Le 12 janvier 2004,

 

Discours du Souverain  Pontife au Corps diplomatique à l’occasion de la présentation des vœux de l’année 2004

 

 

 

Le 12 janvier 2004, le Pape Jean-Paul II a reçu en audience dans la salle Royale du Palais apostolique, les membres du Corps Diplomatique accrédités près le Saint Siège, à l’occasion de l’échange des vœux de nouvel an.

 

Dans son allocution, le Pape a voulu présenter au Corps diplomatique les  préoccupations qui occupent actuellement  sa « réflexion » et sa « prière ».

 

A – La situation de l’Irak.

 

 Il est particulièrement préoccupé par la situation en Irak et il souhaite « que la Communauté internationale aide les Irakiens, débarrassé d’un régime qui les opprimait, afin qu’ils soient mis en condition de reprendre les rênes de leurs pays, d’en consolider la souveraineté, de déterminer démocratiquement un système politique et économique conforme à leurs aspirations et que l’Irak redevienne ainsi un partenaire crédible dans la Communauté internationale »(OR 13 janvier 2004)

 

B –La « non résolution du problème Israélo-palestinien. »

 

Il est aussi préoccupé par « la non-résolution du problème Israélo-palestinien ». Et là il affirme : « Je ne me lasserai jamais de le redire aux responsables de ces deux peuples : le choix des armes, le recours, d’une part, au terrorisme et, d’autre part aux représailles, l’humiliation de l’adversaire, la propagande haineuse, ne mènent nulle part. Seuls le respect des légitimes aspirations des uns et des autres, le retour à la table des négociations et l’engagement concret de la Communauté internationale sont susceptibles de conduire à un début de solution. La paix véritable et durable ne peut se réduire à un simple équilibre entre les forces en présence ; elle est surtout le fruit d’une action morale et juridique ».

 

 

C –La situation africaine et le terrorisme international.

 

La situation africaine le préoccupe aussi beaucoup avec ses nombreux  « conflits » et diverses « tensions ». ainsi que le « terrorisme international » qui « semant la peur, la haine et le fanatisme, déshonore toutes les causes qu’il prétend servir ».

 

D – La religion comme « facteur réel pour bâtir la paix ».

 

Il a  affirmé également que la religion catholique, ainsi que les autres confessions chrétiennes, sont  « facteur réel pour bâtir la paix » : « En ce qui la  concerne,  l’Eglise catholique met à la disposition de tous l’exemple de son unité et de son universalité, le témoignage de tant de Saints qui ont su aimer leurs ennemis, de tant d’hommes politiques qui ont trouvé dans l’Evangile le courage de vivre la charité dans les conflits. Partout où la paix est en cause, il y a des chrétiens pour attester en paroles et en actes que la paix est possible. Tel est le sens, vous le savez bien, des interventions du Saint Siège dans les débats internationaux ».

 

E – L’œcuménisme, sa finalité politique.

 

C’est ainsi dans cette finalité politique de « paix  à édifier » que Jean-Paul II voit l’intérêt et  la nécessité de l’oecuménisme. Aussi souhaite-t-il que tous les chrétiens « prennent résolument le chemin qui mène à l’unité telle que le Christ la veut ».

Ainsi montreront-ils « aux responsables des sociétés les ressources qu’ils sont susceptibles de puiser dans le patrimoine chrétien comme auprès de ceux qui en vivent ».

 

Quelques mots en guise  de commentaire

 

L’œcuménisme tel que pratiqué par ce Pontificat  serait-il plus politique que religieux ? C’est probable.

Cela ressort, du moins, clairement de ce passage de son discours :

 

 « Vous le savez, l’engagement œcuménique est  une des attentions de mon Pontificat. En effet, je suis convaincu que si les chrétiens étaient capables de surmonter leurs divisions, le monde serait plus solidaire. C’est pourquoi, j’ai toujours favorisé rencontres et déclarations communes, voyant en chacune d’elles un exemple et un stimulant pour l’unité de la famille humaine. Chrétiens, nous avons la responsabilité de « l’Evangile de la paix » (Eph 6,15) Tous ensemble, nous pouvons contribuer efficacement au respect de la vie, à la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de ses droits inaliénables, à la justice sociale et à la préservation de l’environnement »

 

Ce sont bien là considérations politiques !

 

Le Souverain Pontife ne semble nullement sensible aux conséquences de cet œcuménisme : le développement de l’indifférentisme religieux dans le peuple de Dieu, le syncrétisme religieux.

 

Il faut également faire remarquer que les raisons avancées par Jean-Paul II dans ce discours au Corps diplomatique près le Saint siège, pour justifier « son » œcuménisme, sont celles-là même qui, dans l’encyclique « Mortalium animos »de Pie XI, le condamne.

 

C’est frappant.

 

Voyez ce passage de l’encyclique « Mortalium animos » contre le « pan-chrétisme » :

« Une fausse apparence du bien peut plus facilement alors qu’il s’agit de favoriser l’union de tous les chrétiens, entraîner quelques âmes. N’est-il pas  juste, a-t-on l’habitude de dire, n’est-ce pas même un devoir pour tous ceux qui  invoquent le nom du Christ d’éviter les accusations réciproques  et de s’unir enfin, de temps à autre, par les liens d’une mutuelle charité ? Quelqu’un oserait-il affirmer qu’il aime le Christ s’il ne cherche de toutes ses forces à réaliser le vœu du Christ lui-même demandant à son Père que ses disciples soient un ? Et le Christ n’a-t-il pas encore voulu que ses disciples fussent marqués et ainsi distingués du reste des hommes par le signe de l’amour mutuel : « C’est à cela que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». Plaise à Dieu, ajoute-t-on que tous les chrétiens soient « un » ; car, de la sorte, ils rejetteraient avec une efficacité beaucoup plus grande ce venin de l’impiété qui, en s’insinuant et se diffusant chaque jour davantage, prépare la ruine de l’Evangile.

Telles sont, parmi d’autres du même genre, (Jean-Paul II ajoute une finalité politique à ce panchrétisme. cf. plus haut), les raisons que font valoir les panchrétiens, ainsi qu’on les appelle. Il s’en faut d’ailleurs que ces hommes soient peu nombreux et rares ; ils ont, au contraire, formé des organisations complètes et fondé des associations que dirigent le plus souvent des acatholiques, malgré leurs divergences personnelles  en matière de vérité de foi. L’entreprise se poursuit d’ailleurs si activement qu’elle s’est acquis la faveur de milieux multiples, captant même la bienveillance de nombreux catholiques, attirés par l’espoir de réaliser une union conforme, semble-t-il aux vœux de notre Mère la sainte Eglise, laquelle, de tout temps, n’a rien tant désiré que d’appeler et de ramener à elle ses enfants égarés »

 

Ce sont bien là exprimées quelques raisons de l’oecuménisme du Pontife régnant. On peut dire alors en toute vérité que ces idées semblent bien avoir capter la bienveillance, non seulement de « nombreux catholiques », mais du Pontife lui-même.

 

Mais le Pape Pie XI dénonce très fortement l’ensemble de ces idées panchrétiennes. Il dit : « sous les séductions de la pensée et la caresse des mots se glisse  - lisez bien – une erreur incontestablement des plus graves et capables de ruiner de fond en combles les assises de la foi catholique. La conscience de notre charge apostolique Nous interdit de permettre que des erreurs pernicieuses viennent égarer le troupeau du Seigneur ».

 

C’est terrible !

Le panchrétisme à la tête de l’Eglise !

 

Je ferais, cependant, remarquer, pour éclairer les intelligences qui pourraient être troublées par mes propos – il faut instruire et non troubler - qu’il est clair que dans ce discours, Jean-Paul II exprime « sa propre opinion ». La manière dont il s’exprime sur cet œcuménisme, permet de le dire avec certitude. Il n’engage que lui. Il y insiste peut être beaucoup, beaucoup trop. Tout le monde sait même qu’il s’est engagé fortement dans cette voie.Il dit volontiers lui-même que la chose est aujourd’hui « irréversible ».

Nous en sommes quant à nous fort ennuyés.

Mais son insistance ne change pas la nature de son enseignement.

Il est clair qu’il n’engage pas le Magistère de l’Eglise, même s’il y engage toute l’Eglise.

Ce que fait, par contre, clairement le pape Pie XI dans son encyclique. La manière dont le pape, ici,  s’exprime, la force qu’il donne à ses affirmations, les formules qu’il utilise, le  montre à l’évidence.

C’est pourquoi il est possible de ne pas suivre cette « opinion » du pape Jean-Paul II sans pour autant contester et sa fonction et son Magistère. Mieux, c’est au nom du Magistère de l’Eglise tel qu’exprimé, par exemple, dans l’Encyclique de Pie XI « Mortalium animos », que je peux, que je dois refuser le panchrétisme actuel du Pape tel qu’exprimé dans son discours au Corps diplomatique. Que le pape régnant engage le Magistère de l’Eglise sur son œcuménisme, alors les choses seraient différentes, mais différent, alors, serait son discours et son enseignement sur l’œcuménisme.

 

Voilà ce que nous pourrions dire au cardinal Ratzinger… ou au cardinal Cottier, toujours théologien du Pape. Son autorité, il est  vrai, - ni celle du cardinal Ratzinger -, n’est pas ici engagé dans ce discours,  puisque lui-même nous a dit dans son interview, donné lors de son élévation au cardinal, que les discours préparés par la Secrétairerie d’Etat ne passaient pas dans ses mains… Ainsi de ce discours. Et si Mgr Tauran était encore à la Secrétairerie d’Etat, j’aurai volontiers « affirmé » qu’il en est le rédacteur….

 

F – « La laïcité n’est pas le laïcisme ».

 

Enfin le pape exprime son inquiétude  quant à la forte poussée actuelle du « laïcisme » en Europe et particulièrement en France.

Il affirme : « Nous sommes témoins, ces derniers temps, dans certains pays d’Europe, d’une attitude qui pourrait mettre en péril le respect effectif de la liberté de religion. Si tout le monde s’accorde à respecter le sentiment religieux, on ne peut pas en dire autant du « fait religieux », c’est-à-dire de la dimension sociale des religions, oubliant en cela les engagements pris dans le cadre de ce qui s’appelait alors la « Conférence sur la Coopération et la      Sécurité en Europe ». On invoque souvent le principe de la laïcité, en soit légitime, s’il est compris comme la distinction entre la communauté politique et les religions (cf. Gaudium et Spes, n° 76).Mais distinction ne veut pas dire ignorance ! La laïcité n’est pas le laïcisme ! Il n’est autre que le respect de toutes les croyances de la part de l’Etat ( NDLR : il eut mieux valu dire « tolérance » que  « respect », on tolère ce que l’on ne peut interdire raisonnablement au nom du Bien Commun. Et il serait bien préférable de distinguer ici la religion catholique des autres religions et de ne pas en faire un « seul tout », la religion catholique étant la seule religion révélée de Dieu par son Fils, NSJC, aux Apôtres et à la Sainte Eglise. Cette confusion peut être grave…),qui assure le libre exercice des activités cultuelles, spirituelles, culturelles et caritatives des communautés des croyants. Dans une société pluraliste, la laïcité est un lieu de communication entre les diverses traditions spirituelles et la nation. Les relations Eglise-Etat peuvent et doivent donner lieu, au contraire, à un dialogue respectueux, porteur d’expériences et de valeurs fécondes pour l’avenir d’une nation. Un saint dialogue entre l’Etat et les Eglises – qui ne sont pas des concurrents mais des partenaires – peut sans aucun doute favoriser le développement intégral de  la personne humaine et l’harmonie de la société. »

« La difficulté à accepter le fait religieux dans l’espace public s’est vérifiée de manière emblématique à l’occasion du récent débat sur les racines chrétiennes de l’Europe. Certains ont relu l’histoire à travers le prisme d’idéologies réductrices, oubliant ce que le christianisme a apporté à la culture et aux institutions du continent : la dignité de la personne humaine, la liberté, le sens de l’universel, l’école et l’Université, les œuvres de solidarité. Sans sous-estimer les autres traditions religieuses, il reste que l’Europe s’est affirmée en même temps qu’elle était évangélisée. Et l’on doit en toute justice se souvenir qu’il y a peu de temps encore les chrétiens, en promouvant la liberté et les droits de l’homme ont contribué à la transformation pacifique de régimes autoritaires, ainsi qu’à la restauration de la démocratie en Europe centrale et orientale ».(OR 13 janvier 2004)

 

 

Commentaire de Jean Madiran

 

 

Sur ce sujet très important de la laïcité,  il me plait de vous donner à lire en guise de commentaire, l’analyse que Jean Madiran fait de ce passage de ce discours, dans Présent du 14 janvier 2004, dans un article intitulé : « L’intervention du Pape contre le laïcisme » :

 

« En proclamant « la laïcité n’est pas le laïcisme », Jean-paul II vise implicitement la France, dans son discours annuel, le 12 janvier, au corps diplomatique. Et il apporte un appui sinon ostentatoire, du moins clairement visible, au président de l’épiscopat français, Mgr Ricard, qui avait déclaré : « L’Etat est laïque mais pas la société. »

« On invoque souvent le principe de laïcité, en soi légitime, dit le Souverain Pontife, s’il est compris comme distinction entre la communauté politique et les religions. » Le pape ne dit pas « séparation », comme parle la « laïcité à la française », il dit bien : « distinction », et aussitôt il ajuote : « Mais distinction ne veut pas dire ignorance ! » Il réclame que l’Etat et les Eglises ne soient « pas des concurrents mais des partenaires » et qu’ils aient entre eux « un sain dialogue » pour « favoriser le développement intégral de la personne humaine et l’harmonie de la société ».

 

Sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, Jean-Paul II s’efforce de traduire la pensée chrétienne dans un langage démocratique et empirique :

 

« La difficulté à accepter le fait religieux dans l’espace public s’est vérifiée de manière emblématique à l’occasion du récent débat sur les racines chrétiennes de l’Europe. Certains ont relu l’histoire à travers le prisme d’idéologies réductrices, oubliant ce que le christianisme a apporté à la culture et aux institutions du continent : la dignité de la personne humaine, la liberté, le sens de l’universel, l’école et l’Université, les œuvres de solidarité. Sans sous-estimer les autres traditions religieuses, il reste que l’Europe s’est affirmée en même temps qu’elle était évangélisée. Et l’on doit en toute justice se souvenir qu’il y a peu de temps encore les chrétiens, en promouvant la liberté et les droits de l’homme ont contribué à la transformation pacifique de régimes autoritaires, ainsi qu’à la restauration de la démocratie en Europe centrale et orientale ».(OR 13 janvier 2004).

Le Pape sera-t-il entendu en prenant grand soin de s’exprimer sans aucune considération surnaturelle ? Par l’intermédiaire de leurs diplomates ainsi sermonnés, l’attention des gouvernements européens est attirée sur cette grave anomalie :

 « Nous sommes témoins, ces derniers temps, dans certains pays d’Europe, d’une attitude qui pourrait mettre en péril le respect effectif de la liberté de religion. Si tout le monde s’accorde à respecter le sentiment religieux, on ne peut pas en dire autant du « fait religieux », c’est-à-dire de la dimension sociale des religions. »

La dimension sociale est à proprement parler une dimension politique.

La laïcité française (celle du président Chirac, de la commission Debray, de la commission Stasi et de l’exposé des motifs du projet de loi sur l’école) ne consiste pas en la distinction du domaine politique et du domaine religieux, mais dans la volonté politique d’imposer à l’Eglise une conception réductrice de la religion, chassée de l’espace public et reléguée dans le domaine privé. Bernard Stasi a le culot provocateur de prétendre jusque dans la Croix (12 janvier) que l’Eglise a « fini par comprendre » le vrai sens de la laïcité que la République lui impose. IL s’agit d’une école sans Dieu, d’une éducation sans Jésus-Christ, et par suite d’une société devenant entièrement « laïque ».

Face à une telle laïcité, le catholicisme est en position de faiblesse en raison de son actuelle débilité intellectuelle (théologique, philosophique, catéchétique). On a bien entendu, contre une interdiction des croix, dans les écoles, l’archevêque de Cologne déclarer que « là où il n’y a plus Dieu, l’homme s’installe à la place de Dieu et se considère comme un absolu ». On a bien entendu Mgr Brincart protester contre ceux qui osent « occulter la Croix, prétendre qu’elle est un signe religieux offensant la dignité humaine ou qu’elle exerce d’insupportables pressions sur la liberté du citoyen ». Ce sont des voix trop rares ; trop marginales ; apparemment trop isolées, tandis qu’un Noël Copin dans la Croix de ce même 12 janvier) va dans le sens du vent dominant quand il plaide en faveur d’une laïcité à l’école qui prépare vraiment à vivre la laïcité dans la société. La communauté catholique est en voie de laïcisation mentale. » (Présent du 14 janvier 2004).