50. La résurrection

— Aussitôt après la conflagration finale, ou en même temps, que se passera-t-il ?

— Aussitôt après la conflagration finale, ou en même temps, et peut-être comme cause qui l’amènera, retentira l’ordre, la voix, le son de trompette dont parle saint Paul, dans sa première épître aux Thessaloniciens, qui éveillera les morts de leurs tombeaux et convoquera tous les hommes à comparaître devant le juge des vivants et des morts, descendant du ciel dans tout l’éclat de sa majesté et de sa gloire (q. 75, a. 1).

— Quels sont ceux qui ressusciteront à ce moment ?

— Ce seront d’abord tous ceux qui étaient morts depuis le commencement ; mais aussi ceux-là mêmes qui auront été trouvés vivants quand Jésus-Christ aura apparu dans les nuées du ciel et que le son de la trompette aura retenti.

— Ces derniers ressusciteront-ils, eux aussi, comme retournant de la mort à la vie ?

— Oui ; car même si tout se passe quasi instantanément, comme semble le marquer saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens (ch. 15, v. 51), la vertu de Dieu qui agira par les créatures en ce moment sera telle que les hommes trouvés vivants passeront par une mort instantanée et seront reconstitués tout de suite dans l’état définitif qui devra être le leur, selon leurs mérites, pour toute l’éternité (q. 78, a. 1, 2).

— C’est donc dans l’état et avec toutes les qualités des corps glorieux que ressusciteront ou que seront instantanément transformés les corps de toutes les âmes qui viendront du ciel ou sortiront du purgatoire et de tous les justes trouvés vivants en ce moment sur la terre ?

— Oui ; et tous ensemble, se trouveront aussitôt rangés au-devant du corps glorieux de Jésus-Christ, dont la venue aura été la cause même de leur résurrection.

— Mais ces corps glorieux ressuscités qui seront ceux de tous les élus, seront-ils vraiment les mêmes corps qu’ils avaient autrefois quand ils vivaient sur la terre ?

— Assurément, ce seront leurs mêmes corps, avec cette seule différence, qu’ils n’auront aucune des imperfections ou des misères qu’ils avaient alors, et qu’ils auront, au contraire, des propriétés et des perfections qui les rendront, en quelque sorte, spirituels (q. 79-81).

— Comment tout cela pourra-t-il se faire ?

— Par la toute-puissance de Dieu, qui, ayant une première fois créé toutes choses, peut les mouvoir et les transformer comme il lui plaît.

— Quelles seront ces propriétés nouvelles des corps ressuscités qui les rendront en quelque sorte spirituels ?

— Ce seront : l’impassibilité ; la subtilité ; l’agilité ; la clarté.

— Que sera l’impassibilité des corps glorieux ?

— Ce sera le parfait domaine et l’absolue maîtrise de l’âme sur le corps, qui ne permettra pas que le corps puisse en rien être soustrait à l’action de l’âme sur lui et se trouver en défaut ou en souffrance (q. 82, a. 1).

— Cette impassibilité sera-t-elle la même chez tous ?

— Oui, en ce sens qu’aucun d’eux ne pourra jamais être en défaut ou souffrir en échappant au domaine de l’âme ; mais la vertu de ce domaine ou sa puissance sera proportionnée à la gloire de l’âme, qui sera diverse selon le degré même de la vision béatifique pour chaque élu (q. 82, a. 2).

— S’ensuivra-t-il, de cette impassibilité, que les corps glorieux seront insensibles ?

— Nullement ; ils seront, au contraire, d’une sensibilité exquise et portée à sa plus haute puissance ; mais sans aucun mélange de trouble ou d’imperfection. C’est ainsi que l’œil du corps glorieux verra d’une vue infiniment plus perçante ; que son oreille entendra d’une ouïe sans comparaison plus fine ; que tous ses autres sens percevront, chacun, leur objet propre, et, tous ensemble, leurs divers objets sensibles, comme avec une intensité de perfection qu’il nous est impossible de soupçonner, sans que jamais l’objet qui agira sur eux fasse autre chose que leur fournir matière aux perceptions les plus exquises (q. 82, a. 3, 4).

— Et la subtilité des corps glorieux, que sera-t-elle ?

— La subtilité des corps glorieux consistera en un fini de perfection dans leur nature, dû à l’action souveraine de leur forme substantielle, l’âme glorifiée, qui, tout en leur laissant leur nature propre de corps véritables, non fantastiques ou aériens, leur donnera quelque chose de si pur ou de si éthéré, qu’ils n’auront plus rien de ce qui maintenant les rend grossiers ou épais (q. 83, a. 1).

— Cette subtilité fera-t-elle qu’ils pourront naturellement se trouver dans le même lieu occupé déjà par un autre corps, ou indépendants eux-mêmes de tout lieu et n’occupant aucun espace ?

— Nullement ; ils garderont tous et toujours leurs dimensions propres et n’occuperont jamais qu’un seul lieu, qui sera le leur et non simultanément celui des autres corps (q. 83, a. 2).

— Ce n’était donc point en vertu ou en raison de la qualité de subtilité qui sera celle des corps glorieux, que le corps de Jésus-Christ ressuscité pénétrait dans le cénacle à travers les portes closes ?

— Non ; c’était par la vertu divine qui était en Jésus-Christ ; de même que cela avait été par la vertu divine, que le corps de Jésus enfant était venu au monde sans nuire en rien à la virginité de Marie, sa Mère (q. 83, a. 2, ad 1).

— Que faut-il entendre par l’agilité qui sera la propriété des corps glorieux ?

— L’agilité des corps glorieux sera une certaine perfection qui découlera de l’âme glorifiée sur le corps, le soumettant pleinement à l’âme selon qu’elle en est le principe moteur, et, par suite, le rendant apte et merveilleusement prompt à obéir à l’esprit dans tous les mouvements et dans toutes les actions de l’âme (q. 84, a. 1).

— Les saints useront-ils de cette dot de leurs corps glorieux ?

— Ils en useront très certainement pour se ranger autour de Jésus-Christ au moment du jugement ; et pour remonter avec lui dans le ciel. Mais, même une fois au ciel, il est vraisemblable qu’ils se mouvront parfois au gré de leur volonté, pour faire éclater la sagesse divine dans l’usage même de cette dot de l’agilité qu’elle leur aura départie ; et aussi pour rassasier leur vue de la beauté des diverses créatures, dans tout l’univers, dans lesquelles reluira de façon suréminente la sagesse de Dieu (q. 84, a. 2).

— Est-ce instantanément que les corps des saints seront mus en vertu de leur agilité ?

— Non ; car il faudra que ce mouvement se fasse dans une durée de temps ; seulement, cette durée sera imperceptible, tant elle sera brève et le mouvement rapide (q. 84, a. 3).

— Que faudra-t-il entendre par la quatrième propriété des corps glorieux qui s’appelle la clarté ?

— On doit entendre, par là, que de la splendeur de l’âme glorifiée rejaillira sur le corps un merveilleux éclat, qui fera que tout ensemble ces corps glorieux seront lumineux et transparents : transparents comme le cristal le plus pur ; lumineux et éblouissants, d’un éclat semblable à celui du soleil ; sans que toutefois cet éclat nuise en rien à leur couleur naturelle ou à celle de leurs parties, mais qui s’harmonisera, au contraire, à leur variété, pour la rehausser, et donner aux corps glorieux dans leur ensemble une beauté plus divine qu’humaine (q. 85, a. 1).

— Cette clarté des corps glorieux sera-t-elle la même pour tous ?

— Non pas ; car elle ne sera que le rejaillissement sur le corps de la clarté spirituelle de l’âme glorifiée ; et, par suite, elle sera proportionnée au degré de gloire qui sera celui de l’âme. Et c’est pourquoi saint Paul, voulant nous faire entendre quelque chose de cette variété des corps glorieux, dans l’éclat de la résurrection, nous dit qu’il en sera de ces corps glorieux, comme des corps célestes, où autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, et autre l’éclat des étoiles ; même une étoile diffère en éclat d’une autre étoile (1 Co 15, 41).

— La diversité des corps glorieux formera donc un ensemble d’incomparable beauté ?

— Assurément ; et toutes les splendeurs du monde matériel, en ce qu’il a de plus magnifique, sans en excepter celles des corps célestes, ne sauraient nous en donner qu’une idée très imparfaite et très lointaine.

— Est-ce que cette clarté des corps glorieux, pourra être vue de l’œil des corps non glorieux ?

— Oui ; et même les corps des damnés l’apercevront dans toute sa splendeur (q. 85, a. 2).

— Sera-t-il cependant au pouvoir de l’âme de laisser voir ou non cette clarté de son corps glorifié ?

— Oui, il sera au pouvoir de l’âme de laisser voir ou non cette clarté de son corps glorifié ; car cette clarté viendra entièrement de l’âme, et lui demeurera totalement soumise (q. 85, a. 3).

— Dans quel état ou à quel âge ressusciteront les corps des bienheureux ?

— Ils ressusciteront tous à l’âge qui doit être celui de la nature dans son plus parfait développement (q. 81, a. 1).

— En sera-t-il de même pour les corps des damnés ?

— Oui ; avec cette différence que les corps des damnés n’auront aucune des quatre qualités des corps glorieux (q. 86, a. 1).

— S’ensuit-il que les corps des damnés seront corruptibles ?

— Nullement ; car le règne de la corruptibilité et de la mort sera à tout jamais fini (q. 86, a. 2).

— Ils seront donc tout ensemble passibles et immortels ?

— Oui, Dieu disposant ainsi toutes choses, dans sa justice et sa puissance, qu’aucun agent extérieur ne pourra agir sur les corps des damnés pour les altérer et les détruire et que cependant tout sera pour eux, notamment le feu de l’enfer, une cause de douleur et de torture (q. 86, a. 2, 3).

— Et les enfants morts sans baptême, dans quel état retrouveront-ils leur corps, au moment de la résurrection ?

— Ils le retouveront dans un état d’entière perfection naturelle, mais sans aucune des qualités des corps glorieux, avec ceci toutefois qu’ils n’éprouveront aucune douleur, à la différence des corps des damnés (voir Appendice, 1, 2).