« La liturgie : dimension intérieure et
extérieure », par le cardinal Danneels
Une réflexion à propos de « Redemptionis
sacramentum »
Dans son analyse « La
liturgie : dimension intérieure et extérieure », le cardinal Godfried Danneels, archevêque de Maline-Bruxelles et président de la conférence des évêques
de Belgique, explique le sens de la nouvelle instruction romaine « Redemptionis sacramentum ».
LA LITURGIE : DIMENSION INTERIEURE ET EXTERIEURE
Il y a 40 ans, la Constitution sur la liturgie (Sacrosanctum Concilium) fut
promulguée par le Vatican. Depuis, bien des choses se sont faites en liturgie.
Beaucoup de bonnes choses, mais comme après chaque Concile, ce furent aussi des
années turbulentes avec des expériences plus malheureuses et parfois mêmes, des
déviations.
Le Concile Vatican II a enseigné que la célébration de la
liturgie a une dimension intérieure et une dimension extérieure, un cœur et un
corps. La liturgie réclame une attitude intérieure du cœur et une mise en forme
extérieure. A l’occasion de ces 40 années écoulées, Jean-Paul II a écrit une
Encyclique Ecclesia de Eucharistia
(17 avril 2003), dans laquelle il éclaire surtout la dimension intérieure de l’Eucharistie. Dans la foulée, il annonça la venue d’un
document pratique qui, lui, se pencherait sur la dimension plus extérieure : la
manière de célébrer le culte, le rituel et les formes. Cette annonce reçut un
certain écho dans la presse, en ce sens qu’une fuite prématurée fit craindre
qu’il s’agisse d’un répertoire d’abus, auxquels serait apportée une réponse
disciplinaire musclée. Bien vite, il apparut cependant que cette information
spectaculaire révélée par la fuite était inexacte.
Voici donc ce nouveau document Redemptionis
Sacramentum. Que nous offre-t-il ?
1. Ce n’est pas qu’une œuvre disciplinaire, même si le
document mentionne des points d’attention très concrets en vue d’une bonne
célébration de l’Eucharistie. Mais toutes ces règles
sont motivées de façon intelligente, à partir d’une réflexion théologique et
liturgique.
2. Le document ne contient rien de neuf. C’est un catalogue
de toutes les prescriptions pour une célébration digne, comme on en trouve dans
les livres liturgiques et dans le Code de droit canonique.
3. Cà et là, une prescription est plus particulièrement
soulignée, parce qu’une enquête parmi les évêques a révélé qu’elle présentait,
dans la pratique liturgique, plus de difficultés.
4. Toutes les prescriptions sont déduites de quelques grands
principes :
a) Chacun est amené à assumer une fonction dans la célébration
de la liturgie (prêtres, diacres, animateurs pastoraux et laïcs) – fonction
qu’il doit remplir, ni plus ni moins. Le Concile Vatican II avait déjà
longuement parlé de cette participation active à la liturgie, chacun à sa
place.
b) L’Eucharistie donne un rôle
propre au prêtre, au diacre, à l’animateur pastoral et au laïc. Ces rôles ne
sont pas interchangeables. De là, par exemple, la règle qui veut que seul le
prêtre prononce les paroles de la prière eucharistique et que c’est lui (ou le
diacre) qui fasse l’homélie. Cela n’empêche nullement les laïcs de proclamer la
parole en dehors de l’Eucharistie, à l’occasion de
temps de prière d’un autre type. Au cours de l’Eucharistie,
il y a également la possibilité pour les laïcs de faire des annonces ou un témoignage,
mais ceci se déroule de préférence après la prière de clôture.
c) Durant la célébration, la distinction entre le service des
ministres ordonnés (évêques, prêtres diacres) et non-ordonnés
(lecteurs, acolytes,…) doit clairement apparaître aux fidèles.
d) La liturgie est une action de toute l’Église
et non l’affaire d’une seule personne ou d’une communauté. C’est pourquoi on y
lit la Bible et on y utilise les textes des livres liturgiques. Cela vaut
surtout pour la prière eucharistique qui ne peut être changée à notre guise,
car elle est comme le mot de passe de notre fidélité à l’Église.
e) En conclusion, le document énumère une série de « délits
graves ». Ceux-ci se trouvaient déjà tous dans le Code de droit canonique.
Ainsi, la simulation d’une Eucharistie par un non-prêtre
ou l’utilisation sacrilège d’hosties consacrées.
5. Mise au point :
Contrairement à ce que certains médias avaient laissé
entendre, la règle concernant les filles comme enfants de chœur demeure
inchangée : l’évêque juge de son opportunité. Par ailleurs, que le baiser de
paix ne pourrait être donné par le célébrant que dans le chœur, est inexact. Le
prêtre peut également l’échanger avec quelques fidèles, si ceci n’interrompt,
ni ne rallonge la célébration indûment.
6. Il revient à l’évêque de veiller à ce que la liturgie soit
célébrée dignement. L’année pastorale prochaine, la Conférence épiscopale de
Belgique consacrera – comme prévu depuis longtemps – une année à la liturgie.
Dans le prolongement des deux années pastorales précédentes (« Envoyés pour
servir » et « Envoyés pour annoncer »), une brochure sur la liturgie sera
publiée en arrière-saison : « Appelés à célébrer ». Elle sera suivie d’un
aide-mémoire, qui contiendra des conseils pratiques, des aides et des préceptes,
destinés à tous ceux qui s’occupent de liturgie dans l’Église
(prêtres, diacres, animateurs pastoraux, lecteurs, choristes, acolytes, équipes
liturgiques, etc.) Les préceptes du présent document
y seront repris et concrétisés, en vue d’une application pratique à notre
Église.
Les évêques espèrent qu’à l’aide de tout ceci, la liturgie
sera célébrée dignement, que la connaissance liturgique sera approfondie, que
tous ceux qui collaborent aux célébrations seront encouragés et que – là où
cela s’avère nécessaire – certaines déviations seront corrigées.
Tel est le but de l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia de
Jean-Paul II et du document présent, sous une forme plus disciplinaire : Redemptionis Sacramentum.
+ Godfried Cardinal DANNEELS
Archevêque de Malines-Bruxelles
Malines, 23 avril 2004