« Notre dyssociété
est fille de Mai 68 »
« Prégnance de la société sur l’individu »
un article de Georges Dillinger
Quelques mots de présentation
Je remercie la direction du
Journal « Présent » qui a publié cet excellent article « Notre dyssociété
est fille de Mai 68 » de Georges Dillinger, (dans
ses numéros 5521 et 5522), de me donner
la possibilité de le publier, à mon tour, dans les colonnes d’ITEM.
Je le publie dans la rubrique :
« Politique ».
Cet article est, en effet,
une bonne analyse politique de la situation dans laquelle se trouve
notre pays.
Cette analyse pourra paraître sombre et pessimiste à plusieurs. Mais elle contient, si l’on en
fait une lecture attentive, le contre-poison du mal.
C’est en dire l’intérêt.
Je n’aime pas, en effet, l’esprit négatif, purement négatif et
pessimiste qui, trop souvent, occupe l’esprit de ceux qui se disent les
vrais « défenseurs » de la
« Tradition ». Si vous le souhaitez, je peux vous en dire les
noms…mais uniquement à l’oreille.
C’est tout le contraire dans cet article de Georges Dillinger.
Tout en fustigeant le mal et en l’analysant, et avec quel
profondeur, il donne, en même temps, vous
dis-je, les remèdes au mal actuel.
Face à l’individualisme hédoniste où la France se trouve par suite
du triomphe de la « philosophie » de Mai 68, il faut que se
développent, de nouveau, parmi nos compatriotes, et en particuliers, les plus jeunes, le
goût de la famille en raison de sa beauté, avec le sens
retrouvé de la procréation, l’amour des sociétés naturelles qui, seules, sont de
nature à protéger les individus et à les garder, précisément de cet « individualisme
hédoniste soixantehuitard », l’amour de
l’école formatrice et éducatrice,
l’amour des vertus, l’amour de la patrie, lié à celui de la civilisation
chrétienne et de sa sagesse et enfin l’amour de la Religion chrétienne et de
ses deux principes fondamentaux , à savoir la notion de «
sacrifice » et de « soumission ». Je retrouve, là, l’enseignement même de Mgr Lefebvre.
Entre parenthèse, ce sont,
précisément, les vertus majeurs du Christ dans sa Passion et le mystère de la
Rédemption. C’est pourquoi je me réjouis tant de la prochaine diffusion du
film : « la Passion du Christ » de Mel Gilson. Ce film va avoir une puissance
extraordinaire de conversion dans nos pays. Il va apporter la « Bonne
Nouvelle » dans les pays asiatiques et musulmans si difficilement
joignables et si fermés à la Parole de l’Eglise
catholique ? Je ferme la parenthèse
Lisez ce jugement de Georges
Dillinger … pour vous donner envie de lire
l’article intégralement :
« Quelles vertus millénaires étaient aux antipodes de l’esprit
de Mai 68 ? A l’évidence, c’était l’esprit de sacrifice et, plus
banalement, le simple esprit de soumission. Ces vertus sont celles qui avaient
été enseignées, entretenues et vivifiées par le christianisme depuis près de
deux millénaires…Autant dire que ces vertus entretenues par l’Eglise millénaire avaient sous-tendu notre société, lui
avaient conféré son extraordinaire force de vivre et l’impératif du bien commun
premier servi. »
C’est tout à l’encan
Prenez le temps de le lire. Il vous prendra, peut-être une petite demi heure de votre précieux temps.
Vous y trouverez plus de grandeur et de joie de vivre et de combattre que dans
les innombrables heures que vous passez devant votre « foutue » TV
qui vous appauvrit et vous ramollit devant le mal.
Au lieu, le soir, de vous mettre, par habitude, devant votre poste
TV, installez-vous dans votre fauteuil, avec vos articles et vos livres, ou
devant votre « portable », vous y trouverez occasion de réflexion et
de discution avec votre femme et vos enfants. La
France se meurt de sa TV qui ne vaut souvent pas grand-chose alors qu’il y a
tant à lire, même sur Internet. Ne
serait-ce que sur ITEM. Tous les soirs, avant de passer devant la TV, faites un
petit tour sur votre ordinateur et cliquez ITEM. C’est irrésistible.
Notre dyssociété est fille de Mai 68
Prégnance de la société sur l'individu
Nos contemporains sont incarcérés dans une situation administrative
de plus en plus prégnante. Marqués de leur numéro national, ils sont astreints
à une multitude de déclarations auprès des services les plus divers. Ils sont
depuis la naissance – et même avant – l'objet d'examens, de contrôles
obligatoires, de visites et de contre-visites. Ils ont aussi l'obligation de
payer pour leur retraite, pour les risques de leur santé ou du chômage, pour
les risques qu'ils peuvent faire courir aux autres. Leurs revenus, leurs frais
professionnels, leurs dons et leur charité, les travaux auxquels ils se
livrent, tout doit faire l'objet de déclarations précises dûment contrôlables
et souvent contrôlées. Leur résidence, leur voiture, leurs biens ne sont pas
l'objet de moins d'obligations d'assurance, de contrôle, d'autorisations, etc.
Cet invraisemblable carcan administratif, sécrété par une
bureaucratie tentaculaire, est malheureusement complété dans le domaine
économique et fiscal par une multitude de contraintes qui entravent l'activité
et l'efficacité des Français. Tout cela explique que nombreux sont ceux qui
souhaitent une libération des individus et qui se font les chantres de
l'individualisme.
Nous allons cependant tenter de montrer ici que le drame de notre
époque réside bien plus dans une libération des comportements et des mentalités
des individus – l'unité la plus petite en laquelle puisse se diviser la
société.
L'objectif véritable de Mai 68
Les journées de mai-juin 1968 ont été la
manifestation spectaculaire et symbolique d'un mouvement qui cheminait et se
développait depuis longtemps. Ces journées révolutionnaires n'avaient pas
d'objectif politique immédiat. Elles s'inscrivaient dans un mouvement qui
consistait en une révolution des mœurs, une anarchie de l'esprit et du
comportement, ruinant tous les fondements de notre société et mettant à mal ses
défenses immunitaires. Trente-cinq ans plus tard, notre société est profondément
défaite. C'est plus que jamais une dyssociété au sens
de Marcel De Corte.
Car l'objectif des soixante-huitards était clair : ce qui
sous-tendait les slogans extravagants accompagnant leurs manifestations
destructrices et si souvent sanguinaires, c'était l'individu, érigé comme la
seule et unique valeur, aux dépens de toute forme de société, de tout résidu de
société, éliminant du même coup le souci du bien commun. Toute une idéologie
profondément libertaire sous-tendait en fait cette chienlit soixante-huitarde,
où les uns n'ont voulu voir qu'une manifestation étudiante, d'autres une
irruption de vandalisme et de furie sanguinaire ; d'autres enfin
l'expression d'une sorte de folie collective marquée par les excès des slogans
martelés pendant des semaines et une violence sans rapport avec les
revendications (?).
Des principes incendiaires
Cette idéologie reposait d'abord sur les principes d'égalité et de
liberté, poussés jusqu'à l'extrême, jusqu'à l'absurde, jusqu'à la plus terrible
nocivité.
Le concept politique séculaire d'égalité exigeait un poids
identique de chaque citoyen dans les élections, un même traitement par la
justice, par le fisc, les mêmes devoirs envers la nation et sa défense. Il
impliquait enfin une tentative de rétablir une égalité des chances face aux
différents handicaps, aux différences de talents ou de conditions sociales,
présentes dans toute société humaine. Mais l'idéologie de 68, qui n'a cessé de
se développer depuis, va bien au-delà. C'est par exemple l'identité – et
bientôt la parité – entre l'homme et la femme, s'inscrivant en faux contre
leurs aptitudes et la complémentarité de leur fonction sociale, découlant de
leur vocation biologique différente et complémentaire. C'est l'identité de
droit sur notre patrimoine du citoyen français – qui avec ses ancêtres a
concouru à enrichir ce patrimoine – et du dernier venu de l'autre bout du monde
qui, non content de s'être invité chez nous, entend s'imposer à la première
place. C'est la mise à plat de tous les individus quels que soient leurs
efforts, leurs mérites, leur travail, leur conduite, leur respect de la loi et
des obligations civiques ou morales. Plus généralement et dans tous les champs
de la vie sociale, c'est l'égalité du bien et du mal, comme en d'autres
domaines du beau et du laid, du vrai et du faux.
La liberté poussée à l'extrême n'est pas moins dangereuse, pas
moins destructrice. « Il est interdit d'interdire », c'est le refus
de tous les commandements, de tous les devoirs
– patriotiques, civiques, familiaux, individuels –, de toutes les
contraintes – morales en particulier –, de toutes les règles, de toutes les
décences. La combinaison de ces deux brûlots ruine toute organisation sociale,
qui ne peut reposer que sur une certaine autorité, une certaine hiérarchie et
un minimum de soumission. Se trouvent ainsi évacués le respect et l'obéissance
dus au chef de famille, à l'enseignant, au supérieur hiérarchique, au patron, à
l'autorité morale et politique de la cité. Cette idéologie débouche sur une
anarchie de l'esprit et du comportement, spectaculairement étalée tout au long
de ces journées et de ces nuits de manifestations déchaînées. L'individu ne
connaît plus de limites. La société n'a plus sa place. Le bien commun n'est
plus qu'une vieille lune.
L'anathème jeté – souvent par cette arme redoutable qu'est la
dérision – sur les valeurs spirituelles, morales et civiques de l'Occident,
dissout la force qui avait caractérisé la civilisation occidentale, qui l'avait
mise en tête du monde et qui l'avait fait bientôt imiter de tous.
Trente-cinq ans après Mai 68, le concept dominateur de notre dyssociété se trouve dans l'esprit des droits de l'homme.
Les Déclarations des droits de l'homme visaient en principe à protéger la
liberté et la dignité des individus contre les emprises et les abus de tel ou
tel pouvoir politique. L'esprit des droits de l'homme, quant à lui, va en fait
bien au-delà. Cet esprit, d'inspiration libertaire, a glissé de cette défense
de la liberté politique à l'approbation et à l'encouragement d'une révolution contre
toutes les contraintes exercées par la société : morale, exigences
familiales, devoirs envers l'enfant, et obéissant aux règles civiques,
patriotiques, etc. Une nouvelle dérive a mené de
cette libération des contraintes sociales à l'attention bienveillante apportée
aux auteurs de transgressions caractérisées des règles et des lois. Jamais
l'intelligentsia n'a été aussi sourcilleuse sur les droits de l'assassin,
jamais aussi indifférente sur le malheur de sa victime.
La mise à mal des entités sociales fondamentales
La désagrégation propagée atteint en premier lieu la cellule de
base de toute société humaine : la famille. Un des thèmes obsessionnels de
Mai 68 a été la libération sexuelle. Dévier et dénaturer la pulsion
sexuelle en la coupant de sa fonction biologique, la procréation, pour la
fourvoyer dans l'érotisme, est une entreprise vieille comme le monde. Mais
celle-ci n'a sans doute jamais été pousée avec autant
de détermination – et d'efficacité – qu'en mai 1968. Peut-on s'étonner dès lors
que, dans des cas si nombreux, se soient substitués au mariage – institution
existant dans toutes les sociétés humaines et revêtue du sceau du sacré – des
associations de hasard, des compagnonnages éphémères. Notons que ces pratiques
dont la nouveauté tient à la généralisation ravalent l'homme au-dessous de
l'animal, comme le prouve la fidélité qui est de règle dans tant d'espèces
d'oiseaux ou de mammifères à la lumière d'études éthologiques modernes. Bien
entendu ce recul de la nuptialité, qui contribue à marquer le triomphe de
l'individualisme, fragilise considérablement notre société (1). En outre, il
est une des raisons du recul de la natalité, qui annonce la fin des Français
sinon la fin de l'espèce...
La soif de libération de tous les instincts, de toutes les perversions,
a débouché aussi sur ce qu'on appelle l'homosexualité, mise à égalité avec une
prétendue hétérosexualité – terme parfaitement redondant. Tous les médias se
sont conjugués pour faire la promotion de ce vice et de cette déviation. La loi
en donnant au PACS un statut légal l'a mis à égalité et en concurrence avec le
mariage, alors qu'il n'en est que la singerie, et alors que, dans la plus
parfaite opposition avec le mariage, il ne peut marquer que le refus de
l'engendrement.
L'école a fait l'objet d'un effort de démolition tout particulier,
alors qu'elle était restée tant bien que mal un instrument de formation et de
promotion sociale remarquable jusqu'en 1968. L'embrasement libertaire et
égalitaire poussait à détruire le goût de l'effort, à dénoncer l'émulation, à
mépriser les connaissances et l'étude, à dévaloriser le respect dû aux maîtres,
à ruiner l'indispensable discipline. Trente-cinq ans plus tard, nous prenons la
mesure des ravages opérés.
Dans de trop nombreux cas, l'école n'est plus qu'un champ de ruines
où les maîtres et les élèves peuvent être soumis aux pires sévices et aux pires
exactions. Une pédagogie fumeuse, qui ne veut plus enseigner les connaissances
et prétend les faire découvrir, met en péril le cursus des élèves qui ne peuvent
être aidés chez eux. Cette école soixante-huitarde développe et aggrave ainsi
l'inégalité sociale qu'autrefois l'institution avait combattue avec efficacité.
En pleine décadence, cette école produit une proportion croissante
d'analphabètes, d'illettrés et d'individus désocialisés.
Le patriotisme n'est pas moins maudit. Le mouvement de Mai 68, dans
la descendance directe des mouvements beatniks et hippies, a dénoncé la guerre,
toutes les guerres – du moins celles faites par une puissance occidentale –
avec la dernière véhémence. Il a refusé la conscription et ses intellectuels
ont adulé l'insoumission et la trahison. Il n'a pas été suffisamment souligné à
quel point ce prétendu « refus de la violence » faisait partie de
l'idéologie de mort qui caractérise ce mouvement libertaire et sa descendance.
Car le refus de se défendre, de défendre sa patrie, sa société, sa
civilisation, ses citoyens, est en réalité un repli sur soi qui signe la mort
de la communauté au sein de laquelle on le laisse se développer.
Les ressorts de la démoralisation
Dans l'idéologie libertaire, on ne se contente pas de tourner le
dos systématiquement aux pratiques et aux vertus du passé. On nous a conduits à
nous focaliser sur des fautes réelles, exagérées ou purement imaginaires
commises par notre civilisation. En fait, il en est une si grave qu'elle écrase
toutes les précédentes, c'est la Shoah. Puisqu'une société occidentale a commis
la Shoah, toute société – et toute contrainte qu'une société ne saurait éviter
d'exercer est mauvaise. Puisqu'une armée et la police ont participé à la Shoah,
l'uniforme est donc maudit (« CRS = SS »). Puisque les
responsables de la Shoah ont en même temps mené une guerre aux démocraties,
toute guerre et toute violence sont maudites (« Faites l'amour, pas la
guerre »). C'est la haine de l'ordre, la haine de l'uniforme qui fait
respecter l'ordre, la haine de notre société, la haine de soi. Dans cette
idéologie, le patriotisme, le combat pour la défense de la nation et du
territoire, l'attachement au patrimoine ne sont pas seulement des valeurs
ringardes. Ce sont des pratiques et des concepts maudits qui ont un relent de
fascisme. Etonnons-nous après cela que l'on ne puisse même plus parler de
préférence nationale. Notre France défaite est agenouillée ! En même
temps, les liens de solidarité qui unissaient de tous temps nos compatriotes se
sont distendus, quand ils n'ont pas tout bonnement disparu. L'individu a voulu
être libre : il l'est jusqu'à être solitaire.
Que pèse une société qui n'est plus constituée que par ses
individus esseulés, sans patrie, sans famille, sans passé, sans encadrement
solidaire ?
Complicité de fait de la Rome moderniste
Quelles vertus millénaires étaient aux antipodes de l'esprit de
Mai 68 ? A l'évidence, c'était l'esprit de sacrifice et, plus
banalement, le simple esprit de soumission. Ces vertus sont celles qui avaient
été enseignées, entretenues et vivifiées par le christianisme depuis près de
deux millénaires. Car si l'impérieux commandement « Que votre volonté soit
faite sur la terre comme au ciel » ne soumettait qu'à Dieu, cette
soumission s'était naturellement prolongée à l'égard des hiérarchies humaines,
des règles, des lois et des autorités profanes. C'est bien pour cela que depuis
des siècles, la religion cristallisait toutes les haines et la furie
destructrice révolutionnaire. Quant au sacrifice, n'était-il pas inscrit dans
les Croisades, dans les missions et dans les martyrs, et ne s'était-il pas
projeté également dans la défense de valeurs civiles, du royaume – de droit
divin – à la patrie, même laïque et républicaine ? Autant dire que ces
vertus entretenues par l'Eglise millénaire avaient sous-tendu notre société,
lui avaient conféré son extraordinaire force vive et l'impératif du bien commun
premier servi.
L'Eglise moderniste triomphant avec le
concile Vatican II est pétrie de doutes et se complaît en questionnements. Les
certitudes dogmatiques ne font plus l'unanimité et – ce qui aurait été
considéré naguère comme une apostasie – les clercs préfèrent souvent un message
humanitarosocial au souci de la vie éternelle qui
devrait, à la lumière de l'Evangile, dominer l'esprit du chrétien en chacun des
instants de sa vie terrestre.
En outre, l'Eglise moderniste a eu tendance à transférer à la
société les devoirs enjoints par le Christ à la personne. Le glissement est
aussi illégitime qu'il est pernicieux et lourd de conséquences. La paix du
Christ est un commandement individuel. Il n'est pas admissible d'en déduire
l'exclusion de la vertu de force et une obligation de non-violence pour la
société à laquelle on dénierait ainsi le droit et le devoir de se défendre, de
défendre ses citoyens, leur patrimoine, leur territoire, leur avenir, leur
survie. Pourquoi d'ailleurs le Christ aurait-il rappelé la distinction entre
Dieu et César ? Que chaque chrétien ait un devoir de compassion active à
l'égard de l'étranger ou du prisonnier n'implique en rien d'enjoindre à la
nation de se laisser envahir totalement ou de fermer les prisons comme le
réclament des modernistes. Le parti qui peut être tiré de ces dérives au profit
de l'idéologie soixante-huitarde est évident et catastrophique.
Triomphe de l'idéologie soixante-huitarde
La solidarité entre les Français s'est défaite alors qu'on n'en a
jamais autant parlé dans notre pays. Recroquevillés dans leur égoïsme, les
Français n'ont plus aucune notion de leurs devoirs mutuels, ni de la nécessité
de préserver et de défendre un avenir commun.
Malheureusement l'esprit soixante-huitard n'est plus l'apanage de
quelques révolutionnaires d'époque, vieillis, et de quelques intellectuels
propageant un individualisme forcené, sous le coup d'une haine destructrice à
l'égard de notre société et de tous ses fondements. Dans les trois décennies et
demie écoulées depuis l'explosion de ce cloaque, l'idéologie que dévoilaient
les slogans les plus délirants a étendu ses ravages à tout un chacun. Elle a
gagné sans conteste les pouvoirs médiatiques, l'enseignement, la plus grande
partie du pouvoir judiciaire, mais aussi éminemment les pouvoirs politiques.
Une multitude de lois plus permissives les unes que les autres
seraient à citer. Leur objectif, plus ou moins apparent, plus ou moins évident,
est toujours de libérer l'individu non seulement de toutes les contraintes, de
tous les commandements, de tous les tabous de la morale, mais même des lois de
la nature. En particulier le pouvoir législatif, qu'il soit de gauche ou qu'il
se prétende de droite, propage lui-même les pires abominations aux dépens de
notre société. Il a apporté un concours déterminant à l'idéologie de mort qui
étend tous les jours davantage son spectre sur nous. Et il a agi ainsi en
substituant à cette union sacrée qu'était le mariage une institution de plus en
plus lâche, de plus en plus fragile – avec un divorce de plus en plus facile et
accordé primordialement aux caprices des individus – et, en lui suscitant la
concurrence abjecte du PACS, en banalisant et en officialisant l'union
d'individus du même sexe, en autorisant l'usage de pilules abortives du
lendemain, en légalisant et en remboursant l'avortement qui assassine des
centaines de milliers d'enfants chaque année. Les pratiques immorales, contre
nature ou même criminelles, que rien ne pouvait favoriser plus efficacement que
l'estampille législative, ont été l'un des facteurs principaux de la fin de
l'engendrement qui signera la fin de notre société.
Nos lois et nos magistrats s'avèrent d'une complaisance sans
limites à l'égard des incitations à l'érotisme propagées par tant de
vecteurs : la pornographie de la publicité, les turpitudes étalées dans de
si nombreux films à la télévision et de ce tout-à-l'égout qu'est devenue une
grande partie de la littérature contemporaine, sans parler encore d'incitations
scolaires scandaleuses. L'intérêt porté à ces turpitudes et leur pratique
avilissent le caractère et détournent les individus de leur vocation à la
procréation. Une complaisance qui confine à la complicité accompagne la
pratique de la drogue qui corrompt une population et, généralisée, la tue à
petit feu. Or on sait de quelles sollicitudes sont entourées maintenant ces
ignobles rave-parties, au sujet desquelles les
députés ont rejeté avec horreur la simple obligation d'une déclaration
préalable que voulait instituer une proposition d'amendement... Bien entendu,
les collectivités territoriales ne veulent pas rester en arrière par rapport au
pouvoir central : il n'est que de voir ces Gay Pride
dûment autorisées, dûment encouragées, qui souillent nos cités et incitent des
jeunes à incliner à leur tour vers la perversion.
Conclusion
Bien entendu, c'est largement avant mai 1968 que se sont déjà
affaiblies les vertus transcendantes qui font la force d'une société et sont
indispensables à sa santé et à sa simple survie : religion, imprégnation
par le sacré qui s'incarne dans chaque homme sous la forme de l'esprit de
sacrifice. Ce sont ces vertus et c'est cet esprit qui faisaient la cohésion et
l'union des entités sociales : familles, collectivités, patrie, animées
d'une véritable communion interne. Dès lors que cette sacralité, seule source
de force respectable, était altérée ou éradiquée, la désagrégation de notre
société était irrémédiablement en marche.
Mais la révolution de mai 1968 allait accélérer considérablement le
processus. Ses slogans, ses proclamations, les pires comportements débridés et
étalés eurent d'autant plus d'impact qu'ils étaient accompagnés de
manifestations violentes et même sanguinaires, que les médias leur donnaient
une diffusion générale et de tous les instants, et qu'on a fait croire qu'ils
étaient véhiculés par la jeunesse estudiantine, censée représenter l'avenir –
avec la jeunesse et l'intelligence – en tant que mouvement étudiant. Et ce fut
la proclamation de l'individu, érigé en valeur suprême, libéré de tout ordre et
tout spécialement d'ordre moral. Et ce fut l'obsession proclamée et réalisée de
l'hédonisme sous toutes ses formes jusqu'aux pires abjections sexuelles,
jusqu'à cet instrument de déchéance et de mort qu'est la drogue. Ce fut la
haine proclamée du service militaire, l'anathème jeté sur les forces de
l'ordre, etc. L'Occident
connaissait déjà le matérialisme triomphant, hérité à la fois des succès du
rationalisme et du consumérisme. Mai 1968 allait contribuer à imposer la
recherche du plaisir comme idéal de vie : la course aux gadgets, les spectacles,
les voyages, la jouissance sous toutes ses formes.
Mai 1968 fut le départ d'une permissivité sans précédent dans le
droit fil des turpitudes étalées tout au long de cette chienlit. Ce fut d'abord
une permissivité d'esprit. La tolérance fit l'objet d'une véritable promotion.
Elle n'était plus ce qu'elle avait toujours été : le fait de supporter un
mal qui ne peut présentement être éradiqué. Elle était devenue la liberté
d'exercer le mal mis à égalité avec le bien. De là on est passé à une permissivité
plus concrète, par exemple celle de tant de magistrats, ajoutant au refus de la
condamnation morale la réduction maximale de la sanction pénale. Et l'on sait
la flambée de la violence, de la délinquance et du crime dont ce laxisme est
responsable.
La société vivante avec ses devoirs sacrés, avec ses solidarités
fraternelles, avec son encadrement salutaire, avec sa communion des esprits et
des âmes, tout cela a vécu. Les entités sociales les plus sacrées telles que la
famille ou la patrie ont été machiavéliquement mises à mal, ont perdu leur
sens, leur valeur, voire même leur validité. Notre société, désacralisée, est
déréglée. Elle est décomposée, au sens de la décomposition qui affecte un
cadavre. Il ne reste que des individus, pleins d'eux-mêmes et vides du reste,
boursouflés dans leur orgueil, démesurés dans leur égoïsme, obsédés de même de
leurs droits et d'une libido hégémonique. C'est un troupeau d'individus sans
âme, sans foi, sans ardeur, sans défenses immunitaires. Il est mûr pour le
servage.
Observons encore que dans ce nihilisme intégral, c'est la jeunesse
qui est la principale victime. Elle souffre tragiquement de la perte de tout
idéal, de toute transcendance. Elle souffre de cet immoralisme totalement
démoralisant. Elle souffre de l'affaiblissement, de la débâcle des familles,
dont le rôle affectif et éducatif était irremplaçable pour conduire un
nouveau-né à la dignité d'une personne humaine.
Nous connaissons la révolution ultime. Car il est impossible de
diviser la société au-delà de l'individu qui en est, comme son nom l'indique,
l'unité indivisible. Ces sociétés libérales en décomposition avancée que sont
les social-démocraties modernes présentent le masque quasiment mortuaire de la
plus totale désagrégation sociale.
G.D.
(1) Parmi les naissances encore enregistrées, 40 % à l'heure
actuelle se produisent déjà en dehors du mariage. N'est-il pas évident que les
enfants issus de ces rencontres – librement consenties mais aussi librement
défaites – ont les chances les plus faibles de profiter longuement de
l'indispensable stabilité du couple qui les a engendrés ? La considération
du destin de ces êtres de chair et de sang, fruits du plaisir, ne saurait
suffire à contrecarrer la sacro-sainte liberté individuelle.