15. Son intelligence et son acte de connaître

– Y a-t-il d’autres facultés de connaître qui soient aussi dans l’homme ?

– Oui, il y a une autre faculté de connaître qui est aussi dans l’homme et qui est en lui sa faculté principale.

– Comment appelez-vous cette faculté principale de connaître qui est ainsi dans l’homme ?

– Elle s’appelle la raison ou l’intelligence (q. 79, a. 1).

– La raison ou l’intelligence, est-ce une même faculté de connaître dans l’homme ?

– Oui, la raison et l’intelligence sont une même faculté de connaître dans l’homme (q. 79, a. 8).

– Pourquoi l’appelle-t-on de ce double nom ?

– On l’appelle de ce double nom parce que, dans son acte de connaître, quelquefois elle saisit tout de suite, sans avoir besoin de raisonner, tandis que d’autres fois il faut qu’elle raisonne (Ibid.).

– Est-ce que le raisonnement est l’acte propre à l’homme ?

– Oui, le raisonnement est l’acte propre à l’homme ; parce que, de tous les êtres qui sont, il n’y a que lui qui puisse raisonner, ou qui ait besoin de raisonner.

– Est-ce une perfection pour l’homme de pouvoir raisonner ?

– Oui, c’est une perfection pour l’homme de pouvoir raisonner, mais c’est une imperfection d’avoir besoin de raisonner.

– Pourquoi dites-vous que c’est une perfection pour l’homme de pouvoir raisonner ?

– Parce que de la sorte l’homme peut connaître la vérité, ce que ne peuvent point les êtres inférieurs à lui, comme sont les animaux sans raison.

– Pourquoi dites-vous que c’est une imperfection pour l’homme d’avoir besoin de raisonner ?

– Parce que de la sorte il n’arrive à connaître la vérité que lentement et avec possibilité de se tromper, tandis que l’ange et Dieu, qui n’ont pas besoin de raisonner, saisissent la vérité d’un seul coup et sans qu’ils puissent se tromper.

 

– Pourriez-vous me dire ce que c’est que connaître la vérité ?

– Connaître la vérité, c’est savoir ce qui est.

– Et ne pas savoir ce qui est, qu’est-ce que c’est ?

– C’est être dans l’ignorance ou dans l’erreur.

– Y a-t-il une différence entre ces deux choses : être dans l’ignorance ou être dans l’erreur ?

– Oui, il y a une très grande différence entre le fait d’être dans l’ignorance et celui d’être dans l’erreur ; car être dans l’ignorance, c’est simplement ne pas savoir ce qui est ; tandis qu’être dans l’erreur, c’est affirmer qu’une chose est quand elle n’est pas, ou qu’elle n’est pas quand elle est.

– Est-ce un mal pour l’homme d’être dans l’erreur ?

– Oui, c’est un très grand mal pour l’homme d’être dans l’erreur ; parce que le bien propre de l’homme consiste dans la vérité, qui est le bien de son intelligence.

 

– L’homme en naissant porte-t-il en lui-même la vérité ?

– Non, l’homme en naissant ne porte pas en lui-même la vérité ; car, s’il a, dès lors, son intelligence, il ne l’a qu’à l’état de faculté vide, qui doit attendre, pour acquérir la vérité, le développement suffisant des facultés sensibles destinées à la servir (q. 84, a. 5).

– Quand est-ce que l’homme commence à connaître la vérité ?

– L’homme commence à connaître la vérité quand il a l’usage de la raison, c’est-à-dire aux environs de sa septième année.

– Est-ce que l’homme peut tout connaître par sa raison ?

– Non, l’homme ne peut pas tout connaître, d’une connaissance propre, par sa raison, à considérer cette raison dans les seules limites de ses forces naturelles (q. 12, a. 4 ; q. 86, a. 2 & 4).

– Quelles sont les choses que l’homme peut connaître naturellement par sa raison ?

– L’homme peut connaître naturellement par sa raison les choses sensibles et tout ce que ces choses sensibles révèlent.

– L’homme peut-il se connaître lui-même par la raison naturelle ?

– Oui, l’homme peut se connaître lui-même par la raison naturelle ; parce qu’il est lui-même un être sensible et qu’à l’aide de ce qui tombe sous ses sens il peut, en se servant du raisonnement, connaître ce qui est requis pour être ce qu’il est (q. 87) .

 

– L’homme peut-il connaître les anges ou les purs esprits ?

– L’homme ne peut connaître qu’imparfaitement les anges ou les purs esprits.

– Pourquoi dites-vous que l’homme ne peut connaître qu’imparfaitement les anges ou les purs esprits ?

– Parce qu’il ne peut pas les connaître en eux-mêmes, en raison de leur nature, qui n’appartient pas aux natures sensibles, objet propre de la raison de l’homme (q. 88, a. 1 & 2).

 

– Est-ce que l’homme peut connaître Dieu en lui-même ?

– Non, l’homme ne peut pas naturellement connaître Dieu en lui-même, Dieu étant infiniment au-dessus des natures sensibles, qui sont pour la raison de l’homme le seul objet proportionné, dans l’ordre de sa connaissance naturelle (q. 88, a. 3).

– C’est donc imparfaitement aussi que l’homme peut connaître Dieu par sa raison, laissée à ses seules forces naturelles ?

– Oui, c’est aussi d’une manière seulement imparfaite que l’homme peut connaître Dieu par sa raison, laissée à ses seules forces naturelles.

– Est-ce cependant une perfection pour l’homme de pouvoir ainsi connaître Dieu par sa raison ?

– Oui, c’est une très grande perfection pour l’homme de pouvoir ainsi connaître, même imparfaitement, Dieu par sa raison ; parce qu’il s’élève par là infiniment au-dessus des autres êtres qui n’ont pas la raison ; et qu’il a pu même à cause de cela être élevé à la souveraine dignité d’enfant de Dieu par la grâce, où sa raison est appelée à connaître Dieu selon qu’il est en lui-même, d’abord, imparfaitement, par la foi, et puis dans la pleine clarté de la lumière de gloire (q. 12, a. 4, ad 3 ; 5, 8, 10, 13).

– Est-ce qu’en pouvant ainsi être élevé à la dignité d’enfant de Dieu par la grâce, l’homme a pu devenir l’égal des anges ?

– Oui, en étant ainsi élevé à la dignité d’enfant de Dieu par la grâce, l’homme devient en quelque sorte l’égal des anges, pouvant même être supérieur à eux dans cet ordre de la grâce, quoiqu’il leur demeure inférieur dans l’ordre de la nature (q. 108, a. 8).