18. Acte de la justice particulière : le jugement
— La vertu de justice
a-t-elle un acte qui lui appartienne à un titre spécial, surtout comme justice
particulière ?
— Oui ; c’est l’acte du jugement, qui consiste
précisément à déterminer exactement, selon l’équité, ce qui convient à chacun,
soit d’office et dans le fait même de rendre la justice à des parties en litige,
comme cela convient au juge, soit même en tout temps et pour tous, dans le fait
d’apprécier, même intérieurement, l’être ou l’avoir d’un chacun, conformément
au droit, par amour de ce droit en lui-même (q. 60).
— Le jugement, acte
de la vertu de justice, doit-il interpréter plutôt en bien les choses douteuses ?
— Oui, quand il s’agit du prochain et de ses actes,
la justice veut que jamais on ne se prononce, soit intérieurement, soit extérieurement,
par mode de sentence ferme et arrêtée, dans le sens du mal, s’il demeure quelque
doute à ce sujet (q. 60, a. 4).
— Ne peut-on pas,
cependant, quand il y a doute sur des choses qui pourraient nuire à soi ou à
d’autres, se défier et se prémunir ?
— Oui, la justice légale, et la prudence, et la charité
veulent que, s’il s’agit d’un mal à prévenir pour nous ou pour les autres, nous
sachions nous garder ou les garder en supposant parfois le mal comme possible
de la part de certains hommes, même sur de simples conjectures, et sans avoir
là-dessus une certitude absolue (q. 60, a. 4, ad 3).
— N’y a-t-il pas,
cependant, même alors, des réserves à faire ?
— Oui, même dans le cas où il peut être nécessaire
de les prendre, en prenant pour soi ou pour les autres les précautions voulues,
on doit se garder soigneusement de concevoir ou d’exprimer sur les personnes
un jugement formel qui leur soit défavorable (ibid.)
— Pourriez-vous me
donner un exemple ?
— Si, par exemple, je vois un homme à la mine suspecte,
je n’ai pas le droit de le tenir pour un voleur, encore moins de le donner comme
tel ; mais, s’il rôde autour de ma maison, ou de la maison de mes amis,
j’ai le droit et même un peu le devoir de veiller à ce que, chez moi ou chez
eux, tout soit parfaitement gardé et tenu à l’abri.