36. La vérité ; — vices opposés : le mensonge ; la simulation ; l’hypocrisie
— Quelle est l’autre
vertu, du même ordre, qui est encore requise, non plus précisément en raison
des autres, mais en raison même de celui qui agit, pour le bien de la société
parmi les hommes ?
— C’est la vertu de vérité (q. 109).
— Qu’entendez-vous
par la vertu de vérité ?
— J’entends cette vertu qui nous porte à nous montrer
en toutes choses, dans nos paroles et dans nos actes, tels que nous sommes (q. 109,
a. 1-4).
— Quels sont les vices
opposés à cette vertu ?
— Ce sont le mensonge ; et la simulation ou l’hypocrisie
(q. 110-113).
— Qu’entendez-vous
par le mensonge ?
— J’entends le fait de parler ou d’agir de telle sorte
que, le sachant, on exprime ou on signifie ce qui n’est pas (q. 110, a. 1).
— Est-ce là chose
mauvaise ?
— C’est là chose essentiellement mauvaise, et qui ne
peut jamais, pour aucune fin ou aucun prétexte, devenir bonne (q. 110,
a. 3).
— Mais est-on toujours
tenu de dire ou d’exprimer et de signifier par ses paroles ou par ses actes
tout ce qui est ?
— Non, on n’est point toujours tenu de dire ou de signifier
tout ce qui est ; mais on ne doit jamais, le sachant, dire ou signifier
ce qui n’est pas (q. 110, a. 3).
— Combien y a-t-il
d’espèces de mensonges ?
— Il y a trois espèces de mensonges, qui sont :
le mensonge joyeux ; le mensonge officieux, et le mensonge pernicieux (q. 110,
a. 2).
— En quoi se distinguent
ces trois sortes de mensonges ?
— Ces trois sortes de mensonges se distinguent en ce
que le mensonge joyeux a pour but d’amuser le prochain ; le mensonge officieux,
de lui être utile ; et le mensonge pernicieux, de lui nuire (q. 110,
a. 2).
— Ce dernier mensonge
est-il de tous le plus mauvais ?
— Oui, de toutes les sortes de mensonges, le mensonge
pernicieux est le plus mauvais ; et tandis que les deux autres peuvent
n’être que des péchés véniels, celui-là est toujours, de soi, un péché mortel,
ne pouvant être véniel qu’en raison de la légèreté du dommage qu’il a en vue
(q. 110, a. 4).
— Qu’entendez-vous
par la simulation et l’hypocrisie ?
— La simulation consiste à se montrer dans l’extérieur
de sa vie ce que l’on n’est pas intérieurement ; et l’hypocrisie est une
simulation qui vise à passer pour un homme juste ou saint, quand on ne l’est
pas intérieurement (q. 111, a. 1 ; 2).
— Est-on tenu, pour
ne pas tomber dans ces vices, de manifester extérieurement ce qu’il peut y avoir
en soi de mauvais ou de moins bon ?
— Nullement ; et c’est un devoir, au contraire,
de n’en rien laisser paraître au dehors, soit pour ne pas se nuire à soi-même
dans l’opinion des autres, soit pour ne pas les mal édifier ou les scandaliser.
Ce que la vertu de vérité requiert est que l’on ne vise pas à signifier, par
l’extérieur de sa vie, quelque chose, soit en bien, soit en mal, qui ne répondrait
pas à la réalité de ce qu’on est (q. 111, a. 3 ; 4).
— Est-on tenu, par
la vertu de vérité, de s’abstenir de tout signe, en parole ou en acte, qui prêterait
à une fausse interprétation, ou de prévenir cette fausse interprétation ?
— Non ; on n’y serait tenu que si la fausse interprétation
était de nature à causer un mal qu’il soit de notre devoir d’empêcher (q. 111,
a. 1).
— Peut-on pécher,
des péchés de mensonge ou de simulation et d’hypocrisie, en plusieurs manières
qui constituent des péchés spécifiquement distincts ?
— Oui ; on peut pécher en allant au-delà de ce
qui est ; et c’est le péché de jactance ; ou en restant en deçà de
ce qui est, donnant à penser qu’on n’a pas ce qu’on a, quand il s’agit du bien ;
et c’est le péché d’effacement indu (q. 112 ; 113).