12. Du don de sagesse, qui correspond à la charité — Vice qui lui est opposé
— La vertu de charité
a-t-elle un don du Saint-Esprit qui lui correspond ?
— Oui, la vertu de charité a un don du Saint-Esprit
qui lui correspond ; et c’est le plus parfait de tous, à savoir le don
de sagesse (q. 45).
— Qu’entendez-vous
par le don de sagesse ?
— J’entends ce don du Saint-Esprit, qui fait que l’homme,
sous l’action directe de l’Esprit-Saint, juge de toutes choses par son intelligence,
en prenant pour norme ou pour règle propre de ses jugements la plus haute et
la plus sublime de toutes les causes, qui est la sagesse même de Dieu telle
qu’elle a daigné se manifester à nous par la foi (q. 45, a. 1).
— Pourriez-vous me
dire en quoi ce don de sagesse se distingue de la vertu intellectuelle du même
nom, ou encore des dons d’intelligence, de science, de conseil, pour autant
qu’eux-mêmes se distinguent des vertus intellectuelles qui s’appellent aussi
l’intelligence, la science et la prudence ?
— Oui ; et le voici en quelques mots. — Du côté
de l’intelligence, dans l’ordre des choses de la foi, il y a plusieurs actes
essentiellement distincts, auxquels correspondent des vertus ou des dons proportionnés,
également distincts entre eux ou distinctes entre elles. — La foi vise essentiellement
l’acte d’assentir aux affirmations émises par Dieu. Cet acte d’assentir, qui
est l’acte principal dans les choses de la foi, entraîne à sa suite, comme actes
secondaires ou complémentaires et perfectionnant l’intelligence dans le même
ordre des choses de la foi, les actes de percevoir et de juger. — L’acte de
percevoir est unique comme genre ; et à lui correspond, soit la vertu intellectuelle
d’intelligence, soit, dans une ligne plus haute de perfection, le don d’intelligence.
— L’acte de juger est multiple : il se divise en trois : selon qu’il
juge, en général, d’après les raisons divines, ou d’après les raisons humaines ;
ou selon qu’il fait l’application aux cas particuliers. — Dans le premier cas,
on a, qui lui correspondent, la vertu intellectuelle qu’est la sagesse, et,
plus haut, le don de sagesse.— Dans le second cas, la vertu intellectuelle qu’est
la science, et, plus haut, le don de science. — Dans le troisième cas, la vertu
intellectuelle qu’est la prudence, et, plus haut, le don de conseil.
— Pourrait-on appeler
d’un nom général cette doctrine que vous venez d’exposer ?
— Oui, on pourrait l’appeler, en quelque sorte, l’économie
de notre organisme psychologique surnaturel dans l’ordre des choses de la foi.
— Cet enseignement
a-t-il quelque chose de particulièrement parfait ?
— Oui : car nous le devons à saint Thomas d’Aquin :
et lui-même nous a avertis qu’il ne l’avait saisi dans toute son harmonieuse
beauté qu’à la suite de réflexions particulièrement attentives et mûries (q. 8,
a. 6).
— Parmi ces vertus
ou ces dons qui perfectionnent l’intelligence dans la connaissance de la vérité,
qu’y a-t-il qui occupe la première place en perfection ?
— C’est la vertu de foi, de laquelle tout le reste
dépend, et que tout le reste a pour mission ou pour rôle d’assister et d’aider
dans la connaissance de cette vérité.
— Et, après la vertu
de foi, qu’y a-t-il qui soit le plus parfait ?
— Après la vertu de foi, ce qu’il y a de plus parfait
est le don de sagesse.
— En quoi consiste
cette perfection du don de sagesse, notamment par rapport au don de science ?
— Elle consiste en ce que le don de science nous fait
juger divinement des choses, en les jugeant selon leurs propres causes immédiates
et créées ; tandis que le don de sagesse nous fait juger divinement de
toutes choses en les jugeant selon la plus haute de toutes les causes, de laquelle
toutes les autres dépendent et qui, elle-même, ne dépend d’aucune autre.
— C’est donc par le
don de sagesse qu’on atteint au plus haut degré de connaissance où l’on puisse
s’élever sur cette terre ?
— Oui, c’est par le don de sagesse qu’on atteint au
plus haut degré de connaissance où l’on puisse s’élever sur cette terre.
— Ce don si élevé
et si beau a-t-il un vice qui s’oppose à lui ?
— Oui ; et c’est précisément le manque de sagesse,
qui consiste à porter le dernier jugement sur une chose, sans tenir aucun compte
ou au mépris des souverains conseils de Dieu (q. 46).
— Comment devra s’appeler
ce vice ?
— Ce vice n’a qu’un nom qui lui convienne ; c’est
celui de la suprême sottise et de la suprême folie (q. 46, a. 1).
— Est-il très répandu
parmi les hommes ?
— Oui ; puisqu’il est pratiquement le vice de
tous ceux qui organisent leur vie en dehors ou à l’encontre de toute considération
des choses divines.
— Peut-il convenir
même à des hommes d’ailleurs fort intelligents dans l’ordre des choses humaines ?
— Oui, il peut convenir à des hommes d’ailleurs fort
intelligents dans l’ordre des choses humaines.
— Est-ce qu’il y a
opposition irréductible entre la sagesse du monde et la sagesse de Dieu ?
— Oui, il y a opposition irréductible entre la sagesse
du monde et la sagesse de Dieu, l’une de ces sagesses étant folie aux yeux de
l’autre.
— En quoi consiste
cette opposition irréductible ?
— Elle consiste en cela, que le monde tient pour sages
ceux qui organisent leur vie du mieux possible pour ne manquer de rien sur cette
terre, mettant leur fin dernière dans les biens de ce monde, au mépris du bien
de Dieu qui nous est promis pour une autre vie, tandis que la sagesse des enfants
de Dieu consiste à tout subordonner, dans les choses de la vie présente, à la
future possession de Dieu dans le ciel.
— Ces deux sortes
de vies sont-elles nécessairement distinctes du tout au tout ?
— Oui, ces deux sortes de vies sont nécessairement
distinctes du tout au tout, parce que la fin dernière de chacune d’elles est
absolument autre ; et que c’est la fin dernière qui commande tout dans
une vie.
— C’est donc par la
seule pratique et mise en œuvre des vertus théologales de foi, d’espérance et
de charité et des dons qui leur correspondent, que l’homme tend à sa véritable
fin dernière et peut s’orienter comme il convient dans tous les actes de sa
vie ?
— Oui, c’est par la seule pratique et mise en œuvre
des vertus théologales de foi, d’espérance et de charité et des dons qui leur
correspondent, que l’homme tend à sa véritable fin dernière et peut s’orienter
comme il convient dans tous les actes de sa vie.