Le droit public de l’Eglise.

 

Deuxième leçon.

 

Conséquences nécessaires de la condition de créature qui est essentielle à toute société.

 

« Première question : Quelle est la conséquence immédiate de la condition créée de toute société ?

 

Réponse : La première conséquence est la dépendance nécessaire, absolue, complète, de toute société et de tout ordre social établi, comme de tout ordre social possible, à l’égard de Dieu.

 

Deuxième question :  Je ne comprends pas la dépendance d’un organisme social à l’égard de Dieu. L’organisme social n’est pas doué de conscience. A l’individu seul il appartient de comprendre son devoir moral et de l’accomplir.

 

Réponse : Dans les considérations que vous venez de faire il y a une regrettable confusion. D’abord la création et la dépendance qui en découle pour toute société, ne résultent pas du fait que l’homme est doué de conscience, mais du fait que l’homme a reçu de Dieu l’être et l’existence. Etre crée ne dépend pas de lui ; qu’il le veuille ou non, il est créature. Ain si en est-il de toute société. Il ne dépend pas d’elle d’être ou de ne pas être créée ; la condition de créature appartient à son essence même. Qui plus est, toute société  représente  une collectivité intelligente. Cette collectivité a comme obligation première de comprendre ce qui lui est essentiel. Elle doit connaître les devoirs primordiaux attachés à sa condition d’être. Or, la première vérité dont dépendent toutes les autres, et qui dicte à la créature ses obligations, est celle du Souverain Domaine de Dieu sur toute créature et la dépendance absolue de toute créature vis-à-vis de Lui. Une collectivité qui, comme telle, ne serait pas convaincue de cette vérité, manquerait à la plus stricte de ses obligations ; elle s’égarerait infailliblement. Il est donc strictement nécessaire que tout Etat, toute Nation, en un mot, toute Société, soit vis-à-vis de Dieu absolument soumise. Ainsi se trouve affirmée cette obligation d’Ordre Social, autant par la conscience collective, que par la conscience individuelle

 

Troisième question : N’y a-t-il pas d’autres conséquences de la condition de créature qui est le propre de toute Société ?

 

Réponse : Une autre conséquence c’est que toute société dépend de Dieu dans sa constitution intime. Nous voulons dire par là, que tout ce qui contribue  former une société doit être imprégné de Dieu. Nous nous expliquons. Dans toute société se trouvent l’union des volontés, des moyens adaptés, un but à atteindre. Dans chacun des ces éléments la Société dépend de Dieu,  parce que créature. La conséquence strictement logique est toute indiquée. Quand une société se constitue, elle doit envisager son but sous l’angle de la fin suprême et dernière : Dieu. .L’union des volontés doit être faite sous la dépendance pratique de Dieu. Les moyens adaptés doivent être conformes aux exigences de la  Loi Eternelle. Ainsi, quand un Etat se constitue, il a comme pemier devoir de mettre à la base de sa Charte fondamentale, de sa législation et du reste la dépendance la plus absolue à l’égard de Dieu et sa conformité la plus entière à la Loi Eternelle. Affirmer le contraire serait établir le désordre et aboutir à l’idolâtrie.

 

Quatrième question : Mais, par là, vous semblez dire que les Etats sont tenus à rendre à Dieu un culte.

 

Réponse : Le raisonnement que nous avons tenu ci-dessus est applicable à toute collectivité composée d’êtres intelligents. Le premier devoir de tout Etat, de toute Nation et même de la Société des Nations (l’ONU par exemple), c’est d’être convaincus de leurs obligations primordiales. Les raisons sont fondamentales : Dieu est le Dieu des Sociétés, comme il est le Dieu des individus. Mais comme le propre des Sociétés est d’être sociales : c’est en tant que sociales qu’elles doivent à Dieu dépendance absolue, reconnaissance et profession de cette dépendance et culte.

 

Cinquième question : Comment les Etats peuvent-ils être astreints à rendre à Dieu un culte ? En fait, Dieu leur est inconnu.

 

Réponse : A cette question je réponds par les paroles de l’Apôtre Saint Paul. Au premier chapitre de l’Epître aux Romains, voici comme il parle : «  La colère de Dieu éclate du haut de Ciel, contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui, par leur injustice, retiennent la vérité captive ; car ce qui est connu de Dieu est manifeste pour eux : Dieu le leur a fait connaître. Car  ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du Monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres. Ils sont donc inexcusables puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces. » (Rm 1 18 )

L’Esprit Saint, par la bouche du Docteur des Nations proclame que les païens plongés dans toutes les horreurs de l’impiété, sont inexcusables de n’avoir pas connu et glorifié Dieu. Il les accuse d’avoir renié la lumière. Il ne peut les excuser en rien. Tout aussi bien que les païens dont parle Saint Paul, les Etats modernes, quels qu’ils soient, sont inexcusables. On ne peut admettre que leur attitude soit conforme aux exigences de la raison. Aux gouvernants et aux dirigeants, comme à n’importe qui, Dieu se manifeste par ses œuvres . S’il en est qui refusent d’exiger que soit rendu à Dieu par les Etats un culte social et officiel, pour les raisons que donne Saint Paul, ils sont inexcusables. Du point de vue simplement rationnel, les Gouvernements, les Parlements, les législateurs, etc…, doivent pratiquer à l’égard de Dieu un culte dont ils ne peuvent se dispenser et dont ils ne peuvent dispenser aucun Etat, ni aucune société.
De ces données, il faut conclure que même si un Etat pouvait s’excuser de ne pas se soumettre aux directives de l’Eglise, qu’il n’a pas connues, rien ne pourrait l’excuser de ne pas se vouer à Dieu et de ne pas se soumettre aux préceptes divins de la Loi Eternelle.

 

Sixième question : De sorte que vous considérez comme inexcusables tous les hommes publics, qui, par raison politique et de prudence, n’osent pas affirmer le souverain domaine de Dieu sur toute créature et spécialement sur les organismes sociaux.

 

Réponse : Affirmativement. L’Apôtre Saint Paul va plus loin. Il déclare que la sévérité de Dieu se manifestera contre les peuples qui désobéissent à cette loi primordiale. Ceux qui ne veulent pas accepter Dieu comme Créateur, Chef et Souverain Dominateur de toute Société, vont à l’encontre de la loi naturelle et des lumières de leur raison. Nous ne pouvons accepter leurs théories ; nous devons les combattre avec la dernière énergie.

 

Septième question : Dans ces conditions toute politique est et doit être soumise à Dieu

 

Réponse : Vous l’avez dit : toute politique doit être soumise à Dieu. Quel que soit le sens attribué au terme « politique », il faut reconnaître dans ce qu’il exprime une réalité dépendant de Dieu. Bien plus, c’est surtout ici qu’il faut appliquer la théorie de la fin dernière que nous avons exposée plus haut.Nous ne pouvons jamais perdre de vue que l’homme est sur la terre pour se préparer à l’éternelle béatitude. Toutes les Institutions sociales, toutes les actions et directives politiques doivent tenir compte de cette vérité fondamentale que l’homme n’est pas fait pour ce monde, mais pour l’Eternité. Les  Constitutions des Peuples, leur Législation, les dispositions juridiques, administratives ou autres doivent envisager d’abord et avant tout le but final de toute existence humaine. Toute politique comme le reste doit, en raison de ce but final, être conforme à la Loi Eternelle de Dieu, au Credo et au Décalogue.

 

Huitième question : Mais vous semblez dire que l’Etat doit être totalement soumis à Dieu ; l’Eglise ne doit-elle pas l’être ?

 

Réponse : Incontestablement. L’Eglise comme toute Société doit à Dieu obéissance et soumission complètes. Il y a dans le monde diverses et de très nombreuses sociétés. Deux sociétés dominent toutes les autres : l’Eglise et l’Etat. Si nous insistons sur la dépendance de l’Etat à l’égard de Dieu, c’est à cause  des erreurs qui règnent à ce sujet. L’Eglise doit à Dieu une soumission d’autant plus grande qu’elle est chargée de diriger les hommes vers leur éternelle destinée. Elle dépend de Dieu dans son existence, dans les moyens que Dieu met à sa disposition pour sanctifier les âmes ; elle dépend de Dieu par l’obligation où elle se trouve de montrer et aux particuliers et aux hommes publics, aux Sociétés privées et aux Etats, la voie à suivre pour aboutir au salut.

Bref, toute société dépend de Dieu. L’Etat est une société : il dépend de Dieu. L’Eglise est une Société : elle dépend de Dieu et sa dépendance offre un caractère plus intime.

 

Neuvième question : Ces données semblent établir qu’il y a obligation pour l’Eglise et l’Etat d’être d’accord dans le Gouvernement des hommes ?

 

Réponse : Affirmativement. Les Papes ont toujours enseigné qu’il doit y avoir entente parfaite entre l’Eglise et l’Etat. La raison en est bien simple : l’Eglise et l’Etat sont deux institutions établies par Dieu. L’Eglise a comme mission de conduire les hommes à leur béatitude finale. L’Etat a comme mission de procurer le bien matériel et temporel de ses sujets. Ce bien doit être procuré par l’Etat pour  qu’ils  puissent aboutir sans de trop grandes difficultés à leur fin dernière. Comme la fin dernière est le but suprême de l’homme, il est évident que tout doit lui être subordonné. Comme l’Eglise est chargée de la mission de conduire certainement les hommes à leur fin suprême, il appartient aux volontés de Dieu qu’on Lui obéisse. Son pouvoir, sans s’étendre aux choses d’ordre matériel, s’étend à la manière de faire usage des biens temporels et passagers en vue du but à atteindre. Pie IX, Léon XIII ont condamné d’une façon formelle la doctrine de la Séparation de l’Eglise et de l’Etat.

 

Dixième question : Ces enseignements sont particulièrement graves ; il semble que, pour être  conforme à la vérité et à la loi divine, aucune intelligence humaine ne pourrait jamais avoir la pensée consentie de l’indépendance d’un  Etat, d’une société ou simplement de la politique à l’égard de Dieu.

 

Réponse : Vous l’avez dit, toute pensée consentie de ce genre, comporte une déclaration formelle d’indépendance de la créature contre le Créateur. C’est là une révolte de l’esprit contre Dieu et cette révolte constitue un péché exceptionnellement grave.