HUITIEME LECON

DROITS INTANGIBLES DE LA VERITE ET DU BIEN.

 

Première question. - La Vérité et le Bien sont-ils seuls à avoir des droits ?
Réponse. - Affirmativement.

Deuxième question. - Sur quelle base repose votre affirmation ?
Réponse. - Sur des données théologiques et philosophiques.

Troisième question. - Quelles sont ces donnés philosophiques ?
Réponse. - Les voici : Le néant n’a aucun droit puisqu’il n’existe pas. Il est impossible à ce qui n’existe pas d’avoir des droits. Attribuer des droits au néant est donc une injustice. Or, que fait-on quand on attribue des droits à l’erreur ? On attribue un droit au néant. Il suffit de se rendre compte de ce que sont la Vérité et l’Erreur pour le comprendre. La Vérité se trouve dans l’intelligence, dans la mesure où l’intelligence reproduit exactement une réalité existante. Quand l’intelligence produit intellectuellement en elle-même une chose qui n’est pas, alors il y a erreur. Or, que se passe-t-il en pareil cas ? J’ai dans mon esprit l’idée d’une chose comme si elle était. Je lui attribue le droit d’être dans mon esprit comme si elle était. En réalité elle n’est pas. Dès lors qu’elle n’est pas, elle est une création de mon esprit propre, qui n’a aucun fondement. Comment puis-je donner comme base à ma vie, à mon action, une réalité qui n’est pas ? Que doit-il résulter d’une semblable aberration ? Ce qui résulte nécessairement dans tout édifice qu’on élève sans fondement. Je donne comme base à ma vie et à mon action mon idée qui ne répond à rien d’objectif et de réel, nécessairement tout l’édifice intellectuel et social que j’élève sur cette idée est destiné à crouler. A une action et à une vie, il ne peut y avoir d’autre fondement qu’une réalité vraie. C’est pourquoi, seule la Vérité a, dans l’ordre individuel et social, le droit à l’existence. A aucun point de vue l’erreur ne peut revendiquer ce droit. Quand elle s’installe, dans une intelligence ou dans les masses, elle usurpe des droits qui ne lui reviennent pas, elle est injuste.

Quatrième question. - Sur quelles données théologiques basez-vous votre affirmation ?
Réponse. - Je la base sur la Révélation faite au monde par Jésus-Christ. Notre Seigneur est venu ici-bas pour sauver l’univers et chaque homme en particulier. Dans ce but, Il a révélé au monde la Vérité. Cette Vérité Lui appartient en vertu de son droit divin et aussi en vertu de son Œuvre Rédemptrice. Si cette Vérité Lui appartient et si elle donnée au monde par Lui, dans un sens et dans un but très précis, la ruiner, l’amoindrir est une injustice. C’est sacrifier le droit de Jésus-Christ.

Cinquième question. - Mais, dans ces conditions, il n’y aura de place que pour la Vérité ? N’y a-t-il pas la fameuse distinction entre la thèse et l’hypothèse ?
Réponse. - Effectivement, il ne peut y avoir de place que pour la Vérité et le Bien. Quant à la distinction entre la thèse et l’hypothèse, il faut la bien comprendre. Ce qui est un fait, c’est que le recours à cette distinction a été cause de la perte de beaucoup d’âmes.

Sixième question. - Mais cette distinction n’est-elle pas approuvée par l’Eglise ?
Réponse. - Nullement. Elle est une subtilité inventée par certains théologiens. On s’en sert pour se former la conscience et comme on dit communément pour se tirer d’affaire.

Septième question. - Ne pourriez-vous pas m’exposer la raison d’être de cette distinction et comment on y a recours ?
Réponse. - Par thèse, on entend la situation faite à la Vérité et au Bien, selon tous leurs droits. Ainsi, dans l’état de thèse, la Trinité, Jésus-Christ et l’Eglise occupent dans les Pays et parmi les Nations la place qui, de droit, leur revient. Dans ce cas, pratiquement, nous vivons sous le Règne de Jésus-Christ et de son Eglise. A côté de cette situation de droit, il y a une situation de fait. De fait, Jésus-Christ n’exerce pas son empire, sur les sociétés ; de fait, la Vérité et le Bien ne jouissent pas des prérogatives qui de droit leur reviennent. Bien plus, le Monde et les Etats sont corrompus. Leur corruption est telle qu’il est impossible de songer pratiquement en ce moment à rendre à la Vérité et au Bien ce qui n’est qu’un droit strict. C’est l’état d’hypothèse, c’est-à-dire l’état dans lequel nous nous trouvons en face de la puissance et souvent de la puissance organisée des ennemis de Jésus-Christ et de l’Eglise. Que faire en pareil cas ? Personne ne peut trahir la Vérité et le Bien, personne ne peut renier Dieu ni l’Eglise, mais dans les conditions actuelles il faut tolérer certaines situations qu’on ne peut améliorer immédiatement. Toutefois, il est à remarquer que cette tolérance est une simple tolérance et non une approbation. En pareil cas, chacun doit conserver dans son âme la volonté arrêtée de rendre à la Vérité et au Bien leurs droits. En outre, il faut qu’on use de la liberté accordée à chacun pour faire le bien et spécialement pour diffuser partout les principes de Vérité et ainsi insensiblement en revenir à l’état de la thèse.

Huitième question. - N’avez-vous pas dit qu’en recourant à cette distinction on avait fait beaucoup de mal ?
Réponse. - Effectivement, beaucoup de catholiques ont accepté cette distinction comme un moyen d’échapper à leurs devoirs d’apostolat. On déclare simplement : « nous sommes dans l’état d’hypothèse » et on ne fait rein pour en revenir à l’état de thèse. C’est un premier effet funeste produit par cette distinction. Il en est un autre qui dérive du précédent : cette distinction, en tranquillisant et en mettant au repos les consciences des militants, crée une atmosphère d’inaction et parfois de découragement au point de vue social. On s’habitue tellement à la respirer qu’on ne s’aperçoit pas du venin qu’elle comporte et qu’inconsciemment on absorbe. Il n’y a pas à dire, il faut qu’on en revienne à la mise en pratique des paroles de Jésus-Christ : « Est, est ; non, non ». Ces paroles du Divin Maître ne peuvent être réalisées que dans une adhésion franche, loyale et complète aux seuls principes de Vérité qui doivent diriger l’Ordre Social vers Dieu. Il faut répéter ici ce que nous avons dit ci-dessus. Dès que la distinction entre la thèse et l’hypothèse amoindrit pratiquement l’action envahissante et éducatrice de l’Eglise parmi les Peuples, elle lui fait manquer partiellement sa mission. Non seulement les âmes ne se sanctifient pas, elles s’engourdissent et finissent dans l’indifférence pratique.

Neuvième question. - Permettez-moi de vous exposer une difficulté. Quand nous sommes dans l’état d’hypothèse, vous tolérez l’existence de l’erreur ; quand nous sommes dans l’état de thèse vous ne la tolérez plus ; nous sommes exposés à voir surgir partout, sous la protection du Souverain Domaine de Dieu et de la Royauté du Christ, un état de tyrannie.
Réponse. - C’est une difficulté que nous opposent les incroyants. On semble nous dire : quand vous êtes les maîtres, vous êtes d’une exigence exorbitante et nous pouvons nous attendre à tout de votre part. Quand vous n’êtes pas les maîtres, il vous faut la liberté que vous refusez aux autres. Pour porter un jugement sain sur cette question, il faut se placer en face des réalités vraies. Ces réalités sont : que l’homme est sur la terre pour sauver son âme, qu’il s’y trouve devant la redoutable alternative d’être, ou éternellement béatifié, ou éternellement damné. Il n’y a pas de milieu. Or, nous savons quelles sont les exigences divines. Pour être sauvé, l’homme doit mourir se trouvant en état de grâce. On ne peut être plus cruel à son endroit qu’un lui facilitant le moyen de se perdre. On ne peut lui témoigner une plus grande et plus réelle charité qu’en contribuant à lui procurer l’Eternelle Béatitude. Or, les Constitutions modernes des Peuples, en permettant et en consacrant toutes les perversions de l’esprit et du cœur donnent toute facilité aux âmes de se damner. Cela dit, voici en deux mots ma réponse à la difficulté proposée : 1° Incontestablement, si nous étions les maîtres, nous ferions l’impossible pour que pas une âme ne se damne ; 2° Nous nous souviendrions que, il y a une différence entre l’Ordre Social et l’Ordre Individuel. Dans l’ordre strictement individuel nous ne violenterions pas les consciences. Si malgré nous et malgré tout, quelqu’un veut se perdre, c’est au fond son affaire. Par conséquent, si quelqu’un s’obstinait à refuser obéissance au Christ et à l’Eglise, nous le laisserions à la conscience, pourvu qu’il ne cause pas de scandale. Nous disons : pourvu qu’il ne cause pas de scandale. Evidemment, nous ne pourrions tolérer que l’incroyance d’un individu nuise au bien général d’une Société ou d’un Pays ou même au bien particulier d’une âme. C’est pourquoi : 3° Nous interdirions à toute erreur et à tout mal la possibilité de se propager. C’est le sens dans lequel nous supprimerions des Codes et des Constitutions des Pays les grandes libertés modernes.