »,
que le cœur des artichauts: ils se donnent, mais feuille par feuille.
PAS DE MESSE CATHOLIQUE VERITABLE
SANS OFFRANDE PREALABLE DU PAIN ET DU VIN
Nous
n'avançons cette proposition qu'à la manière d'une pierre d'attente. Mais il
convenait de poser, dès à présent, le principe. Comme une borne : la borne qui
marque la frontière irréductible du monde catholique et du protestant.
On sait que, dès l'origine, les
protestants, quels qu'ils fussent, se sont acharnés contre les prières et les
cérémonies de l'Offertoire. Pourquoi ? Parce qu'elles exprimaient, sans laisser
de doute possible, le sacrifice de l'Eglise : elles indiquaient un acte
sacerdotal personnel, réel, actuel, et pas seulement la commémoration purement
narrative de la Cène du Jeudi Saint.
Or,
le nouvel Ordo anéantit l'Offertoire, et il le fait expressément :
1) Les nouvelles rubriques qui
se rapportent à cet endroit (n° 49 à 53) portent comme titre : « Préparation
des dons ». Il n'y est dit, en aucune façon que ces « dons » sont offerts,
offerts dans un acte d'oblation proprement sacerdotal: ils sont apportés (afferuntur;
présentés praesentantur- quel latin !) : puis ils sont déposés deponuntur
sur l'autel (soit par le prêtre, soit par un diacre). On peut ensuite les
encenser (au cours de ce qu'on appelait jusqu'ici la grand-messe), mais
ce n'est pas obligatoire.
Suit le lavement des mains par
le prêtre ; l'Orate fratres ; l'ex-Secrète ; la Préface et la
suite, que l'on n'appelle plus Canon, mais « prière eucharistique ». Et, de
fait, comment appellerait-on encore « Canon », comme, saint Ambroise,
comme saint Optat, comme saint Grégoire, ce qui a cessé d'être une « règle »
immuable ?
2) Les trois prières qui
exprimaient l'oblation, faite par le prêtre, du pain et du vin (Suscipe...
hanc immaculatam hostiam... Offerrimus titi calicem salutaris... Veni,
sanctificator..) sont supprimées. On leur substitue une formule ambigu, qui
peut exprimer à égalité, une oblation et une simple offrande : comme serait
celle des premiers fruits de la saison ou un cierge. Exemple (pour le
pain) :
« Béni sois-tu, Seigneur de l'Univers, parce que nous
avons, de ta largesse, reçu le pain : nous te l'offrons, comme le fruit de la
terre et de l'ouvrage des mains humides. Il deviendra pour nous un pain de vie
».
Et
de même pour le vin.
Quel dévot de Cérès et de
Bacchus ne serait prêt à souscrire à de pareilles formules ? Que dis-je !
Quel adepte du « Grand Architecte de l'Univers ? » Où donc se trouve exprimé
non seulement le sacrifice « d'action de grâces », mais le sacrifice
propitiatoire pour des péchés, qui renouvelle, mystiquement, mais réellement,
sur l'autel de l’Eglise, le sacrifice de la Croix?
Vous dites : on l'exprimera
plus loin : avant la Consécration.
Je vous réponds : d'abord, cela
n'est exact que pour la « première » des « Prières eucharistiques ». Cela est
faux des trois autres, que vous avez ajoutées au vieux Canon romain, et qui,
presque partout, l'ont déjà supplanté.
Et puis : pourquoi ne dirait-on
pas deux fois, et trois, et quatre, une vérité qui faisait fondre d'émotion
l'âme des saints ? Parlant des Ave Maria du
Rosaire, dits et redits des dizaines de fois, Lacordaire a cette parole : «
L'amour n'a qu'un mot et, en le redisant toujours, il ne le répète jamais ».
Allons ! Qu'on ne fasse pas les
hypocrites ! On a volatilisé l'Offertoire pour « faire plaisir » aux
protestants ! On a fabriqué une liturgie comme la Secrétairerie d’Etat fignole
un concordat avec une nouvelle république africaine. On a pris ainsi des hommes
profondément sérieux pour des gobe-mouches. Voilà le fond de 1’œcuménisme !
La réponse ? Le Pape l'a eue,
l'autre jour, en traversant les rues de Genève :: un silence glacé
d'indifférence, comme s'il s'était agi du Négus ou du Dalaï Lama. Nous en avons
rougi pour le Pape d'un jour, nous en avons pleuré pour la Rome éternelle.
Cette messe qui se cache, vous
ne la ferez pas avaler par surprise aux calvinistes, comme vous espérez
l'ingurgiter de force aux catholiques !
Si souples que vous ayez rendu
ceux-ci par vos réformes successives, ou bien ils se seront faits, à la fin,
protestants, ou bien, après avoir trempé les lèvres dans votre calice laïcisé
et mal offert, ils referont le geste de leur Seigneur en croix, à qui les Juifs
avaient présenté, eux aussi! « Du vin mêlé de fiel » : « Quand il en eut goûté,
il n'en voulut point boire » (Mt, 27, 34)
Car, pour le vrai catholique, «
tout sacrifice est une oblation, mais ce n'est pas réciproque » ; pour que
l'offrande devienne vraiment sacrificielle, il faut que « quelque chose soit
fait sur les choses qui sont offertes . : ainsi, dans les sacrifices antiques,
1’animal offert devait être tué, brûlé ; le pain devait être rompu, dévoré
béni. - C'est saint Thomas qui parle ainsi, avec la tradition de
l'humanité tout entière (2-2de 85, 3 ad
3). Mais, comme « le Christ ressuscité ne meurt plus », il ne
peut, à la Messe, être mis lui-même dans un état quelconque de victime. Il ne
peut l'être que mystiquement, sous les espèces du pain et du vin. Ce pain et ce
vin entrent donc, comme « parties intégrantes » dans le sacrifice. C'est là
l'expression de Bellarmin : «l'oblation du pain et du vin qui précède la
consécration, appartient à l'intégrité et à la plénitude du sacrifice, quoique
non pas à son essence » (De sacrif.
Missae, c 27, éd. Vives 1872, p. 365).
L'essence de la Messe, elle est
dans la consécration, par laquelle les éléments profanes du pain et du vin
cessent, par leur transsubstantiation, d'être profanes pour devenir l'objet
sacré donné à Dieu: le Corps et le Sang de Son Fils immolé.
Mais comme, d'autre part, il
n'y a de sacrifice véritable que sensible, l'oblation du Corps et du Sang de
Jésus-Christ doit être exprimée dans une oblation visible préalable,
claire et formelle, celle du pain et du vin.
Nous n'ignorons pas les
bavardages des « historiens » sur cet article. Mais nous tenons les historiens
comme de simples manœuvres au service du théologien. Celui-ci est instruit par
une révélation qui est inscrite dans des livres sacres, expliquée ensuite par
une tradition séculaire, qui ne peut plus changer dans ses énoncés essentiels.
Sur l'ancienneté plus ou moins
grande des prières de l'Offertoire, sur les « remaniements » du Canon et autres
questions curieuses, nous laisserons d'abord les « historiens » se mettre
d'accord entre eux. Puis, nous interpréterons leurs « certitudes » d'après la
certitude supérieure de la théologie.
Et la théologie elle-même, nous
la subjuguerons, comme dit saint Paul, à Jésus-Christ.
L'autel catholique n'est pas
une « table ronde » de rabbins, mais la table de famille des enfants.
Nous reprenons, dans le titre
de ce paragraphe, l'expression de saint Paul, dans son épître aux Galates (Ga.,
2, 14).
Ce que M. Thurian déclare
joyeusement, nous le redisons avec lui, mais douloureusement et la mort dans
l'âme: « Le nouvel Ordre de la Messe va dans un sens œcuménique ».
Et
puisque le Frère de Taizé ajoute : « Des communautés non catholiques pourront
célébrer la sainte Cène avec les mêmes prières que l'Eglise catholique », notre
choix est aujourd'hui fixé, par cela même
Nous refusons de donner notre
appoint, si petit soit-il, à une équivoque qui, hier encore, nous aurait
fait taxer de : « suspects d'hérésie ».
C'est d'abord l'honneur de Dieu
qui nous le demande: le Dieu Un qui veut être servi dans l'Eglise Une.
C'est
la fidélité à Jésus-Christ qui nous a commandé, la veille de Sa Passion,
de faire, en souvenir de Lui, la même chose, qu'Il avait faite : une oblation
sacerdotale de Son Corps et de Son Sang sous les espèces sensibles du pain et
du vin.
C'est
l'obéissance à la Tradition universelle, immuable, ininterrompue, des communautés
catholiques d'Orient et d'Occident. .
C'est la soumission aux
engagements de notre baptême ou de notre sacerdoce.
C'est la charité envers nos
frères que notre duplicité scandaliserait.
En approuvant ce « nouveau
Missel » Paul VI n'a pas pu enlever la liberté que son prédécesseur canonisé
saint Pie V avait eu le scrupule de laisser expressément à ceux qui désiraient
continuer l'usage au moins deux fois déjà séculaire d'un missel autre que celui
qu'il ordonnait.
NOUS REFUSONS de SUIVRE le
NOUVEL ORDO MISSAE
Abbé Raymond DULAC