54. La modestie : — l’humilité ; — vice opposé : l’orgueil ; — le péché d’Adam et d’Ève ; — le naturalisme et le laïcisme

— Quelle est la dernière des vertus annexes à la tempérance ?

— C’est la modestie (q. 160-170).

— Qu’entendez-vous par la modestie ?

— J’entends une vertu qui consiste à réfréner ou à modérer et à régler la partie affective en des choses moins difficiles que celles qui sont l’objet soit de la tempérance, soit même de la continence, ou de la clémence et de la mansuétude (q. 160, a. 1, 2).

— Quelles sont les autres choses moins difficiles à maîtriser ou à modérer et à régler, quant aux mouvements de la partie affective qui portent sur elles ?

— Ce sont, par ordre de décroissance : le désir de sa propre excellence ; le désir de connaître ; les actions ou les mouvements extérieurs du corps ; enfin la tenue extérieure, quant à la manière de se vêtir (q. 160, a. 2).

— Comment s’appellent les vertus qui règlent la partie affective par rapport à ces diverses choses ?

— On les appelle : l’humilité ; la studiosité ou la vertu des studieux ; la modestie, au sens strict (q. 160, a. 2).

— Qu’entendez-vous par l’humilité ?

— J’entends cette vertu qui fait que l’homme, eu égard au souverain domaine de Dieu, réprime en soi ou règle l’espoir de ce qui touche à l’excellence, de telle sorte qu’il ne tende pas à plus qu’il ne lui appartient ou qu’il ne lui convient, selon le degré ou la place que Dieu lui a marquée (q. 161, a. 1, 2).

— Que s’ensuit-il de là dans les rapports de l’homme avec autrui ?

— Il s’ensuit que l’homme n’estime pas que quelque chose lui soit dû, considéré en lui-même ou en tant que soustrait à l’action et au domaine de Dieu ; car de lui-même il n’a rien, sinon le péché ; et qu’il estime au contraire que tout est dû aux autres, dans le degré même du bien qu’ils reçoivent de Dieu et qui les fait relever de son domaine. Que s’il s’agit de ce qu’il a lui-même de Dieu, par où aussi il relève de son domaine, il ne voudra pas autre chose que ce qui lui convient à sa place et dans son ordre, parmi tous les autres êtres qui relèvent comme lui de ce domaine de Dieu (q. 161, a. 3).

— L’humilité est donc une question de stricte vérité, et c’est en toute vérité que par l’humilité l’homme peut et doit se tenir au-dessous de tous les autres ?

— Oui, l’humilité est une question de stricte vérité ; et c’est en toute vérité que par l’humilité l’homme peut et doit se tenir au-dessous de tous les autres, dans le sens qui vient d’être précisé (ibid).

— De quel nom s’appelle le vice opposé à l’humilité ?

— Il s’appelle l’orgueil (q. 162).

Qu’entendez-vous par l’orgueil ?

— J’entends ce vice spécial, et en quelque sorte général aussi, qui, au mépris de Dieu et de la règle de subordination établie par lui dans son œuvre ou dans son domaine, entend dominer sur tout et se préférer à tout, se considérant, en excellence, supérieur à tout (q. 162, a. 1, 2).

— Pourquoi dites-vous que ce vice est spécial et en quelque sorte général aussi ?

— Parce qu’il a un objet propre et distinct, qui est la propre excellence ; et que l’amour ou la recherche de cette propre excellence, au mépris de Dieu et de la règle établie par lui, amène l’homme à commettre tous les autres péchés (ibid).

— Ce péché est-il un grand péché ?

— Il est le plus grand de tous les péchés, en raison du mépris de Dieu, qu’il implique directement ; et il donne, de ce chef, leur plus grande gravité à tous les autres péchés, quelque graves qu’ils soient déjà par eux-mêmes (q. 162, a. 6).

— L’orgueil est-il le premier de tous les péchés ?

— Oui, l’orgueil est le premier de tous les péchés ; car c’est lui, toujours en raison du mépris de Dieu qu’il implique, qui achève et complète la raison de péché en tous les autres, pour autant qu’ils font que l’homme se détourne de Dieu : de telle sorte qu’aucun péché grave ne peut exister, qu’il n’implique ou ne présuppose l’orgueil, bien qu’il ne soit pas toujours en lui-même, ou quant au motif qui le spécifie, un péché d’orgueil (q. 162, a. 7).

— L’orgueil est-il un péché capital ?

— L’orgueil est plus qu’un péché capital ; car il est la tête ou le roi de tous les péchés et de tous les vices (q. 162, a. 8).

— Est-ce du péché d’orgueil que péchèrent nos premiers parents dans leur premier péché ?

— Oui, c’est du péché d’orgueil que péchèrent nos premiers parents dans leur premier péché, comme c’était aussi du péché d’orgueil qu’avaient péché les mauvais anges dans le ciel (q. 163, a. 1).

— Mais n’est-ce pas plutôt de la gourmandise, ou de la désobéissance, ou d’une vaine curiosité à l’endroit de la science, ou d’un manque de foi à la parole de Dieu, que péchèrent Adam et Ève dans leur premier péché ?

— Tous ces péchés, qui ont pu se trouver, en effet, dans le péché de nos premiers parents, ne furent qu’une conséquence du péché d’orgueil, sans lequel aucun autre ne pouvait être commis (q. 163, a. 1).

— Pourquoi dites-vous que, sans le péché d’orgueil, aucun autre péché ne pouvait être commis par nos premiers parents ?

— Parce que leur état d’intégrité faisait que tout en eux était parfaitement soumis et subordonné, tant que leur esprit demeurait lui-même soumis à Dieu ; et que leur esprit ne peut se soustraire à Dieu que pour un motif d’orgueil, voulant se donner une excellence qui ne leur était point due (q. 163, a. 1, 2).

— Le péché de naturalisme et de laïcisme qui règne un peu partout aujourd’hui, surtout depuis la Réforme protestante, la Renaissance païenne, et la Révolution impie du XVIIIe siècle, n’est-il pas, lui aussi, tout spécialement, un péché d’orgueil ?

— Oui ; et c’est ce qui en fait l’exceptionnelle gravité ; car il est une imitation du mépris et de la révolte qui furent d’abord le péché de Satan ou des mauvais anges, et ensuite le péché de nos premiers parents.