Le «NON» salvateur et refondateur

 

                                                                                                                                                                                          

par Jacques Myard, Député UMP, président du Cercle Nation et République

le 30 mars 2005

 

Le 29 mai prochain, les Français s’apprêteraient, si l’on en croit les sondages, à voter « Non » au Référendum sur le projet de Traité Constitutionnel.

Le désarroi s’installe dans le camp des partisans de la Constitution qui prédisent l’isolement de la France, sa perte d’influence en Europe. Pis encore, la France risque d’encourir une punition de la part de ses partenaires. Pour eux, il n’y aurait pas d’alternative au « Oui » !

La pauvreté intellectuelle des arguments des tenants du « Oui » est abyssale. Ils sont dans l’incapacité de concevoir la construction européenne en dehors de leur modèle réducteur, irréaliste et décalé par rapport aux réalités internationales, modèle né d’un esprit de système qui a fait tant de mal au XXème siècle.

Les thuriféraires de la Constitution proposent une Europe bloc qui s’impose en tant que telle dans le monde ; une Europe totalement unifiée et harmonisée qui dans l’ordre interne s’autogère selon les mêmes règles, les mêmes principes, une Europe kolkhoze gouvernée en fait par les réseaux technocratiques de Bruxelles et de Francfort, en décalage avec les réalités et au mépris des aspirations économiques et politiques du peuple.

Non, le peuple ne se trompe pas car il subit depuis maintenant une vingtaine d’années les conséquences des choix macroéconomiques européens qui constituent une véritable camisole de force: chômage de 10 % de la population active largement imputable à la politique monétaire de la BCE, délocalisations des entreprises, démantèlement des services publics, de la PAC, du tarif extérieur douanier commun protecteur du Marché Commun, politique du tout concurrentiel, décision de la Commission qui refuse le rachat d’Altran par Péchiney, mais l’autorise en sens inverse, ce qui aboutit à la quasi disparition des usines Pechiney en France.

On leur faisait miroiter le contrôle de l’immigration grâce à une politique coordonnée de l’Europe au prix du démantèlement des frontières nationales, ils y ont gagné l’Europe passoire de Schengen. On leur vantait une souveraineté partagée pour être efficace, la réalité est tout autre, on additionne les faiblesses. La France perd chaque jour davantage de l’influence à Bruxelles, incapable de maîtriser un système qui lui échappe.

La construction européenne est désormais synonyme d’inefficacité et de difficultés croissantes dans tous les domaines qui ne seront en rien corrigées par le Traité constitutionnel dont les mécanismes, comme le vote à la majorité qualifiée, aboutira à imposer à la France des textes qu’elle ne souhaite pas.

Alors le peuple est décidé à marquer un coup d’arrêt à la fuite en avant de cette construction européenne contraire à ses intérêts et à ses conceptions.

Contrairement à ce que prétendent les eurobéats, il existe une très grande cohérence et complémentarité dans le vote du Non !

Le « Non » souverainiste, c’est la maîtrise de notre destin, la reconquête du pouvoir politique aujourd’hui pris en otage à Bruxelles par les réseaux technocratiques. C’est bien ce qui inquiète les technocrates de Bruxelles qui se lamentent aujourd’hui, car ils se sont bâtis un véritable fonds de commerce au mépris des démocraties nationales, qu’ils devront restituer.

Le 2ème« Non » s’exprime contre le démantèlement du modèle social effectué en application du tout concurrence né d’une vision totalement théorique, quasi-mathématique d’une économie de marché, vision inscrite dans la Constitution et appliquée à l’excès par la Commission, dont le projet de directive sur les services dite Bolkestein est l’illustration.

Ces deux « Non » sont parfaitement complémentaires. Il s’agit pour le peuple français de reprendre le pouvoir pour défendre et faire respecter ses conceptions.

Certes, on vous l’accorde, Mesdames et Messieurs les technocrates, le peuple dérange vos plans bien huilés. Il faudra vous y faire car vous ne changerez pas le peuple mais le peuple vous changera et se passera de vous.

Quant à nos partenaires européens, ils s’y feront très rapidement. Tout simplement parce que le « Non » français constituera un formidable catalyseur de la prise de conscience de l’absurdité de ce projet constitutionnel dont l’utopie néfaste se révèle chaque jour davantage.

La France restaurée dans son pouvoir politique sera à nouveau incontournable, une France qui vote « Oui » n’existe plus car elle abandonne son pouvoir à Bruxelles sans retour. Une France qui vote « Non » reprend l’initiative, reprend la main. Elle aura alors la capacité de proposer une coopération européenne refondée non sur la réseaucratie mais sur l’union libre des peuples européens, un Pacte des Nations souveraines.

La France pourra alors concilier une coopération européenne nécessaire, mais non exclusive, avec la défense de ses intérêts mondiaux et sa vocation à l’universel