Pourquoi nous refusons la Constitution européenne proposée

 

 

 

Il s'agit bien d'un traité. Il a été signé le 29 octobre 2004 par les chefs d'Etat des vingt-cinq nations qui déclarent adhérer au projet de la nouvelle Europe, et publié au Journal officiel de l'Union européenne, le 16 décembre 2004(1).

 

C'est dire l'énorme responsabilité, pour chacun des Français, dans la décision qu'il lui faut prendre d'ici le 29 mai prochain, date fixée, brusquement, par le Président de la République pour le Référendum. Ce jour-là, chacun aura à décider par oui ou par non du sort de l'Etat français. Ce jour-là, une éventuelle majorité de oui au projet de Constitution mettrait fin à la souveraineté millénaire de notre nation. Aucun régime politique français n'avait jusqu'ici imaginé que la France puisse être livrée un jour, sans coup férir, à un pouvoir anonyme étranger.

 

Car il ne s'agit pas seulement ici d'une mise en commun de quelques éléments de pouvoirs, économiques, juridiques ou judiciaires, militaires, policiers, voire sanitaires ou scientifiques, étant sauve la souveraineté nationale.

 

Il s'agit de beaucoup plus.

 

Il s'agit d'obtenir de chacun de nous qu’il approuve un texte constitutionnel qui démettrait l'Etat français de la quasi-totalité de son indépendance en faveur d'un super Etat européen anonyme, conçu lui-même comme une étape en vue d'un super gouvernement mondial.

 

Comment le peuple français pourrait-il en quelques semaines analyser et comprendre un tel texte (de 480 pages) particulièrement embrouillé, dans lequel les spécialistes du droit constitutionnel eux-mêmes se perdent ?

 

Par ailleurs, tout porte à prévoir l’amplification du matraquage politico-médiatique, dramatisant le risque encouru si nous n'acceptons pas de voter pour cette Europe-là.

 

Il faut donc exorciser la peur nationale et, comme la peur est entretenue à la faveur du flou et de l'obscurité, il est urgent de donner aux électeurs des repères précis et essentiels qui leur révèlent que le péril n'est pas dans le refus de cette Europe-là. Il faut dire non à ce texte qui serait la plus haute trahison de notre histoire, et après l'avoir rejeté, il faudra élaborer un autre projet conforme au génie historique qui fit l'unité chrétienne des nations d'Europe. Cet autre projet est déjà formulé en filigrane par de nombreux messages de Jean-Paul II à l'O.N.U., à l'UNESCO et aux nations qu'il a continuellement visitées au long de son pontificat.

 

Mais d'abord dire NON. Et dire pourquoi.

 

Nous avons trouvé auprès de M. Romain Rochas, Chef de division honoraire de la Cour des Comptes européenne, la haute compétence, l'autorité et la clarté d'esprit qui nous ont permis de dégager les repères élémentaires, nécessaires et suffisants pour mobiliser autour de nous des réseaux de résistance. Nous les donnons à la suite, sans souci de synthèse exhaustive. Le temps presse. (On se reportera très utilement à l’étude originelle que M. Rochas a publiée sous le titre « Que penser  du traité constitutionnel européen ?» 19 pages, prix : 5 euros, franco, document disponible au CLC, 49 rue des Renaudes 75017 Paris).  

 


(1) « Europe direct » est un service officiel où l’on peut trouver des réponses techniques aux questions que les électeurs se posent sur l’Union européenne : son numéro unique gratuit est le : 00 800 6 789 10 11

 

1)    Les promoteurs du projet prétendaient promouvoir une "Europe fédérale des Etats-nations".

 

  En fait, dans le texte "décidé", les pouvoirs nationaux disparaissent presque totalement devant les pouvoirs de l'Union européenne. Les nations seraient ramenées au statut de simples circonscriptions administratives (art. I-12). "De la souveraineté des nations, il ne resterait que quelques lambeaux" (M.R.Rochas).

 

2)    L'article I-11 du Traité ne stipule-t-il pas "qu'en vertu du principe de subsidiarité, "l'Union européenne" intervient seulement si, et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local…" ?

 

  Oui, cet article I-11 figure bien dans les "Principes fondamentaux (au titre III du Traité). Mais attention ! Cet article I-11 est immédiatement suivi de l'article I-12 consacré aux "catégories de compétences" où l'on trouve que "lorsque la Constitution attribue à l'Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l'Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les Etats membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que s'ils sont habilités par l'Union ou pour mettre en œuvre les actes de l'Union".

 

 

3)    Quels seraient les domaines dans lesquels les nations conserveraient leur souveraineté ?

 

  Elles n'auraient plus aucun pouvoir propre dans les domaines où l'Union disposerait de

    "compétences exclusives" : la conclusion des accords internationaux lorsque l'Union en aurait

    disposé ainsi, la politique monétaire, la politique commerciale, l'union douanière, la conservation

    des ressources biologiques de la mer… et surtout l’établissement des règles de concurrence qui est

    un des leviers les plus puissants pour la destruction des nations par l’ Union Européenne et l’origine

    des plaies qui affectent le plus grand nombre de nos contemporains ( délocalisation, plans sociaux,

    chômage, pression à la baisse sur les salaires et les protections sociales ).

          Mais ce n’est pas tout, en réalité, c’est l’ensemble du traité qui trahit le principe de subsidiarité à

          travers une série de mécanismes ayant tous pour effet de neutraliser les Etats membres. 

Cela est clairement annoncé dans  quatre pièces du mécanisme :

1)     les transferts de compétences ( voir sections 2 et 4 de l’étude de M. Rochas )

2)     la supranationalité (cf. section 5)

3)     l’intégration (cf. section 6)

4)     les interdits et les obligations imposés aux Etats membres (cf. sections 7 et 8)

 

Sans doute les nations garderont-elles en principe des pouvoirs partiels dans les domaines où leurs compétences seront "partagées" avec l'Union européenne. Encore faut-il se rappeler que pour ces "compétences partagées" "les Etats membres exercent leur compétence dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne"  (art. I-12§2).

Or il faut savoir  que "les compétences partagées" couvrent un grand nombre de domaines : le marché intérieur, l'agriculture, la pêche, les transports, l'énergie, certains aspects de la politique sociale, l'environnement, les enjeux communs de la sécurité en matière de santé publique.

Au total, c'est tout le vaste domaine de l'Aménagement du territoire (et du "développement") qui serait en passe d'être confisqué par l'Union. La France, qui s'est toujours montrée si attachée à ses libertés locales et régionales, perdrait par là-même l'essentiel des pouvoirs de ses communes et de ses régions.

Toutefois, un petit nombre de domaines touchant à des libertés capitales échapperont en théorie au risque de se voir grignotés sans limite par l'Union. Il s'agit de la coopération à la recherche et au développement, de la politique économique et budgétaire, de la politique de sécurité, de Défense et de l'espace de justice.

 

Mais dans ces domaines, très lourds du point de vue budgétaire pour les Etats membres, ceux-ci pourront-ils mener les politiques réellement autonomes, alors qu'ils seront continuellement soumis aux redoutables contraintes du"Pacte de stabilité" ?

 

D'autre part, "la politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de défense, se trouve bien dans une situation de compétence partagée, mais où la ligne de partage entre Union et Etats membres est mouvante et dépend davantage des initiatives concrètes pour déplacer la ligne au profit de l'Union que de règles claires et stables. C'est ainsi que, pour la France, il y a lieu d'examiner, à côté des traités européens, les lois successives de programmation militaire, qui mettent en évidence une volonté politique des gouvernants français d'insérer sans retour les forces armées françaises dans un système intégré européen "(M. Romain Rochas).

 

4)    Le centralisme technocratique du Projet constitutionnel trouve-t-il au moins ses limites lorsque l'indépendance et la sécurité territoriales sont en cause ?

 

-    Comment ne pas en douter lorsque l'on constate que l'expression "indépendance de l'Union", donnée  comme un des objectifs de base du traité sur l'Union européenne est une expression qui disparaît dans le traité constitutionnel ? Ce qui inspire à M. Romain Rochas le commentaire suivant : "Une lecture d'ensemble des articles prévus en matière de PESC et de politique de défense montre en tout cas que les auteurs du projet acceptent explicitement une subordination européenne aux objectifs de l'OTAN, c'est-à-dire les Etats-Unis.

Cette subordination se ferait de deux manières. D'une part, la politique européenne de sécurité et de défense respecterait "les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord" (art. I-41§2). Ainsi, pour ces Etats, le cercle "atlantique" primerait sur le cercle "européen".

D'ailleurs, pour que les choses soient plus claires encore, l'article I-41§2 stipule que (nous reprenons le texte de M. Rochas) : "la politique de sécurité et de défense commune doit rester "compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée" "dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord".

« Cette fois, les choses sont claires. La subordination de la politique de défense européenne aux Etats-Unis n'est pas une concession limitée à quelques Etats membres, elle n'est pas non plus conjoncturelle, elle atteint l'ampleur et la stabilité d'une subordination constitutionnelle. En matière de défense, le projet fait de l'Europe un dominion américain ».

 

5)    Le texte de la Constitution qui sera soumis au référendum ne définit-il pas quelques limites à l'extension des pouvoirs de l'Union européenne ?

 

-    Oui, le projet de Constitution fixe bien des limites théoriques à l'extension des pouvoirs de l'Union. Ces limites concernent l'industrie, la santé, l'éducation et la formation, la culture et la protection civile, etc….

Mais ces limites sont bien théoriques, car le Pouvoir central de l'Union européenne conserverait de grandes possibilités dans ces domaines. Ne pouvant intervenir par voie législative, elle pourra intervenir par voie de financement de programmes et de projets. "Il suffit de consulter un budget annuel de l'Union pour constater qu'il comporte des rubriques pour tous ces domaines" précise M. Rochas qui sait de quoi il parle puisqu'il fut Chef de division à la Cour des Comptes européenne.

De plus, l'Union disposerait de bien des moyens d'intervention dans ces domaines, par le truchement d'autres politiques communes. Exemple : la Belgique s'est vu condamnée pour discrimination entre nationalités parce qu'elle réservait aux étudiants belges la gratuité des études universitaires, les étudiants étrangers devant payer leur part puisqu'ils « n'ont pas contribué, par l'impôt, à financer le système éducatif national ».

 

Autre exemple : la culture est nationale ? Oui, mais cela n'empêche pas, d'ores et déjà, l'Union d'établir des directives pour une "télévision sans frontière" .

 

6)    Une constitution idéologique.

 

  Une constitution ne doit pas lier l'avenir en ce qui concerne les orientations contingentes des choix politiques. Sa fonction est de définir un cadre pour un fonctionnement efficace et stable des pouvoirs publics. Ce fut le propre du système soviétique d'imposer, par voie constitutionnelle, une idéologie (l'idéologie communiste-marxiste) aux peuples qu'elle prétendait conduire vers les "lendemains qui chantent". On sait dans quels bains de sang s'est achevée l'expérience.

Le système européen proposé par le projet de constitution rendrait obligatoire une idéologie ultra-libérale, et le libre-échangisme intégral. Il tend à promouvoir un marché unique où la concurrence est "libre".

Comme nous l'a appris la révolution industrielle des XIXème et XXème siècles, l'idéologie du "renard libre" dans le "poulailler libre" a toujours produit l'élimination des faibles par les forts, la lutte des classes entre riches toujours plus riches et pauvres toujours plus pauvres, jusqu'au moment où le désespoir des masses prolétarisées était exploité par les techniciens des révolutions sociales…

  L’ultra-libéralisme façonné par le projet de Constitution européenne entraînerait des désespoirs sociaux bien pires encore car il « liquéfierait » les sociétés sous l’effet de la mobilité absolue des sociétés et des capitaux. Les communautés sociales perdraient alors toute consistance et se dissoudraient dans un magma universel en fusion.  

 

7)    Comment se ferait l'intégration des nations membres dans l'Union européenne ?

 

  Il s'agirait bien d'une fusion des nations dans une entité unique européenne et cela, à deux niveaux :

 

-         Certains organes et certaines procédures sont structurés de façon à éliminer les Etats membres du champ des décisions. Ces derniers ne joueraient plus aucun rôle.

-         De plus, les mesures d'harmonisation des règles de droit au niveau européen ne pourraient que réduire, voire supprimer, la spécificité des traditions juridiques nationales qui ont fortement contribué à façonner l'âme de chaque peuple. Ce serait alors vraiment la culture et la personnalité propres de la nation qui seraient menacées.

 

8)    Un faisceau d'interdictions et d'obligations pour les Etats membres.

 

  "Cette méthode fait penser, écrit M. Romain Rochas, à l'araignée qui, avant même d'avoir tué sa proie, l'emprisonne et la paralyse dans un réseau serré de fils emmêlés. La proie respire encore, mais ne peut plus bouger".

 

Il serait interdit aux Etats membres, par exemple :

 

-         d’opposer la moindre restriction aux mouvements de capitaux

-         de subventionner des entreprises ou des secteurs économiques ou d’accorder des « aides d’Etat »

-         d’établir des contrôles aux frontières

-    etc …

 

Il serait fait obligation aux Etats membres, par exemple :

 

 

-         de conduire leurs politiques économiques en conformité avec les objectifs de l'Union et de les coordonner

-         de reconnaître les décisions judiciaires des autres Etats membres

-         d'accepter l'intervention du Parquet européen dans ses propres juridictions pénales

-         de coordonner leur action au sein des organisations internationales et de défendre les positions de l'Union dans les conférences internationales en matière de politique étrangère et de sécurité commune

 

9)    Les sanctions disciplinaires à l'égard des Etats membres coupables.

 

  Les infractions à l'égard du Pacte de stabilité signé à Maëstricht, entraîneraient des phases d'avertissement et d'admonestation, après quoi l'Etat membre coupable pourrait se voir infliger des "amendes d'un montant approprié" (pouvant aller jusqu'à 0,5 % du PIB, ce qui est un montant énorme).

"Ce sont les autres Etats membres supposés vertueux qui condamnent leur voisin "coupable" et… empochent le magot" (M. Romain Rochas).

Les infractions à l'égard des lois-cadres européennes seraient déférées à la Cour de Justice européenne et en cas d'obstination de l'Etat membre, la Cour de justice pourrait, à la demande de la Commission,  infliger amende ou astreinte. Pour un Etat qui s'obstinerait dans son indiscipline, son "acte de rébellion" entraînerait un conflit majeur avec l'Union.

L’article I-59 va jusqu’à prévoir la possibilité de suspendre « certains des droits » que détient un               

 Etat membre en vertu « de l’application de la Constitution » en cas de violation grave « des valeurs fondamentales de l’Union ». Cette privation peut porter sans doute sur les avantages financiers que l’Etat en cause tire normalement de l’exécution du budget européen, mais aussi sur « les droits de vote du membre du Conseil représentant cet Etat ».

 

10)                      En fait de "démocratie", une telle Constitution imposerait aux peuples de l'Europe la soumission à des maîtres inconnus.

 

  Non seulement, comme nous l'avons vu plus haut, certaines procédures de décision sont structurées de façon à éliminer la représentation des Etats membres, mais, de plus, le Président du Conseil européen pourrait ne pas être pris parmi les membres du Conseil européen, c'est-à-dire parmi les Chefs d'Etat ou de gouvernement en exercice. "L'élu pourrait ne pas être forcément un représentant politique, mais éventuellement une "personnalité éminente",un peu comme c'est le cas du Président de la Banque Centrale Européenne" (M. Romain Rochas).

 

11)                      Le refus de toute référence aux origines culturelles et religieuses de l'histoire européenne.

 

    Sans doute trouve-t-on dans le préambule de la Constitution proposée la référence vague aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe » sans aucune précision sur le contenu de ces héritages ; faut-il rappeler qu’actuellement   au moins seize Etats sur les vingt-cinq  qui forment l'Union élargie depuis mai 2004, ont une constitution qui se réfère à Dieu, et que plusieurs prévoient un serment constitutionnel avant prise de fonction avec invocation à Dieu. Le traité constitutionnel que l'on nous demande d'approuver le 29 mai prochain, fait, lui, totalement silence sur le fondement divin de toute constitution humaine. Pas même le simple constat des sources historiques de la culture européenne. Comme si le christianisme n'était pas à la racine-même de la culture européenne. Il y a dans ce texte constitutionnel le froid glacial des institutions purement mécaniques où ne fonctionnent que les réalités économiques et administratives.

Soutenir, comme l'ont fait les rédacteurs de ce projet que l'Europe a intérêt à "relativiser" l'importance de la religion, sous prétexte que "les religions divisent", n'est-ce pas oublier un peu vite que les deux plus grands massacres du XXème siècle (les goulags soviétiques et les camps nazis, sans parler des génocides perpétrés par les Turcs  contre les chrétiens d’Arménie) ont été les œuvres de ceux-là même qui avaient "constitué" leur politique sur  "la mort de Dieu". C'est pourquoi ce projet a le froid glacial des mécaniques déshumanisées.

 

                    Il a aussi l'odeur de mort des grandes apostasies de l'Histoire.

 

 

 

                                                                                                          CORNELIUS