22. Du droit de propriété : devoirs qu’il entraîne. — Violation de ce droit : le vol et la rapine
— Après les péchés
qui s’attaquent au prochain dans sa personne, quel est le plus grand des autres
péchés qui se commettent contre lui par action ?
— C’est le péché qui s’attaque à son bien ou à ce qu’il
possède (q. 66).
— Est-ce qu’un homme
a le droit de posséder quelque chose en propre ?
— Oui, l’homme peut avoir le droit de posséder quelque
chose en propre et de le gérer comme il l’entend, sans que les autres aient
à s’y entremettre contrairement à sa volonté (q. 66, a. 2).
— D’où vient ce droit
à l’homme ?
— Il lui vient de sa nature même. Car étant un être
raisonnable et fait pour vivre en société, son bien à lui, comme être libre,
le bien de sa famille et le bien de la société tout entière, demandent que ce
droit de propriété existe parmi les hommes (q. 66, a. 1, 2).
— Comment montrez-vous
que ces divers biens demandent que le droit de propriété existe parmi les hommes ?
— On le montre par cela, que la propriété des biens
possédés par lui est une condition de liberté pour l’homme, que c’est, pour
la famille, le mode par excellence de se constituer parfaite et de durer à travers
les âges dans le sein d’une société, et que, dans la société elle-même, cette
propriété fait que les choses sont gérées avec plus de soin, d’une façon plus
ordonnée, avec moins de heurts ou de litiges (q. 66, a. 2).
— N’y a-t-il pas cependant
des devoirs attachés au droit de propriété ?
— Oui, il y a de très grands devoirs attachés au droit
de propriété.
— Pourriez-vous me
dire quels sont ces devoirs attachés au droit de propriété parmi les hommes ?
— Oui, et les voici en quelques mots. Il y a, d’abord,
le devoir de faire fructifier et prospérer les biens que l’on possède. Puis,
dans la mesure où ces biens prospéreront entre les mains de ceux qui les possèdent,
quand une fois ceux-ci ont prélevé sur ces biens ce dont ils ont personnellement
besoin pour eux et pour leur maison, il ne leur est plus permis de les considérer
comme leur bien propre, excluant de leur participation la société des hommes
au milieu desquels ils vivent. Il y a, pour eux, un devoir de justice sociale
de répartir, le mieux possible, le superflu de leurs biens, ou de faciliter
autour d’eux le travail des autres, afin que les nécessités des particuliers
en soient soulagées et que le bien public en soit accru. La raison du bien public
autorisera l’État à prélever lui-même, sur les biens des particuliers, tout
ce qu’il jugera nécessaire ou utile au bien de la société. Dans ce cas, les
particuliers sont tenus de se conformer aux lois édictées par l’État :
c’est, pour eux, une obligation de justice stricte. La raison du bien des particuliers
ou de leurs nécessités n’oblige pas avec la même rigueur, quant à sa détermination.
Il n’est pas de loi, ici, qui oblige, sous forme de loi positive humaine, entraînant
la possibilité de contrainte par voie judiciaire. Mais la loi naturelle garde
toute sa rigueur. C’est aller directement contre elle, en ce qu’elle a de plus
imprescriptible et qui est l’obligation de vouloir le bien de ses semblables,
de se désintéresser des besoins de ceux-ci, quand on a soi-même le superflu.
Cette obligation, déjà rigoureuse, en vertu de la seule loi naturelle, revêt
un caractère tout à fait sacré, en vertu de la loi positive divine, surtout
de la loi évangélique. Dieu lui-même est intervenu personnellement pour corroborer
et rendre plus pressante, par les sanctions dont il l’entoure, la prescription
déjà gravée par lui au fond du cœur des hommes (q. 66, a. 2-7 ;
q. 32, a. 5, 6).
— Si tels sont les
devoirs de ceux qui possèdent, à l’endroit des autres hommes, quels sont les
devoirs de ces derniers à l’endroit des premiers ?
— Les devoirs des autres hommes, à l’endroit de ceux
qui possèdent, sont de respecter leurs biens et de n’y jamais toucher contrairement
à leur volonté (q. 66, a. 5, 8).
— Comment s’appelle
l’acte qui consiste à toucher au bien de ceux qui possèdent, contrairement à
leur volonté ?
— On l’appelle du nom de vol ou de rapine (q. 66,
a. 3, 4).
— Qu’entendez-vous
par le vol ?
— J’entends le fait de s’emparer d’une manière occulte
de ce qui est le bien d’autrui (q. 66, a. 3).
— Et par la rapine,
qu’entendez-vous ?
— J’entends cet acte qui, au lieu de procéder à l’insu
de celui qu’on dépouille, comme le vol, le heurte de front, au contraire, et
lui enlève ostensiblement, d’une façon violente, le bien qui lui appartient
(q. 66, a. 4).
— De ces deux actes,
quel est celui qui est le plus grave ?
— La rapine est chose plus grave que le vol ;
mais le vol, comme la rapine, constitue toujours, en soi, un péché mortel, à
moins que la chose prise n’en vaille pas la peine (q. 66, a. 9).
— Faut-il s’abstenir
au plus haut point, parmi les hommes, de tout ce qui aurait, même du plus loin,
l’apparence du vol ?
— Oui, c’est chose souverainement importante, pour
le bien de la société, que les hommes s’abstiennent au plus haut point de tout
ce qui aurait, même du plus loin, une apparence de vol parmi eux.