"TRADITIONNEL et CATHOLIQUE EN UNION AVEC le SAINT SIÈGE"
Mesdames et Messieurs les Directeurs du Centre
International d'Études Liturgiques du Royaume-Uni - CIEL-UK – à l'invitation de
qui je dois la grande joie d’être ici présent.
Mes très Révérends Pères
Mesdames
et Messieurs les Membres du CIEL-UK.
très chers frères et amis de la Liturgie Traditionnelle.
Mesdames et Messieurs.
Il me faut tout d’abord remercier le
CIEL-UK en la personne de sa présidente Mme Nicole Hall, pour son aimable invitation, pour l'occasion et
la joie qu’elle me donne d'être ici, pour la Sainte Messe que nous célébrons et
pour cette conférence.
Je remercie surtout Son Eminence le Cardinal Cormac
Murphy-o'Connor,
Archevêque de Westminster, qui
nous a donné très aimablement l’autorisation de cette Messe Pontificale.
Je remercie le Père Ignatius Harrison, Supérieur de
l'Oratoire de Londres, qui est venu à notre sacre et qui me loge très gentiment
ici à Londres.
Je vous remercie tous de votre présence et, d'avance, de
votre attention et de votre patience.
INTRODUCTION.
Je vous ai déjà été présenté : je suis Mgr Fernando
Arêas Rifan, Évêque titulaire de Cedamusa, Administrateur Apostolique de
l'Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney de Campos,
Rio de Janeiro au Brésil ; j’ai été consacré évêque le 18 août 2002 par
Son Eminence le Cardinal Darío Castrillón Hoyos, préfet de la Congrégation pour
le Clergé. Ayant été nommé par le Saint Père le Pape Jean-Paul II évêque
coadjuteur de Son Excellence Mgr Licínio Rangel, lors du décès de ce dernier le
16 décembre, je suis devenu automatiquement, selon le Droit Canonique, son
successeur, et donc l'Administrateur Apostolique.
Notre Administration Apostolique Personnelle Saint
Jean-Marie Vianney est une circonscription ecclésiastique officielle dans
l'Église Catholique, érigée par le décret "Animarum bonum" de la
Congrégation pour les Évêques le 18 janvier 2002 ; selon la volonté du
Souverain Pontife dans la lettre autographe "Ecclesiae unitas" du 25
décembre 2001, elle concerne les catholiques attachés aux formes liturgiques de
la Liturgie Romaine antérieure à la dernière réforme liturgique de 1969.
Pour que vous puissiez mieux comprendre comment tout cela
s'est développé, j’aimerais vous raconter un peu de notre histoire.
NOTRE PETITE HISTOIRE À L'INTÉRIEUR
DE L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
L'Église Catholique ici sur terre
est militante, parce qu'elle est
toujours en combat contre les ennemis de Dieu et des âmes, de l’intérieur et de
l’extérieur, contre les péchés et les hérésies.
A peine sortie des persécutions romaines des trois premiers siècles, l'Église a eu
à combattre les grandes hérésies
trinitaires et christologiques qui sont apparues en son sein.
Même à l'apogée de la chrétienté médiévale, une époque de grands Saints, les
grandes hérésies n’ont pas manqué, qui requirent beaucoup de vigilance de la
part de l'Église.
La décadence des mœurs de la Renaissance, cette décadence
morale qui a atteint tous les niveaux de l'univers chrétien, du petit peuple
jusqu'à la plus haute hiérarchie, a produit comme fruit le protestantisme - la pseudo-réforme – qui a fait et qui
fait encore de grands dommages parmi le peuple chrétien, surtout avec ses
erreurs sur la prêtrise, sur l’Eucharistie et sur le sacrifice de la Messe. La
vraie réforme a été opérée par l'Église à travers le Concile de Trente et le
zèle des saints, tels saint Ignace et sa Compagnie de Jésus, saint Charles
Borromée et la fondation des séminaires, saint Pie V et la codification de la
Liturgie.
À la fin du XVIIIe siècle, vint la Révolution Française avec sa
proclamation des droits de l'homme indépendamment des droits de Dieu, avec le
laïcisme des États et les libertés modernes, avec une violente persécution de
l'Église.
Ensuite, au XIXe siècle, c’est le libéralisme qui a prédominé,
condamné par l'Enseignement de l'Église.
Au début du XXe siècle, Saint Pie X
a condamné le modernisme dans
l'Église, ce résumé de toutes les hérésies. Dans le domaine social apparaissait
le communisme, fruit de la philosophie marxiste, destructeur de la société
chrétienne et grand persécuteur de l'Église.
Deux guerres mondiales ont servi
pour augmenter la laïcisation et la déchristianisation de la société.
Et beaucoup d'erreurs, déjà condamnés
par l'Église, ont commencé à se réintroduire dans les rangs catholiques. Le
Saint-Père Pie XII a renouvelé la condamnation de ces erreurs dans plusieurs
encycliques, surtout dans « Humani Generis » et, dans le domaine
liturgique, dans « Mediator
Dei » (1947).
En 1948, Mgr António de Castro Mayer a été nommé évêque de
Campos ; c’était un professeur, docteur en Théologie, formé à l'Université
Grégorienne de Rome, très fidèle à l'Enseignement de l'Église. Mgr António, à
travers ses sermons, ses articles et, surtout, de brillantes Lettres
Pastorales, alertait continuellement ses prêtres et ses diocésains contre les
erreurs actuelles, déjà condamnées par l'Église, qui s'infiltraient de toute
part. Et c’est dans cet esprit de fidélité à l'Église que Mgr António formait
ses prêtres.
Ayant participé au Concile Vatican II de 1962 à
1965, Mgr António a cherché à donner aux prêtres et aux fidèles la légitime
interprétation de l'"aggiornamento" désiré par le Pape Jean XXIII,
mettant en garde contre ceux qui, profitant du Concile, cherchaient à faire
revivre dans l'Église le modernisme et son ensemble d'hérésies, en mettant en
place ce que le Pape Paul VI dénoncera comme l’ « autodémolition de l'Église ».
Après le Concile, une grande crise, sans précédents, s'est
installée dans l'Église, avec des apostasies de prêtres et de religieux à
grande échelle, une désacralisation de la liturgie, une laïcisation du clergé,
une diminution des vocations, la sécularisation des séminaires, un œcuménisme
irénique, un syncrétisme religieux, etc. Comme l’a dit le Pape Jean-Paul
II : « On a répandu à pleines mains des idées contraires à la vérité
révélée et enseignée depuis toujours ; de véritables hérésies ont été diffusées
dans les domaines de la dogmatique et de la morale... même la Liturgie a été
violée » (Allocution au Congrès des Missions, 6/2/1981).
Au milieu de la crise générale, Mgr
António a cherché à préserver son Diocèse dans la vraie doctrine catholique, en
formant des prêtres et en guidant les fidèles.
Après le Concile ont été introduites
quelques modifications dans la Liturgie
de la Messe, que Mgr António a accepté docilement et a adopté dans le
Diocèse. Mais quelques symptômes selon lesquels la réforme liturgique ne
marchait pas bien laissaient insatisfait. Le Cardinal Antonelli, membre de la
Commission Pontificale pour la Réforme de la Liturgie, admet que la réforme
était l’œuvre de « personnes... avancées dans les voies des nouveautés...,
sans aucun amour et sans aucune vénération pour ce qui nous avait été
transmis » (Il Card. Ferdinando
Antonelli et gli sviluppi della riforma liturgica dal 1948 al 1970 - Studia
Anselmiana - Rome).
En 1969, arrivait le Novus
Ordo Missae du Pape Paul VI, qui
n'a pas manqué de laisser perplexes beaucoup de catholiques, même des
personnalités importantes comme quelques cardinaux de la Curie Romaine.
C’est avec de telles perplexités que
Mgr António écrivit au Pape Paul VI pour exposer sa difficulté de conscience à
accepter la nouvelle Messe. Voici un extrait de sa lettre : « En
ayant examiné attentivement le 'Novus Ordo Missae '... après avoir beaucoup
prié et réfléchi, j'ai jugé de mon devoir, comme prêtre et comme évêque, de
présenter à Votre Sainteté mon angoisse de conscience, et de formuler, avec la
piété et la confiance filiales que je dois au Vicaire de Jésus-Christ, une
supplique... J'accomplis ainsi un impérieux devoir de conscience, en suppliant humblement et
respectueusement Votre Sainteté de bien vouloir daigner... nous autoriser à
garder l'usage de l''Ordo Missae' de Saint Pie V, dont Votre Sainteté
rappelle avec tant d’onction l'efficacité pour propager la Sainte Eglise et
pour augmenter la ferveur des prêtres et des fidèles » (Lettre du 12
septembre 1969).
De cette manière, bien que Mgr António n'ait obligé personne – et
il y a eu des prêtres qui adoptèrent la messe nouvelle – dans la grande
majorité des paroisses du diocèse de Campos, on a conservé officiellement la
Messe traditionnelle, dite de Saint Pie V, et toute l'orientation
traditionnelle de l'apostolat.
En 1981, Mgr António a été remplacé
sur le siège épiscopal de Campos. Les évêques qui l'ont suivi n'étaient pas de
la même ligne. Ayant été retirés des paroisses, suivis par des milliers de
fidèles qui désiraient la Messe et l'orientation traditionnelle de l'Église, les "prêtres de Campos"
se virent dans la
nécessité de s’occuper des fidèles qui s’adressaient à eux, et ils ont
continué, dans de nouvelles églises et chapelles, à leur donner les sacrements.
C’est ainsi que fut créée l'Union Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney. Et,
sans aucune intention de faire le moindre schisme dans l'Église, ils ont
demandé aux Évêques de la Fraternité Saint Pie X de consacrer l’un de leurs
prêtres, Mgr Licínio Rangel, pour s’occuper des fidèles de la ligne
traditionnelle. Évêque sans juridiction, avec seulement le pouvoir d'Ordre,
sans intention de constituer un diocèse parallèle (1991). Il est clair que
cette situation d'urgence n’aurait pas pu durer indéfiniment. Tous aspiraient à
ce que tout revienne à la normale.
Lors du Jubilé de l'an 2000, les
« prêtres de Campos » ont fait le pèlerinage de l'Année Sainte à Rome
en même temps que la Fraternité Saint Pie X.
À cette date, le Cardinal Darío
Castrillón Hoyos, le préfet de la Congrégation pour le Clergé, avec
l'approbation et la bénédiction du Saint Père le Pape Jean-Paul II, a commencé les conversations en vue d'une
régularisation juridique de la situation de ceux que l’on appelle les prêtres
et les fidèles de la Tradition.
Les prêtres de l'Union Sacerdotale
Saint Jean-Marie Vianney ayant écrit une lettre au Saint Père, demandant à être
« acceptés et reconnus comme catholiques », le Pape leur a répondu en
les accueillant avec bienveillance, en érigeant, le 18 janvier 2002, l'Administration Apostolique Personnelle
Saint Jean-Marie Vianney, avec son Évêque propre et ses prêtres, avec une juridiction personnelle sur
les fidèles, avec le droit d'avoir la Messe Traditionnelle comme rite propre
(obtenant donc la réalisation officielle de ce que sollicitait Mgr António de
Castro Mayer) ; il suspendait toutes les censures et les peines qu’ils
avaient éventuellement encouru, régularisant
de cette manière leur situation juridique à l'intérieur de l'Église
Catholique, reconnaissant canoniquement leur appartenance à l’Eglise et
respectant leur réalité ecclésiale et leurs caractéristiques particulières.
MOTIF
de ce que l’on appelle ACCORD AVEC le SAINT SIÈGE
Comme nous l’avons déjà dit, par la lettre autographe « Ecclesiae
unitas » du Saint Père le Pape Jean-Paul II, du 25
décembre 2001, et par le décret
« Animarum bonum » de la Sacrée Congrégation pour
les Évêques du 18 janvier 2002, le Saint-Siège a créé l'Administration
Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney, pour les catholiques du Rite
Tridentin, avec Évêque propre, prêtres, paroisses personnelles et séminaire
propre, pour prendre soin des fidèles liés à la Liturgie traditionnelle du rite
latin.
Ce fut un événement historique et de
grande importance pour l'Église Catholique.
Ce ne fut pas un accord à proprement parler, comme je vais vous
l’expliquer.
Si nous considérons l'aspect juridique, à propos de ce qui nous a
été accordé, nous pouvons dire qu'il y a eu une concession juridique de la part
du Saint-Siège.
Mais si nous considérons les pourparlers et les conversations, ce
ne fut pas proprement un accord, mais une compréhension.
Bien que le mot
« accord » ait été utilisé dans les pourparlers avec le Saint-Siège,
nous considérons qu’il est moins approprié à la circonstance présente. D’abord,
parce qu’on ne fait pas d’accord avec un supérieur, et encore moins avec le
Pape : on lui doit respect et obéissance, selon les normes de l'Église. En
second lieu, parce que « accord » suppose des concessions et des
négociations, qui en réalité n’ont pas eu lieu.
Le mot qui exprime le mieux ce qui
s’est passé est « entente ».
En vérité, nous étions connus pour
notre part négative et caricaturale : les « prêtres de Campos »,
« traditionalistes », étaient ceux qui n'acceptaient absolument pas
le Pape et qui ne reconnaissaient ni le Concile Vatican II ni la validité du
Novus Ordo Missae, la Messe de Paul VI. Il a donc été nécessaire d'exposer
notre position véritable qui, une fois « comprise »,
« entendue » telle qu’elle est, a permis notre approbation et notre
reconnaissance comme catholiques, en parfaite communion avec la Sainte Eglise.
Il y a donc eu une « entente » et, avec elle, une régularisation
juridique.
POURQUOI CHERCHONS-NOUS CETTE UNION
AVEC LE SAINT SIÈGE.
Mgr Licínio Rangel a répondu de la manière suivante à la revue
internationale « 30 Jours » : « Ce fut notre amour de Rome et du Pape, notre sens catholique, fruit
de la formation que nous avions reçu de Mgr António de Castro Mayer,
qui nous ont portés à toujours désirer l'union avec la Hiérarchie de la Sainte
Eglise. Nous avons toujours eu conscience de ce que notre position de
résistance pour la Tradition – et la situation d'exception qui s’en suivait –
se devait d’être circonstancielle, temporaire et limitée à des sujets précis, à
l’origine des points aigus de la crise ; une résistance justifiée par
l'état de nécessité des âmes, sans aucune intention de schisme. La preuve en
est qu’après le décès de Mgr António de Castro Mayer, quand j’ai reçu il y a
dix ans un épiscopat d'urgence et de suppléance pour les fidèles de la ligne
traditionnelle, j'ai déclaré que j’attendais un changement des circonstances
pour remettre au Pape mon épiscopat, pour qu’il en dispose comme il le
voudrait. Aucune rupture avec l'Église, donc. Ainsi nous avons toujours soupiré
après une régularisation et une reconnaissance. L'occasion est apparue après
notre pèlerinage à Rome pour le Jubilé de l'an 2000, quand le Saint Père a
nommé le Cardinal Darío Castrillón Hóyos pour, en son nom, commencer des conversations
en vue de notre régularisation. Les conversations se sont tenues toute l'année
2001 et, grâce à Dieu, elles sont arrivées à bon terme, avec notre complète
reconnaissance canonique au sein de la Sainte Eglise ».
La
NÉCESSITÉ d'une RECONNAISSANCE
Tout catholique doit être uni à la hiérarchie de l'Église.
D'ailleurs, c'est un dogme de la Foi catholique : « Nous déclarons,
disons et définissons qu’il est absolument nécessaire
au salut que tous les hommes se soumettent au Pontife Romain »
(Boniface VIII, Bulle Unam Sanctam,
Dz-Sh 875).
Et le Magistère de l'Église (Léon XIII - encyclique Satis Cognitum) nous enseigne que l'unité du gouvernement est aussi
nécessaire que l'unité de Foi.
Donc, être séparé de la hiérarchie, même matériellement parlant, et
même pour une question de nécessité, est quelque chose d’anormal, de
temporaire, qui doit prendre fin.
C'était bien la pensée de Mgr Marcel Lefebvre, quand, dans les
conversations qu’il eût avec le Saint Siège en 1988, il écrivait au Cardinal
Ratzinger :
« Ayant pu suivre les travaux de la Commission chargée de
préparer une solution acceptable pour le problème qui nous préoccupe, il
semble, qu’avec la grâce de Dieu, nous nous acheminons vers un accord, ce dont
nous sommes très heureux » (lettre du 15/4/1988 - cf. Fideliter - le dossier
complet).
DANGER
DE SCHISME DANS CET ÉTAT DE SÉPARATION
Les
prêtres de l'Union Sacerdotale de Campos et Mgr Licínio, après avoir beaucoup
réfléchi, ont écrit officiellement le 5 juin 2001 au supérieur de la Fraternité
Sacerdotale Saint Pie X, Mgr Bernard Fellay, avec qui nous étions unis dans les
conversations avec le Saint Siège ; nous lui présentions 28 raisons graves en faveur de la nécessité
d’une reconnaissance, l'alertant du danger de continuer dans cet état anormal
de séparation : « En considérant... que la situation actuelle des
catholiques de la Tradition, situation de séparation de la hiérarchie,
provoquée par la crise de l'Église, outre son aspect anormal, se doit d’être
occasionnelle et temporaire, et qu’elle exige donc de notre part un désir
ardent de régulariser et de s’unir, et non de se satisfaire de la
situation ; en considérant que les effets négatifs de cette séparation
anormale se font déjà sentir dans les milieux traditionalistes, provoquant un
esprit de critique généralisée et systématique, un esprit d'indépendance, une
autosatisfaction de l'anomalie de la situation et un sentiment de détenir
personnellement l'exclusivité de la vérité ; en considérant le danger que
cette séparation, au fil du temps, bien qu’elle ne signifie l’adhésion à aucun
schisme théorique, puisse prendre un esprit de schisme, étant donné l’absence
d'unité dans le gouvernement... ». (Malheureusement,
cette lettre n'a pas obtenu de réponse).
Les exemples que nous connaissons de
cet esprit dans les milieux traditionalistes nous ont amenés à réfléchir sur le
danger de cette séparation habituelle et systématique : les radicaux
finissent par devenir sédévacantistes, schismatiques ou même apostats.
Saint
Thomas d'Aquin dit : « On appelle schismatiques ceux qui refusent de se soumettre au Souverain Pontife
et ceux qui se refusent à vivre en communion avec les membres de l'Église qui
lui sont soumis » (2à -2ae, q. 39, art. 1).
Le célèbre théologien espagnol
Francisco Suarez enseigne qu'il y a plusieurs manières de devenir
schismatique : « sans nier
que le Pape soit le chef de l'Église, ce qui serait déjà de l’hérésie, on agit
comme s'il ne l'était pas : c'est la manière la plus fréquente... »
(De Charitate, de disp. 12, sect. I,
n.2, t. XII, p. 733, in Opera Omnia).
OÙ ÉTAIT RÉELLEMENT l'IRRÉGULARITÉ de
la SITUATION.
La principale irrégularité tenait au Sacre d'un Évêque, et dans le
fait de le maintenir contre la
volonté du Pape. Donc, à la première occasion, il fallait sortir de
cette situation irrégulière, sans quoi il y avait un grave danger de passer
d'un état de simple séparation à un schisme réel.
Comme l’a dit le Pape Pie
XII dans l'Encyclique « Ad Apostolorum Principis » : « Aucune autorité en dehors du Pasteur
Suprême... aucune personne ni assemblée de prêtres ni de laïcs, ne peut
s'arroger le droit de nommer des évêques. Personne ne peut conférer
légitimement le sacre épiscopal sans être certain d’en avoir le mandat
pontifical. Un sacre ainsi conféré contre le droit divin et humain, et qui est
un très grave attentat à l'unité même de l'Église, est puni d'une
excommunication... »
De
plus, en laissant passer le temps, commencent à apparaître des cas dans
lesquels on a besoin du « pouvoir des clés », qu'un évêque sans
juridiction ne possède pas ; par exemple, pour déclarer la nullité de
mariages, pour séculariser des diacres, pour dispenser de vœux publics, etc.
S'arroger de tels pouvoirs ce serait se substituer à la hiérarchie, former une
église parallèle, ce qui réellement serait un schisme.
Dans notre cas, même si Mgr
Licínio Rangel avait été sacré évêque dans une situation extraordinaire pour
prendre soin des fidèles liés à la Liturgie traditionnelle, il aspirait
toujours à une normalisation de la situation irrégulière dans laquelle nous
nous trouvions, et il avait donc conscience que ce qui est normal pour un
catholique c’est d’être uni et soumis à la hiérarchie de l'Église. De la sorte,
aussitôt que le Saint Siège a offert l'occasion de régulariser, Mgr Licínio a
affirmé : « c’en est fini de l'état de nécessité ! »
Et il a tout fait pour
que les conversations avec le Saint Siège arrivent à bon terme, malgré les
pressions subies de la part de ceux qui voulaient continuer dans la
marginalité.
La
LUTTE pour la MESSE TRADITIONNELLE
Pendant de nombreuses années nous avons combattu et souffert pour
maintenir la Messe Traditionnelle. Et maintenant, grâce à Dieu, comme une
récompense pour cette lutte, le Saint Père nous a accordé le droit de conserver
officiellement dans notre Administration Apostolique la Sainte Messe
traditionnelle, codifiée par Saint Pie V, avec tous les sacrements, toute la
Liturgie et la discipline traditionnelles.
La création de l'Administration Apostolique venait démontrer au
monde qu’il était possible de maintenir la Liturgie Traditionnelle, en parfaite
communion avec le Saint Père le Pape, sans avoir besoin de rompre la communion
avec lui. On avait enfin accédé à la requête de Mgr António de Castro Mayer
quand il demandait au Pape la faculté de continuer avec la Messe
traditionnelle.
Ainsi nous conservons, avec les bénédictions du Saint Père le Pape,
la Messe Tridentine parce que c'est une authentique richesse de la Sainte
Eglise Catholique, une Liturgie qui a sanctifié beaucoup d'âmes, une Messe à
laquelle les Saints ont assisté, une Messe qui, par sa façon claire et sans
ambiguïté d’exprimer les dogmes eucharistiques, est devenue une authentique
profession de Foi, un symbole de notre identité catholique, un vrai patrimoine
théologique et spirituel de l'Église qu’il importe de maintenir.
Comme l’a bien dit le Cardinal Darío Castrillón Hoyos,
préfet de la Sacrée Congrégation pour le Clergé : « Le rite antique
de la Messe sert précisément à beaucoup de personnes pour maintenir vif ce sens
du mystère… Le rite sacré, avec le sens du mystère, nous aide à pénétrer avec
nos sens dans l’enceinte du mystère de Dieu. La noblesse d’un rite qui a
accompagné l’Eglise pendant tant d’années vaut bien la peine de ce qu’un groupe
choisi de fidèles maintienne l’appréciation de ce rite, et l’Eglise par la voix
du Souverain Pontife l’a compris ainsi quand elle demande qu’il y ait des
portes ouvertes pour la célébration... Nous célébrons ensemble un
beau rite, rite qui fut celui de nombreux saints, une belle messe qui a rempli
les voûtes de nombreuses cathédrales et qui fit résonner ses accents
mystèriques dans les petites chapelles du monde entier... » (extraits de
l'homélie pendant la Messe Saint Pie V qu’il a célébré à Chartres le 4 juin
2001).
Le Pape Jean-Paul II a dit la même
chose, à propos de la Messe traditionnelle, quand il l’a proposée comme modèle
de révérence et d’humilité pour tous les célébrants du monde : « Le
Peuple de Dieu a besoin de voir dans les prêtres et dans les diacres un
comportement plein de révérence et de dignité, capable de l'aider à pénétrer
les choses invisibles, même avec peu de mots et d’explications. Dans le Missel
Romain, dit de Saint Pie V... nous trouvons de splendides oraisons par
lesquelles le prêtre exprime le plus grand sens d'humilité et de révérence face
aux saints mystères : elles révèlent la substance même de toute la
Liturgie » (Jean-Paul II, message à l'Assemblée Plénière de la S.
Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, sur le thème
« Approfondir la vie liturgique au sein du Peuple de Dieu », le
21/9/2001).
Mais, aimer, défendre et conserver
la Messe traditionnelle ne signifient pas considérer la Nouvelle Messe en elle
même comme hérétique, sacrilège, peccamineuse ou illégitime. Cela irait contre
le dogme de l’indéfectibilité de l'Église.
Nous avons dit dans notre déclaration que nous reconnaissons la
validité du Novus Ordo Missae, promulgué par le Pape Paul VI, chaque fois qu’il
est célébré correctement et avec l'intention d'offrir le vrai Sacrifice de la Sainte
Messe.
D'ailleurs, c’était déjà
l'enseignement de Mgr António de Castro Mayer et aussi de Mgr Marcel
Lefebvre ; dans la déclaration doctrinale de l'accord que ce dernier a
révisé et signé, on lit ceci : « Nous déclarons en outre
reconnaître la validité du Sacrifice de la Messe et des Sacrements célébrés
avec l'intention de faire ce que fait l'Eglise et selon les rites indiqués dans
les éditions typiques du Missel et des Rituels des Sacrements promulgués par
les Papes Paul VI et Jean-Paul II ». (Fideliter, le dossier complet).
Pourquoi avons-nous fait cette
exception « chaque fois qu’il est célébré correctement et avec l'intention
d'offrir le vrai Sacrifice de la Sainte Messe » ?
Parce que, si le prêtre célèbre la
Messe avec l'intention de ne faire qu’un repas communautaire ou une simple
réunion avec le récit de la Cène du Seigneur, sans l'intention d'offrir le vrai
sacrifice de la Messe, il est clair que la validité de cette messe sera
affectée.
En outre, il faut déplorer des messes, même valides, dans
lesquelles « la Liturgie a été violée », comme l’a dit le Pape
Jean-Paul II (Allocution au Congrès des Missions, 6/2/1981), ou dans lesquelles
la « Liturgie dégénère en 'show', où on essaye de rendre la religion
intéressante à l’aide de folies à la mode... avec des succès momentanés de la
part du groupe des fabricants liturgiques », comme critique le Cardinal
Ratzinger (Introduction au livre La
Réforme Liturgique, de Mgr. Klaus Gamber, pag. 6). Et encore, comme l’a dit
le Cardinal Eduardo Gagnon, le président du Comité Pontifical pour les Congrès
Eucharistiques Internationaux, « On ne peut ignorer cependant que la
réforme (liturgique) a donné lieu à beaucoup d'abus et a conduit dans une
certaine mesure à la disparition du respect dû au sacré. Ce fait doit
malheureusement être reconnu et disculpe un bon nombre de ceux qui se sont
éloignés de notre Église ou de leur ancienne communauté paroissiale »
(...) (“Integrismo e conservatismo” – Interview du
Cardinal Gagnon, "Offerten Zitung - Römisches", nov.déc. 1993, p.35)..
Il
est clair que l'Église vit une grande crise. C’est une des raisons pour
lesquelles nous gardons la Messe Traditionnelle. Comme l’a bien dit le Cardinal
Joseph Ratzinger, actuel préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, « la
crise ecclésiale, dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, dépend en
grande partie de l'effondrement de la Liturgie » (Card. Ratzinger - La mia
vita, pag. 113). Donc, pour notre plus grande tranquillité et sécurité, nous
conservons à notre Administration Apostolique, avec tout l'amour et la
dévotion, en vertu de la faculté que nous a accordée le Saint Père le Pape, la
Liturgie et la discipline liturgique traditionnelle comme notre rite propre, ce
grand trésor de l'Église comme une authentique profession de foi catholique, en
parfaite communion avec le Siège de Pierre. Et vous faîtes de même ici. Et
j'aimerais faire l'éloge du CIEL-UK et de tous les catholiques qui aiment et
s'efforcent de faire aimer la Liturgie Traditionnelle, et le Saint Père nous
rassure en nous disant que notre attachement à la tradition liturgique du Rite
Romain est légitime.
Par conséquent, comme je l’ai écrit dans ma première Lettre
Pastorale, nous
conservons la Tradition et la Liturgie traditionnelle, en union avec la Hiérarchie
et avec l'Enseignement vivant de l'Église, et non en nous y opposant. Et la
création de notre Administration Apostolique démontre que cela est parfaitement
possible. Il est possible d'être catholique et traditionnel, en parfaite
communion avec le Saint-Siège.
EN CONCLUSION
Nous
aimons la Sainte Messe comme le centre de notre vie catholique, et comme la
forme d'expression de notre foi et de notre adhésion à Notre Seigneur et à la
Sainte Eglise.
Nous
aimons la Messe Traditionnelle, ce grand trésor de la Sainte Eglise, claire
profession de notre Foi catholique, en union avec la Hiérarchie et
l'Enseignement vivant de l'Église.
Nous
aimons le Saint Père le Pape et nous prions toujours pour lui.
Nous
prions pour que Dieu remporte la victoire sur les ennemis de son Église:
"ut inimicos Sanctae Ecclesiae humiliare digneris, te rogamus, audi
nos" (Litanies des Saints).
Nous
restons unis dans la prière.
Que
tout serve à la plus grande gloire de Dieu, au triomphe de la Sainte Eglise et
au salut de nos âmes
Que Notre Dame, Mère de l'Église, nous garde
dans son coeur immaculé.
Mgr Fernando
Arêas Rifan
Administrateur Apostolique de
l’Administration Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney
lors de la Conférence prononcée à Londres en 2003