DROITS INTANGIBLES DE LA VERITE ET DU BIEN.
Première question. - La Vérité
et le Bien sont-ils seuls à avoir des droits ?
Réponse. - Affirmativement.
Deuxième question. - Sur quelle base
repose votre affirmation ?
Réponse. - Sur des données théologiques et philosophiques.
Troisième question. - Quelles sont ces
donnés philosophiques ?
Réponse. - Les voici : Le néant n’a aucun droit puisqu’il
n’existe pas. Il est impossible à ce qui n’existe pas d’avoir
des droits. Attribuer des droits au néant est donc une injustice. Or,
que fait-on quand on attribue des droits à l’erreur ? On attribue
un droit au néant. Il suffit de se rendre compte de ce que sont la Vérité
et l’Erreur pour le comprendre. La Vérité se trouve dans
l’intelligence, dans la mesure où l’intelligence reproduit
exactement une réalité existante. Quand l’intelligence produit
intellectuellement en elle-même une chose qui n’est pas, alors il
y a erreur. Or, que se passe-t-il en pareil cas ? J’ai dans mon esprit
l’idée d’une chose comme si elle était. Je lui attribue
le droit d’être dans mon esprit comme si elle était. En réalité
elle n’est pas. Dès lors qu’elle n’est pas, elle est
une création de mon esprit propre, qui n’a aucun fondement. Comment
puis-je donner comme base à ma vie, à mon action, une réalité
qui n’est pas ? Que doit-il résulter d’une semblable aberration
? Ce qui résulte nécessairement dans tout édifice qu’on
élève sans fondement. Je donne comme base à ma vie et à
mon action mon idée qui ne répond à rien d’objectif
et de réel, nécessairement tout l’édifice intellectuel
et social que j’élève sur cette idée est destiné
à crouler. A une action et à une vie, il ne peut y avoir d’autre
fondement qu’une réalité vraie. C’est pourquoi, seule
la Vérité a, dans l’ordre individuel et social, le droit
à l’existence. A aucun point de vue l’erreur ne peut revendiquer
ce droit. Quand elle s’installe, dans une intelligence ou dans les masses,
elle usurpe des droits qui ne lui reviennent pas, elle est injuste.
Quatrième question. - Sur quelles données
théologiques basez-vous votre affirmation ?
Réponse. - Je la base sur la Révélation faite au monde
par Jésus-Christ. Notre Seigneur est venu ici-bas pour sauver l’univers
et chaque homme en particulier. Dans ce but, Il a révélé
au monde la Vérité. Cette Vérité Lui appartient
en vertu de son droit divin et aussi en vertu de son Œuvre Rédemptrice.
Si cette Vérité Lui appartient et si elle donnée au monde
par Lui, dans un sens et dans un but très précis, la ruiner, l’amoindrir
est une injustice. C’est sacrifier le droit de Jésus-Christ.
Cinquième question. - Mais, dans ces
conditions, il n’y aura de place que pour la Vérité ? N’y
a-t-il pas la fameuse distinction entre la thèse et l’hypothèse
?
Réponse. - Effectivement, il ne peut y avoir de place que pour la Vérité
et le Bien. Quant à la distinction entre la thèse et l’hypothèse,
il faut la bien comprendre. Ce qui est un fait, c’est que le recours à
cette distinction a été cause de la perte de beaucoup d’âmes.
Sixième question. - Mais cette distinction
n’est-elle pas approuvée par l’Eglise ?
Réponse. - Nullement. Elle est une subtilité inventée par
certains théologiens. On s’en sert pour se former la conscience
et comme on dit communément pour se tirer d’affaire.
Septième question. - Ne pourriez-vous
pas m’exposer la raison d’être de cette distinction et comment
on y a recours ?
Réponse. - Par thèse, on entend la situation faite à la
Vérité et au Bien, selon tous leurs droits. Ainsi, dans l’état
de thèse, la Trinité, Jésus-Christ et l’Eglise occupent
dans les Pays et parmi les Nations la place qui, de droit, leur revient. Dans
ce cas, pratiquement, nous vivons sous le Règne de Jésus-Christ
et de son Eglise. A côté de cette situation de droit, il y a une
situation de fait. De fait, Jésus-Christ n’exerce pas son empire,
sur les sociétés ; de fait, la Vérité et le Bien
ne jouissent pas des prérogatives qui de droit leur reviennent. Bien
plus, le Monde et les Etats sont corrompus. Leur corruption est telle qu’il
est impossible de songer pratiquement en ce moment à rendre à
la Vérité et au Bien ce qui n’est qu’un droit strict.
C’est l’état d’hypothèse, c’est-à-dire
l’état dans lequel nous nous trouvons en face de la puissance et
souvent de la puissance organisée des ennemis de Jésus-Christ
et de l’Eglise. Que faire en pareil cas ? Personne ne peut trahir la Vérité
et le Bien, personne ne peut renier Dieu ni l’Eglise, mais dans les conditions
actuelles il faut tolérer certaines situations qu’on ne peut améliorer
immédiatement. Toutefois, il est à remarquer que cette tolérance
est une simple tolérance et non une approbation. En pareil cas, chacun
doit conserver dans son âme la volonté arrêtée de
rendre à la Vérité et au Bien leurs droits. En outre, il
faut qu’on use de la liberté accordée à chacun pour
faire le bien et spécialement pour diffuser partout les principes de
Vérité et ainsi insensiblement en revenir à l’état
de la thèse.
Huitième question. - N’avez-vous
pas dit qu’en recourant à cette distinction on avait fait beaucoup
de mal ?
Réponse. - Effectivement, beaucoup de catholiques ont accepté
cette distinction comme un moyen d’échapper à leurs devoirs
d’apostolat. On déclare simplement : « nous sommes dans l’état
d’hypothèse » et on ne fait rein pour en revenir à
l’état de thèse. C’est un premier effet funeste produit
par cette distinction. Il en est un autre qui dérive du précédent
: cette distinction, en tranquillisant et en mettant au repos les consciences
des militants, crée une atmosphère d’inaction et parfois
de découragement au point de vue social. On s’habitue tellement
à la respirer qu’on ne s’aperçoit pas du venin qu’elle
comporte et qu’inconsciemment on absorbe. Il n’y a pas à
dire, il faut qu’on en revienne à la mise en pratique des paroles
de Jésus-Christ : « Est, est ; non, non ». Ces paroles du
Divin Maître ne peuvent être réalisées que dans une
adhésion franche, loyale et complète aux seuls principes de Vérité
qui doivent diriger l’Ordre Social vers Dieu. Il faut répéter
ici ce que nous avons dit ci-dessus. Dès que la distinction entre la
thèse et l’hypothèse amoindrit pratiquement l’action
envahissante et éducatrice de l’Eglise parmi les Peuples, elle
lui fait manquer partiellement sa mission. Non seulement les âmes ne se
sanctifient pas, elles s’engourdissent et finissent dans l’indifférence
pratique.
Neuvième question. - Permettez-moi de
vous exposer une difficulté. Quand nous sommes dans l’état
d’hypothèse, vous tolérez l’existence de l’erreur
; quand nous sommes dans l’état de thèse vous ne la tolérez
plus ; nous sommes exposés à voir surgir partout, sous la protection
du Souverain Domaine de Dieu et de la Royauté du Christ, un état
de tyrannie.
Réponse. - C’est une difficulté que nous opposent les incroyants.
On semble nous dire : quand vous êtes les maîtres, vous êtes
d’une exigence exorbitante et nous pouvons nous attendre à tout
de votre part. Quand vous n’êtes pas les maîtres, il vous
faut la liberté que vous refusez aux autres. Pour porter un jugement
sain sur cette question, il faut se placer en face des réalités
vraies. Ces réalités sont : que l’homme est sur la terre
pour sauver son âme, qu’il s’y trouve devant la redoutable
alternative d’être, ou éternellement béatifié,
ou éternellement damné. Il n’y a pas de milieu. Or, nous
savons quelles sont les exigences divines. Pour être sauvé, l’homme
doit mourir se trouvant en état de grâce. On ne peut être
plus cruel à son endroit qu’un lui facilitant le moyen de se perdre.
On ne peut lui témoigner une plus grande et plus réelle charité
qu’en contribuant à lui procurer l’Eternelle Béatitude.
Or, les Constitutions modernes des Peuples, en permettant et en consacrant toutes
les perversions de l’esprit et du cœur donnent toute facilité
aux âmes de se damner. Cela dit, voici en deux mots ma réponse
à la difficulté proposée : 1° Incontestablement, si
nous étions les maîtres, nous ferions l’impossible pour que
pas une âme ne se damne ; 2° Nous nous souviendrions que, il y a une
différence entre l’Ordre Social et l’Ordre Individuel. Dans
l’ordre strictement individuel nous ne violenterions pas les consciences.
Si malgré nous et malgré tout, quelqu’un veut se perdre,
c’est au fond son affaire. Par conséquent, si quelqu’un s’obstinait
à refuser obéissance au Christ et à l’Eglise, nous
le laisserions à la conscience, pourvu qu’il ne cause pas de scandale.
Nous disons : pourvu qu’il ne cause pas de scandale. Evidemment, nous
ne pourrions tolérer que l’incroyance d’un individu nuise
au bien général d’une Société ou d’un
Pays ou même au bien particulier d’une âme. C’est pourquoi
: 3° Nous interdirions à toute erreur et à tout mal la possibilité
de se propager. C’est le sens dans lequel nous supprimerions des Codes
et des Constitutions des Pays les grandes libertés modernes.