Redemptionis sacramentum, présentation par le cardinal
Arinze
Le site de la congrégation romaine pour le Culte divin et la
discipline des sacrements propose cette traduction en français de
l’intervention faite ce matin en italien par le cardinal Francis Arinze, préfet
de ce dicastère, lors de la présentation à la presse de l’instruction intitulée
: le «Sacrement de la Rédemption».
PRÉSENTATION DE "REDEMPTIONIS SACRAMENTUM"
(Certains points à observer ou à éviter au sujet de la Très Sainte
Eucharistie)
1. Origine de cette instruction.
Il est utile de rappeler tout d'abord l'origine de cette
instruction. Le Jeudi Saint, 17 avril 2003, lors de la Messe solennelle de la
Dernière Cène dans la Basilique Saint Pierre, le Saint Père signa et donna à
l'Eglise sa quatorzième lettre encyclique "Ecclesia de Eucharistia".
Dans ce beau document, le Pape Jean-Paul II déclare, entre autres,
que la Sainte Eucharistie « a sa place au centre de la vie ecclésiale » (n. 3),
qu' « elle est un lien entre le ciel et la terre. Elle englobe et elle imprègne
toute la création » (n. 8). Elle « est ce que l'Eglise peut avoir de plus
précieux dans sa marche au long de l'histoire » (n. 9). Il fait remarquer, en
même temps, que depuis le Concile Vatican II, des éléments positifs et négatifs
se sont développés dans la célébration du culte (n. 10) et que des abus ont été
une source de souffrance pour beaucoup. Il considère donc de son devoir « de
lancer un vigoureux appel pour que, dans la Célébration eucharistique, les
normes liturgiques soient observées avec une grande fidélité » (n. 52). Il
ajoute: « Précisément pour renforcer ce sens profond des normes liturgiques,
j'ai demandé aux Dicastères compétents de la Curie romaine de préparer un
document plus spécifique, avec des rappels d'ordre également juridique, sur ce
thème d'une grande importance. Il n'est permis à personne de sous-évaluer le
Mystère remis entre nos mains : il est trop grand pour que quelqu'un puisse se
permettre de le traiter à sa guise, ne respectant ni son caractère sacré ni sa
dimension universelle » (n. 52).
Voilà donc l'origine de cette instruction que la Congrégation pour
le Culte Divin et la Discipline des Sacrements offre maintenant à l'Eglise
latine, en étroite collaboration avec la Congrégation pour la Doctrine de la
foi
2. Raisons d'être des normes liturgiques
On pourrait se poser la question des raisons d'être des normes
liturgiques. La créativité, la spontanéité, la liberté des enfants de Dieu, un
bon sens ordinaire ne suffisent-ils pas? Pourquoi le culte de Dieu devrait-il
être réglementé par des rubriques et des normes? Ne suffit-il pas d'enseigner
tout simplement au peuple la beauté et la nature élevée de la liturgie? Les
normes liturgiques sont nécessaires parce que « le culte public intégral est
exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, c'est-à-dire par le Chef et par
ses membres.
Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu'oeuvre du
Christ prêtre et de son Corps qui est l'Eglise, est l'action sacrée par excellence
dont nulle autre action de l'Eglise ne peut atteindre l'efficacité au même
titre et au même degré » (Sacrosanctum Concilium, n. 7). La célébration
eucharistique est le sommet de la liturgie. Personne ne devrait s'étonner si,
au cours des temps, notre Mère la sainte Eglise a développé des mots, des
actions, et donc des directives, pour cet acte suprême du culte.
Les normes eucharistiques ont été conçues pour exprimer et protéger
le mystère eucharistique et, de plus, pour manifester que c'est l'Eglise qui
célèbre cet auguste sacrifice et ce sacrement. Comme le dit le Pape Jean-Paul
II, « elles sont une expression concrète du caractère ecclésial authentique de
l'Eucharistie; tel est leur sens le plus profond. La liturgie n'est jamais la
propriété privée de quelqu'un, ni du célébrant, ni de la communauté dans
laquelle les Mystères sont célébrés » (Ecclesia de Eucharistia, n. 52).
Il s'ensuit que « le prêtre qui célèbre fidèlement la Messe selon
les normes liturgiques et la communauté qui s'y conforme manifestent, de
manière silencieuse mais éloquente, leur amour pour l'Eglise » (Ibid.). Il est
évident qu'une conformité extérieure ne suffit pas. La foi, l'espérance et la
charité exigent, en plus de la participation à l'Eucharistie, une solidarité
avec ceux qui sont dans le besoin.
Cette dimension est soulignée à l'article 5 de l'instruction: « Il
est évident aussi qu'une observance purement extérieure des normes est
contraire à la nature même de la sainte Liturgie, voulue par le Christ Seigneur
pour rassembler son Eglise, afin que celle-ci forme avec lui 'un seul corps et
un seul esprit'. C'est pourquoi l'attitude extérieure doit être éclairée par la
foi et la charité qui nous unissent au Christ et les uns aux autres, et
suscitent en nous l'amour envers les pauvres et les affligés ».
3. Est-il important de prêter attention aux abus?
Une tentation à laquelle il faut résister est celle qui estime que
c'est une perte de temps à prêter attention aux abus liturgiques. On a écrit
que les abus ont toujours existé et qu'ils existeront toujours; donc, nous
devrions nous préoccuper de formation et de célébrations liturgiques positives.
Cette objection, partiellement vraie, peut nous induire en erreur. Tous les
abus au sujet de la Sainte Eucharistie n'ont pas le même poids. Quelques uns
menacent de rendre le sacrement invalide. D'autres manifestent un manque de foi
eucharistique. D'autres encore contribuent à semer la confusion parmi le peuple
de Dieu et tendent à désacraliser les célébrations eucharistiques. Ce ne sont
pas des abus à prendre à la légère.
Bien sûr, tous les membres de l'Eglise ont besoin d'une formation
liturgique. Selon le Concile Vatican II, « il est donc très nécessaire qu'on
pourvoie en premier lieu à la formation liturgique du clergé » (Sacrosanctum
Concilium, n. 14). Mais il est également vrai que « dans tel ou tel contexte
ecclésial, des abus contribuent à obscurcir la foi droite et la doctrine
catholique sur cet admirable Sacrement » (Ecclesia de Eucharistia, n. 10). « Il
n'est pas rare que les abus s'enracinent dans une fausse conception de la
liberté » (Instruction, n. 7). « Ces actes arbitraires ne favorisent pas le
véritable renouveau » (Instruction, n. 11) espéré par le Concile Vatican II. «
De tels abus n'ont rien à voir avec l'esprit authentique du Concile et ils
doivent être corrigés par les pasteurs, avec une attitude de fermeté prudente »
(Jean-Paul II, Lettre Apostolique pour le 40e anniversaire de la Constitution
Sacrosanctum Concilium, Spiritus et Sponsa, n. 15).
A ceux qui de leur propre autorité modifient des textes
liturgiques, il est important de faire remarquer avec cette instruction que «
la sainte Liturgie est intimement liée aux principes doctrinaux; aussi, l'usage
de textes et de rites, qui ne sont pas approuvés, a pour conséquence que le
lien nécessaire entre la loi de la prière liturgique et la loi de la foi, la «
lex orandi » et la « lex credendi », s'affaiblit ou vient à manquer »
(Instruction, n. 10).
4. Aperçu général de l'instruction
L'instruction comporte une introduction, huit chapitres et une
conclusion.
Le premier chapitre sur la réglementation de la sainte Liturgie
parle du rôle du Siège Apostolique, de l'Evêque diocésain, de la Conférence
épiscopale, des prêtres et des diacres. J'attire l'attention sur le rôle de
l'Evêque diocésain. Il est le grand-prêtre de son troupeau. Il dirige,
encourage, promeut et organise. Il supervise la musique sacrée et l'art. Il
établit les commissions nécessaires pour la liturgie, la musique et l'art sacré
(Instruction, 22,25). Il cherche des remèdes aux abus: en ce cas, c'est à lui
ou à ses assistants qu'il faudrait d'abord recourir plutôt qu'au Siège
Apostolique. (Instruction, n. 176-182, 184).
Les prêtres, comme les diacres, ont promis solennellement d'exercer
leur ministère avec fidélité. On s'attend à ce que leur vie soit en accord avec
leurs responsabilités sacrées.
Le deuxième chapitre traite de la participation des fidèles laïcs à
la célébration eucharistique. Le Baptême est le fondement de leur sacerdoce
commun (Instruction, n. 36, 37). Le prêtre ordonné est toujours indispensable à
une communauté chrétienne et les rôles des prêtres et des fidèles laïcs ne
devraient pas être confondus (Instruction, n. 42, 45). Les laïcs ont leur rôle
propre. Selon l'instruction, cela ne veut pas dire que tout le monde doive
toujours faire quelque chose. Il s'agit plutôt de se laisser complètement
vivifier par ce grand privilège, don de Dieu, qu'est l'appel à participer à la
liturgie, d'esprit et de coeur, par la vie entière, et ainsi, de recevoir par
elle la grâce de Dieu. Il est important de bien comprendre cela et de ne pas
supposer que l'instruction a quelques préjugés contre les fidèles laïcs.
Les chapitres 3,4 et 5 essaient de répondre à des questions posées
de temps à autre. Ils abordent quelques abus reconnus lors de célébrations de
la Messe, le discernement entre qui peut et qui ne devrait pas communier, le
soin nécessaire pour recevoir la communion sous les deux espèces, des questions
concernant les vêtements et les vases sacrés, la position requise pour recevoir
la Sainte Communion et d'autres questions du même genre.
Le chapitre 6 concerne la dévotion à la Sainte Eucharistie hors de
la Messe. Il traite du respect dû au tabernacle et de pratiques comme les
visites au Saint Sacrement, les chapelles d'adoration perpétuelle, les
processions et les congrès eucharistiques (Instruction, n. 130, 135-136, 140,
142-145).
Le chapitre 7 concerne les offices extraordinaires confiés aux
laïcs, par exemple, aux ministres extraordinaires de la Sainte Communion, aux
instructeurs ou aux responsables de prières en l'absence d'un prêtre
(Instruction, n. 147-169). Le chapitre 2 de l'instruction traitait de la
participation ordinaire des laïcs à la liturgie et en particulier à l'Eucharistie.
Ici, il s'agit de ce que les laïcs sont appelés à accomplir lorsqu'il manque un
nombre suffisant de prêtres ou même de diacres. Ces dernières années le Saint
Siège a accordé une attention considérable à cette question, et cette
instruction y donne suite, ajoutant d'autres considérations pour des
circonstances particulières.
Le dernier chapitre traite de remèdes canoniques pour des crimes ou
des abus contre la Sainte Eucharistie. A long terme, le remède principal se
trouve dans une formation et une instruction appropriées et dans une foi
solide. Mais lorsqu'il y a des abus, l'Eglise a le devoir de les aborder avec
clarté et charité.
5. Conclusion
En raison de l'article de foi selon lequel la Messe est la
représentation sacramentelle du Sacrifice de la Croix (cf. Concile de Trente :
DS 1710) et que « le corps et le sang, ainsi que l'âme et la divinité de notre
Seigneur Jésus Christ, et donc, le Christ tout entier est vraiment, réellement
et substantiellement contenu dans le très saint sacrement de l'Eucharistie »
(Concile de Trente: DS 1651; cf. CCC 1374), il est clair que les normes
liturgiques concernant la Sainte Eucharistie méritent notre attention. Ce ne
sont pas des rubriques méticuleuses dictées par des esprits légalistes. « La
sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l'Eglise, c'est-à-dire,
le Christ Lui-même, Lui, notre Pâque, Lui, notre pain vivant ». (Presb.
Ordinis, 5).
Les prêtres et les Evêques sont ordonnés avant tout pour célébrer
le sacrifice Eucharistique et donner le Corps et le Sang du Christ aux fidèles.
Les diacres, et, à leur manière, les acolytes, d'autres servants, les lecteurs
et les chorales, les laïcs ayant reçu une mission particulière sont tous
appelés à offrir leur aide pour les différentes fonctions et à remplir leurs
divers ministères avec foi et dévotion.
En conclusion de cette instruction, la Congrégation pour le Culte
Divin et la Discipline des Sacrements espère que « grâce aussi à l'application
attentive des normes rappelées dans la présente instruction, l'action du très
saint Sacrement de l'Eucharistie rencontre moins d'obstacles dus à la fragilité
humaine, et que, si l'on parvient à écarter tout abus et à bannir tout usage
illicite, par l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, « femme eucharistique
», la présence salvifique du Christ resplendisse sur tous les hommes dans le
Sacrement de son Corps et de son Sang » (Instruction, 185).
Francis Card. ARINZE
23 avril 2004