Ils ont rejoint !

Interrogé par Philippe de Villiers sur son refus de voir

mentionner les racines chrétiennes de l’Europe, le président

Chirac avait répondu :

« C’est un débat clos, les évêques nous rejoignent, seul le

Vatican s’y accroche. »

 

 

 

 

 

_ Ces paroles sont rapportées dans le récent livre de Philippe de Villiers, Les turqueries du grand Mamamouchi, pages 9 et 10. Lelivre a paru au mois de janvier. L’Elysée n’a ni démenti ni rectifié.

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 Il y a eu en effet une différence entre Rome et l’épiscopat français, La Croix le confirmait discrètement jeudi dernier, en écrivant : « Beaucoup se souviennent de la bataille menée par le Saint-Siège pour obtenir cette référence explicite.»

 

Menée par le Saint-Siège, oui, et même il serait plus exact de dire : par Jean-Paul II en personne. Mais point par notre épiscopat.

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 Dans la Constitution européenne que nous aurons à refuser par le referendum du 29 mai, le silence sur les racines chrétiennes de l’Europe n’est pas le fait d’une simple omission, d’un oubli étourdi : ces racines chrétiennes ont fait l’objet d’un rejet volontaire, explicitement formulé. A lui seul, ce rejet apparaît largement suffisant pour motiver le « non » des chrétiens. En outre il révèle l’intention de « construire » une Europe non chrétienne, voire anti-chrétienne,

pour y accueillir la Turquie. Pendant que l’on nous promène avec les analyses des conditions européennes d’adhésion, plus ou moins remplies par la Turquie, en réalité c’est l’Europe qui s’emploie à remplir les conditions turques. Et c’est

là-dessus que les évêques français ont « rejoint » le président Chirac.

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A quel moment cette « re-jonction » a-t-elle eu lieu ? L’audience présidentielle racontée par Philippe de Villiers est du 28 octobre 2003. Il est significatif de replacer cette date dans son contexte historique.

 

C’est à l’automne 2000 que le président Chirac et son premier ministre Jospin ont frappé d’interdit, au nom de la laïcité, toute mention des racines chrétiennes. A cette date, les évêques français n’ont pas encore « rejoint ». Le

verbe rejoindre suggère qu’ils ne furent pas d’accord d’emblée, mais qu’ils le devinrent à un certain moment entre 2000 et 2003, dans ces années où il y eut :

 Le 13 février 2002, l’accord conclu entre l’Eglise et l’Etat, instituant des rencontres régulières au plus haut niveau.

 

 

 Du 3 au 9 novembre 2002, l’assemblée plénière de l’épiscopat,  réclamant qu’en matière de laïcité on s’en tienne à la loi de 1905, ni plus ni moins, sans aucune loi nouvelle à ce sujet.

 

 Le 28 juin 2003, l’exhortation apostolique de Jean-Paul II : Ecclesia in Europa, où il demande une fois de plus, et avec quelle solennité, que l’Europe ne renie pas ses origines chrétiennes.

 

 Le 3 juillet 2003, le président Chirac crée la commission Stasi avec mission d’aboutir à ce qui sera

la nouvelle loi laïque du 15 mars 2004.

 

 Le 6 novembre 2003, Mgr Ricard, président de l’épiscopat français, avertit : « Nous regretterions que la suppression du lundi de Pentecôte férié soit confirmée (…). Nous restons ouverts à toute concertation qui permettrait d’y porter remède. » Concertation ? Il n’y en eut aucune.

 

 Le 8 décembre 2003, les trois co-présidents (catholique, orthodoxe, protestant) du CECF, c’est -à- dire du « Conseil d’Eglises chrétiennes en France », prennent position (en vain) contre la fabrication d’une nouvelle loi laïque.

 

C’est donc dans cette illusion de « dialogue ouvert, transparent et régulier » que l’épiscopat a clandestinement

« rejoint » le président Chirac pour interdire toute mention officielle du christianisme.

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Et maintenant, mardi 29 mars 2005, les trois co-présidents du CECF réapparaissent pour nous inciter à voter « oui » au traité constitutionnel. Ils osent nous dire, ils s’en portent garants : « L’éventuelle adhésion de la Turquie ne dépendra en rien de l’adoption ou du rejet du traité. »

Cela s’appelle un gros mensonge.

                                                               JEAN MADIRAN (Présent N° 5801 du mercredi 30 mars 2005)

 

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