« Le sacerdoce
catholique! Tu t'interroges sur le sacerdoce. Tu veux savoir ce qu'est le
sacerdoce catholique. Lis ce très beau texte signé
de Monsieur l'abbé Philippe Laguérie.
Et tu sauras et tu pourras choisir. Ce ne sont pas de tels prêtres qu'il
faut mettre à l'égard, au rancart. Bien au contraire.
Si c'était le cas, A Dieu ne plaise, il y aurait pour de bon,
dans
Editorial de
l'abbé Philippe Laguérie dans la
dernière livraison du "Mascaret", bulletin de la paroisse
Saint Pie X de Bordeaux : 25 ans déjà…
Auxquels il faut ajouter
les cinq années de séminaire et le service militaire :
voilà donc bien 31 ans que je suis en soutane et 25 que je dis la messe
et remets les péchés. Le plus surpris n'est pas vous, mais bien
moi ! Que Dieu ait choisi votre serviteur pour exercer la redoutable fonction
du sacerdoce catholique, je n'en reviens toujours pas. Et pourtant c'est comme
ça et le choix de Dieu, confirmé par l'Eglise, a
été si clair, si poignant, tant irrésistible que je vis au
quotidien avec cette certitude absolue que « Celui qui a commencé
en nous cette œuvre salutaire, la perfectionnera jusqu'au jour du Christ
Jésus ». Je n'ai jamais été effleuré
seulement par le doute, tant sur la foi que sur ma vocation. D'ailleurs,
dès lors qu'on a reçu l'ordination, ces deux aspects ne font
qu'un. Le prêtre par les pouvoirs suréminents qu'il a reçus
de Dieu est devenu un objet de foi, pour les fidèles et plus encore pour
lui-même. C'est comme st Pierre qui marche sur l'eau : tant qu'il ne
doute pas de la toute puissante parole de Jésus, il ne s'enfonce pas
lui-même.
Ces vingt cinq
années m'ont appris plusieurs choses que le séminaire ne donne
pas et ne peut pas donner. Mais avant que de les dire, je veux saluer, avec
action de grâces, ces années de formation à Ecône, auprès de Mgr Lefebvre et de quelques
vétérans disparus depuis. Ils nous encourageaient, nous
relevaient, nous poussaient en avant. J'étais heureux comme un poisson dans
l'eau. Leur expérience, non remplacée depuis, à
l'exception du merveilleux père Baillife
toujours à l'œuvre auprès des jeunes de Flavigny,
leur avait fait comprendre que pour sublime que soit le sacerdoce et exigeante
les vertus qu'il suppose, nous portons tous ce trésor dans des vases
d'argile. L'argile dont nous avons été pétris et la
poussière dans laquelle nous allons retourner ! Ils savaient d'instinct
et d'expérience qu'il n'y a pas un prototype hégélien de
prêtre, une idée platonicienne, ou un « méchant
modèle » comme aurait dit Molière sur lequel ils dussent
aligner tout le monde. La foi et la morale catholique respectées (elles
sont les mêmes pour tous, n'en déplaise aux modernes
fantaisistes), il y a la grâce infiniment variée de Dieu, multiforme,
dit st Paul, en sa riche diversité qui tombe sur des caractères,
des tempéraments, des éducations, des qualités et des
défauts heureusement très divers. Ce que dit st Paul du Corps
mystique (la complémentarité des différents organes pour
l'harmonie du corps) se retrouve évidemment dans l'ordre sacerdotal qui,
faut-il le rappeler, n'est pas au-dessus du corps mais bien de ce corps !
Relisez les interminables réflexions de st Paul là-dessus (Cor 12
12-30). Il y a eu un curé d'Ars, pure merveille de la grâce et
merci à Dieu de l'avoir fait. Mais il n'y en aura qu'un seul pour
l'éternité et tout l'entêtement du monde n'en ferra jamais
un clonage. Ainsi de tous les saints. Et à supposer même que ce
clonage soit possible (Dieu merci ça ne l'est pas), ce serait encore
catastrophique. Il fallait un saint Jacques (le mineur) pour tenir l'Eglise de
Jérusalem : pas facile ! Avec tous ces zélotes et ces
obsédés de la loi pharisaïque, plus attachés à
leur nourriture diététique et leur paresse du samedi, qu'au
Messie que Dieu venait de leur envoyer. Il fallait un st Paul - capable de
résister même à st Pierre - pour ouvrir l'Eglise aux
nations et faire comprendre aux chrétiens de tous les temps que leur
seul trésor est Jésus-Christ. Deux st Paul ? La première
église à faire schisme du christianisme eut été
celle de Jérusalem. Deux st Jacques ? L'épouse de
Jésus-Christ n'aurait jamais été qu'une succursale de la
synagogue. Foi et morale enseignées et respectées, laissons donc
Dieu se choisir et se réaliser les saints et les prêtres qu'Il
veut !
Mgr Lefebvre,
convenez-en, avait l'accueil des séminaristes et l'ordination faciles.
Il fallait voir sa joie d'enfant, merveilleuse, à l'entrée d'une
nouvelle couvée ; il en avait les larmes aux yeux, je l'ai vu. Du haut
de nos vingt ans, nous nous demandions pourquoi il patientait tant avec l'un ou
l'autre et nous n'étions pas loin de nous scandaliser. Il y a toujours
eu et il y aura toujours un peu de casse. Reportez-vous aux douze apôtres
dont l'un fut un traître et aux sept diacres dont l'un fonda la secte des
Nicolaïtes aux perversions indescriptibles ! Au moins, Mgr Lefebvre peut
se dire du haut du ciel qu'il n'a fermé la porte de la grâce
à personne et sauvé par là une multitude d'âmes. Tel
séminariste d'ailleurs, aux qualités discutables se
révèle être un excellent prêtre, tandis qu'un
modèle breveté, patenté et déposé va tourner
casaque dans les trois ou cinq ans. Laissons donc ce choix redoutable à
Celui seul qui peut l'assumer : le Tout Puissant. Souvenons-nous que la plupart
des « ecclésiastiques » (quel mot détestable)
étaient contre l'ordination du Curé d'Ars. Heureusement
l'évêque de Belley mit du poing sur la table. Et quelle
terrifiante responsabilité des autres. Je pense aux paroles de st Paul :
« Il est effroyable de tomber entre les mains du Dieu vivant ».
Mais venons-en à
ce que le séminaire n'apprend pas, mais seul
l'exercice du sacerdoce.
La miséricorde Ce
n'est pas tant d'exercer la miséricorde, au confessionnal par exemple,
qu'apprend la miséricorde que la nécessité de plus en plus
ressentie d'en avoir tant besoin pour soi-même. Or l'exercice du
sacerdoce en lui-même apprend cela bien évidemment. Entre ce que
nous devrions être et ce que nous sommes, il y a une telle distance
(perçue par la foi), un tel gouffre parfois que seule une
spéciale miséricorde divine, à la mesure des dons
reçus, peut nous maintenir l'Espérance de notre salut et la
pratique non illégitime de notre très légitime sacerdoce.
Comme tous les jeunes prêtres, j'ai manqué de miséricorde.
Toujours ce souci d'aligner tout le monde et tout de suite sur les
schémas établis au séminaire. Cette miséricorde
théorique, juridique, sacramentelle même, apprise au
séminaire n'existe pas dans les faits. Car il n'y a pas plus de
miséricorde spéculative que de péchés. Si le
péché est dramatiquement concret et existentiel, la
miséricorde l'est forcément aussi. A Dieu ne plaise, qu'un jeune
prêtre dût apprendre la miséricorde dans l'expérience
du péché (le péché de l'expérience des
autres n'est pas une expérience du péché pour soi). Mais
dans ses limites, ses insuffisances (sa suffisance par exemple), sa
fierté ridicule, son autoritarisme stupide, ses vérités à lui qu'il prend pour
Pour finir sur la miséricorde, disons que son apprentissage par le
prêtre équivaut tout simplement à sa
persévérance. S'il n'est pas miséricordieux avec les
autres, il sait que Dieu ne lui fera pas miséricorde à
lui-même (voir tout simplement l'Evangile). S'il ne croit plus à
la miséricorde qu'exige pourtant son sacerdoce, il va
désespérer du secours divin : ce grand écart aura raison
de lui…
2) La paroisse
Sans aucun mérite,
j'ai appris entre 1983 et 1997 ce qu'était une paroisse. C'est une chose
merveilleuse et je remercie Mgr Ducaud-Bourget de m'y
avoir initié. Là encore, la sagesse des anciens est
incontournable. Cette résidence du prêtre, sa
disponibilité, sa légitime fierté, ces baptêmes, ces
conversions, ces assemblées dominicales autour de l'autel du sacrifice,
ces petites gens qui rentrent et qui sortent, ces pauvres, ces mendiants, la
beauté liturgique de tous les temps et mille autres aspects pratiques
qui concrétisent le dévouement des fidèles (nettoyage,
fleurs, sacristie, cérémonie et même travaux…) en
font la joie du prêtre comme une véritable épouse qu'on
aime et qu'on rend belle et qui donne de beaux enfants. (Cf. st Paul, ch.V aux Eph.). Le prêtre
qui n'a pas connu cela, sous quelque forme ou ne l'a pas aimé, n'a pas
le droit de diriger l'Eglise de Dieu. On connaît les ravages tristement
célèbres de ces prélats qui n'avaient d'abord pas
été pasteurs. Ils dirigent essentiellement et des pasteurs sans
savoir ce que c'est.
Les bons papes ont été pasteurs, les mauvais ne l'ont pas
été. Le clivage est essentiellement là, étant
supposée une doctrine fidèle, va sans dire.
Et comment celui qui est
parmi vous le représentant du Bon (et Unique) Pasteur, Notre Seigneur
Jésus Christ serait dispensé d'avoir « les sentiments
même qui étaient dans le Christ Jésus ». Comme Lui,
il doit pouvoir dire : « Je connais mes brebis et mes brebis me
connaissent, et je leur donne la vie éternelle… je donne ma vie
pour mes brebis. J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de ce bercail (Notre
Seigneur parlait des non juifs mais le prêtre peut penser aux nouvelles
recrues de son ministère apostolique). Celles-là aussi, il faut
que je les amène. Elles écouteront ma voix et il n'y aura qu'un
seul troupeau et qu'un seul pasteur… ».
Si le vêtement d'un prêtre, beaucoup plus que sa soutane doit
être la charité, quelle joie n'a t-il pas au milieu des
fidèles, de leur foi simple et profonde, de leurs soucis comme de leurs
espoirs, lui qui, grâce au trésor déposé dans ses
mains, a remède à tout. Jusqu'à leur petite malice, leur
coterie entre ceux qui l'apprécient beaucoup trop et d'autres pas assez.
C'est le petit conseil malicieux que je me permets de donner aux uns comme aux
autres (car j'ai ce problème depuis 25 ans). Vous avez tort les uns et
les autres, les uns par les autres. Vous êtes aussi peu raisonnables les
uns que les autres et finalement quelque peu aveugles. J'ai quelques
défauts qui devraient calmer votre enthousiasme et aussi quelques
qualités (sans mérite) qui devraient modifier votre injustice !
Toujours est-il que j'aime les uns et les autres d'affection et de
charité ou de charité pure.
3) Jésus-Christ
On ne découvre pas Notre Seigneur avec le sacerdoce, ce doit être
déjà fait. Et pourtant ! Cette fréquentation assidue de
l'Evangile et de l'Eucharistie, voilà bien ce qui modifie l'âme
insensiblement mais inexorablement. Mais les fidèles le peuvent aussi,
direz-vous ? En soi, oui, évidemment. Mais la part active que nous
prenons à ces mystères, par le caractère actif du
sacerdoce, nous confère une familiarité et une intimité
privilégiées. St Paul se vantait d'avoir une connaissance
suréminente du Seigneur Jésus et comme il avait raison ! J'ai
entendu cette réflexion de bons fidèles : vous (les
prêtres) aurez toujours une supériorité dans la
connaissance (j'ajoute dans l'amour) du Christ, de Dieu et de son Royaume. Et
comme c'est vrai aussi ! C'est là que des prêtres seraient
inexcusables ! C'est là seulement qu'ils doivent évidemment se
ressembler, le reste est libre.
Un jeune garçon du catéchisme de St Nicolas me posa d'un coup
cette question sur le parvis : « M. l'abbé est-ce que vous aimez
Jésus-Christ plus qu'à votre ordination ? ». Brr… le coquin ! Avec mes 6 ou 8 ans de sacerdoce
à l'époque, il m'a vraiment troublé et le soir, j'ai eu
honte parce que, en toute vérité, je n'étais sûr de
rien. Aujourd'hui cette question me ferait plutôt sourire, à moins
qu'elle ne m'émeuve de trop…
C'est d'ailleurs la seule question que devrait se poser un prêtre :
celle-là même que Notre Seigneur posait à st Pierre par
trois fois, le soir de la résurrection. « Pierre m'aimes-tu plus
que ceux-ci ? Le reste c'est du vent ou du bruit. Jésus n'a absolument
pas besoin de nous, et quel honneur nous fait-il de nous garder à son
service (j'aillais dire de nous supporter !). Aussi la seule réponse
à un sacerdoce aussi mystérieux que sublime est cette
reconnaissance viscérale, pleine d'affection et de tendresse pour un
Maître finalement beaucoup plus indulgent qu'exigeant. Qu'Il soit
béni éternellement.