4. Des privilèges ou des prérogatives dont le Fils de Dieu a voulu que fût gratifiée la nature humaine qu’il s’est unie dans son incarnation ; — grâce habituelle ou sanctifiante ; vertus ; dons du Saint-Esprit ; — grâces gratuitement données

— N’y a-t-il pas cependant, dans la nature humaine unie à la personne du Fils de Dieu, et dans les facultés de son âme, des réalités créées d’ordre gratuit qui l’unissent à Dieu ?

— Oui, ces réalités créées d’ordre gratuit se trouvent dans la nature humaine unie à la personne du Fils de Dieu et dans les facultés de son âme ; mais ce n’est point pour l’unir à la personne du Fils de Dieu ; elles sont, au contraire, une suite de cette union et comme exigées par son excellence absolument transcendante (q. 6, a. 6).

— Quelles sont ces réalités créées d’ordre gratuit qui se trouvent ou se sont trouvées dans la nature humaine unie à la personne du Fils de Dieu, étant une suite de cette union et comme exigées par son excellence absolument transcendante ?

— Ce sont : d’abord, dans l’essence de son âme, la grâce habituelle ; puis, dans ses facultés : toutes les vertus, sauf la foi et l’espérance ; tous les dons du Saint-Esprit ; toutes les grâces gratuitement données, qui ont pour but ou pour objet la manifestation de la vérité divine au monde, sans en excepter la prophétie en ce qu’elle implique d’état prophétique proprement dit (q. 7, a. 1-8).

— Quel était et quel est le rôle de la grâce habituelle se trouvant dans l’essence de l’âme unie au Fils de Dieu dans sa personne ?

— Ce rôle était, et continuera d’être pendant toute l’éternité, de rendre cette âme par participation, ce qu’est, en elle-même, la nature divine par essence ; et de permettre  cette âme d’avoir, dérivant dans ses facultés, ces principes d’action divine que sont les vertus et les dons (q. 7, a. 1).

— Pourquoi dites-vous que l’âme humaine, unie au Fils de Dieu dans sa personne, dut avoir toutes les vertus, sauf la foi et l’espérance ?

— Parce que ces deux vertus ont quelque chose d’imparfait qui était incompatible avec la perfection de l’âme humaine unie au Fils de Dieu dans sa personne (q. 7, a. 3, 4).

— En quoi consiste cette imperfection ?

— En ce que la foi suppose qu’on ne voit pas ce que l’on croit, et que l’espérance porte sur Dieu, non encore possédé par la claire vision béatifique (ibid.).

— Qu’entendez-vous par les grâces gratuitement données, qui ont pour but ou pour objet la manifestation de la vérité divine au monde, et qui durent être dans la nature humaine unie au Fils de Dieu dans sa personne ?

— J’entends ces privilèges, marqués par saint Paul dans la première épître aux Corinthiens, chapitre 12, verset 8 et sq., et qui sont : la foi, la sagesse, la science, la grâce des guérisons, l’accomplissement des prodiges, la prophétie, le discernement des esprits, la diversité des langues, l’interprétation des discours (q. 7, a. 7).

— La foi, grâce gratuitement donnée, est-elle autre chose que la vertu de foi ?

— Oui ; il s’agit là d’une certaine certitude suréminente en ce qui touche aux vérités divines, qui rend quelqu’un apte à instruire les autres de ces vérités (I-II, q. 111, a. 4, ad 2).

— Et la sagesse et la science, marquées au nombre de grâces gratuitement données, sont-elles autre chose que les vertus intellectuelles ou les dons du Saint-Esprit qu’on appelle des mêmes noms ?

— Oui, elles désignent une certaine abondance de science et de sagesse qui fait que le sujet qui les reçoit peut non seulement en lui-même avoir des pensées justes sur les choses divines, mais aussi instruire les autres et réfuter les adversaires (I-II, q. 111, a. 4, ad 4).

— Le Fils de Dieu vivant sur cette terre a-t-il usé de la grâce gratuitement donnée qui s’appelle la diversité des langues ?

— Le Fils de Dieu vivant sur cette terre n’eut pas à user de cette grâce gratuitement donnée, n’ayant exercé son ministère d’apostolat que parmi les juifs ou parmi ceux qui avaient la même langue ; mais il possédait excellemment cette grâce comme toutes les autres et aurait pu en user s’il avait eu l’occasion de le faire (q. 7, a. 7, ad 3).

— Qu’entendez-vous quand vous dites que le Fils de Dieu incarné eut dans sa nature humaine la grâce de la prophétie même en ce qu’elle implique d’état prophétique proprement dit ?

— J’entends signifier par là que le Fils de Dieu, pendant sa vie sur cette terre, vivait de notre vie à nous, et, à ce titre, était éloigné des choses du ciel dont il nous parlait ; bien que, par la partie supérieure de son âme, il vécût au sein des mystères de Dieu dont il avait la pleine vue et la possession actuelle. C’est qu’en effet le propre du prophète est de parler de choses qui sont éloignées et non à la portée de la vue de ceux à qui il les annonce et au milieu desquels il vit (q. 7, a. 8).

— Dans quels rapports se trouvent les grâces gratuitement données, avec la grâce habituelle ou sanctifiante et les vertus et les dons qui l’accompagnent ?

— La grâce habituelle ou sanctifiante et les vertus et les dons qui l’accompagnent, ont pour objet de sanctifier le sujet en qui elles se trouvent ; tandis que les grâces gratuitement données, sont en vue de l’apostolat à exercer auprès des autres (I-II, q. 111, a. 1 et 4).

— Ces deux sortes de grâces peuvent-elles être séparées ?

— Oui ; puisque toutes les âmes justes ou saintes ont la grâce habituelle ou sanctifiante avec les vertus et les dons qui l’accompagnent ; et que les grâces gratuitement données ne sont le partage que de ceux qui ont un ministère à remplir auprès des autres. De plus, bien que, pour ces derniers, les deux sortes de grâces soient ordinairement jointes, elles peuvent être séparées, comme c’était le cas de Judas, qui était un démon, et qui cependant avait les grâces gratuitement données conférées aux apôtres.

— Dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’était unie dans sa propre personne, toutes ces sortes de grâces étaient-elles jointes ensemble et portées à leur plus haut degré de perfection ?

— Oui ; dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’était unie dans sa propre personne, toutes ces sortes de grâces étaient jointes ensemble et portées à leur plus haut degré de perfection (q. 7, a. 1, 8).

— Pourquoi en fut-il ainsi chez lui ?

— Parce qu’il était d’une dignité personnelle infinie ; et qu’il devait être le Docteur par excellence des choses de la foi (q. 7, a. 7).