LE PECHE DU LIBERALISME : PECHE DE L’EUROPE ET DU MONDE.
Première question. - Le libéralisme
est-il un péché ?
Réponse. - Incontestablement. Il faut tenir compte des bonnes intentions,
du défaut de lumières et de l’ambiance qui diminuent les
responsabilités, mais à considérer les choses en elles-mêmes,
le libéralisme est un péché de l’esprit.
Deuxième question. - Expliquez-vous. Comment faut-il comprendre ce péché
de l’esprit ?
Réponse. - Rappelez-vous ce qui a été dit, en réponse
à la deuxième leçon, question dixième. Le péché
que nous avons signalé à cet endroit, est un péché
de l’esprit. Ce péché, qui est celui du Libéralisme,
comporte à l’égard de Dieu une injustice et une suprême
injure. En effet, dans la Déclaration des Droits de l’homme et
dans les libertés qui en découlent, l’homme s’est
substitué à Dieu.
Voici comment les choses se sont passées. De par les principes et le
droit modernes, seul l’homme doit et peut se trouver là où
Dieu, précisément parce qu’il est Dieu, doit être.
Créateur et Maître absolu, de par la nature même des choses,
Il est le Dieu de la conscience individuelle, le Dieu de la Société,
des Nations et de l’Univers. On le supprime et, en sa place, l’esprit
humain établit l’homme et la pensée de l’homme, en
tant que substitué à Dieu, c’est-à-dire déifié,
maître absolu et arbitre de ses destinées personnelles, familiales
et sociales, nationales, internationales et mondiales.
L’homme est, et s’est déclaré la maître. Si,
dans sa sagesse, il juge opportun de se soumettre à ce que dans sa pensée
il estime « Dieu », « le Christ », « l’Eglise
», il ne sera pas molesté parce qu’il est maître de
sa conscience. Il en doit être tout autrement de l’introduction
de ce Dieu et de son Eglise dans la Société et les Etats.
L’homme étant officiellement substitué à Dieu, quiconque
veut rendre à Dieu sa place devient ennemi de l’homme qui est maître
de l’Univers et de l’Ordre Social.
Dieu est nécessairement usurpateur. L’Eglise est usurpatrice. Tout
effort de la part de l’Eglise pour accomplir sa mission dans l’Ordre
Social est inévitablement une main-mise cléricale sur la Société.
La laïcisation générale et universelle est une nécessité.
L’individu est laïcisé. On ne veut connaître en lui
qu’une grandeur humaine, faite des principes naturels d’humanité,
de justice, de bonté, etc. Toute institution sociale doit être
laïcisée : les Etats, les Constitutions des Peuples et leur législation,
les Gouvernements, les Parlements, les Sénats, tout organisme officiel,
toute institution publique et même les institutions privées, dès
qu’elles entrent en rapport avec un organisme officiel, doivent porter
le caractère de l’homme seul.
L’empreinte surnaturelle est effacée de partout. L’Ordre
surnaturel doit être non-existant. L’Eglise, si elle survit en raison
de volontés individuelles, sera, tout au plus, une société
privée sans aucun droit public. Elle ne peut jouir au point de vue social,
que des droits et privilèges que l’homme estime pouvoir lui accorder.
Un gouvernement composé d’individualités catholiques pourra
lui être favorable, mais cette faveur relèvera nécessairement
de l’homme, qui, de droit, la refusera ou l’octroiera à son
gré.
C’est l’injustice suprême, puisqu’on prive l’Etre
Suprême de son droit absolu ; c’est l’injure souveraine puisque,
après l’avoir dépouillé injustement, on le déclare
usurpateur.
Troisième question. - Comment les libertés
modernes aboutissent-elles à cette conclusion fatale ?
Réponse. - Nous l’avons dit, pour l’homme moderne la seule
vérité existante c’est la pensée de l’homme.
Par le fait, toute Société et tout Etat, qui sont bâtis
sur les Principes de 89 se sont établis dans l’impossibilité
de reconnaître ou de professer aucune vérité ; de reconnaître
ou de professer aucun culte. C’est la conséquence logique des grandes
libertés modernes. Je m’explique : prenons comme exemple la liberté
d’enseignement. Tel maître enseigne les propositions que voici :
« Dieu existe ». – « Jésus-Christ est Dieu ».
– « L’Eglise catholique est une œuvre divine ».
En vertu de ses principes, l’Etat doit le laisser faire. Tel autre maître
enseigne les doctrines contradictoires des premières : « Dieu n’est
pas ». – « Jésus-Christ n’a pas existé,
ou n’est qu’un halluciné ». – « L’Eglise
est une vaste conspiration ». En vertu des mêmes principes, l’Etat
doit laisser faire. C’est dire que l’Etat n’adhère
à aucun de ces enseignements et doit n’en reconnaître aucun
comme vrai. Il doit les protéger tous deux au même titre constitutionnel
et au même degré.
La seule vérité pour lui, c’est que chacun est libre d’enseigner.
Au point de vue strictement logique, l’Etat moderne est donc nécessairement
athée et libre-penseur, parce que les Constitutions des Etats sont libres-penseuses,
athées ou plus exactement a-vraies, « sans vérité
», c’est-à-dire pratiquement : contre la vérité,
contre Dieu.
En effet, quand l’Etat moderne se trouve en face d’une vérité
réellement existante, telle la vérité première :
Dieu, - Quelle doit donc être son attitude sous peine de renier ses principes
? Il faut qu’il ne sache pas que dans la proposition « Dieu est
» se trouve la vérité. Il faut qu’il n’adhère
pas à cette proposition. S’il y adhérait, il exprimerait
sa connaissance de la vérité et sa volonté de lui être
attaché. Il ne peut faire ni l’un, ni l’autre. Son attitude
doit être semblable devant chacun de ces deux enseignements : «
Dieu est », « Dieu n’est pas ». Socialement, l’Etat
moderne doit ne pas savoir s’il y a vérité. Il doit s’opposer
à ce qu’un enseignement pénètre chez lui au titre
de vérité. Cette introduction de la vérité serait
une supériorité de celle-ci sur l’Etat et la Constitution
des pays. Ce qui ne peut être.
Les Etats et les Constitutions des Peuples doivent s’opposer à
l’action de la Vérité afin qu’ils restent ce qu’ils
sont, c’est-à-dire, a-vrais, athées, opposés à
tout principe qui ne les laisse pas maîtres et arbitres de leurs destinées,
et pratiquement contre Dieu, contre le Christ et contre l’Eglise.
Au contraire, toute pensée, en tant que pensée de l’homme,
est de droit enseignable. Elle obtient le suffrage de l’Etat. Le motif
est péremptoire. L’Etat ne connaît que l’homme. La
pensée humaine et toute idée sont un produit de l’esprit
humain. En les enseignant, rien de supérieur à l’homme n’est
introduit dans la Société.
Les pensées : « Dieu est », « l’Eglise catholique
est divine » peuvent être enseignées de droit, non parce
qu’elles sont l’expression de la vérité objective,
mais parce que des sujets de l’Etat estiment ces pensées bonnes
et d’utilité privée ou publique. Les pensées : «
Dieu n’est pas », « l’Eglise catholique est une fourberie
» peuvent être enseignées au même titre.
Ainsi en doit-il être logiquement de l’enseignement du vol, du meurtre,
de l’immoralité et de l’assassinat. Une législation
en contradiction avec les principes de l’Etat, condamne et exécute
le malheureux qui en vient aux voies de fait, mais n’interdit pas un enseignement
qui conduit à ces voies. Bref, l’Etat enseigne, par ses sujets,
la pensée de ses sujets. Il en doit être ainsi, parce qu’il
ne connaît que l’homme et ce qui est de l’homme (1).
Voilà comment les Principes et le Droit Modernes aboutissent fatalement
à une injustice souveraine à l’égard de Dieu et à
une injure suprême à son adresse.
Voici en quels termes s’exprime Léon XIII dans sa lettre à
l’Archevêque de Bogota :
« Lorsqu’il s’agit de la façon de se comporter vis-à-vis
de la chose publique, les catholiques sont sollicités par des intérêts
contraires et s’exaspèrent en de violentes discordes qui proviennent
le plus souvent de divergences dans l’interprétation de la doctrine
catholique au sujet du libéralisme.
« … Le Souverain Pontife enseigne que le principe et le fondement
du libéralisme est le rejet de la loi divine : « Ce que veulent
en philosophie les partisans du naturalisme ou du rationalisme, les fauteurs
du libéralisme le veulent dans l’ordre moral et civil, puisqu’ils
introduisent dans les mœurs et la pratique de la vie, les principes posés
par le naturalisme. Or, le point de départ de tout rationalisme, c’est
la souveraineté de la raison humaine qui, refusant l’obéissance
due à la raison divine et éternelle et prétendant ne relever
que d’elle-même, se considère elle-même et elle seule,
comme étant le principe suprême, la source et le juge de la vérité.
Telle est la prétention de ceux que nous avons appelés sectateurs
du libéralisme : selon eux, il n’y a aucune puissance divine à
laquelle on soit tenu d’obéir dans la pratique de la vie, mais
chacun est à soi-même sa propre loi. De là procède
cette morale
(1) Voir : A Dieu et à son Christ la Société et les Nations.