49. La tempérance ; — l’abstinence ; — le jeûne ; vice opposé : la gourmandise

— Quelle est la dernière des grandes vertus morales qui doivent assurer la perfection de la vie de l’homme dans sa marche de retour vers Dieu ?

— C’est la vertu de tempérance (q. 141-170).

— Qu’entendez-vous par la vertu de tempérance ?

— J’entends cette vertu qui maintient en toutes choses la partie affective sensible dans l’ordre de la raison, pour qu’elle ne se porte pas indûment aux plaisirs qui intéressent plus particulièrement le sens du toucher dans les actes nécessaires à la conservation de la vie corporelle (q. 141, a. 1-5).

— Quelles sont ces sortes de plaisirs ?

— Ce sont les plaisirs de la table ou du mariage (q. 141, a. 4).

— Quel nom prend la vertu de tempérance quand elle porte sur les plaisirs de la table ?

— On l’appelle l’abstinence ou la sobriété (q. 146, 149).

— En quoi consiste l’abstinence ?

— Elle consiste à régler la partie affective sensible par rapport au boire et au manger, afin qu’on ne s’y porte que conformément à ce que la raison demande (q. 146, a. 1).

— Quelle est la forme spéciale que peut revêtir la pratique de la vertu d’abstinence ?

— C’est la forme du jeûne (q. 147).

— Qu’entendez-vous par le jeûne ?

— J’entends le fait de supprimer une partie de ce qui est normalement requis pour son alimentation de chaque jour (q. 147, a. 1, 2).

— Mais n’est-ce point là chose illicite ?

— Non ; et, au contraire, le jeûne peut être chose excellente ; car il sert à réprimer la concupiscence ; il rend l’esprit plus libre de vaquer aux choses de Dieu ; et il permet de satisfaire pour le péché (q. 147, a. 1).

— Que faut-il pour que le jeûne soit ainsi chose bonne et excellente ?

— Il faut qu’il soit toujours réglé par la prudence ou la discrétion, et qu’il n’aille jamais à compromettre la santé ou à être un obstacle pour les devoirs d’État (q. 147, a. 1, ad 2).

— Tout être humain qui a l’usage de la raison est-il tenu au jeûne ?

— Tout être humain qui a l’usage de la raison est tenu à une certaine forme de jeûne ou de privation proportionnée au besoin de la vertu dans sa vie morale ; mais non au jeûne prescrit par l’Église (q. 147, a. 3, 4).

— Qu’entendez-vous par le jeûne prescrit par l’Église ?

— J’entends une forme de jeûne spéciale déterminée par l’Église et prescrite à partir d’un certain âge pour certains jours de l’année (q. 147, a. 5-8).

— En quoi consiste cette forme spéciale de jeûne ?

— Elle consiste en ce que l’on ne doit faire qu’un seul repas proprement dit dans la journée (q. 147, a. 6).

— L’heure ou le moment de ce repas sont-ils chose absolument fixe et immuable ?

— Non ; car on peut faire ce repas ou à midi ou le soir.

— Peut-on prendre quelque chose en dehors de ce repas proprement dit ?

— Oui ; on peut prendre quelque chose le matin, sous forme de très léger acompte, et, le soir, sous forme de collation (Code, 1251).

— Quels sont ceux qui sont tenus au jeûne prescrit par l’Église ?

— Ce sont tous les chrétiens baptisés qui ont accompli leur vingt et unième année jusqu’à l’âge de cinquante-neuf ans révolus (Code, 1254).

— Que faut-il pour qu’on ait le droit de ne pas jeûner, quand on est dans ces conditions ?

— Il faut qu’on en soit empêché par une raison manifeste de santé ou de travail ; ou, dans le doute, qu’on ait une dispense de l’autorité légitime (q. 147, a. 4).

— Qui peut donner cette dispense ?

— Pratiquement, il suffit de la demander à son supérieur ecclésiastique immédiat.

— Quels sont les jours où l’on est ainsi tenu au jeûne d’Église ?

— Ce sont tous les jours de carême, sauf le dimanche ; les mercredis, vendredis et samedis des Quatre-Temps de l’année ; et les veilles ou vigiles de la Pentecôte, de l’Assomption, de la Toussaint et de la Noël ; si ces vigiles tombent un dimanche, on n’est pas tenu de les anticiper (Code, 1252)  [3] .

— N’y a-t-il pas une loi de l’Église pour l’abstinence, distincte de la loi du jeûne ?

— Oui ; et cette loi consiste dans l’obligation de s’abstenir de viande et de jus de viande, tous les vendredis de l’année, et, pendant le carême, le mercredi des Cendres, ainsi que chaque samedi, jusqu’au samedi saint à midi ; enfin, les mercredis et samedis des Quatre-Temps (Code, 1250, 1252)  [4] .

— Quels sont ceux qui sont tenus à la loi d’abstinence ?

— Ce sont tous les fidèles qui ont accompli l’âge de sept ans (Code, 1254)  [5] .

— Quel est le vice opposé à la vertu d’abstinence ?

— C’est la gourmandise (q. 148).

— Qu’entendez-vous par la gourmandise ?

— J’entends une pente désordonnée au boire et au manger (q. 148, a. 1).

— Ce vice a-t-il plusieurs espèces ?

— Oui ; car cette pente désordonnée au boire et au manger peut porter sur la nature des mets ou leur qualité, ou sur leur quantité, ou sur leur préparation, ou sur le fait même de prendre la nourriture, n’attendant pas l’heure voulue, ou mangeant avec trop d’avidité (q. 148, a. 4).

— La gourmandise est-elle un vice capital ?

— Oui, la gourmandise est un vice capital ; parce qu’elle porte sur un des plaisirs qui sont le plus de nature à provoquer le désir de l’homme et à le faire agir dans son sens (q. 148, a. 5).

— Quelles sont les filles de la gourmandise ?

— Ce sont : l’hébétude de l’esprit à l’endroit des choses de l’intelligence ; la joie inepte ; l’intempérance de langage ; la bouffonnerie ; l’impureté (q. 148, a. 6).

— Sont-ce là des vices particulièrement laids ? et pourquoi viennent-ils spécialement de la gourmandise ?

— Oui ; ces vices sont particulièrement laids, parce qu’ils impliquent davantage une diminution ou une quasi-absence de la raison ; et ils viennent de la gourmandise, parce que la raison, comme assoupie ou endormie par elle sous l’action de ses pesanteurs, ne tenant plus le gouvernail d’une main ferme, tout s’en va à la dérive dans l’homme (ibid).