44. État intermédiaire des âmes après la mort, en attendant le jour de la résurrection finale : le purgatoire
— Par cette merveilleuse économie
des sept sacrements qu’il a institués pour communiquer aux hommes l’effet de
la rédemption, hors de laquelle il n’est point de salut, ni de vie morale parfaite,
possible pour eux ; et dont les cinq premiers, qui sont le baptême, la
confirmation, l’eucharistie, la pénitence et l’extrême-onction, perfectionnent
l’homme en ce qui est de sa propre personne, tandis que les deux autres, qui
sont l’Ordre et le mariage, le perfectionnent en vue du bien commun de toute
la société dans laquelle il vit et qui devait avoir en elle, en effet, la vertu
de se multiplier et de se continuer source de vie surnaturelle pour tous les
hommes jusqu’à la fin des temps ; — à quelle foi, Jésus-Christ, — qui vit
et qui règne au ciel depuis son ascension, et, de là, veille au bien de son
Église par l’Esprit-Saint qu’il lui a envoyé et qui en est l’âme, — conduit-il
le genre humain qu’il a conquis par son sang ?
— Il le conduit à la fin de
la vie immortelle, qui doit s’épanouir dans la gloire, au ciel, pendant toute
l’éternité.
— Est-ce tout de suite, et
pour ainsi dire de plain-pied, que Jésus-Christ conduit ainsi, par l’action
de son gouvernement rédempteur, les hommes à la gloire de l’immortelle vie ?
— Non pas ; car bien que
les mystères accomplis dans son humanité sainte et les sacrements qui nous unissent
à ces mystères, eussent la vertu de le faire, il convenait à la sagesse divine
que la nature humaine, condamnée dans son fond, et comme nature pécheresse ou
déchue, à porter la peine de ce péché de nature, ne fût restaurée comme nature,
dans toute sa plénitude, en la personne de ses divers individus, qu’au terme
du cours de son évolution parmi les hommes. Et voilà pourquoi, même les baptisés,
ou tous ceux qui participent aux sacrements de Jésus-Christ, même après leur
sanctification personnelle, demeurent soumis aux pénalités de la vie présente,
et, notamment, à la plus redoutable de toutes, la mort (q. 69, a. 1).
— Ce ne sera donc qu’à la fin
des générations humaines, que la mort elle-même sera définitivement vaincue,
et que tous les rachetés de Jésus-Christ pourront ressusciter en vue d’une vie
immortelle s’épanouissant pleinement dans leur âme et dans leur corps, au ciel,
pour toute l’éternité ?
— Oui, ce ne sera qu’alors ;
et, d’ici-là, quand ils meurent, ils restent dans un certain état intermédiaire,
qui est un état d’attente.
— Qu’entendez-vous quand vous
dites qu’ils restent dans un certain état intermédiare, qui est un état d’attente ?
— On veut dire, par là, que,
ou bien ils n’obtiennent pas tout de suite la récompense de leur vie méritoire,
ou bien, s’ils se trouvent placés au terme de la récompense pour leurs mérites
ou du châtiment pour leurs démérites, ils n’auront pas, jusqu’au jour de la
résurrection, leur récompense ou leur châtiment, avec toute la plénitude qu’ils
auront éternellement à partir de ce jour-là (q. 69, a. 2).
— Comment appelez-vous le lieu
intermédiaire où se trouvent, après leur mort, ceux qui n’obtiennent pas tout
de suite la récompense de leur vie méritoire ?
— On l’appelle le purgatoire
(q. 71, a. 6 ; Appendice, II).
— Quelles sont les âmes qui
occupent, après la mort, ce lieu intermédiaire qui est le purgatoire ?
— Ce sont les âmes des justes
qui meurent dans la grâce de Jésus-Christ, mais qui, au moment de leur mort,
se trouvent n’avoir pas entièrement satisfait à la justice de Dieu, pour la
peine temporelle due au péché (ibid.).
— Le purgatoire est donc un
lieu d’expiation où l’on doit, par des peines proportionnées, satisfaire à la
justice de Dieu, avant de pouvoir être admis à la récompense du ciel ?
— Exactement, le purgatoire
est cela ; et rien ne pouvait être plus en harmonie, soit avec la miséricorde
de Dieu, soit avec sa justice (ibid.).
— Comment ou en quoi la miséricorde
de Dieu éclate-t-elle dans l’expiation du purgatoire ?
— Elle éclate en ceci que,
même après leur mort, Dieu donne aux âmes des justes, le moyen de satisfaire
à sa justice et de se préparer ainsi à entrer dans le ciel, libres de toute
dette envers cette justice. Mais elle éclate aussi en ce que, par la communion
de saints, Dieu permet aux vivants qui sont sur la terre d’offrir, en forme
de suffrages, leurs propres satisfactions, ou d’appliquer, en gagnant des indulgences
à leur intention, les satisfactions de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et
des saints, au lieu et place des satisfactions que les chères âmes du purgatoire
devraient donner à la justice de Dieu, et, par là, de hâter leur entrée dans
le ciel (q. 71, a. 6).
— Parmi tous les actes que
peuvent faire ou procurer les justes qui vivent sur la terre à l’effet d’abréger
l’expiation des âmes du purgatoire, en est-il un qui soit plus particulièrement
excellent ?
— Oui ; c’est l’oblation
du saint sacrifice de la messe.
— Est-il important, quand on
fait ou que l’on procure cette oblation en vue des âmes du purgatoire, que l’on
ait soi-même une plus grande ferveur ?
— Oui ; car, lorsqu’il
s’agit de satisfaire à la justice de Dieu dans l’ordre de la rémission des péchés,
Dieu regarde sans doute la valeur de ce qu’on lui offre – et, dans l’oblation
du saint sacrifice de la messe, cette valeur est infinie ; – mais
il regarde, plus encore, la ferveur de celui qui offre : qu’il offre par
lui-même, comme le prêtre ; ou qu’il offre par l’entremise ou le ministère
d’un autre, comme les fidèles qui demandent au prêtre d’offrir en leur nom et
à leur intention le saint sacrifice de la messe (q. 71, a. 9 ;
Troisième Partie, q. 79, a. 5).
— C’est donc sur la ferveur
de ceux qui demandent au prêtre d’offrir à leur intention le saint sacrifice
de la messe, que Dieu mesure plus spécialement l’application du fruit du sacrifice ?
— Oui, il en est ainsi ;
et cela montre combien ils doivent eux-mêmes s’exciter à la ferveur en faisant
cette demande.
— Les œuvres satisfactoires
que les justes font sur cette terre en les offrant à Dieu par mode de suffrages
avec l’intention de les appliquer, soit aux âmes du purgatoire en général, soit
à tel groupe d’âmes, soit à telle âme en particulier, sont-elles appliquées
conformément à leur intention ?
— Oui ; et avec le degré
de valeur que leur donne la ferveur du sujet qui les accomplit et les offre
ainsi en esprit de charité (q. 71, a. 6).
— Peut-on aussi appliquer,
soit aux âmes du purgatoire en général, soit à tel groupe d’âmes, soit à telle
âme en particulier, les indulgences que l’on gagne et qui sont applicables aux
âmes du purgatoire ?
— Oui, on le peut également ;
et tout dépend ici de l’intention de celui qui les gagne, réglée elle-même par
l’intention de l’Église que manifeste la teneur des termes qui fixent la concession
(q. 71, a. 6 ; Code, 930).
— Quand se trouve achevée ou
complète la satisfaction qu’elles devaient offrir à Dieu pour leurs péchés passés,
les âmes qui étaient détenues au purgatoire, sont-elles immédiatement introduites
dans le ciel ?
— Oui ; c’est tout de
suite après qu’elles ont complété leur satisfaction, que les âmes des justes
détenues au purgatoire en sont retirées pour être introduites au ciel (q. 69,
a. 2 ; Appendice, II, 6).