25. Péchés où l’on trompe le prochain et où l’on abuse de lui : la fraude ; l’usure

— Quel est le dernier genre de péchés qui se commettent contre la justice commutative ?

— Ce sont les péchés où l’on amène, d’une façon indue, le prochain au consentement de choses qui sont à son préjudice (q. 77, prologue).

— Comment appelle-t-on ces péchés ?

— On les appelle la fraude et l’usure (q. 77, 78).

— Qu’entendez-vous par la fraude ?

— J’entends cet acte d’injustice qui se commet dans les contrats de vente ou d’achat et qui, trompant le prochain, l’amène à vouloir ce qui est un dommage pour lui (q. 78).

— De combien de manières peut se produire ce péché de fraude ?

— Ce péché peut se commettre : en raison du prix, selon qu’on achète une chose moins qu’elle ne vaut, ou qu’on la vend plus qu’elle ne vaut ; en raison de la chose vendue, selon qu’elle n’est pas ce qu’elle paraît, que le vendeur le sache ou qu’il l’ignore ; en raison du vendeur, qui tait un défaut qu’il connaît ; en raison de la fin, qui est le gain poursuivi (q. 77, a. 1-4).

— Ne peut-on jamais, le sachant, acheter une chose moins qu’elle ne vaut, ou la vendre plus qu’elle ne vaut ?

— Non ; car le prix de la chose que l’on vend ou que l’on achète doit toujours, dans les contrats de vente ou d’achat, correspondre à la juste valeur de la chose elle-même : demander plus ou donner moins, le sachant, est, de soi, chose essentiellement injuste et qui oblige à la restitution (q. 77, a. 1).

— Est-ce contre la justice de vendre une chose pour ce qu’elle n’est pas, ou d’acheter une chose qui est autre qu’on ne la croit ?

— Oui, vendre ou acheter une chose qui est autre que ce qu’elle paraît, qu’il s’agisse de son espèce, de sa quantité, ou de sa qualité, est contraire à la justice ; et c’est un péché, si on le fait sciemment, et il y a obligation de restituer. Bien plus, cette obligation de restituer existe, alors même qu’il n’y a pas eu péché, dès que l’on s’aperçoit de ce qu’il en est de la chose achetée ou vendue (q. 77, a. 2).

— Le vendeur est-il toujours tenu de manifester les vices de la chose qu’il vend, selon qu’il les connaît ?

— Oui, le vendeur est toujours tenu de manifester les vices de la chose qu’il vend, lorsque ces vices, connus de lui, sont cachés et qu’ils peuvent être, pour l’acheteur, une cause de péril ou de dommage (q. 77, a. 3).

— Est-il permis de se livrer aux ventes et aux achats, en vue du seul gain à réaliser, sous forme de négoce ?

— Le négoce pour le négoce a quelque chose de honteux ou de contraire à l’honnêteté de la vertu, parce que, en ce qui est de lui, il favorise l’amour du lucre, qui ne connaît pas de bornes, mais tend à acquérir sans fin (q. 77, a. 4).

— Que faudra-t-il donc pour que le négoce devienne une chose permise et honnête ?

— Il faut que le gain ou le lucre ne soit pas recherché pour lui-même, mais en vue d’une fin honnête. Ainsi en est-il quand on ordonne le gain modéré, qu’on cherche dans le négoce, à soutenir sa propre maison, ou encore à subvenir aux indigents ; ou qu’on vaque au négoce en vue de l’utilité publique, afin que les choses nécessaires à la vie ne manquent point dans sa patrie ou parmi les hommes, et qu’on cherche le gain, non comme une fin, mais comme prix de son travail (q. 77, a. 4).

— Qu’entendez-vous par le péché d’usure ?

— J’entends cet acte d’injustice, qui consiste à abuser du besoin dans lequel un homme se trouve, et à lui prêter de l’argent, ou toute chose appréciable à prix d’argent, mais qui n’a d’autre usage que la consommation, ordonnée aux nécessités du moment, en l’obligeant à rendre cet argent ou cette chose à date fixe, avec un surplus, à titre d’usure ou de prix de l’usage (q. 78, a. 1, 2, 3).

— L’usure est-elle la même chose que le prêt à intérêt ?

— Non ; car si toute usure est un prêt à intérêt, tout prêt à intérêt n’est pas une usure.

— En quoi le prêt à intérêt se distingue-t-il de l’usure ?

— Le prêt à intérêt se distingue de l’usure en ce que l’on y considère l’argent comme pouvant être productif, en raison des circonstances sociales et économiques où les hommes vivent aujourd’hui.

— Que faut-il pour que le prêt à intérêt demeure permis et ne risque pas de se transformer en usure ?

— Il y faut deux choses : 1°) que le taux de l’intérêt ne dépasse pas le taux légal, ou le taux fixé par un usage raisonnable, 2°) que les riches qui abondent en superflu sachent ne pas se montrer exigeants envers les pauvres gens qui empruntent, non pour faire un négoce d’argent, mais en vue de la seule consommation et pour subvenir aux nécessités de leur vie.