45. Le ciel

— Qu’entendez-vous par le ciel ?

— J’entends le lieu où se trouvent, depuis le commencement du monde les anges bienheureux, et où sont admis tous les justes, rachetés du sang de Jésus-Christ, depuis le jour où Jésus-Christ y a fait son ascension glorieuse.

— Que faut-il pour que les justes, rachetés du sang de Jésus-Christ, soient ainsi admis dans le ciel ?

— Il faut qu’ils soient arrivés au terme de leur vie mortelle, et qu’ils n’aient aucune dette à payer à la justice de Dieu (q. 69, a. 2).

— Y a-t-il des âmes justes qui sont admises au ciel, tout de suite après la mort ?

— Oui ; ce sont les âmes qui ont reçu, avec un plein effet, l’application des mérites de Jésus-Christ ; ou qui ont offert à Dieu, sur cette terre, en union avec la satisfaction de Jésus-Christ, toute la plénitude de satisfaction qu’elles pouvaient devoir à Dieu pour leurs péchés (q. 69, a. 2).

— Les enfants qui meurent après avoir reçu le baptême et avant d’être arrivés à l’âge de pouvoir pécher, sont-ils admis au ciel tout de suite après leur mort ?

— Oui ; parce qu’ils n’ont plus le péché originel, qui, seul, aurait pu les empêcher d’entrer au ciel.

— En serait-il de même pour les adultes qui, ayant déjà commis des péchés mortels, recevraient le baptême avec de bonnes dispositions et mourraient tout de suite après ou avant d’avoir commis d’autre péché ?

— Oui ; parce que le sacrement de baptême applique dans toute leur plénitude ou avec un plein effet les mérites de la passion de Jésus-Christ (Troisième Partie, q. 69, a. 1, 2, 7, 8).

— Et ceux qui, après avoir commis des péchés, même mortels, depuis leur baptême et qui n’en avaient pas encore fait suffisamment pénitence, au moins quant à la satisfaction de la peine, mais qui, au moment de leur mort, donneraient leur vie à Dieu dans un acte de charité parfaite, pourraient-ils être également reçus dans le ciel tout de suite après leur mort ?

— Oui ; surtout quand cet acte de charité parfaite est le martyre (Deuxième Partie : Section Deuxième, q. 124, a. 3).

— Que deviennent les âmes des justes, dès qu’elles ont fait leur entrée dans le ciel ?

— Elles sont tout de suite admises à la vision de Dieu, qui les comble d’un bonheur en quelque sorte infini (Première Partie, q. 12, a. 11).

— Est-ce par elles-mêmes qu’elles peuvent ainsi voir Dieu ; ou faut-il qu’elles reçoivent, à cet effet, une perfection toute nouvelle, en plus des perfections d’ordre surnaturel qu’elles pouvaient avoir déjà par la grâce, les vertus et les dons ?

— Il faut qu’elles reçoivent une perfection toute nouvelle et qui est le couronnement dernier de toutes les autres perfections surnaturelles qu’elles avaient déjà (ibid., q. 12, a. 5).

— Comment s’appelle cette perfection et ce couronnement ?

— On l’appelle la lumière de gloire (ibid.).

— Qu’entendez-vous par cette lumière de gloire ?

— J’entends une qualité que Dieu produit dans l’intelligence des bienheureux et qui lui donne de pouvoir recevoir en elle comme principe propre de son acte de vision l’essence divine dans toute la splendeur de son infinie lumière (ibid.).

— Que résulte-t-il, pour le bienheureux, de cette union de l’essence divine avec son intelligence perfectionnée par la lumière de gloire ?

— Il en résulte qu’il voit Dieu comme Dieu se voit lui-même (ibid.).

— Est-ce là ce qu’on appelle la vision face à face ?

— Oui ; c’est la vision face à face, qui nous est promise dans la sainte Écriture et qui, nous rendant semblables à Dieu autant qu’une créature puisse l’être, devait être le dernier mot de tout dans l’œuvre divine.

— Est-ce pour cette vision de lui-même à communiquer aux bienheureux et pour l’infini bonheur qui leur en revient, que Dieu a créé toutes choses et les gouverne au cours de toute l’évolution du monde depuis le commencement jusqu’à la fin ?

— Oui ; c’est exactement pour cela ; et quand toutes les places qu’il a marquées dans son ciel seront remplies ; lorsque, par l’action de son gouvernement divin, il aura achevé la préparation du dernier élu qu’il a résolu, dans le mystère de sa libre et souveraine prédestination, d’y introduire, alors la marche actuelle du monde finira, et Dieu fixera le monde dans un état nouveau qui sera celui de la résurrection.

— Pouvons-nous savoir quand aura lieu la fin du monde actuel et quand Dieu doit fixer le monde dans l’état nouveau de la résurrection ?

— Non ; car ceci dépend uniquement du conseil de Dieu en ce qu’il a de plus intime et qui est l’ordre de sa prédestination.

— Les élus bienheureux qui jouissent déjà de la vision de Dieu dans le ciel s’intéressent-ils aux choses de la terre et du monde humain dans lequel ils ne sont plus ?

— C’est au plus haut point que les élus bienheureux qui jouissent déjà de la vision de Dieu dans le ciel s’intéressent aux choses de la terre et du monde humain, bien qu’ils n’y soient plus ; parce que c’est dans ce monde humain que continue à se dérouler le grand mystère de la prédestination divine et que l’accomplissement parfait de ce mystère doit coïncider avec le dernier achèvement de leur propre béatitude au jour de la résurrection glorieuse.

— Les élus qui sont déjà au ciel voient-ils tout ce qui se passe sur la terre ?

— Ils voient, dans la vision même de Dieu, tout ce qui, des choses de la terre, se rapporte plus particulièrement à eux dans l’accomplissement du mystère de la prédestination dans le monde.

— Connaissent-ils les prières qu’on leur adresse ; et aussi les besoins spirituels ou temporels de ceux qui les touchent de plus près ?

— Oui, assurément ; et ils sont toujours disposés à répondre à ces prières ou à pourvoir à ces besoins, en intervenant auprès de Dieu par leur intercession toute-puissante (q. 72, a. 1).

— D’où vient donc que nous ne ressentons pas toujours l’effet de leur intervention ?

— Parce que cette intervention se produit dans la pleine lumière de Dieu, où ce qui peut nous paraître un bien à nous et pour nous, ne l’est peut-être pas selon la vérité ou dans l’ordre du plan divin (q. 72, a. 3).

— En réalité, il peut donc y avoir un commerce continuel entre nous qui vivons sur la terre et les saints qui sont déjà au ciel, y jouissant de la vision de Dieu ?

— Oui ; ce commerce peut être continuel ; car il ne tient qu’à nous d’évoquer le souvenir de ces âmes saintes pour nous réjouir avec elles de leur bonheur et les prier de nous aider par leur intercession à le conquérir nous-mêmes.