La
doctrine catholique sur la justification
et les
accords luthéro-catholiques
par S.
Exc. Mgr Bernard Fellay
Cette étude est la
transcription de conférences données en anglais par S. Exc. Mgr Fellay en
février 2000, pendant la session de théologie qui réunissait au séminaire de
Winona les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X du district des États-Unis.
La traduction en a été faite par nos soins.
Bien que les accords luthéro-catholiques
aient eu lieu en octobre 1999, leur actualité reste hélas bien vivante,
puisqu'ils portent en conclusion.
« Notre consensus sur les
vérités fondamentales de la doctrine de la justification doit avoir des
conséquences et faire ses preuves dans la vie et l'enseignement des Églises »
(n° 43).
Nous remercions Mgr Fellay de nous
avoir autorisés à reproduire le texte de ses conférences dont nous avons gardé
le style oral.
LA DOCTRINE catholique sur la justification (Justification, venant des mots latins justum et facere (rendre juste), est ici synonyme de sanctification, passage
de l'état de péché à l'état de grâce, comme juste
signifie saint et justice sainteté.)
(NDLR.) qui a été attaquée par Luther, est extrêmement importante, tant sur le
plan dogmatique que sur le plan pratique de la vie chrétienne. Elle est une
belle illustration de l'action de la puissance divine sur ses créatures. En
même temps, l'Église y constate, de manière équilibrée et très réaliste, que
Dieu a créé l'être humain avec une volonté libre. Dieu veut que l'être humain
fasse usage de ses facultés, veut qu'il coopère à son action. Il est
profondément écrit, dans l'histoire et dans la réalité de notre salut, que nous
sommes des êtres responsables. Nous avons une responsabilité, nous aurons un
mérite, une récompense, si nous coopérons à l'invitation, au secours, à la
grâce de Dieu. Dans cette doctrine de la justification, nous voyons tout à la
fois la grandeur de Dieu et la hauteur de notre vocation chrétienne.
Mais
nous parlons ici de la justification, non seulement à cause du bel aspect de
sa doctrine et de ses implications dans notre vie, mais aussi parce que le 31
octobre 1999 une Déclaration commune a été signée entre l'Église catholique et
la Fédération mondiale des «. Églises » luthériennes. Cette Déclaration est un
chef-d’œuvre d’œcuménisme. C'est une brillante démonstration de ce qui ne
devrait pas être fait dans nos rapports avec les fausses religions. C'est
l'exacte contradiction de l'avertissement donné par Pie XI dans l'encyclique
Mortalium animos, ou encore par le
Saint-Office en 1948 sous Pie XII (-
Suprema S. C'ongregatio S. Officii. Monitum de mixtis conuentibus acatholicorum
cum catholicis (Avertissement au sujet des réunions mixtes entre
catholiques et acatholiques) AAS, 5 juin 1948,
p. 257.) . En même temps, cet événement nous fera conclure, non seulement à
la nocivité de cette Déclaration, mais aussi à celle de l'oecuménisme, et nous
pouvons dire à l'impossibilité pour l'Église catholique de se servir de
l'oecuménisme pour sauver les âmes ou pour convertir les protestants.
Rappels historiques
En
1517, Luther s'est opposé aux indulgences. Ses erreurs ont été condamnées par
le pape Léon X dans la bulle Exsurge
Domine du 15 juin 1520 Nous n'y trouvons pas grand-chose sur la
justification, mais cette doctrine nouvelle est contenue implicitement dans
quelques-unes des propositions condamnées
1. C'est une opinion hérétique, mais fréquente, que les
sacrements de la Loi nouvelle donnent la grâce sanctifiante à ceux qui n'y
mettent pas obstacle.
2. Nier que le péché demeure dans un enfant après le
baptême est fouler aux
pieds à la fois Paul et le
Christ.
3. Le foyer du péché empêche l'entrée du ciel pour l'âme
qui quitte son corps, même s'il n'y a pas de péché actuel.
31. En toute bonne œuvre, le juste pèche.
32. Une bonne oeuvre parfaitement accomplie est un péché
véniel.
36. Le libre arbitre, après le péché, n'est autre chose
qu'un titre ; et, quand il fait ce qui est en son pouvoir, il pèche
mortellement .
Vous voyez combien ces
positions sont extrêmes. Mais tel était Luther.
Dans
les années suivantes, il y eut de nombreux combats entre les catholiques qui
essayaient de défendre la doctrine de l'Église, et les protestants qui
commençaient à établir la leur peu à peu. De leur côté, cela aboutit à la
Confession d'Augsbourg (25 juin 1530)
Du côté
catholique, le concile de Trente débuta en 1545. Le 17 juin 1546, il publia le
décret sur le péché originel, l'un des plus importants, qui abordait déjà la
question de la justification. Le 13 janvier 1547, ce fut le décret sur la justification
elle-même.
Ait
sujet du péché originel, je vous donne seulement un extrait :
Si quelqu'un nie que, par la grâce de Notre-Seigneur
Jésus-Christ conférée par le baptême, la peine du péché originel soit
remise, ou même s'il affirme que tout ce qui a vraiment et à proprement parler
caractère de péché n'est pas enlevé, mais simplement rasé ou non imputé, qu'il
soit anathème. Car Dieu ne hait rien dans
ceux
qui sont régénérés, parce qu'« il n'y a pas de condamnation pour ceux qui sont
vraiment ensevelis dans la mort avec le Christ par le baptême » (Rm 6, 4 )
Cependant,
il faudra encore presqu'un an avant que le décret sur la justification puisse
voir le jour. Dans le Concile, les choses sont allées très vite parce que
les théologiens avaient préparé les questions. Mais il y a eu de grosses difficultés
du côté de l'empereur Charles-Quint qui craignait que ce décret n'apportât
quelque agitation dans son empire. Ses délégués ont donc essayé de faire tramer
les choses. Cela alla si loin qu'en décembre, un délégué du pape proposa cet
arrangement - un peu étrange d'ailleurs : le Concile renonce à publier le
décret et l'empereur accepte que le Concile soit suspendu pour un temps. Dans
sa réponse l'empereur dit souhaiter que le Concile continue mais qu'il renonce
ou du moins diffère à condamner. Finalement les légats, voyant que leur proposition
n'avait pas été retenue par l'empereur, se sentirent libres de nouveau et
décidèrent la publication du décret . Leur crainte, cependant, était que maintenant ce soient les pères
qui soient divisés. Mais, en ce jour du 13 janvier, il y eut l'unanimité de
tous les évêques pour approuver le décret. Ce fut une telle surprise que,
dans une lettre au pape, les légats parlèrent du « miracle » de cette unanimité
.
La réaction
protestante ne se fit pas attendre. Immédiatement, les protestants attaquèrent
le Concile et le décret de la justification. Calvin l'attaqua en 1547.
Mélanchton avait attaqué le décret sur le péché originel en 1546. Mais l'une
des attaques les plus importantes vint un peu plus tard, avec Martin Chemnitz,
dans son Examen concilii tridentini dont
les quatre parties s'échelonnèrent de 1567 à 1573, et qui sera l'arsenal où
les controversistes protestants viendront en général se ravitailler.
Quand
nous examinons la doctrine luthérienne, nous y constatons une sorte d'évolution
: ainsi, Mélanchton, à cause de son humanisme [hérité de la Renaissance] était-il
moins pessimiste que Luther sur la nature humaine. Ses propositions furent
plus atténuées à cet égard. Nous voyons cela, par exemple, dans son Interim, écrit à Leipzig en 1548, où il
accordait davantage de confiance à la nature humaine. Mais il fut combattu par
les partisans de Luther, les vieux luthériens. Pour eux, à cause du péché,
l'homme n'a pas de volonté libre.
Une
autre dispute entre protestants eut lieu au sujet de la justification qui, pour
les luthériens, est imputée seulement de l'extérieur. Mais un certain Oisander
se rapprochait beaucoup de la justification catholique. Il soutenait qu'il y
avait une certaine transformation dans le justifié.
Nous
arrivons à l'année 1580, où est composée une Formula concordiae pour
essayer d'unifier un peu les positions protestantes. Cette Formula est un peu le symbole [Credo] des luthériens. On y trouve les
expressions suivantes, toujours en vigueur aujourd'hui
Le
péché originel est [dans l'homme] quelque chose d'essentiel et de substantiel.
L'homme est purement passif dans sa conversion.
Son libre arbitre est pire qu'une pierre ou qu'un arbre
parce qu'il répugne à la parole et à la volonté de Dieu.
Justifier [...] est la même chose qu'absoudre des péchés
.
La justification est opérée seulement par la grâce, sans
égard pour nos oeuvres, et consiste en ce que Dieu nous donne et nous impute la
justice méritée par l'obéissance du Christ.
La foi seule est le moyen et l'instrument par lequel
[...] nous nous unissons au Christ ; à cause du Christ, en effet, cette foi
nous est imputée à justice.
C'est un faux dogme celui qui dit que la sanctification
est réalisée par la charité infusée [dans nos âmes] par le Saint-Esprit
Il est
très important de voir que, pour les protestants, la justification ne produit
aucune transformation dans l'âme elle-même. C'est seulement une couverture
qui la recouvre [mais l'âme reste avec son péché]. Certains protestants reconnaissent
que quelque chose arrive quand même en nous, en ce sens que Dieu vient y habiter,
mais sans que l'âme soit changée pour autant.
La
doctrine du concile de Trente
sur la
justification
Revenons
sur le très beau décret de la justification. II comporte 16 chapitres et 33
canons, et est divisé en deux parties.
La première
partie parle de la première justification, c'est-à-dire du premier passage
de l'état de péché à l'état de grâce 1. Ce sont les chapitres 1 à 9.
La
deuxième partie parle de la seconde justification : du développement de la
justification, ou accroissement de la grâce sanctifiante ; et de la récupération
de la justification quand la grâce a été perdue par le péché. Ce sont les
chapitres 10 à 16.
Vient
enfin une conclusion au sujet du fruit de la justification qui est le mérite.
1. La
première justification
Vle
session (13 janvier 1547), chapitres 1 à 9
Le
chapitre 1 est intitulé : Impuissance de
la nature et de la Loi pour justifier les hommes. Nous pouvons dire que
cet état de l'homme après la chute est la condition négative de la
justification. L'aspect positif, ce qui va constituer la justification, c'est
l'action de Dieu, de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce sont les
chapitres 2, 3 et 4.
Si nous
le lisons en détail, nous voyons que le décret n'a pas pour seule fin
d'attaquer Luther. Il entend exposer toute la doctrine de l'Église concernant
la justification. Ainsi, non seulement les erreurs de Luther y sont-elles
mises en pièces, riais aussi beaucoup d'autres erreurs pouvant toucher à cette
question.
Chapitre 1 : Impuissance de la nature
et de la Loi pour justifier les hommes. -En premier lieu, le saint
Concile déclare que, pour avoir de la doctrine de la justification une
intelligence exacte et authentique, il faut que chacun reconnaisse et confesse
que, tous les hommes ayant perdu l'innocence dans la prévarication d'Adam (Rm
5, 12 ; 1 Co 15, 22), étant « devenus impurs » (Is 64, 6) et, comme le dit
l'Apôtre, « enfants de colère par nature » (Ep 2, 3), selon l'exposé du décret
sur le péché originel, ils étaient à ce point « esclaves du péché » (Rm 6, 20),
assujettis au diable et à la mort, que non seulement les païens, par la force
de la nature, mais encore les juifs eux-mêmes, par la lettre de la Loi
mosaïque, ne pouvaient se libérer ou se relever de cet état, bien que le libre
arbitre ne fût nullement éteint en eux, mais seulement affaibli et dévié en sa
force.
C'est la totale dépendance à l'égard de Dieu dans laquelle l'homme se trouve
pour son salut. Bien sûr, ce décret vise le pélagianisme, et nous pouvons
voir que les canons 1 à 3 condamnent le pélagianisme' et le semi-pélagianisme
Canon 1. Si quelqu'un dit que
l'homme peut être justifié devant Dieu par ses oeuvres, réalisées soit par les
forces de sa nature, soit par l'enseignement de la Loi, sans la grâce divine
qui vient par Jésus-Christ, qu'il soit anathème .
Il est
très important de voir combien le texte est équilibré, spécialement quand
le Concile décrit les interactions entre l'intervention de Dieu et la volonté
libre de l'homme, la coopération de l'homme à la grâce de Dieu. Nous voyons
le Concile prendre d'extrêmes précautions dans cette question délicate. I1
affirme en se servant d'une double négation, en n'en disant pas trop afin
d'éviter un excès ou un autre. Vous savez que plus tard - et cela a déjà commencé
au moment du concile de Trente - il y aura dans l'Église toutes ces controverses
sur la grâce . Le magistère évitera d'y entrer car la foi n'était pas engagée.
Mais, à propos de Luther qui détruit la foi catholique, l'Église parlera très
clairement contre ses erreurs et celles des protestants pour affirmer ce qu'il
faut croire et ce qui est condamné.
Canon 2. Si quelqu'un dit que
la grâce est donnée par Jésus-Christ à seule fin de faciliter à l'homme
la vie dans la justice et le mérite de la vie éternelle , comme si, par son
libre arbitre, il était capable, sans la grâce, de l'un et de l'autre, quoique
pourtant avec peine et difficulté, qu'il soit anathème.
Canon 3.
Si quelqu'un dit que, sans l'inspiration prévenante du Saint-Esprit et
sans son aide, l'homme peut croire, espérer, aimer ou se repentir comme il
faut, pour que la grâce de la justification lui soit accordée, qu'il soit
anathème.
On voit
ici qu'il y a dépendance totale à l'égard de Dieu, de sa bonté, de son action,
de l'action de la grâce.
Les
canons 4 à 9, au contraire, insistent sur la volonté libre et la valeur des
oeuvres.
Mais
passons aux chapitres 5 et 6 qui sont très importants. Je veux y insister,
parce que, dans la Déclaration commune, ils sont passés sous silence. Ces
chapitres montrent la genèse de la justification : la justification ne vient
pas sans que Dieu ne requière une préparation, une action du côté de ses
créatures. Dieu vient le premier [avec sa grâce actuelle], mais, avant
d'arriver à la justification elle-même [infusion de la grâce habituelle]
, il va y avoir une série d'actes faits sous l'impulsion de grâces actuelles
auxquelles l'homme doit coopérer, et qui sont des commencements de foi,
d'espérance, d'amour de Dieu, de contrition.
Chapitre 5 : Nécessité pour les
adultes d’une préparation à la justification. Son origine. - Le
Concile déclare en outre que le commencement de la justification chez les
adultes doit être cherché dans la grâce prévenante de Dieu par JésusChrist,
c'est-à-dire par un appel de lui, qui leur est adressé sans aucun
mérite préalable en eux. De la sorte, ceux que leurs péchés avaient détournés
de Dieu se disposent, poussés et aidés par sa grâce, à se tourner vers leur
justification, en acquiesçant et en coopérant librement à cette grâce. Ainsi
Dieu touche le coeur de l'homme par l'illumination du Saint-Esprit, mais
l'homme lui-même n'est nullement inactif en recevant cette inspiration,
qu'il pourrait tout aussi bien rejeter, et cependant, sans la grâce divine, il
demeure incapable de se porter par sa libre volonté vers cet état de justice
devant Dieu. C'est pourquoi, quand il est dit dans la sainte Écriture : «
Tournez-vous vers moi et, moi, je me tournerai vers vous » (Za 1, 3),
notre liberté nous est rappelée ; quand nous répondons : « Tournez-nous
vers vous, Seigneur, et nous nous convertirons » (Lm 5, 21), nous confessons
que la grâce de Dieu nous prévient.
II y a
donc un premier appel, une invitation qui réveille. Puis, il y a un acte libre
du côté de la créature, un assentiment libre, et non seulement un assentiment
mais une coopération libre. Il y a une opération réelle du côté de la créature
pour arriver à la justification. Cela arrive avant la justification [= avant
l'infusion de la grâce habituelle], alors que l'homme est encore dans son état
de péché.
Les
luthériens sont opposés à cela et, dans la Déclaration luthéro-catholique
de 1999, ceci est mis de côté, comme oublié. Il faut relire ici le canon 4, car
les mots mere passive qui sont parmi
les mots-clefs des luthériens, sont condamnés
Canon 4. Si quelqu'un dit que le libre arbitre de l'homme, lorsque Dieu le
meut et le pousse, ne coopère nullement, en acquiesçant à Dieu qui le pousse et
l'appelle, pour qu'il se dispose à obtenir la grâce de la justification, et
qu'il ne peut, s'il le veut, refuser son consentement, mais que, tel un être
inanimé, il ne peut absolument rien faire et demeure purement passif, qu'il soit anathème 1.
Pour
les luthériens, en effet, l'homme est purement passif dans la justification.
C'est Dieu qui fait tout. Il y a une opposition radicale avec ce qu'affirme le
concile de Trente. Pour le Concile, l'homme peut quelque chose, au moins refuser
la grâce de Dieu. D'un autre côté - voyez la prudence du Concile -
le chapitre 5 dit clairement que, «sans la grâce divine, [l'homme] demeure incapable
de se porter par sa libre volonté vers cet état de justice devant Dieu. [...] Nous confessons que la grâce de
Dieu nous prévient ».
Dans le
chapitre 6, nous avons la description des différentes étapes qui mènent à la
justification. C'est tout le travail de préparation, de disposition à la
justification que l'homme doit opérer avec le secours de la grâce actuelle
Chapitre 6 : Mode de la
préparation.
[1] Les
hommes sont disposés à la justice elle-même quand, poussés et aidés par
la grâce divine, la foi « qu'ils entendent prêcher » se formant en eux (Rm 10,
17), ils se tournent librement vers Dieu, croyant à la vérité de la révélation
et des promesses divines, à celle-ci, notamment, que Dieu justifie
l'impie par sa grâce, « au moyen de la rédemption qui est dans le Christ Jésus
» (Rm 3, 24).
[2] Quand, comprenant qu'ils sont pécheurs, en passant de la crainte de la
justice divine, qui les ébranle salutairement, à la considération de la
miséricorde de Dieu, ils s'élèvent à l'espérance,
confiants que Dieu, à cause du Christ, leur sera favorable 2.
[3] Quand ils commencent à l'aimer comme la source de toute justice et,
pour cette raison, se retournent contre leurs péchés dans une sorte de haine et
de détestation, c'est-à-dire par cette pénitence qu'on doit faire avant le baptême 1.
[4] Quand, enfin, ils se proposent 2 de
recevoir le baptême, de commencer une vie nouvelle et d'observer les
commandements divins.
De cette préparation il est écrit : « Celui qui approche de Dieu doit
croire qu'il est et qu'il récompense ceux qui le cherchent » (He 11, 6), et : «
Aie confiance, mon fils, tes péchés te sont remis » (Mt 9, 2 ; Mc 2, 5), et : «
La crainte du Seigneur chasse les péchés » (Si 1, 27), et : « Faites pénitence
et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour la
rémission de ses péchés, et vous recevrez le don de l'Esprit-Saint » (Ac
2, 38), et : « Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom
du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce
que je vous ai commandé » (Mt 28, 19), et : « Préparez vos coeurs pour le
Seigneur » (1 S 7, 3).
Le chapitre 7 traite de la
nature de la justification et de sa cause
Chapitre 7 : La justification de
l'impie et ses causes. - Cette disposition ou préparation est suivie
de la justification elle-même, qui n'est pas simple rémission des péchés,
mais aussi sanctification et rénovation de l'homme intérieur par la réception
volontaire de la grâce et des dons. Par là, l'homme d'injuste devient juste,
d'ennemi ami, pour être « héritier en espérance de la vie éternelle » (Tt 3,
7).
C'est
très clair. I1 est incroyable qu'un point si important ait été passé sous
silence en 1999 dans le texte qui est supposé être un accord sur des vérités
fondamentales.
D'autre
part, le concile de Trente dit bien que la réception de la grâce est
volontaire. Dieu donne librement, nous recevons librement. Dieu attend de nous
un acte libre. Pour le baptême des petits enfants, bien sûr, cela est assumé
par l'Église, par les parrain et marraine, par les parents.
Le
Concile insiste aussi sur le fait que la justification n'est pas simple rémission
des péchés, comme le serait une sorte de déclaration disant que l'on est
délivré du péché. Ce n'est pas seulement un événement extérieur. Quelque chose
arrive à l'intérieur. C'est très important encore. Bien qu'ils prétendent
s'être entendus sur des vérités fondamentales, l'un des plus grands théologiens
protestants qui ont travaillé à l'élaboration du texte dira que l'idée médiévale
de la grâce habituelle, de la grâce qui habite dans l'âme, est fausse.
Essentiellement, le désaccord demeure total.
Maintenant,
le Concile regarde les différentes causes de la justification. Le chapitre 7
continue ainsi :
De cette justification, voici les causes : cause finale, la gloire de Dieu
et du Christ, et la vie éternelle ; cause efficiente, Dieu, qui, dans sa
miséricorde, « purifie et sanctifie » gratuitement (1 Co 6, 11) ; [...] cause
méritoire, le Fils unique bienaimé de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ
; [...] cause instrumentale, le sacrement de baptême; [...] enfin, l'unique
cause formelle est la justice de Dieu [...] par laquelle il nous fait justes,
celle reçue de lui en don qui nous renouvelle au plus intime de l'âme, par qui
non seulement nous sommes réputés justes, mais vraiment justes et nommés tels,
recevant en nous la justice, dans la mesure où « l'EspritSaint distribue à
chacun à son gré » (1 Co 12, 11) et selon la disposition et la coopération
personnelles de chacun.
Nous
avons ensuite une nouvelle description de la coopération requise. Cette fois,
c'est un autre état. L'homme n'est plus pécheur, il est justifié. Nous avons
donc une nouvelle étape, celle d'une coopération, alors que la grâce
sanctifiante - qui est comme une sorte
de seconde nature - est dans l'âme
En effet, bien que personne ne puisse être juste que par la communication
des mérites de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, cette
communication s'accomplit dans la justification de l'impie, quand, par le
mérite de cette passion très sainte, « la charité de Dieu est répandue par le
Saint-Esprit dans les coeurs » de ceux qui sont justifiés (Rm 5, 5) et y
demeure inhérente. Aussi dans la justification même, avec la rémission des
péchés, l'homme reçoit-il à la fois, par Jésus-Christ en qui il est
inséré, tous ces dons infus : la foi, l'espérance et la charité.
Vous vous
rappelez que la Formula concordiae [supra]
niait ceci explicitement. Il est impressionnant de voir cette volonté qu'ont
les protestants de refuser que Dieu puisse vraiment changer l'intérieur de
la créature. Cela va contre tant d'assertions de la sainte Écriture.
Dans
les chapitres 8 et 9, nous avons deux précisions, cette fois directement
contre les thèses luthériennes
-
au chapitre 8 , nous avons l'explication de l'affirmation disant que le pécheur
est justifié gratuitement par la foi ;
- au chapitre
9 , il est parlé de la foi à l'encontre de l'enseignement hérétique de Luther
sur la confiance présomptueuse. La foi de Luther, en effet, n'est pas l'adhésion
surnaturelle de notre intelligence aux vérités révélées, mais une simple confiance
naturelle dans le fait que Dieu veut nous sauver.
Mais
allons directement aux canons 10 à 14 parlant de la foi qui justifie et de la
justice imputée
Canon 10. Si quelqu'un dit que les hommes sont justifiés sans la justice du
Christ, par laquelle il a mérité pour nous, ou que c'est cette justice elle-même
qui les rend formellement justes, qu'il soit anathème.
Canon 11. Si quelqu'un dit que les hommes sont justifiés soit par la seule
imputation de la justice du Christ, soit par la seule rémission des péchés, à
l'exclusion de la grâce et de la charité répandue dans nos coeurs par l'Esprit-Saint
et qui leur demeure inhérente, ou encore que la grâce qui nous justifie est
seulement la faveur de Dieu, qu'il soit anathème .
Canon 12. Si quelqu'un dit que la foi qui justifie n'est autre chose que la
confiance en la miséricorde divine qui remet les péchés à cause du Christ, ou
que cette confiance seule est ce qui nous justifie, qu'il soit anathème .
Canon 13. Si quelqu'un dit que tout homme doit, pour obtenir la rémission
de ses péchés, croire avec certitude et sans aucune hésitation fondée sur sa
faiblesse et son manque de disposition que ses péchés lui sont remis, qu'il
soit anathème .
Canon 14. Si quelqu'un dit que l'homme est absous de ses péchés et justifié
parce qu'il croit avec certitude qu'il est absous et justifié, ou bien que
personne n'est vraiment justifié que celui qui croit l'être, et que seule cette
foi réalise l'absolution et la justification, qu'il soit anathème .
Les
canons 15 à 17 parlent de la prédestination. En effet, si Dieu seul fait le
travail, si l'homme est passif - comme le prétendent les protestants -
cela conduit directement à affirmer que nous sommes prédestinés. C'est clair . Ces canons vont donc clarifier cette
question
Canon 15. Si quelqu'un dit que l'homme régénéré et justifié est tenu par la
foi de croire qu'il est certainement au nombre des prédestinés, qu'il soit
anathème .
Canon
16. Si quelqu'un dit, avec une certitude absolue et infaillible, qu'il aura
sûrement ce grand don de la persévérance finale, sauf s'il l'a appris par
révélation spéciale, qu'il soit anathème .
Canon
17. Si quelqu'un dit que la grâce de la justification n'est accordée qu'aux
prédestinés à la vie, et que tous les autres appelés, tout en étant appelés, ne
reçoivent pas cette grâce, parce que prédestinés au mal par la puissance
divine, qu'il soit anathème .
Le Concile
va parler maintenant de la seconde justification. C'est encore un point d'opposition
avec les protestants. Pour ces derniers, la justification est faite pour toujours,
on ne la perd jamais. Une fois qu'elle est faite, on peut pécher autant qu'on
veut, on reste justifié. La différence avec l'enseignement catholique est
si grande que l'on peut à peine croire que le texte de la Déclaration dise
que l'on est tombé sur un accord. C'est impossible. Mais voyons d'abord le
texte du Concile
2. La
seconde justification
chapitres
10 à 16
Si la
première partie du décret du concile de Trente concernait la première
justification, c'est-à-dire le premier passage de l'état de péché à
l'état de grâce, cette deuxième partie parle de la seconde justification, c'est-à-dire
de l'accroissement de la grâce sanctifiante, et de la récupération de la
justification quand la grâce a été perdue par le péché.
Le chapitre
10 - intitulé L'accroissement de la
justification reçue - parle d'un aspect qui est bien sûr totalement nié
par les luthériens, puisqu'ils refusent que la grâce soit quelque chose d'infusé
en nous, que notre nature ait une puissance obédientielle à être élevée par
la grâce. Ils excluent l'idée même d'une élévation. Pour les luthériens, il
est donc impossible de parler d'un accroissement de la grâce. La justification,
pour eux, est seulement un acte accompli de l'extérieur. Une fois faite, elle
est faite, il ne peut plus y avoir d'accroissement. Alors, la notion de mérite
est un non-sens, est quelque chose de monstrueux pour Luther.
Toute
la vie spirituelle est concernée ici, car la vie spirituelle est un jeu
constant entre les invitations, les inspirations divines, sa grâce, et la
coopération de l'homme. L'homme a la capacité, par la grâce et les vertus qui
sont réellement en lui, de faire quelque chose qui est surnaturel, qui est
réellement au niveau de Dieu. Il y a une action du juste, de l'homme en état de
grâce, qui nous permet réellement de parler de mérite, d'action surnaturelle.
Encore
une fois, c'est quelque chose d'impensable pour Luther, qu'un homme puisse
faire quelque chose de surnaturel, d'au-dessus de sa nature. Car, bien
sûr, pour admettre cela, il faut reconnaître la grâce. Il y a, chez Luther, une
erreur considérable sur la nature de la grâce, et l'on en voit les conséquences
dans cette question de la justification. Mais citons le chapitre .
Chapitre 10. L'accroissement de la
justification reçue. - Ainsi les justifiés, devenus « amis de Dieu »
et « membres de sa famille » Un 1, 15 ; Ep 2, 19), « marchant de vertu en vertu
» (Ps 84, 8) [c'est l'accroissement
dont nous avons parlé] « se renouvellent (comme dit l'Apôtre) de jour en jour »
(2 Co 4, 16), c'està-dire « en
mortifiant les membres de leur chair » (Col 3, 5) et en les offrant comme des
armes à la justice qu'ils ont reçue par la grâce du Christ, « la foi coopérant
aux bonnes oeuvres » (Jc 2, 22), et
ils sont justifiés davantage comme il est écrit : « Celui qui est juste, sera
encore justifié » (Ap 22, 11), et
aussi : « Ne crains pas d'être justifié jusqu'à la mort » (Si 18, 22), et encore : « Vous voyez que
l'homme est justifié par les oeuvres et non par la foi seule » (Jc 2, 24). Cet accroissement de justice,
la sainte Église le demande dans sa prière : « Donnez-nous, Seigneur, un
accroissement de foi, d'espérance et de charité ».
Après
avoir parlé de la possibilité et de la réalité d'un accroissement de justice,
le Concile parle de la possibilité d'accomplir les commandements. Lorsqu'on
est en état de grâce, on a la possibilité d'obéir à la volonté de Dieu, ce
qui est nié par Luther.
C'est
ce dont parlent les canons 18 à 21
Canon 18. Si quelqu'un dit que les
commandements de Dieu sont impossibles à observer pour l'homme même justifié
et établi dans la grâce, qu'il soit anathème .
Canon 19. Si quelqu'un dit que rien n'est commandé dans l'Évangile, sauf la
foi, que le reste est indifférent, ni prescrit, ni défendu mais libre, ou bien
que les dix commandements ne concernent pas les chrétiens, qu'il soit anathème
.
Canon 20. Si quelqu'un dit que
l'homme justifié, si parfait soit-il, n'est pas tenu d'observer les
commandements de Dieu et de l'Église, mais seulement de croire, comme si
l'Évangile était simplement une promesse absolue de la vie éternelle, sans
condition d'observer les commandements, qu'il soit anathème