Homélie de Mgr Richard WILLIAMSON
Dimanche 17 octobre 2004
Saint Nicolas du Chardonnet
Messe de 10h30
- TEXTE AUTHENTIQUE -
In extenso.
- On ne s’étonnera pas
du style parlé qu’on a volontairement maintenu partout..
- Les diamants
<…> représentent les passages inaudibles ou des mots supposés.
« Au nom du Père et du
Fils et du Saint Esprit, ainsi soit-t-il.
Chers confrères, chères
sœurs, chers fidèles. C’est monsieur l’abbé Beauvais, votre curé, qui m’a
invité à vous offrir une messe pontificale lorsqu’il a su que je serais là pour
le symposium et comme la journée d’aujourd’hui est … c’est peut être
providentiel parce que Saint Nicolas, et la Fraternité en
général, fait face à une crise qui est depuis quelques semaines dans le domaine
public ; donc je risque de ne pas scandaliser les gens si j’en parle en public
et je pense que la crise est assez grave pour nécessiter une parole d’évêque.
Je peux toujours me
tromper sur la façon de dire, mais venant de l’extérieur, et durant plusieurs
jours où il fallait préparer le symposium, participer au symposium et ensuite
attendre samedi et dimanche, pour Marseille et Paris, j’ai eu le temps et la
possibilité de me familiariser avec certains aspects de cette crise qui menace la Fraternité, et
c’est pour cela que je prends sur moi d’en parler. Si ce n’était qu’une petite
chose, je n’en parlerais pas. Mais c’est quelque chose qui, à mon avis, ne se
règlera pas par la voix d’autorité. L’autorité et l’obéissance sont
corrélatives, mais les deux servent la vérité. Et si l’autorité et l’obéissance
sont séparées ou sont détournées de la vérité, on a un problème qui ne se
règlera pas rien qu’avec l’obéissance et l’autorité.
L’autorité catholique
est là pour la
Vérité catholique. Le proverbe espagnol dit quelque chose de
ce genre : « L’obéissance ne sert pas l’obéissance. L’obéissance sert la Foi » et l’obéissance
catholique est relative à la foi et à la Vérité catholique. Et si <nous faisons>
comme a fait le Concile, alors <pourquoi nous trouvons-nous ici mes chers
frères> N’est-ce pas parce que le Concile, les conciliaires ont piétiné les
questions de vérité au nom de l’obéissance ?… Et c’est pour cela que tant
d’âmes catholiques sont encore égarées sur une voie qui mène pas du tout au
Ciel, parce qu’ils pensent toujours obéir. On leur inculque une notion
d’obéissance qui a fait que, on n’avait qu’à s’écraser. Les catholiques
n’avaient qu’à s’écraser. On dit en anglais, en américain : « Pray, pay and
obey. » Ils n’avaient qu’à payer, prier et obéir. Et c’est pour cela que nous
en sommes dans cette épouvantable crise de l’Eglise universelle.
Et maintenant la même
chose devrait se répéter à l’intérieur de la Fraternité ? Et
bien non ! La Fraternité
a été créée par Mgr Lefebvre qui a su discerner entre la vraie obéissance et la
fausse obéissance. Et l’obéissance qui n’obéit plus à Dieu et qui n’obéit plus
à la Foi est une
fausse obéissance. Et il nous a dégagés de cela, et nous l’avons suivi et nous
avons eu raison. Mais le diable est toujours à l’œuvre. Il faut admirer comment
le diable a agi cette fois ci. Il faut vraiment l’admirer. La tentation a été
subtile ; la tentation n’a pas été sous espèce de bien (sub
specie boni) la tentation a été sous apparence du
mieux (sub specie optimi).
Revenons en arrière. A
la fondation de la
Fraternité Saint Pie X. Donc, Mgr Lefebvre, poussé par la Providence, et
coopérant en fonction de sa grande sagesse, sa sainteté sans doute, il coopère
avec la Providence
pour fonder la
Fraternité Saint Pie X, qui, dans ses débuts, est
complètement à l’intérieur de l’Eglise. Il ne fait pas un séminaire sauvage
comme ses ennemis l’en accusent. Il a fondé un séminaire tout à fait selon les
lois de l’Eglise, parce qu’il a obtenu l’approbation de l’évêque de Genève et
Fribourg en mai 1970 et pour Monseigneur, c’était très important. Pour
Monseigneur, c’est évident que ce n’était pas un acte de désobéissance. Il
voulait obéir aux lois de l’Eglise ; mais lorsque ces lois détruisaient,
subvertissaient la Foi,
alors là il a dû dire « non ». Il a dit la suprême loi c’est le salut des âmes,
et cela c’est toujours vrai. Et alors il a fondé cette Fraternité mais la Fraternité a été
faible depuis le début avec une faiblesse intrinsèque, qui est toujours là et
dont nous sommes incapables de nous débarrasser. Cette faiblesse n’est pas
notre faute et nous n’y pouvons rien ; et elle est dans la fabrique, dans la
nature même de la
Fraternité parce que la Fraternité a été fondée, c’est-à-dire après deux,
trois, quatre ans la
Fraternité n’a plus eu le Pape derrière et au-dessus :
derrière pour appuyer tout ce qui est catholique, pour soutenir, appuyer, et
au-dessus pour fournir le sommet d’une hiérarchie qui, dans le temps, avant le
Concile, protégeait tous les catholiques ; lorsque, au niveau de l’Eglise,
lorsque les autorités agissaient, le Droit Canon assurait toutes sortes
d’instances et de possibilités d’appel et, tout un mécanisme pour assurer que
cette force et autorité … parce que l’autorité catholique est forte, elle
impose aux gens dans la mesure où elle le peut, d’aller au Ciel. Donc,
l’autorité catholique est forte ; elle vient de Dieu ; c’est une autorité de
Vérité : « Je suis la Voie,
la Vérité
et la Vie.» Et
cela étant, puisque Notre Seigneur a choisi de confier cette autorité si forte
à des hommes, et non pas à des anges, il est évident que les pauvres hommes que
nous sommes, tous, que nous sommes tous mes chers amis, nous autres pauvres
hommes, nous pourrions défaillir, et alors, pour assurer que la force de
l’obéissance catholique n’écraserait pas, à aucun niveau, il y avait tout un
système d’appels, de possibilités d’appel, qui assurait la justice à côté de la
vérité. Et c’est la Justice
et la Vérité
catholique qui assurait l’autorité catholique. Donc, par exemple, Mgr Lefebvre
dans l’effondrement conciliaire, comment s’est-il fait l’autorité qu’il s’est
faite ? Est-ce seulement en disant : « Moi, je suis évêque, vous devez obéir !
» ? Non, Non, Non, Non. Rarement je l’ai entendu <dire cela>.
<Pourtant>il croyait en l’autorité… Il n’entendait pas que dans la Fraternité on
crée la pagaille. Non, non. Il n’aimait pas la désobéissance, c’est sûr et
certain. Mais lorsqu’il y avait un problème, disait-il « C’est moi l’évêque ! »
? Non. Il disait : « Actuellement voici mes raisons. » Il disait calmement et
tranquillement : « Voici mes raisons. Si vous avez des raisons, je vous écoute.
Si vous avez raison, nous irons comme vous, vous proposez. Si vous reconnaissez
que c’est moi qui ai raison, allons comme moi je propose. »
Et si comme aux Etats
Unis, en 1983, si les prêtres faisaient une révolution, c’était effectivement
cela, sub specie boni sans
aucun doute, nous ne mettons pas en doute les intentions ; mais les prêtres
étaient là, et en 1983 j’étais là, et j’ai témoigné : Sa façon de faire,
c’était de discuter, de raisonner, raisonner avec ces prêtres effectivement
révolutionnaires. Et, lorsqu’il s’est avéré que les discussions étaient
inutiles, il disait finalement : « Chers messieurs les abbés, la discussion est
inutile. » - « Ah ! non, nous discutons <continuons de discuter>» - «
Non, Non c’est inutile. Vous avez vos idées et nous avons les nôtres. Et nous
n’allons pas changer. Il faut nous séparer. »
« Jusqu’ici » -
remarquez l’humilité ! « Jusqu’ici le Bon Dieu semble avoir béni la Fraternité. »
De 1970 à 1983, cela faisait 13 ans déjà l’histoire de la Fraternité. Il
disait : « Jusqu’ici » C’est-à-dire dans le passé mais il ne disait pas dans
l’avenir et combien c’est juste ; et combien quelqu’un de sensé va écouter
quelqu’un qui parle comme cela. « Jusqu’ici » disait-il, « le Bon Dieu SEMBLE
avoir béni la
Fraternité », « semble » … mais il ne disait pas : « Le Bon
Dieu est avec nous … il n’est pas avec vous autres ». Non, non, non, non et
non. Ecoutez ceci, il ajoutait, - j’étais là je l’ai entendu de mes propres
oreilles, il a ajouté : « Jusqu’ici le Bon Dieu semble avoir béni la Fraternité. Mais
si vous savez mieux faire, que le Bon Dieu soit avec vous. »
Ça c’est un grand homme
! Ça c’est un grand homme de Dieu » Il se rend bien compte qu’il y a <la
possibilité de se tromper>, qu’il peut se tromper, <il croit>que ce
qu’il fait c’est pour l’amour de Dieu, il le croit pour des raisons tout à fait
sérieuses, il continuera de faire ce qu’il fait, mais il se rend compte que ce
n’est pas lui qui est « la Voie,
la Vérité
et la Vie ».
Monseigneur Lefebvre, à
côté de cette spiritualité du XVII ème siècle qui lui
est parvenue par l’Ecole Française <à la recherche du moi ?>, à coté de cela,
il avait un BON SENS et une HUMANITE qui est absolument nécessaire pour
tempérer cette spiritualité du XVII ème, et si le bon
sens manque, cette spiritualité tourne à la tartufferie et au Jansénisme. Que
nous fassions attention dans la Fraternité ; il faut non seulement la … contenir
et spiritualité. Je déteste ce mot. Pourquoi est ce que je le déteste ? Parce
que très souvent il y a trop de la recherche de soi mêlée à la recherche de
Dieu. Nous sommes de pauvres bougres, il ne faut pas l’oublier. Il faut
chercher Dieu, et foncer vers Dieu. Et sainte Thérèse d’Avila de dire : « Le
Bon Dieu préfère les âmes généreuses aux âmes sans défauts ». Eh oui ! Parce
que la générosité finira par avoir le dessus sur les défauts. Mais le « sans
défaut » ne garantira pas la générosité. Saint Pierre était généreux, il était
fougueux. Il faisait des gaffes. Il se trompait, et qu’est-ce qu’a fait Notre
Seigneur avec son cœur ? Notre Seigneur a permis que St Pierre le renie trois
fois. Au moment du grand besoin de Notre Seigneur, qu’est-ce que cela a fait ?
St Pierre pensait que lui avait raison. Lui connaît tout, lui seul, moi je suis
fort, moi je suis champion. J’y vais, et puis un moment plus tard il tombe, et
le diable l’a eu. Par où ? Par le respect humain. C’était le point faible de
Saint Pierre. Mais à partir de ce moment-là, St Pierre se rendait parfaitement
compte qu’il n’était qu’un pauvre bougre mais un pauvre bougre pouvait faire un
bon pape. Et un sans défaut qui s’admirait comme étant sans défaut ne pourrait
pas faire un bon pape. Il ne comprendrait pas les hommes. Il n’aurait pas la
compassion qu’il faut pour nous autres hommes, <pauvres êtres que nous
sommes>. Et, la leçon, St Pierre ne l’a jamais oubliée. On dit qu’il a
pleuré jusqu’à la fin de sa vie. Mais ses larmes ont été une partie essentielle
de sa papauté, de sa sainteté pour diriger l’Eglise, et pour protéger la
naissance et premiers jours <de l’Eglise>.
Alors cette
spiritualité du XVII ème, comme moi je la dis
<résume>, elle est bonne, elle <paraît bonne> sans doute, je vous
dis « Sub specie boni »,
mais ce n’est pas « sub specie
boni », c’est sub specie optimi. C’est en voulant être spirituel qu’on oublie d’être
humain. Mgr Lefebvre a toujours été humain. Mais il est bien plus facile
d’imiter l’extérieur pour se dire spirituel, que d’imiter cette fusion de la
spiritualité avec l’humanité. Que je vous raconte aussi brièvement que possible
la pièce de Shakespeare « Mesure pour mesure » :
C’est un jeune prince
qui est tellement droit, tellement parfait, tellement correct, qu’il ne se
connaît pas. Alors, le diable lui envoie, pour plaider une cause, une jeune
sainte qui est belle. Elle veut entrer au couvent ; elle est très bonne.
Isabelle, elle est tout à fait vertueuse. Alors devinez ce qui se passe. A la
rencontre entre les deux, Isabelle plaide pour la vie de son frère, emprisonné
par Angelo, le prince, et Angelo finit par lui faire une très mauvaise
proposition. Parce que celui qui était si correct, si bien, si admirable, parce
qu’il ne se connaissait pas, il était inhumain. Il a payé le prix. Là,
Shakespeare, il n’était pas bête. Quel est le nom de ce jeune prince ? « Angelo
» C’est à dire le petit faisait de l’angélisme, au nom sans doute de la
rectitude, de tout ce qui est bon, de tout ce qui est correct. C’est le XVII ème siècle, c’est le Jansénisme, mes chers amis. En
Angleterre, c’était le puritanisme. Sous apparence de bien, … et à force
d’essais, à force de se croire <un ange> sans se souvenir qu’on est aussi
bête, on tombe dans les bêtises et les abêtissements les plus terribles, et on
bascule de l’un à l’autre, et le diable le sait pertinemment bien : le
Jansénisme a basculé dans le libéralisme et la révolution française. Et le
puritanisme en Angleterre a basculé dans le libéralisme, répandu maintenant
dans toute l’Europe.
Alors faisons attention
et soyons humbles. Et n’oublions pas que nous sommes des êtres humains, et le
Bon Dieu, Notre Seigneur - c’est mystérieux - Il a voulu faire pour les
ministres de son Eglise, pour sauver les âmes - Il a choisi les hommes et non
pas les anges. Il aurait pu faire, Il aurait pu choisir pour ses prêtres des
anges, Il ne l’a pas fait. Il a choisi nous autres pauvres hommes, et dès le
début voilà avec Saint Pierre : « Rappelle-toi St Pierre, que tu n’es qu’un
homme. Tu es toujours un homme et tu auras toujours besoin de moi, et tu auras
toujours besoin de la compassion pour les autres êtres humains comme toi. » «
Pardonnez-nous Seigneur, comme nous pardonnons ceux qui nous ont offensés » Et
il faut le pardon. Et ça, c’est la sagesse de cette pièce de Shakespeare. C’est
une leçon très catholique. C’est un drame profane, je veux bien, mais la leçon
en est certainement catholique.
<Dans le drame, un duc intervient> pour empêcher que les actions aillent
en pire, et à la fin Angelo reconnaît qu’il a fauté, et fauté gravement. Et il
reconnaît qu’il mérite de mourir. Mais le duc, son chef, l’épargne. Le duc
l’épargne, le duc lui pardonne, parce-qu’il
<Angelo> reconnaît qu’il est en faute.
Il est dans la nature de
la Fraternité
d’être comme un canot de sauvetage ; un canot de sauvetage est vulnérable ; il
est là, le grand transatlantique a sombré, et on a mis sur les flots de l’océan
un canot de sauvetage, et l’océan aujourd’hui est en furie. L’océan est
déchaîné. Alors un petit canot de sauvetage, il n’est pas fait pour durer
longtemps. Et les canots que l’on a mis sur les eaux, à partir du Titanic,
encore une nuit, et probablement les passagers à bord de ces petits canots
seraient morts de froid. Heureusement d’autres navires étaient là le lendemain
matin et ont pu ramasser les canots et sauver ceux qui étaient dans les canots,
mais ceux qui étaient dans la mer, même si ils avaient un veston de sauvetage –
je ne connais pas le mot en français – s’ils avaient un veston de sauvetage,
ils mouraient de froid dans la mer glacée. Et si, mes chers amis, vous et moi,
nous faisions chavirer la Fraternité Saint Pie X par nos agissements, par
nos guerres, nos querelles <apparemment> justes et toujours sous
apparence de bien … alors si nous nous battons au nom d’une bonne cause, si
nous nous battons, supposons contre le Jansénisme ou contre la tendance jansénisante, car c’est plus subtil, c’est plus subtil
encore avec chaque décennie aujourd’hui, depuis des centaines d’années, les
tentations deviennent de plus en plus subtiles. Et Dieu sait si les tentations
du Concile ont été subtiles pour tromper une foule de catholiques, une foule,
la grande masse des catholiques, trompés sous apparence de bien, sous apparence
de raison. Alors, cette fois-ci, des passagers à bord du canot peuvent très
bien dire : « la Justice,
moi on me refuse mes droits, moi il ne peut être question seulement
d’obéissance » - il a raison, il a raison, il a raison - pour cela ils vont se
battre et faire chavirer le canot, en sorte que tous meurent dans les eaux
glacées ! Méfions-nous, mes chers frères, méfions-nous ! Méfions-nous de
nous-mêmes ! Méfions-nous de nous-mêmes ! Nous sommes tous de pauvres êtres
humains et toujours nous pouvons tous nous tromper. Seul Notre Seigneur est
infaillible, parce qu’Il est Dieu. Et Il reste dans le destin des êtres humains
d’être faillibles, que voulez-vous ! Et c’est pour cela que l’Eglise
catholique, dans le temps, avec une telle sagesse maternelle … la Sagesse maternelle est
inscrite sur tout le Code du Droit Canon. Moi, je ne suis pas du tout
canoniste, mais par contre, revenons au canot de sauvetage. Peut-il y avoir une
instance d’appel à bord du canot ? C’est très difficile. Ce n’est pas facile,
parce que l’instance <ne peut se trouver qu’>à bord du canot, et à bord
du canot on a besoin d’un capitaine, d’une autorité. Alors, qu’est-ce qui en
ressort, comme conclusion ?
Eh! bien, de la part
des passagers, il faut savoir se maîtriser, et ne pas partir en guerre même si
le capitaine se trompe, parce que, si on est trop convaincu de son droit et si
on est trop fougueux, et si on est trop plein de défauts, il est très
<dangereux>, on risque non seulement sa propre vie, <mais aussi> la
vie de tous les passagers dans le canot ; <du même coup> il est
difficile, à bord du canot, d’organiser une instance d’appel, parce que là, il
y aurait toujours le risque, un certain risque, de deux têtes, d’un animal avec
deux têtes, ce serait le risque. Il faudrait de la sagesse pour l’éviter. A
tout bout de chemin, mes très chers amis, il faut la sagesse humaine et le bon
sens. Ne l’oublions pas : le surnaturel sans le naturel fait du surnaturalisme
tout comme le naturel sans le surnaturel fait du naturalisme.
On brandit beaucoup
l’accusation de naturalisme, eh! bien que l’on commence un peu à brandir le nom
de surnaturalisme. Est-ce que c’est pousser au relâchement ? Que Dieu nous en
défende ! Mais voyons comment Notre Seigneur a voulu nous autres pauvres pour
ses ministres. Alors pour les passagers, qu’ils ne se déchaînent pas ; qu’ils
ne se déchaînent pas, qu’ils sachent se maîtriser. Nous sommes dans une crise
extrêmement grave, extrêmement grave, <… ?> parce qu’il y a une question
de vérité, il y a une question de fausse spiritualité, et cette question de
fond ne se règlera pas avec l’obéissance et l’autorité. Et, tout capitaine va
exercer l’autorité, c’est ce que faisait Mgr Lefebvre, je viens de vous le
dire, <mais>Mgr Lefebvre s’est rarement appuyé seulement sur son autorité
pour faire valoir ce qu’il voulait faire valoir. Il donnait des raisons, il
raisonnait. Alors que le capitaine à bord essaie <de comprendre> que la
congrégation de la
Fraternité n’est pas dans une situation normale. Dans une
situation normale le capitaine peut frapper et faire ce qu’il veut, parce qu’il
sait que s’il fait de l’arbitraire, il y aura toujours une instance au-dessus
de lui. Dans la grande structure de l’Eglise, il faut sauver la victime de son
arbitraire, de l’arbitraire du capitaine ; donc le capitaine peut, peut y
aller, s’il le veut. Mais dans le canot de sauvetage, on ne peut pas y aller
comme ça, c’est différent. Alors faire semblant que dans le canot de sauvetage,
tout est comme dans une congrégation ordinaire, dans les temps ordinaires de
l’Eglise, c’est se faire des illusions sur la réalité. Alors, que les autorités
y aillent doucement, comme Saint Pierre. Je suis sûr que Saint Pierre avant ses
larmes, avant sa chute, s’il n’était pas tombé, n’aurait pas compris. « Angelo
», il fallait bien qu’il tombe et tombe gravement, pour qu’il arrive à se
remettre. On ne souhaite pas que ces jeunes de la Fraternité
tombent pour qu’ils arrivent à la connaissance d’eux-mêmes et pour qu’ils
arrivent à la compassion. On ne le souhaite pas, bien sûr, parce que cela
serait pêché mortel, si vous voulez. Mais, s’il fallait cela … aïe ! , aïe ! ,
on ne veut pas le mal pour que le bien en sorte, Notre Seigneur ne voulait pas
que tombe Saint Pierre, mais Notre Seigneur a bien voulu permettre que St
Pierre tombe pour qu’un plus grand bien en sorte. Avant que les autorités y
aillent, qu’en pense la tête ? Suivons le modèle de Mgr Lefebvre, et si on veut
suivre l’exemple de Mgr Lefebvre, qu’on ne suive pas seulement sa spiritualité,
<mais aussi son humanité>. Qu’on sache reconnaître et suivre aussi son
humanité et ceux d’entre nous qui l’avons connu <…> Dieu sait si nous
savons qu’il était humain. Il était humain, très humain. Et son humanité et sa
spiritualité étaient très bien fusionnées, très bien. Mais l’un est plus facile
à imiter que l’autre, l’extérieur est plus facile à imiter que la fusion
intérieure. Toujours sub specie
optimi ; mais c’est pour cela, mes très chers amis,
qu’on dit … vous connaissez le dicton latin peut-être « Lupus est homini lupus, mulier est mulieri lupior, sacerdos est sacerdoti lupissimus ». « L’homme est pour l’homme un loup, la femme
est pour la femme encore plus louve, mais le plus loup de tous c’est le prêtre
pour <un autre> prêtre ». C’est une caricature, mais c’est vrai. Parce
que de chaque côté les prêtres sont persuadés qu’il y va des intérêts du Ciel,
de l’Eternité, du salut des âmes, et dans le fond, en effet, c’est pour cela
que les disputes entre prêtres peuvent tellement s’envenimer. Chers amis, priez
pour vos prêtres, priez pour vos prêtres et ne les attisez pas d’un côté ni de
l’autre quand ils se mettent à se battre, quand ils ont envie de se battre.
Mais <… ?>, mes chers amis, du bon sens, du bon sens. Que l’on n’oublie
pas le BON SENS. Mgr Lefebvre avait du bon sens. Et c’est cela qui va tempérer
le danger jansénisant de cette spiritualité. Et s’il
manque le bon sens, on a un problème. Et quant aux autorités, qu’elles y
aillent doucement, que nous autres les autorités que nous y allions doucement,
et que les passagers y aillent de leur côté aussi doucement.
Donc à coté du mot
‘spiritualité’ que je déteste, je déteste aussi le mot ‘charité‘. Je déteste le
mot à cause de tout ce qu’on met dessous aujourd’hui : de sentimentalité et
d’humanitarisme et tout ce qui fait vomir un être sain. Toujours sous le mot «
charité » ; mais aujourd’hui, chers amis, la vraie Charité, il la faut. Et qui
peut posséder la
Vérité s’il la brandit sans la Charité ? <…>
Le Bon Dieu est patient. Mais à la longue, il peut punir <untel> en lui
faisant perdre la vérité. Notre Seigneur Lui-même, c’est la Voie, le Vérité, la Vie ; mais il dépendait de la
vraie Charité. <… ?> Vous et moi, mes chers amis, nous pouvons tomber,
tomber, tomber, tomber, tomber, et voilà que Notre Seigneur nous pardonne,
pardonne, pardonne, pardonne, jusqu’à 70 fois 7, et encore plus. Voilà l’Esprit
de Notre Seigneur et c’était aussi l’esprit, l’esprit de Mgr Lefebvre. Une
grande compassion. Et d’abord dans cette épouvantable crise de l’Eglise, mes
chers amis, en premier, nous partageons tous la Vérité : Dieu
à la place de Dieu, Dieu nous a donné la
Foi ; vous et moi, par la grâce de Dieu, nous voyons clair.
<Pourtant> nous voyons des catholiques bien meilleurs que nous,
apparemment, dans <l’Eglise officielle>, qui ne voient pas clair. C’est
une grâce, c’est une élection. Nous sommes sous cet angle-là, mes chers amis,
des élus, que nous persévérions pour être des élus du Ciel. <… ?>
Alors, l’humilité.
Alors Humilité et Charité !
La confusion va
augmenter. Il n’est pas difficile de le prédire, de le prévoir et de le
prédire. Rome ne revient pas, ne se repent toujours pas, ne donne aucun signe,
ni de comprendre, ni de vouloir comprendre. Rome fonce toujours dans la même
fausse direction. Alors, la confusion dans les âmes ne peut que <croître>.
Lorsque le sel de la terre s’affadit volontairement, et lorsque la lumière du
monde s’aveugle volontairement, bien sûr on est dans les ténèbres et dans la
corruption. Alors, mes chers amis, quand on pense à la faiblesse de nous
autres, êtres humains, ayons de la compassion pour ceux qui souffrent de cette
confusion. Ayons de la compassion, de la Charité, de la vraie Charité, les uns pour les
autres. Et surtout, comme dit St Paul, pour ceux qui appartiennent à la maison
de la Foi. Et
nous autres, nous sommes tous, par la grâce de Dieu, au moins pour le moment,
des membres de la Maison
de la Tradition. Si
vous voulez, c’est la maison de la Vérité. Et si nous exerçons, pratiquons, prêchons
cette Vérité de manière à assommer nos semblables, nous risquons de perdre la Vérité. Nous
l’avons, sous un certain angle, déjà perdue. Beaucoup de Charité et, mes chers
amis, plus la confusion va augmenter demain, plus la Charité va être
nécessaire. Il faut un grand esprit de tolérance, la bonne tolérance, parce que
nous ne sommes pas coupables de cette confusion, qui règne à la tête de
l’Eglise. Ce n’est pas en quelque sorte notre faute de nous tous, parce que
c’est un châtiment bien mérité pour nous tous, le châtiment de Dieu, cette
confusion. Mais, ayons de la compassion donc pour les « Saint Pierre », pour,
que sais-je, pour … pour les musulmans, pour les juifs, pour les communistes,
pour les athées. Notre Mère, la Sainte Vierge, est mère de tous ces pauvres.
Alors première
conclusion : la
Charité. La vraie, pas la sentimentale, ni la charité qui
s’aveugle pour être gentille. Non, non. Il faut bien voir, voir clair. Mais, si
on voit clair comme Notre Seigneur, à ce moment-là nous aurons aussi la Compassion de Notre
Seigneur lui-même. Pour ceux, qui, ce n’est pas par leur propre faute, ne
voient pas clair.
Ensuite, une crise
semblable est une épreuve, tout comme la crise de l’Eglise universelle,
l’Eglise du Concile, a été une épreuve pour tous les catholiques, une épreuve
dont certains catholiques ont su tirer le bien. Croyez-moi, nous sommes <…
?>.S’il n’y avait pas toute cette crise, serions-nous, aurions-nous la
ferveur, telle que nous l’avons, s’il n’y avait pas eu toute cette crise ? Si
nous avions continué notre petit train-train des années 50 ? Il est possible de
supposer que non. Alors, le bon Dieu a permis maintenant peut-être une épreuve
à supporter parce que tout catholique universel méritait l’épreuve du Concile.
Peut-être la
Fraternité a-t-elle aujourd’hui mérité cette épreuve-ci, et
alors, sachons en tirer le bien, parce que <le Bon Dieu permet toute épreuve
pour que nous en tirions le bien.>
Troisièmement, Dieu
sait ce qu’Il fait. Nous, nous ne savons pas ce qu’Il fait. Nous ne savons pas
ce que nous faisons. Mais Lui, Il sait ce qu’Il fait. Et s’Il permet ces
épreuves, c’est pour notre bien, et même pour notre spiritualité. Mais la vraie
<spiritualité>, à condition de reconnaître la main de Dieu dans les
épreuves. Il sait ce qu’Il fait, et même quand Il permet l’augmentation de
cette confusion, que la confusion croît toujours, eh bien, Il sait toujours ce
qu’Il fait. Et un grand bien peut en sortir. Alors patience ! CHARITE, HUMILITE
et PATIENCE. Et confiance en Dieu. Et puis, on sent que si Dieu, et c’est en
soi complètement possible, la Fraternité étant si fragile, il est tout à fait
possible que la
Fraternité se casse la figure. Je le dis au Etats Unis depuis
des décennies. Voilà longtemps que je dis, dans la nature des choses, il n’y a
rien qui garantit la survie de la Fraternité, jusqu’à, jusqu’à l’intervention de
Dieu. Parce que Dieu va <finalement> intervenir dans la situation que
nous vivons aujourd’hui. Alors ne nous disons pas : La Fraternité est
infaillible, la
Fraternité est forte, la Fraternité est
un navire normal de l’Eglise. Ce n’est pas le cas. C’est un canot de sauvetage.
Et enfin, ayons cette confiance aussi, que si la chère Fraternité venait aussi
à sombrer - ce n’est pas impossible, étant donné que nous sommes tous des
pauvres êtres humains - si elle venait à sombrer, n’ayez pas peur, petit
troupeau. N’ayez pas peur. « C’est moi », dit Notre Seigneur, s’approchant de
ses apôtres sur les eaux. « C’est moi » Et Notre Seigneur n’abandonnera jamais
ses brebis, ce n’est pas possible. Au moment du Concile, on a pu penser que
Notre Seigneur était en train d’abandonner ses brebis ; eh bien NON ! Voilà
<la Tradition>
qui est maintenant dans le monde entier. Et si la chère Fraternité, par ses
misères humaines, venait à sombrer comme l’Eglise conciliaire, eh bien le bon
Dieu sauverait quand même les brebis qui ne voudraient pas, qui ne voudraient
toujours pas abandonner Dieu. Saint Augustin : « Dieu n’abandonne jamais une
âme qui n’a pas la première abandonné Dieu » <Cette citation est reprise
par> le Concile de Trente. Donc Dieu est toujours là. Prions : la Charité,
l’Humilité, la Patience
et la Confiance
en DIEU. Et priez, priez, priez, mes chers amis, pour vos prêtres. Je ne dis
pas seulement pour vos prêtres de la Fraternité, non, non. Priez pour tous les prêtres
dans le monde entier, que notre cœur s’élargisse, notre cœur, <suivant>
Notre Seigneur, pour embrasser dans notre prière tous les prêtres faisant <…
?> Et c’est à l’intérieur de la Fraternité, et à l’extérieur.
Et prions bien sûr la
très Sainte Vierge Marie, prions la Bonne Mère pour cela. Elle est la mère des
prêtres, <de tous les> prêtres … Elle a été confiée par Notre Seigneur à
St Jean au pied de la
Croix. Elle est le Siège de la Sagesse. Demandez-lui
en priant le chapelet ce que Elle, Elle pense, ce que Elle, Elle souhaite. Dans
quelle direction Elle nous dirigerait vers son Fils. Et je suis persuadé que si
tous, nous avons vraiment son esprit, l’esprit maternel de sa sagesse
maternelle, eh bien, les problèmes, les désaccords se résoudraient sans trop de
difficultés.
Au Nom du Père, du Fils
et du Saint Esprit. »