46. L’enfer
— A l’extrême opposé du lieu
d’éternelle béatitude qu’est le ciel, y a-t-il un autre lieu qui soit le lieu
de l’éternelle damnation ; et de quel nom l’appelle-t-on ?
— Oui ; ce lieu existe ;
et on l’appelle l’enfer (q. 69, a. 2).
— Qu’est-ce donc que l’enfer ?
— L’enfer est un lieu de tourments
auquel sont condamnés tous ceux qui par leurs crimes se sont révoltés contre
l’ordre de la Providence ou de la prédestination et ont été fixés dans ces crimes
de façon à ne s’en convertir jamais.
— Quels sont ceux qui se trouvent
dans ce cas ?
— Parmi les anges, ce sont
tous les anges qui ont péché ; et, parmi les hommes, tous ceux qui sont
morts dans l’impénitence finale (q. 69, a. 2).
— De ce que les damnés sont
fixés dans le mal de façon à ne pouvoir plus revenir de leur obstination, que
s’ensuit-il ?
— Il s’ensuit que les peines
et les tourments qu’ils méritent en raison de leurs crimes dureront toujours
et ne finiront jamais.
— Mais Dieu ne pourrait-il
pas mettre un terme à ces peines ou à ces tourments ?
— Il le pourrait, de puissance
absolue, puisque rien n’est impossible à sa toute puissance ; mais, dans
l’ordre de sa sagesse, il ne saurait le faire : car, selon cet ordre, désormais
immuable, les créatures raisonnables arrivées au terme de leur vie morale, se
trouvent fixées pour toujours dans le bien ou dans le mal : et le mal durant
toujours, il faut bien que le châtiment de ce mal dure de même (q. 99,
a. 1, 2).
— C’est donc éternellement
que les damnés devront subir les peines de l’enfer ?
— Oui ; c’est éternellement
que les damnés devront subir les peines de l’enfer (ibid.).
— Et quelles sont ces peines
que les damnés devront subir éternellement ?
— Ces peines sont de deux sortes ;
savoir : la peine du dam, et la peine du sens (q. 97, a. 1, 2).
— Qu’entend-on par la peine
du dam ?
— La peine du dam est constituée
par la privation du bien infini qu’on possède au ciel dans la vision béatifique.
— Cette peine est-elle bien
sensible aux réprouvés dans l’enfer ?
— Cette peine est et sera éternellement
le tourment indicible des réprouvés de l’enfer.
— D’où vient que cette peine
sera si cruellement ressentie par les réprouvés dans l’enfer ?
— Cela vient d’abord de ce
qu’étant arrivés au terme, ils auront vu le néant de tous les autres biens qu’ils
avaient recherchés au préjudice de celui-là et qu’ils auront alors la notion
exacte de la grandeur du bien qu’ils ont perdu ; et ensuite de la conscience
très nette qu’ils auront de l’avoir perdu uniquement par leur faute.
— Cette vue de leur conscience
et de leur propre responsabilité dans la perte du bien infini, est-elle proprement
ce que désigne l’Évangile sous le nom du ver rongeur qui ne meurt pas ?
— Oui ; car ce ver rongeur
est ce qu’il y a de plus horrible pour un être conscient et il n’est autre que
le remords dont la morsure devrait le tuer mille fois s’il pouvait mourir (q. 97,
a. 2).
— Faut-il entendre aussi dans
un sens métaphorique ou purement spirituel l’autre peine dont parle l’Évangile,
et qu’il appelle le feu qui ne s’éteint pas ?
— Non ; ce feu doit s’entendre
au sens d’un feu matériel ; car il désigne proprement la peine du sens
(q. 97, a. 5).
— Mais comment un feu matériel
peut-il agir sur des esprits ou sur des âmes séparées de leur corps ?
— Par un ordre spécial de la
justice de Dieu qui communique à ce feu matériel, en raison de son action propre
et de ce que cette action signifie, la vertu préternaturelle de servir d’instrument
à cette justice (q. 70, a. 3).
— Est-ce de la même manière
que tous les damnés seront tourmentés par le feu de l’enfer ?
— Non ; car étant l’instrument
de la justice de Dieu, l’action de ce feu sera proportionnée à la nature, au
nombre et à la gravité des péchés qui auront été commis par chacun (q. 97,
a. 5, ad 3).
— Le supplice des damnés sera-t-il
accru de l’affreuse compagnie que constituera cette horrible société où se trouveront
tous les malfaiteurs et tous les criminels du genre humain, mélangés aux démons
qui auront pour office de les tourmenter sous l’empire du premier d’entre eux,
chef suprême du royaume du mal ?
— Oui ; très certainement,
et c’est ce que paraît signifier l’Évangile quand il parle des ténèbres extérieures
où sont les pleurs et les grincements de dents (q. 97, a. 3, 4).