VATICAN
La langue dans la liturgie du Rite Romain
: latin et langue vulgaire
Le discours du Card. Francis Arinze à la conférence liturgique de Gateway
Cité du Vatican (Agence
Fides) - Nous publions le texte intégral
du disours prononcé récemment par le Card. Francis Arinze, Préfet de
1. Dignité supérieure de la prière
liturgique
L’Église fondée
par notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ s’efforce de rassembler les hommes
de toutes races, langues, peuples et nations (cf. Ap
5,9), afin que « toute langue proclame que Jésus Christ est le Seigneur pour la
gloire de Dieu le Père » (Phil 2,11). Le jour de
Cette Église, ce
nouveau peuple de Dieu, ce corps mystique du Christ, prie. Sa prière publique
est la voix du Christ et celle de l’Église, son épouse. Tête et membres. La
liturgie est une expression du magistère sacerdotal de Jésus Christ. En elle,
le culte public est accompli par l’Église tout entière, autrement dit par le
Christ qui y associe ses membres. « Par conséquent, toute célébration
liturgique, en tant qu’oeuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est
l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de
l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré » (Sacrosanctum Concilium, 7). À la
sainte source de la liturgie, nous tous qui avons soif des grâces de
La conscience
que, dans chaque acte liturgique, Jésus Christ est le grand prêtre, devrait
instiller en nous une grande ferveur. Comme le disait saint Augustin : « Il
prie pour nous comme notre Prêtre ; il prie en nous comme notre Chef ; nous le
prions comme notre Dieu. Nous reconnaissons ainsi notre voix en lui, et sa voix
en nous » (Enarratio in Psalmum,
85).
2. Divers rites dans l’Église
Par la sainte
liturgie, l’Église célèbre les mystères du Christ à l’aide de signes, symboles,
gestes, mouvements, éléments matériels et paroles. Dans notre réflexion, nous
nous concentrerons sur les paroles utilisées dans le culte divin du rite romain
ou latin. Les éléments-clés de la sainte liturgie, les sept sacrements, nous
viennent de notre Seigneur Jésus Christ lui-même. À mesure que l’Église s’est
répandue et a grandi parmi les différents peuples et cultures, diverses façons
de célébrer les mystères du Christ se sont développées. On peut distinguer
quatre rites originaires : antiochien, alexandrin, romain et gallican. Ceux-ci
ont donné naissance à d’autres rites principaux dans l’Église catholique d’aujourd’hui
: dans l’Église latine prédomine le rite romain, et dans les Églises
orientales, nous trouvons les rites byzantin, arménien, chaldéen, copte,
éthiopien, malabar, maronite et syrien. Chacun de ces « rites » est un mélange
de liturgie, théologie, spiritualité et droit canonique. Les caractéristiques
fondamentales de chaque rite remontent aux premiers siècles de notre ère, leurs
traits essentiels à la période apostolique, ou même au temps de notre Seigneur.
Le rite romain,
qui fait l’objet de notre réflexion, est depuis les temps modernes, comme nous
l’avons vu, l’expression liturgique prédominante de la culture ecclésiastique
que nous appelons rite latin. Comme vous le savez, dans l’archidiocèse de Milan
est en usage un « rite frère » qui a pris le nom de saint Ambroise, le grand
Évêque de Milan : c’est le rite ambrosien. En Espagne, en certains lieux et en
certaines occasions spéciales, la liturgie est célébrée selon un ancien rite
hispanique ou mozambiquien. Ce sont là deux vénérables exceptions dont nous ne
nous occuperons pas ici.
À l’origine,
l’Église de Rome utilisait le grec. Ce n’est que progressivement que le latin a
été introduit, jusqu’à la latinisation définitive de l’Église de Rome au IVe
siècle (cf. A.G. Martimort, L’Église en prière, Desclée 1983).
Le rite romain
s’est largement répandu dans ce que nous appelons aujourd’hui l’Europe
occidentale et dans les continents qui ont été évangélisés en grande partie par
des missionnaires européens : Asie, Afrique, Amérique et Océanie. Aujourd’hui,
en raison de la circulation plus facile des personnes, on trouve dans tous ces
continents des catholiques d’autres rites (appelés en général Églises
orientales).
La plupart de ces
rites possèdent une langue originale, qui donne à chaque rite son identité
historique. Le rite romain a le latin comme langue officielle. À ce jour, les
éditions typiques de ses livres liturgiques ont toujours paru en latin.
Il est à noter
que beaucoup de religions du monde, ou leurs ramifications principales, ont une
langue qui leur est chère. On ne peut pas penser à la religion judaïque sans
penser à l’hébreu. Pour l’islam, la langue sacrée est l’arabe du Coran.
L’hindouisme classique considère le sanscrit comme sa langue officielle, tandis
que les textes sacrés du bouddhisme sont rédigés en pali.
Il serait
superficiel de notre part de croire qu’il s’agit là d’une tendance ésotérique,
bizarre, désuète, vieux jeu ou médiévale. Ce serait ignorer une composante
subtile de la psychologie humaine. Dans les questions religieuses, les
personnes tendent à conserver ce qu’elles ont reçu depuis les origines, la
manière dont leurs prédécesseurs ont formulé leur religion et prié. Les paroles
et les formules utilisées par les premières générations sont chères à ceux qui
en ont hérité aujourd’hui. S’il est vrai qu’on ne peut certes pas identifier
une religion avec une langue, la façon dont elle se comprend peut créer un lien
affectif avec une expression linguistique particulière en usage dans sa période
de croissance classique.
3. Avantages du latin dans la liturgie
romaine
Comme nous
l’avons vu, le latin a remplacé le grec comme langue officielle de l’Église de
Rome au IVe siècle. Parmi les principaux Pères de l’Église qui écrivirent en
latin de manière ample et belle figurent saint Ambroise (339-397), saint
Augustin d’Hippone (354-430), saint Grégoire le Grand (+ 461) et le pape
Grégoire le Grand (540-604). Le Pape Grégoire en particulier donna au latin
toute sa splendeur dans la sainte liturgie, dans ses sermons et dans l’usage général
de l’Église.
L’Église de rite
romain fit preuve d’un dynamisme missionnaire exceptionnel. Cela explique
qu’une grande partie du monde a été évangélisée par des hérauts du rite latin.
Beaucoup de langues européennes que nous considérons aujourd’hui comme modernes
prennent racine dans la langue latine, certaines plus
que d’autres. C’est le cas de l’italien, du roumain, du portugais et du
français. Mais l’anglais et l’allemand possèdent eux aussi de nombreux éléments
dérivés du latin.
Les papes et
l’Église de Rome ont constaté que le latin était bien adapté pour diverses
raisons. C’est la langue qui convient à une Église universelle, à une Église où
tous les peuples, toutes les langues et toutes les cultures doivent se sentir
chez eux, et où nul n’est considéré comme un étranger. En outre, la langue
latine possède une certaine stabilité que n’ont pas les langues parlées
quotidiennement, où des nuances nouvelles peuvent se faire jour dans le sens
des mots. Un exemple est la traduction du verbe latin propagare.
Lorsque
Le Bienheureux
Jean XXIII, dans sa Constitution apostolique Veterum Sapientia, publiée le 22 février 1962, avance deux raisons
à cela, et en donne une troisième. La langue latine a une noblesse et une
dignité non négligeables (cf. Veterum Sapientia, 5, 6, 7). Nous pouvons ajouter que le latin est
concis, précis, et poétiquement mesuré.
N’est-il pas
admirable que des personnes, et en particulier des clercs s’ils sont bien formés,
puissent se rencontrer dans des réunions internationales et être capables de
communiquer entre eux au moins en latin ? Et, ce qui est plus important encore,
n’est-il pas remarquable que plus d’un million de jeunes aient pu se rencontrer
aux Journées Mondiales de
Il est vrai qu’il
existe une tendance, tant à l’intérieur de l’Église que dans le monde en
général, à accorder plus d’attention aux langues modernes comme l’anglais, le
français et l’espagnol, qui peuvent nous aider à trouver plus rapidement un
emploi sur le marché du travail ou au ministère des affaires étrangères de
notre pays. Mais l’exhortation du Pape Benoît XVI aux étudiants de
4. Le chant grégorien
« L’action
liturgique présente une forme plus noble lorsque les offices divins sont
célébrés solennellement avec chants » (Sacrosanctum Concilium, 113). Selon un vieil adage, bis orat qui bene cantat,
ce qui veut dire : « Celui qui chante bien prie deux fois ». Cela, parce que
l’intensité que prend la prière lorsqu’elle est chantée renforce sa ferveur et
multiplie son efficacité (cf. Paul VI, Discours à
La bonne musique
aide à prier, élève l’âme des fidèles vers Dieu, et donne à ceux qui l’écoutent
un avant-goût de la bonté divine.
Dans le rite
latin, ce qui est connu sous le nom de « chant grégorien » fait partie de la
tradition. Un chant liturgique particulier existait à Rome, il est vrai, avant
saint Grégoire le Grand (+ 604). Mais ce fut ce grand pape qui donna à ce chant
sa prééminence. Après saint Grégoire, cette forme de chant continua à se
développer et à s’enrichir jusqu’aux bouleversements qui marquèrent la fin du
moyen âge. Les monastères, et en particulier ceux de l’Ordre bénédictin, ont
beaucoup fait pour préserver cet héritage.
Le chant
grégorien est caractérisé par une cadence méditative et émouvante. Il touche
les profondeurs de l’âme. Il manifeste la joie, la tristesse, le repentir, la
requête, l’espérance, la louange ou l’action de grâce propres à une fête
particulière, à une partie de
Le saint Pape Pie
X célébra le chant grégorien en 1904 (Tra le Sollecitudini, 3). Le Concile Vatican II en fit l’éloge en
1963 : « L’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la
liturgie romaine ; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes
choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place (Sacrosanctum
Concilium, 116). Le Serviteur de Dieu et Pape
Jean-Paul II renouvela cet éloge en 2003 (cf. Chirographe pour le centenaire de
Tra le Sollecitudini, 4-
Ce n’est pas vrai
que les fidèles laïcs ne veulent pas chanter le chant grégorien. Ils demandent
au contraire que les prêtres, les moines et les religieuses partagent ce trésor
avec eux. Les CD gravés par les moines bénédictins de Silos, par leur maison
généralice de Solesmes et par beaucoup d’autres communautés sont très demandés
par les jeunes. Les monastères sont visités par des personnes désireuses de
chanter les laudes, et surtout les vêpres. Lors d’une cérémonie d’ordination de
onze prêtres que j’ai célébrée au Nigeria en juillet
dernier, près de 150 prêtres ont chanté la première prière eucharistique en
latin. C’était très beau. Les fidèles présents, qui n’étaient pourtant pas des
latinistes, l’ont beaucoup apprécié. Il devrait être normal que dans les
paroisses où quatre ou cinq Messes sont célébrées chaque dimanche, l’une de ces
messes soit chantée en latin.
5. Vatican II a-t-il découragé l’usage du
latin ?
Certains pensent
ou ont l’impression que le Concile Vatican II a découragé l’usage du latin dans
la liturgie. Or il n’en est rien.
En 1962, juste
avant d’ouvrir le Concile, le Bienheureux Jean XXIII a rédigé une Constitution
apostolique dans laquelle il insistait sur l’usage du latin dans l’Église. Le
Concile Vatican II, bien qu’ayant autorisé l’introduction de la langue
vulgaire, a mis l’accent sur la place du latin : « L’usage de la langue latine,
sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins » (Sacrosanctum Concilum, 36). Le
Concile a également demandé aux séminaristes d’avoir « la connaissance de la
langue latine qui leur permettra de comprendre et d’utiliser les sources de
tant de sciences et les documents de l’Église » (Optatam
Totius, 13). Le Code de Droit Canonique publié en
1983 dit : « La célébration eucharistique se fera en latin, ou dans une autre
langue, pourvu que les textes liturgiques aient été légitimement approuvés »
(can. 928).
Par conséquent,
ceux qui veulent donner l’impression que l’Église a voulu éliminer le latin de
la liturgie se trompent. En avril 2005, on a assisté au niveau mondial à une
manifestation de l’adhésion à une liturgie bien célébrée en latin, lorsque des
millions de personnes ont suivi à la télévision les obsèques du Pape Jean-Paul
II et, deux semaines plus tard,
Il est important
que les jeunes acceptent volontiers que
6. La langue vulgaire. Introduction.
Diffusion. Conditions.
L’introduction
des langues locales dans la sainte liturgie du rite latin n’est pas un
phénomène survenu à l’improviste. Après des expériences partielles menées dans
certains pays au cours des années précédentes, les 5 et 6 décembre 1962, les
Pères du Concile Vatican II approuvèrent, à l’issue de débats longs et souvent
très animés, le principe selon lequel l’usage de la langue du pays, pendant
Il s’en suivit un
usage plus fréquent des langues vernaculaires. Mais les Pères conciliaires
insistèrent pour que le latin soit maintenu, comme s’ils prévoyaient qu’il
puisse perdre progressivement du terrain. L’article 36 de
Mais tout en
établissant des limites, les Pères conciliaires ont prévu la possibilité d’un
usage plus étendu de la langue du pays. L’article 54 ajoute en effet : « Si
quelque part un emploi plus large de la langue du pays dans la messe semble
opportun, on observera ce qui est prescrit à l’article 40 de la présente Constitution
». L’article 40 contient des directives concernant le rôle des Conférences
épiscopales et du Siège apostolique dans une matière aussi délicate. La langue
vulgaire était introduite. Le reste fait partie de l’histoire. Les
développements furent tellement rapides qu’aujourd’hui certains clercs,
religieux et fidèles laïcs ignorent que le Concile Vatican II n’a pas introduit
la langue vulgaire dans toutes les parties de la liturgie.
Les requêtes
d’extension de l’usage de la langue vulgaire ne se firent pas attendre. À la
demande pressante de certaines Conférences épiscopales, le Pape Paul VI
autorisa d’abord la célébration de
Les raisons de
l’introduction de la langue du pays ne sont pas difficiles à comprendre.
Celle-ci favorise une meilleure compréhension de la prière de l’Église : «
En même temps, il
n’est pas difficile d’imaginer à quel point le travail de traduction est
compliqué et délicat. La question de l’adaptation et de l’inculturation est
encore plus complexe, compte tenu de la sacralité des rites sacramentels, de la
tradition séculaire du rite latin, et du lien étroit entre foi et culte, bien
exprimé par l’ancienne formule : lex orandi, lex credendi.
Passons
maintenant à la question épineuse des traductions de la liturgie en langue
vulgaire.
7. Les traductions dans les langues
vulgaires
La traduction des
textes liturgiques de l’original latin dans les diverses langues vulgaires est
un élément très important de la vie de prière de l’Église. Ce n’est pas une
question de prière privée, mais de prière publique offerte par notre Mère
l’Église, qui a pour Chef Jésus Christ. Les textes latins ont été préparés avec
la plus grande attention à la doctrine, dans une formulation exacte, « exempte
de toute influence idéologique, et possédant les qualités voulues pour que les
saints mystères du salut et la foi inébranlable de l’Église soient transmis
efficacement, au moyen du langage humain, à la prière et à une adoration digne
offerte au Très-Haut » (Liturgiam Authenticam,
3). Les paroles utilisées dans la sainte liturgie expriment la foi de l’Église
et sont guidées par elle. L’Église doit donc en avoir le plus grand soin, en
dirigeant, préparant et approuvant les traductions, afin qu’aucune parole
inappropriée ne soit introduite dans la liturgie par quelqu’un qui aurait un
but personnel ou qui n’aurait pas suffisamment conscience du sérieux des rites.
Les traductions
doivent donc être fidèles au texte original latin. Elles ne doivent pas être
des libres compositions. Comme le dit Liturgiam Authenticam, le principal document du Saint-Siège qui donne
des directives sur les traductions : « La traduction des textes liturgiques de
la liturgie romaine n’est pas un travail d’innovation créative ; il s’agit au
contraire de traduire les textes originaux dans les langues vulgaires avec
fidélité et précision » (n. 20).
Le génie du rite
latin doit être respecté. La triple répétition en est l’une des
caractéristiques. En voici quelques exemples : Mea culpa, mea culpa, mea maxima
culpa ; Kyrie eleison, Christe
eleison, Kyrie eleison,
Agnus Dei qui tollis…, trois fois. Une étude
attentive du Gloria in Excelsis Deo révèle aussi des
triplements. Les traduction ne doivent pas supprimer
ou affadir cette caractéristique.
La liturgie
latine n’exprime pas seulement des faits, mais aussi des sentiments, des
sensations, par exemple celle de la transcendance de Dieu, de sa majesté, de sa
miséricorde et de son amour infini (cf. Liturgiam Authenticam, 25). Des expressions telles que Te igitur, clementissime Pater,
Supplices te rogamus, Propitius
esto, veneremur cernui, Omnipotens et misericors Dominus, nos servi tui, ne doivent pas être affaiblies ou démocratisées par
une traduction iconoclaste. Quelques-unes de ces expressions latines sont
difficiles à traduire. Il faut s’adresser aux meilleurs spécialistes en matière
de liturgie, de classiques, de patrologie, de théologie, de spiritualité, de
musique et de littérature, afin de réaliser des traductions qui soient belles
sur les lèvres de notre sainte Mère l’Église. Les traductions doivent refléter
la ferveur, la gratitude et l’adoration devant la majesté transcendante de Dieu,
la faim de Dieu chez l’homme, toutes choses qui apparaissent clairement dans
les textes latins. Le Pape Benoît XVI, dans son message au comité anglais de
Vox Clara, le 9 novembre 2005, parle de traductions qui « réussiront à
transmettre les trésors de la foi et la tradition liturgique dans le contexte
particulier d’une Célébration Eucharistique dévote et fervente » (in Notitiae, 471-472, nov-déc 2005,
p. 557).
Nombre de textes
liturgiques sont riches en expressions bibliques, en signes et en symboles. Ils
contiennent des modèles de prière qui prennent leur source dans les Psaumes. Le
traducteur ne peut pas ignorer tout cela.
Une langue parlée
aujourd’hui par plusieurs millions de personnes possède évidemment de
nombreuses nuances et variantes. Il y a une différence entre l’anglais utilisé
dans
L’intelligibilité
ne veut pas dire que chaque parole doit être comprise immédiatement de tous.
Considérons attentivement le Credo. C’est un « symbole », une déclaration
solennelle qui résume notre foi. L’Église a dû convoquer plusieurs conciles
généraux pour parvenir à la formulation exacte de certains articles de notre
foi. À
Les traducteurs
ne doivent pas devenir des iconoclastes qui détruisent ou déforment à mesure
qu’ils traduisent. Tout ne peut pas être expliqué pendant la célébration
liturgique. La liturgie n’épuise pas toute l’activité de l’Église (cf. Sacrosanctum Concilium, 9). La
théologie, la catéchèse et la prédication sont également nécessaires. Et même
après une bonne catéchèse, un mystère de notre foi demeure un mystère.
En réalité, nous
pouvons dire que le plus important dans le culte divin, ce n’est pas de
comprendre chaque mot ou chaque concept. Le plus important, c’est que nous ayons
une attitude de ferveur et de crainte devant Dieu, que nous l’adorions, le
louions et lui rendions grâce. Le sacré, les choses de Dieu, doivent être
abordées sans idées préconçues.
Dans la prière,
la langue est d’abord ce qui nous met en contact avec Dieu. Bien entendu, la
langue sert aussi à établir une communication intelligible entre les hommes.
Mais le contact avec Dieu doit avoir la priorité. Chez les mystiques, ce
contact avec Dieu approche et atteint parfois l’ineffable, le silence mystique
où le langage cesse.
Le fait que le
langage liturgique diffère par certains aspects de notre langage quotidien n’a
donc rien de surprenant. Le langage liturgique s’efforce d’exprimer la prière
chrétienne par laquelle nous célébrons les mystères du Christ.
En guise de
synthèse de ces divers éléments nécessaires pour faire une bonne tradition
liturgique, permettez-moi de citer le discours du Pape Jean-Paul II aux évêques
américains de Californie, du Nevada et des îles Hawaï lors de leur visite à
Rome en 1993. Le Saint-Père insistait pour que soient préservées l’intégrité
doctrinale et la beauté des textes originaux : « L’une de nos responsabilités
dans ce domaine est de rendre disponibles des traductions appropriées des
livres liturgiques officiels afin que, après la révision et la confirmation du
Saint-Siège, elles puisent être l’instrument et la garantie d’un partage
authentique sur le mystère du Christ et de l’Église. Lex
orandi, lex credendi. La tâche du traducteur est ardue, car il doit
veiller à conserver la pleine intégrité doctrinale et la beauté des textes
originaux, selon le génie de chaque langue. Alors que tant d’hommes sont
assoiffées du Dieu vivant - dont la majesté et la miséricorde sont au coeur de
la prière liturgique - l’Église doit répondre par une langue de louange et de
culte qui exalte le respect et la gratitude pour la grandeur de Dieu, sa
compassion et pouvoir. Lorsque les fidèles se réunissent pour célébrer l’oeuvre
de notre Rédempteur, le langage de la prière - exempt de toute ambiguïté doctrinale
et de toute influence théologique - doit exalter la dignité et la beauté de la
célébration elle-même, en exprimant fidèlement la foi de l’Église et son unité
» (in Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XVI, 2,
1993, p. 1399-1400).
De ces
considérations, il découle que l’Église doit exercer une autorité attentive sur
les traductions liturgiques. La responsabilité de la traduction des textes
revient à
Il en résulte que
personne, pas même un prêtre ou un diacre, n’a autorité pour changer la
formulation approuvée de la sainte liturgie. C’est une question de bon sens.
Mais on constate parfois que le bon sens n’est pas très répandu. C’est pourquoi
Redemptionis Sacramentum a
tenu à réaffirmer expressément : « L’usage suivant, qui est expressément
réprouvé, doit cesser : ici ou là, il arrive que les prêtres, les diacres ou
les fidèles introduisent, de leur propre initiative, des changements ou des
variations dans les textes de la sainte Liturgie, qu’ils sont chargés de
prononcer. En effet, cette manière d’agir a pour conséquence de rendre instable
la célébration de la sainte Liturgie, et il n’est pas rare qu’elle aille
jusqu’à altérer le sens authentique de
8. Qu’attend-t-on de nous ?
Pour conclure ces
réflexions, nous pouvons nous demander ce qu’on attend de nous.
Nous devons faire
de notre mieux pour apprécier la langue que l’Église utilise dans la liturgie
et unir nos coeurs et nos voix, en suivant les indications de chaque rite
liturgique. Tous les fidèles laïcs ne connaissent pas le latin, mais ils
peuvent apprendre au moins les réponses les plus simples en latin. Les prêtres
doivent accorder plus d’attention au latin, et célébrer de temps en temps une
messe en latin. Dans les grandes églises où plusieurs messes sont célébrées le
dimanche et les jours de fête, pourquoi ne pas dire l’une de ces messes en
latin ? Dans les paroisses rurales, une messe en latin devrait être possible,
disons une fois par mois. Dans les assemblées internationales, le latin est
encore plus nécessaire. C’est pourquoi les séminaires doivent s’efforcer de
préparer et de former les prêtres à l’usage du latin (cf. Synode des Évêques,
octobre 2005, Prop. 36).
Tous les
responsables des traductions en langue vulgaire doivent faire de leur mieux, en
suivant les instructions des documents de l’Église, notamment Liturgiam Authenticam.
L’expérience montre qu’il n’est pas superflu de rappeler que les prêtres, les
diacres et tous ceux qui proclament les textes liturgiques doivent les lire de
façon claire et avec la ferveur voulue.
La langue n’est
pas tout. Mais c’est l’un des éléments les plus
importants, qui nécessite une grande attention pour que les célébrations soient
belles et ferventes.
C’est un honneur
pour nous de prendre part à la voix de l’Église dans la prière publique. Que