EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE
ECCLESIA IN EUROPA DE SA SAINTETÉ
LE PAPE JEAN-PAUL II AUX ÉVÊQUES
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES
AUX PERSONNES CONSACRÉES
ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS
SUR JÉSUS CHRIST,
VIVANT DANS L'ÉGLISE,
SOURCE D'ESPÉRANCE
POUR L'EUROPE
INTRODUCTION
Annonce
joyeuse pour l'Europe
1.
L'Église en Europe a accompagné en esprit de participation ses évêques réunis
en Synode pour la deuxième fois, tandis qu'ils se livraient à une méditation
sur Jésus Christ, vivant dans l'Église, source d'espérance pour l'Europe.
C'est
un thème que je veux moi aussi, reprenant avec mes frères évêques les paroles
de la Première Lettre de saint Pierre, proclamer à tous les chrétiens d'Europe
au début du troisième millénaire. « N'ayez aucune crainte [...], ne vous
laissez pas troubler. C'est le Seigneur, le Christ, que vous devez reconnaître
dans vos cœurs comme le seul Saint. Vous devez toujours être prêts à vous
expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l'espérance qui
est en vous » (3, 14-15).1
Cette
annonce a retenti continuellement tout au long du grand Jubilé de l'An 2000,
auquel le Synode, qui s'est tenu juste avant, a été étroitement lié, étant en
quelque sorte une porte qui s'ouvrait sur lui.2 Le Jubilé a été « un chant
unique, ininterrompu, de louange à la Trinité », un vrai « chemin de
réconciliation » et un « signe d'espérance authentique pour ceux qui regardent
le Christ et son Église ».3 Nous laissant en héritage la joie de la rencontre
vivifiante avec le Christ, qui est « le même, hier, aujourd'hui et pour
l'éternité » (He 13, 8), il nous a proposé de nouveau le Seigneur Jésus comme
fondement unique et indéfectible de la véritable espérance.
Un
deuxième Synode pour l'Europe
2.
L'approfondissement du thème de l'espérance constituait dès le début le but
principal de la Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des
Évêques. Dernier des séries de Synodes de caractère continental tenus en
préparation du grand Jubilé de l'An 2000,4 il avait pour buts d'analyser la
situation de l'Église en Europe et de donner des orientations pour promouvoir
une nouvelle annonce de l'Évangile, comme je l'ai souligné dans la convocation
que j'ai rendue publique le 23 juin 1996, au terme de l'Eucharistie célébrée au
stade olympique de Berlin.5
L'Assemblée
synodale ne pouvait omettre de reprendre, de vérifier et de développer ce qui
était ressorti lors du précédent Synode consacré à l'Europe, qui s'était réuni
en 1991, au lendemain de la chute des murs, sur le thème « Pour que nous soyons
témoins du Christ qui nous a libérés ». Dans cette première Assemblée spéciale
étaient apparues l'urgence et la nécessité de la « nouvelle évangélisation »,
dans la certitude que « l'Europe ne doit pas purement et simplement en appeler
aujourd'hui à son héritage chrétien antérieur: il lui faut trouver la capacité
de décider à nouveau de son avenir dans la rencontre avec la personne et le
message de Jésus Christ ».6
Neuf
ans après, la conviction que « l'Église a le devoir pressant d'apporter à
nouveau aux Européens l'annonce libératrice de l'Évangile » 7 s'est présentée
encore une fois avec sa force stimulante. Le thème choisi pour la nouvelle
Assemblée synodale proposait encore, sous l'angle de l'espérance, le même défi.
Il s'agissait donc de proclamer cette annonce d'espérance à une Europe qui
semblait l'avoir perdue.8
L'expérience
du Synode
3.
L'Assemblée synodale, qui a eu lieu du 1er au 23 octobre 1999, s'est avérée une
précieuse occasion de rencontre, d'écoute et de confrontation: on y a
approfondi la connaissance réciproque entre évêques des diverses parties de
l'Europe et avec le Successeur de Pierre, et tous ensemble nous avons pu nous
édifier mutuellement, grâce surtout au témoignage de ceux qui, sous les anciens
régimes totalitaires, ont supporté pour la foi de dures et longues
persécutions.9 Une fois encore, nous avons vécu des moments de communion dans
la foi et dans la charité, animés par le désir de réaliser un fraternel «
échange de dons », enrichis réciproquement par la diversité des expériences de
chacun.10
Il
en est ressorti la volonté d'accueillir l'appel que l'Esprit adresse aux
Églises en Europe pour les mobiliser face aux nouveaux défis.11 Le regard
rempli d'amour, les participants de la rencontre synodale n'ont pas craint
d'observer la réalité actuelle du continent, notant ses lumières et ses ombres.
Il en ressort une claire conscience que la situation est marquée par de graves
incertitudes dans les domaines culturel, anthropologique, éthique et spirituel.
Une volonté croissante s'est affirmée tout aussi clairement, celle de pénétrer
dans cette situation et de l'interpréter pour voir les tâches qui attendent
l'Église; il en est résulté « des orientations utiles afin de rendre toujours
plus visible le visage du Christ par une annonce plus incisive, corroborée par
un témoignage cohérent ».12
4.
Le fait de vivre l'expérience synodale avec un discernement évangélique a fait
mûrir progressivement la conscience de l'unité qui, sans nier les différences
provenant des vicissitudes historiques, lie les diverses parties de l'Europe.
C'est une unité qui, s'enracinant dans une commune inspiration chrétienne, sait
harmoniser les traditions culturelles et qui requiert, sur le plan social comme
sur le plan ecclésial, une progression constante dans la connaissance
réciproque ouverte à un plus grand partage des valeurs de chacun.
Peu
à peu, au cours du Synode, est devenue évidente une forte propension à
l'espérance. Tout en faisant leurs les analyses de la complexité caractéristique
du continent, les Pères synodaux ont compris que la plus grande urgence
peut-être qui l'envahit, à l'Est comme à l'Ouest, est un besoin accru
d'espérance, capable de donner un sens à la vie et à l'histoire, et d'aider à
marcher ensemble. Toutes les réflexions du Synode ont cherché à répondre à ce
besoin à partir du mystère du Christ et du mystère trinitaire. Le Synode a
voulu proposer à nouveau la figure de Jésus vivant dans son Église, révélateur
du Dieu Amour qui est communion des trois Personnes divines.
L'icône
de l'Apocalypse
5.
Par la présente Exhortation post-synodale, je suis heureux de pouvoir partager
avec l'Église qui est en Europe les fruits de cette Deuxième Assemblée spéciale
pour l'Europe du Synode des Évêques. Je désire ainsi répondre au souhait
exprimé au terme des assises synodales, quand les Pasteurs m'ont transmis les
textes de leurs réflexions, et m'ont prié de donner à l'Église en marche en
Europe un document sur le thème même du Synode.13
«
Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises! » (Ap
2, 7). En annonçant à l'Europe l'Évangile de l'espérance, je prendrai pour
guide le Livre de l'Apocalypse, « révélation prophétique » qui révèle à la
communauté des croyants le sens caché et profond de ce qui arrivera (cf. Ap 1,
1). L'Apocalypse nous place devant une parole adressée aux communautés
chrétiennes, afin qu'elles sachent interpréter et vivre leur insertion dans
l'histoire, avec ses interrogations et ses tribulations, à la lumière de la
victoire définitive de l'Agneau immolé et ressuscité. En même temps, nous nous
trouvons face à une parole qui engage à vivre en abandonnant la tentation
permanente de bâtir la cité des hommes sans tenir compte de Dieu ou même contre
lui. En effet, si cela se vérifiait, ce serait la convivialité humaine
elle-même qui essuierait, à plus ou moins brève échéance, une défaite
irrémédiable.
L'Apocalypse
contient un encouragement adressé aux croyants: au-delà de toute apparence, et
même si l'on n'en voit pas encore les effets, la victoire du Christ est déjà
advenue et elle est définitive. Il s'ensuit une tendance à se placer face aux
vicissitudes humaines dans une attitude de confiance fondamentale, qui découle
de la foi dans le Ressuscité, présent et agissant dans l'histoire.
CHAPITRE
I
JÉSUS
CHRIST EST NOTRE ESPÉRANCE
«
Sois sans crainte. Je suis le Premier et le Dernier,
je suis le Vivant » (Ap 1, 17-18)
Le
Ressuscité est toujours avec nous
6.
En un temps de persécutions, de tribulations et d'égarement pour l'Église à
l'époque de l'auteur de l'Apocalypse (cf. Ap 1, 9), la parole qui retentit dans
la vision est une parole d'espérance : « Sois sans crainte. Je suis le Premier
et le Dernier, je suis le Vivant: j'étais mort, mais me voici vivant pour les
siècles des siècles, et je détiens les clés de la mort et du séjour des morts »
(Ap 1, 17- 18). Nous sommes ainsi placés face à l'Évangile, à la « bonne
nouvelle », qui est Jésus Christ lui- même. Il est le Premier et le Dernier: en
Lui, toute l'histoire trouve son commencement, sa signification, sa direction,
son accomplissement; en Lui et avec Lui, dans sa mort et sa résurrection, tout
a déjà été dit. Il est le Vivant: il était mort, mais maintenant il vit pour
toujours. Il est l'Agneau qui se tient debout face au trône de Dieu (cf. Ap 5,
6): il est immolé, car il a versé son sang pour nous sur le bois de la Croix;
il est debout, car il est revenu à la vie pour toujours et il nous a montré la
toute-puissance infinie de l'amour du Père. Il tient fermement dans ses mains
les sept étoiles (cf. Ap 1, 16), c'est-à-dire l'Église de Dieu persécutée, en
lutte contre le mal et contre le péché, mais qui a également le droit d'être
joyeuse et victorieuse parce qu'elle est entre les mains de Celui qui a déjà
vaincu le mal. Il marche au milieu des sept chandeliers d'or (cf. Ap 2, 1): il
est présent et agissant dans son Église en prière. Il est aussi « celui qui
vient » (Ap 1, 4) à travers la mission et l'action de l'Église tout au long de
l'histoire humaine; il vient comme le moissonneur eschatologique, à la fin des
temps, pour porter toute chose à son accomplissement (cf. Ap 14, 15-16; 22,
20).
I.
Défis et signes d'espérance
pour l'Église en Europe
L'obscurcissement
de l'espérance
7.
Cette parole est aussi adressée aujourd'hui aux Églises en Europe, souvent
tentées par l'obscurcissement de l'espérance. En effet, le temps que nous
vivons, avec les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque
d'égarement. Beaucoup d'hommes et de femmes semblent désorientés, incertains,
sans espérance, et de nombreux chrétiens partagent ces états d'âme. Nombreux
sont les signes préoccupants qui, au début du troisième millénaire, troublent
l'horizon du continent européen, lequel, « tout en étant riche d'immenses
signes de foi et de témoignage, et dans le cadre d'une vie commune certainement
plus libre et plus unie, ressent toute l'usure que l'histoire ancienne et
récente a provoquée dans les fibres les plus profondes de ses populations,
entraînant souvent la déception ».14
Parmi
les nombreux aspects, amplement rappelés aussi à l'occasion du Synode,15 je
voudrais mentionner la perte de la mémoire et de l'héritage chrétiens,
accompagnée d'une sorte d'agnosticisme pratique et d'indifférentisme religieux,
qui fait que beaucoup d'Européens donnent l'impression de vivre sans terreau
spirituel et comme des héritiers qui ont dilapidé le patrimoine qui leur a été
légué par l'histoire. On n'est donc plus tellement étonné par les tentatives de
donner à l'Europe un visage qui exclut son héritage religieux, en particulier
son âme profondément chrétienne, fondant les droits des peuples qui la
composent sans les greffer sur le tronc irrigué par la sève vitale du
christianisme.
Certes,
les prestigieux symboles de la présence chrétienne ne manquent pas dans le
continent européen, mais avec l'expansion lente et progressive de la
sécularisation, ils risquent de devenir un pur vestige du passé. Beaucoup n'arrivent
plus à intégrer le message évangélique dans l'expérience quotidienne; il est de
plus en plus difficile de vivre la foi en Jésus dans un contexte social et
culturel où le projet chrétien de vie est continuellement mis au défi et
menacé; dans de nombreux milieux de vie, il est plus facile de se dire athée
que croyant; on a l'impression que la non-croyance va de soi tandis que la
croyance a besoin d'une légitimation sociale qui n'est ni évidente ni
escomptée.
8.
Cette perte de la mémoire chrétienne s'accompagne d'une sorte de peur
d'affronter l'avenir. L'image du lendemain qui est cultivée s'avère souvent
pâle et incertaine. Face à l'avenir, on ressent plus de peur que de désir. On
en trouve des signes préoccupants, entre autres, dans le vide intérieur qui
tenaille de nombreuses personnes et dans la perte du sens de la vie. Parmi les
expressions et les conséquences de cette angoisse existentielle, il faut
compter en particulier la dramatique diminution de la natalité, la baisse des
vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, la difficulté, sinon le refus, de
faire des choix définitifs de vie, même dans le mariage.
On
assiste à une fragmentation diffuse de l'existence; ce qui prévaut, c'est une
sensation de solitude; les divisions et les oppositions se multiplient. Parmi
les autres symptômes de cet état de fait, la situation actuelle de l'Europe
connaît le grave phénomène des crises de la famille et de la disparition du
concept même de famille, la persistance ou la réactivation de conflits
ethniques, la résurgence de certaines attitudes racistes, les tensions
interreligieuses elles-mêmes, l'attitude égocentrique qui enferme les personnes
et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d'une indifférence éthique générale
et de la crispation excessive sur ses propres intérêts et privilèges. Pour
beaucoup de personnes, au lieu d'orienter vers une plus grande unité du genre
humain, la mondialisation en cours risque de suivre une logique qui marginalise
les plus faibles et qui accroît le nombre des pauvres sur la terre.
Parallèlement
à l'expansion de l'individualisme, on note un affaiblissement croissant de la
solidarité entre les personnes: alors que les institutions d'assistance
accomplissent un travail louable, on observe une disparition du sens de la
solidarité, de sorte que, même si elles ne manquent pas du nécessaire matériel,
beaucoup de personnes se sentent plus seules, livrées à elles-mêmes, sans
réseau de soutien affectif.
9.
À la racine de la perte de l'espérance se trouve la tentative de faire prévaloir
une anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de penser a
conduit à considérer l'homme comme « le centre absolu de la réalité, lui
faisant occuper faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n'est pas
l'homme qui fait Dieu, mais Dieu qui fait l'homme. L'oubli de Dieu a conduit à
l'abandon de l'homme », et c'est pourquoi, « dans ce contexte, il n'est pas
surprenant que se soient largement développés le nihilisme en philosophie, le
relativisme en gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme
cynique, dans la manière d'aborder la vie quotidienne ».16 La culture
européenne donne l'impression d'une « apostasie silencieuse » de la part de
l'homme comblé qui vit comme si Dieu n'existait pas.
Dans
une telle perspective prennent corps les tentatives, renouvelées tout récemment
encore, de présenter la culture européenne en faisant abstraction de l'apport
du christianisme qui a marqué son développement historique et sa diffusion
universelle. Nous sommes là devant l'apparition d'une nouvelle culture, pour
une large part influencée par les médias, dont les caractéristiques et le
contenu sont souvent contraires à l'Évangile et à la dignité de la personne
humaine. De cette culture fait partie aussi un agnosticisme religieux toujours
plus répandu, lié à un relativisme moral et juridique plus profond, qui prend
racine dans la perte de la vérité de l'homme comme fondement des droits
inaliénables de chacun. Les signes de la disparition de l'espérance se
manifestent parfois à travers des formes préoccupantes de ce que l'on peut
appeler une « culture de mort ».17
L'inéluctable
nostalgie de l'espérance
10.
Mais, comme l'ont souligné les Pères synodaux, « l'homme ne peut pas vivre sans
espérance: sa vie serait vouée à l'insignifiance et deviendrait insupportable
».18 Bien souvent, celui qui a besoin d'espérance croit pouvoir trouver un
apaisement dans des réalités éphémères et fragiles. Et ainsi, l'espérance,
emprisonnée dans un milieu purement humain fermé à la transcendance, est
identifiée, par exemple, au paradis promis par la science et par la technique,
ou à des formes diverses de messianisme, au bonheur de nature hédoniste procuré
par le consumérisme ou au bonheur imaginaire et artificiel produit par des
stupéfiants, à certaines formes de millénarisme, à l'attrait des philosophies
orientales, à la recherche de formes de spiritualité ésotériques, aux divers
courants du New Age.19
Mais
tout cela se révèle profondément illusoire et incapable de satisfaire la soif
de bonheur que le cœur de l'homme continue à ressentir en lui-même. Ainsi
subsistent et s'intensifient les signes préoccupants de la disparition de
l'espérance, qui parfois se manifestent même à travers des formes d'agressivité
et de violence.20
Signes
d'espérance
11.
Aucun être humain ne peut vivre sans perspectives d'avenir, et moins encore
l'Église, qui vit dans l'attente du Royaume qui vient et qui est déjà présent
dans ce monde. Il serait injuste de ne pas voir les signes de l'influence de
l'Évangile du Christ dans la vie des sociétés. Les Pères synodaux les ont
recherchés et soulignés.
Il
faut inscrire parmi ces signes la retour à la liberté pour l'Église dans l'Est
européen, avec les nouvelles possibilités ainsi ouvertes pour l'action
pastorale; le fait pour l'Église de se concentrer sur sa mission spirituelle et
sur son engagement à vivre le primat de l'évangélisation, même dans ses
rapports avec la réalité sociale et politique; la prise de conscience accrue de
la mission propre de tous les baptisés, dans la diversité et la complémentarité
des dons et des tâches; la présence plus marquée de la femme dans les
structures et dans les milieux de la communauté chrétienne.
Une
communauté de peuples
12.
En considérant l'Europe en tant que communauté de citoyens, on ne manque pas de
signes qui ouvrent à l'espérance; malgré les contradictions de l'histoire, nous
pouvons, avec un regard de foi, voir en eux la présence de l'Esprit de Dieu qui
renouvelle la face de la terre. Les Pères synodaux les ont décrits ainsi à la
fin de leurs travaux: « Nous constatons avec joie l'ouverture croissante des
peuples les uns aux autres, la réconciliation entre nations longtemps hostiles
et ennemies, l'élargissement progressif du processus d'unification aux pays de
l'Est européen. Reconnaissances, collaborations et échanges de tous ordres sont
en développement, de sorte que se crée peu à peu une culture européenne, on
peut même dire une conscience européenne, dont nous espérons qu'elle pourra
faire croître, spécialement auprès des jeunes, le sentiment de la fraternité et
la volonté du partage. Nous enregistrons comme positif le fait que tout ce
processus se développe selon des méthodes démocratiques, sur un mode pacifique
et dans un esprit de liberté qui respecte et valorise les légitimes diversités,
suscitant et soutenant le processus d'unification de l'Europe. Nous saluons
avec satisfaction ce qui a été fait pour préciser les conditions et les
modalités du respect des droits humains. Dans le contexte, enfin, de la
légitime et nécessaire unité économique et politique en Europe, tandis que nous
enregistrons les signes de l'espérance qu'offre la considération accordée au
droit et à la qualité de la vie, nous souhaitons vivement que, dans une
fidélité créatrice à la tradition humaniste et chrétienne de notre continent,
soit garanti le primat des valeurs éthiques et spirituelles ».21
Les
martyrs et les témoins de la foi
13.
Mais je voudrais attirer l'attention en particulier sur certains signes qui se sont
manifestés dans la vie proprement ecclésiale. Tout d'abord, avec les Pères
synodaux, je veux proposer de nouveau à tous, afin qu'il ne soit jamais oublié,
le grand signe d'espérance constitué par les nombreux témoins de la foi
chrétienne qui ont vécu au siècle dernier, à l'Est comme à l'Ouest. Ils ont su
faire leur l'Évangile dans des situations d'hostilité et de persécution,
souvent jusqu'à l'épreuve finale de l'effusion du sang.
Ces
témoins, en particulier ceux qui ont affronté l'épreuve du martyre, sont un
signe éloquent et grandiose, qu'il nous est demandé de contempler et d'imiter.
Ils attestent à nos yeux la vitalité de l'Église; ils nous apparaissent comme
une lumière pour l'Église et pour l'humanité, car ils ont fait resplendir dans
les ténèbres la lumière du Christ; appartenant à diverses confessions
chrétiennes, ils resplendissent de ce fait comme un signe d'espérance pour le
cheminement œcuménique, dans la certitude que leur sang « est aussi une sève
d'unité pour l'Église ».22
Plus
radicalement encore, ils nous disent que le martyre est l'incarnation suprême
de l'Évangile de l'espérance: « En effet, les martyrs annoncent cet Évangile et
en témoignent par leur vie jusqu'à l'effusion du sang, car ils sont certains de
ne pas pouvoir vivre sans le Christ et ils sont prêts à mourir pour lui, dans
la conviction que Jésus est le Seigneur et le Sauveur des hommes et qu'en lui
seulement l'homme peut donc trouver la véritable plénitude de la vie. De cette
façon, selon l'avertissement de l'Apôtre Pierre, ils se montrent prêts à rendre
compte de l'espérance qui est en eux (cf. 1 P 3, 15). En outre, les martyrs
célèbrent l' "Évangile de l'espérance", car l'offrande de leur vie
est la manifestation la plus grande et la plus radicale de ce sacrifice vivant,
saint et accepté par Dieu, qui constitue le véritable culte spirituel (cf. Rm 12,
1), origine, âme et sommet de toute célébration chrétienne. Enfin, ils servent
l' "Évangile de l'espérance" parce que, par leur martyre, ils
expriment au plus haut degré l'amour et le service de l'homme, en ce qu'ils
démontrent que l'obéissance à la loi évangélique engendre une vie morale et une
convivialité qui honorent et promeuvent la dignité et la liberté de chaque
personne ».23
La
sainteté de beaucoup
14.
La conversion opérée par l'Évangile a donné comme fruit la sainteté de beaucoup
d'hommes et de femmes de notre temps. Non seulement de ceux qui ont été
proclamés officiellement comme tels par l'Église, mais aussi de ceux qui, avec
simplicité et dans la vie quotidienne, ont donné le témoignage de leur fidélité
au Christ. Comment ne pas penser aux innombrables fils et filles de l'Église
qui, tout au long de l'histoire du continent européen, ont vécu une généreuse
et authentique sainteté dans le secret de la vie familiale, professionnelle et
sociale? « Tous ensemble, tels des "pierres vivantes" adhérant au
Christ, la "pierre angulaire", ils ont construit l'Europe comme
édifice spirituel et moral, en laissant à la postérité l'héritage le plus
précieux. Le Seigneur Jésus l'avait promis: "Celui qui croit en moi
accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes,
puisque je pars vers le Père" (Jn 14, 12). Les saints sont la preuve
vivante de l'accomplissement de cette promesse et ils encouragent à croire que
cela est possible, même dans les heures les plus difficiles de l'histoire ».24
La
paroisse et les mouvements ecclésiaux
15.
L'Évangile continue à porter ses fruits dans les communautés paroissiales,
parmi les personnes consacrées, dans les associations de laïcs, dans les
groupes de prière et d'apostolat, dans diverses communautés de jeunes, comme
aussi à travers la présence et la diffusion de réalités et de mouvements
ecclésiaux nouveaux. En chacun d'eux, en effet, le même Esprit sait susciter un
don de soi renouvelé à l'Évangile, une généreuse disponibilité pour le service,
une vie chrétienne marquée par la radicalité évangélique et par l'élan
missionnaire.
Aujourd'hui
encore en Europe, dans les pays anciennement communistes comme en Occident, la
paroisse, tout en ayant besoin d'un renouvellement constant,25 garde encore et
continue d'exercer une mission indispensable et de grande actualité dans le
domaine pastoral et ecclésial. Elle reste en mesure d'offrir aux fidèles le
milieu
adapté
pour un exercice réel de la vie chrétienne et d'être le lieu d'une authentique
humanisation et socialisation, que ce soit dans un contexte de dispersion et
d'anonymat propre aux grandes villes modernes, ou dans les zones rurales peu
peuplées.26
16.
En même temps, tandis que j'exprime ma grande estime pour la présence et
l'action des diverses associations et organisations d'apostolat, en particulier
de l'Action catholique, avec les Pères synodaux je voudrais souligner la
contribution propre que peuvent offrir, en communion avec les autres réalités
ecclésiales et jamais de manière isolée, les nouveaux mouvements ecclésiaux et
les nouvelles communautés ecclésiales. En effet, « ils aident les chrétiens à vivre
plus radicalement selon l'Évangile; ils sont le berceau de diverses vocations
et ils engendrent de nouvelles formes de consécration; ils promeuvent surtout
la vocation des laïcs et l'amènent à s'exprimer dans les divers milieux de vie;
ils favorisent la sainteté du peuple; ils peuvent être une annonce et une
exhortation pour ceux qui n'ont pas d'autre occasion de rencontrer l'Église;
bien souvent, ils soutiennent le cheminement œcuménique et ouvrent les voies au
dialogue interreligieux; ils sont un antidote contre la diffusion des sectes;
ils apportent une aide importante à la diffusion de la vivacité et de la joie
dans l'Église ».27
Le
cheminement œcuménique
17.
Nous remercions le Seigneur pour le grand et stimulant signe d'espérance
constitué par les progrès qu'a su réaliser le cheminement œcuménique à
l'enseigne de la vérité, de la charité et de la réconciliation. Il s'agit là de
l'un des grands dons de l'Esprit Saint pour un continent comme l'Europe, qui a
donné naissance aux graves divisions entre les chrétiens du deuxième millénaire
et qui souffre encore beaucoup de leurs conséquences.
Je
me souviens avec émotion de certains moments de grande intensité vécus durant
les travaux synodaux et de la conviction unanime, exprimée également par les Délégués
fraternels, que ce cheminement – malgré les problèmes qui subsistent encore et
ceux, nouveaux, qui naissent peu à peu – ne peut être interrompu, mais qu'il
doit se poursuivre avec une ardeur renouvelée, avec une détermination plus
profonde et avec l'humble disposition de tous au pardon réciproque. Je fais
volontiers miennes certaines expressions des Pères synodaux, car « le progrès
dans le dialogue œcuménique, qui a son fondement le plus profond dans le Verbe
même de Dieu, représente un signe de grande espérance pour l'Église
d'aujourd'hui: la croissance de l'unité entre les chrétiens est en effet un
enrichissement mutuel pour tous ».28 Il faut « considérer avec joie les progrès
obtenus jusqu'à maintenant dans le dialogue, tant avec les frères des Églises
orthodoxes qu'avec ceux des Communautés ecclésiales provenant de la Réforme,
reconnaissant en eux un signe de l'action de l'Esprit, pour laquelle nous
devons louer et remercier le Seigneur ».29
II.
Revenir au Christ,
source de toute espérance
Confesser
notre foi
18.
De l'Assemblée synodale a jailli, lumineuse et puissante, la certitude que
l'Église doit offrir à l'Europe le bien le plus précieux, que personne d'autre
ne peut lui donner: la foi en Jésus Christ, source de l'espérance qui ne déçoit
pas.30 Ce don est à l'origine de l'unité spirituelle et culturelle des peuples
européens et, aujourd'hui encore comme à l'avenir, il peut constituer une
contribution essentielle à leur développement et à leur intégration. Oui, en ce
début du troisième millénaire, après vingt siècles, l'Église se présente
toujours avec la même annonce, qui constitue son unique trésor: Jésus Christ
est le Seigneur; en Lui et en nul autre est le salut (cf. Ac 4, 12). La source
de l'espérance, pour l'Europe et pour le monde entier, c'est le Christ, et
l'Église est « le chemin par lequel passe et se répand la vague de grâce surgie
du Cœur transpercé du Rédempteur ».31
À
partir de cette confession de foi jaillit de nos cœurs et de nos lèvres « une
joyeuse [...] confession d'espérance: Toi, Seigneur ressuscité et vivant, [...]
tu es l'unique et vraie espérance de l'homme et de l'histoire; tu es
"parmi nous l'espérance de la gloire" (Col 1, 27), déjà en cette vie
et aussi par-delà la mort. En toi et avec toi, nous pouvons accéder à la
vérité, notre existence a un sens, la communion est possible, la diversité peut
devenir richesse, la puissance du Règne est à l'œuvre dans l'histoire et aide à
l'édification de la cité des hommes, la charité donne une valeur durable aux
efforts de l'humanité, la souffrance peut devenir salvifique, la vie vaincra la
mort, la création participera à la gloire des fils de Dieu ».32
Jésus
Christ, notre espérance
19.
Jésus Christ est notre espérance parce que Lui, le Verbe éternel qui est éternellement
dans le sein du Père (cf. Jn 1, 18), nous a aimés au point d'assumer notre
nature humaine, excepté le péché, partageant notre vie pour nous sauver. La
confession de cette vérité est au cœur même de notre foi. La perte de la vérité
sur Jésus Christ ou son incompréhension empêchent de pénétrer dans le mystère
même de l'amour de Dieu et de la communion trinitaire.33
Jésus
Christ est notre espérance parce qu'Il révèle le mystère de la Trinité. Tel est
le centre de la foi chrétienne qui peut encore offrir, comme elle l'a fait
jusqu'à présent, une importante contribution à la mise en place de structures
qui, en s'inspirant des grandes valeurs évangéliques ou en se mesurant à leur
aune, promeuvent la vie, l'histoire et la culture des différents peuples du
continent.
Nombreuses
sont les racines qui, par leur sève, ont conduit à reconnaître la valeur de la
personne et de sa dignité inaliénable, le caractère sacré de la vie humaine et
le rôle central de la famille, l'importance de l'enseignement et de la liberté
de pensée, d'expression et de religion, tout comme elles ont conduit à la
protection juridique des individus et des groupes, à la promotion de la
solidarité et du bien commun, à la reconnaissance de la dignité du travail. Ces
racines ont favorisé la sujétion du pouvoir politique à la loi et au respect du
droit des personnes et des peuples. Il convient de rappeler ici l'esprit de la
Grèce antique et de Rome, l'apport des peuples celtes, germaniques, slaves,
finno-ougriens, ainsi que de la culture juive et du monde de l'islam. Mais il
faut reconnaître que, historiquement parlant, ces inspirations ont trouvé dans
la tradition judéo-chrétienne une force capable de les harmoniser, de les
consolider et de les promouvoir. C'est un fait que l'on ne peut ignorer; au
contraire, dans le processus de construction de la « maison commune européenne
», il faut reconnaître que cet édifice doit s'appuyer aussi sur les valeurs qui
ont trouvé dans la tradition chrétienne leur pleine manifestation. En prendre
acte tourne à l'avantage de tous.
L'Église
« n'a pas qualité pour exprimer une préférence en faveur de l'une ou l'autre
solution institutionnelle ou constitutionnelle » de l'Europe, et elle veut donc
respecter de manière cohérente la légitime autonomie de l'ordre civil.34 Mais
elle a le devoir de raviver dans le cœur des chrétiens d'Europe la foi en la
Trinité, en sachant bien qu'une telle foi est un signe avant-coureur d'une
authentique espérance pour le continent. Bien des grands paradigmes de
référence mentionnés ci-dessus, qui sont à la base de la civilisation
européenne, ont leurs racines les plus profondes dans la foi trinitaire. Cette
dernière porte en elle une extraordinaire puissance spirituelle, culturelle et
éthique, capable, entre autres, d'éclairer aussi certaines grandes questions
qui se posent aujourd'hui en Europe, telles que la désagrégation sociale et la
perte d'une référence qui donne un sens à la vie et à l'histoire. Il apparaît
donc nécessaire de renouveler la réflexion théologique, spirituelle et
pastorale du mystère trinitaire.35
20.
Les Églises particulières en Europe ne sont pas de simples entités ou
organisations privées. En réalité, elles déploient leur action dans une
dimension institutionnelle spécifique qui mérite d'être mise en valeur sur le
plan juridique, dans le plein respect du bon ordonnancement civil.
Réfléchissant sur elles-mêmes, les communautés chrétiennes doivent se découvrir
à nouveau comme un don par lequel Dieu enrichit les peuples qui vivent sur le
continent. Telle est l'annonce joyeuse qu'elles sont appelées à transmettre à
toute personne. En approfondissant la dimension missionnaire qui leur est
propre, elles doivent attester constamment que Jésus Christ « est l'unique
médiateur, porteur de salut pour l'humanité tout entière: en lui seulement
l'humanité, l'histoire et le cosmos trouvent leur signification définitivement
positive et se réalisent en totalité; il recèle en lui-même, dans son événement
et dans sa personne, les raisons ultimes du salut; il n'est pas seulement un
médiateur de salut, il est aussi la source même de ce salut ».36
Dans
le contexte actuel du pluralisme éthique et religieux qui caractérise de plus
en plus l'Europe, il est donc nécessaire de confesser et de proposer à nouveau
la vérité sur le Christ, unique Médiateur entre Dieu et les hommes, et unique
Rédempteur du monde. C'est pourquoi – comme je l'ai fait à la fin de
l'Assemblée synodale – avec toute l'Église j'invite mes frères et sœurs dans la
foi à savoir constamment s'ouvrir en toute confiance au Christ et à se laisser
renouveler par lui, annonçant à toute personne de bonne volonté, avec la force
de la paix et de l'amour, que celui qui rencontre le Seigneur connaît la
Vérité, découvre la Vie, trouve la Voie qui y conduit (cf. Jn 14, 6; Ps 16
[15], 11). Par le style de vie des chrétiens et par leur témoignage en parole,
les habitants de l'Europe pourront découvrir que le Christ est l'avenir de
l'homme. Dans la foi de l'Église, « il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné
aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12).37
21.
Pour les croyants, Jésus Christ est l'espérance de toute personne parce qu'il donne
la vie éternelle. Il est « le Verbe de vie » (1 Jn 1, 1), venu dans le monde
pour que les hommes « aient la vie et l'aient en surabondance » (Jn 10, 10). Il
nous montre ainsi que le sens véritable de l'existence de l'homme ne reste pas
enfermé sur l'horizon humain, mais qu'il s'ouvre sur l'éternité. Chaque Église
particulière en Europe a la mission de prendre en compte la soif de vérité de
toute personne et le besoin de valeurs authentiques susceptibles d'animer les
peuples du continent. Avec une énergie renouvelée, il lui revient de présenter
la nouveauté qui la fait vivre. Il s'agit de mettre en œuvre une action
culturelle et missionnaire organique qui, par des activités et des
argumentations convaincantes, montre que la nouvelle Europe a besoin de
retrouver ses racines profondes. Dans ce contexte, ceux qui s'inspirent des
valeurs évangéliques ont une fonction essentielle à exercer, qui fait partie du
fondement solide sur lequel doit être édifiée une convivialité plus humaine et
plus pacifique, parce qu'elle respecte tous et chacun.
Il
est nécessaire que les Églises particulières en Europe sachent redonner à
l'espérance sa dimension eschatologique originale.38 La véritable espérance
chrétienne est en effet théologale et eschatologique, fondée sur le Ressuscité
qui viendra de nouveau comme Rédempteur et Juge, et qui nous appelle à la
résurrection et au bonheur éternel.
Jésus
Christ vivant dans l'Église
22.
En retournant au Christ, les peuples européens pourront retrouver l'espérance
qui seule offre une plénitude de sens à la vie. Aujourd'hui encore, ils peuvent
le rencontrer car Jésus est présent, il vit et il agit au cœur de son Église:
il est dans l'Église et l'Église est en lui (cf. Jn 15, 1ss; Ga 3, 28; Ep 4,
15-16; Ac 9, 5). En elle, par le don de l'Esprit Saint, il poursuit constamment
son œuvre de salut.39
Avec
les yeux de la foi, nous devenons capables de voir la présence mystérieuse de
Jésus dans les divers signes qu'il nous a laissés. Avant tout, il est présent
dans la sainte Écriture, qui, en toutes ses parties, parle de Lui (cf. Lc 24,
27. 44- 47). Cependant, de manière vraiment unique, il est présent sous les
espèces eucharistiques. Cette « présence, on la nomme "réelle", non à
titre exclusif, comme si les autres présences n'étaient pas
"réelles", mais par excellence parce qu'elle est substantielle et que
par elle le Christ, Homme-Dieu, se rend présent tout entier ».40 En effet, dans
l'Eucharistie « sont contenus vraiment, réellement et substantiellement, le
Corps et le Sang conjointement avec l'âme et la divinité de notre Seigneur
Jésus Christ, et, par conséquent, le Christ tout entier ».41 « L'Eucharistie est
vraiment "mysterium fidei", mystère qui dépasse notre intelligence et
qui ne peut être accueilli que dans la foi ».42 Réelle aussi est la présence de
Jésus dans les autres actions liturgiques que l'Église célèbre en son nom. Au
nombre de celles-ci, il faut compter les sacrements, actions du Christ qu'il
accomplit par l'intermédiaire des hommes.43
Jésus
est aussi présent dans le monde par d'autres modes tout à fait réels, et
spécialement dans ses disciples qui, fidèles au double commandement de la charité,
adorent Dieu en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 24) et témoignent par leur vie
de l'amour fraternel qui les fait reconnaître comme disciples du Seigneur (cf. Mt
25, 31-46; Jn 13, 35; 15, 1-17).44
CHAPITRE
II
L'ÉVANGILE
DE L'ESPÉRANCE
CONFIÉ À L'ÉGLISE
DU NOUVEAU MILLÉNAIRE
«
Réveille-toi, ranime ce qui te reste
de vie défaillante! » (Ap 3, 2)
I.
Le Seigneur appelle à la conversion
Jésus
s'adresse aujourd'hui à nos Églises
23.
« Ainsi parle celui qui tient les sept étoiles en sa droite et qui marche au
milieu des sept candélabres d'or [...], le Premier et le Dernier, celui qui fut
mort et qui a repris vie [...], le Fils de Dieu » (Ap 2, 1. 8. 18). C'est Jésus
lui-même qui parle à son Église. Son message s'adresse à toutes les Églises
particulières et concerne leur vie interne, parfois marquée par la présence de
conceptions et de mentalités incompatibles avec la tradition évangélique,
souvent en butte à diverses formes de persécutions et, de façon plus périlleuse
encore, menacée par des symptômes préoccupants de sécularisation, de perte de
la foi des origines, de compromis avec la logique du monde. Il est fréquent que
les communautés aient perdu l'amour d'antan (cf. Ap 2, 4).
On
constate que nos communautés ecclésiales sont affrontées à des faiblesses, à
des lassitudes et à des contradictions. Elles ont besoin, elles aussi,
d'écouter à nouveau la voix de l'Époux qui les invite à la conversion, qui les
pousse à se lancer avec audace sur des chemins nouveaux et qui les appelle à s'engager
dans la grande œuvre de la « nouvelle évangélisation ». L'Église doit
constamment se soumettre au jugement de la parole du Christ et vivre son
existence humaine dans un état de purification pour être toujours plus et
toujours mieux l'Épouse sans tache ni ride, revêtue de lin d'une blancheur
éclatante (cf. Ep 5, 27; Ap 19, 7-8).
C'est
ainsi que Jésus Christ appelle nos Églises en Europe à la conversion et elles
deviennent alors, avec leur Seigneur et par la force de sa présence, porteuses
d'espérance pour l'humanité.
L'action
de l'Évangile tout au long de l'histoire
24.
L'Europe a été largement et profondément pénétrée par le christianisme. « Il
n'y a pas de doute que, dans l'histoire complexe de l'Europe, le christianisme
représente un élément central et caractéristique, renforcé par le solide
fondement de l'héritage classique et des contributions multiples apportées par
divers mouvements ethniques et culturels qui se sont succédé au cours des
siècles. La foi chrétienne a façonné la culture du continent et a été mêlée de
façon inextricable à son histoire, au point que celle-ci serait
incompréhensible sans référence aux événements qui ont caractérisé d'abord la
grande période de l'évangélisation, puis les longs siècles au cours desquels le
christianisme, malgré la douloureuse division entre l'Orient et l'Occident,
s'est affirmé comme la religion des Européens eux-mêmes. Dans la période
moderne et contemporaine aussi, lorsque l'unité religieuse s'est
progressivement fractionnée tant à cause de nouvelles divisions intervenues
entre les chrétiens qu'en raison des processus qui ont amené la culture à se
détacher des perspectives de la foi, le rôle de cette dernière a gardé un
relief non négligeable ».45
25.
L'intérêt que l'Église porte à l'Europe provient de sa nature même et de sa
mission. Tout au long des siècles en effet, l'Église a eu des liens très
étroits avec notre continent, si bien que le visage spirituel de l'Europe s'est
trouvé modelé par les efforts de grands missionnaires, par le témoignage de
saints et de martyrs, et par l'action assidue de moines, de religieux et de
pasteurs. À partir de la conception biblique de l'homme, l'Europe a forgé sa
culture humaniste dans ce qu'elle a de meilleur; elle y a puisé son inspiration
pour ses créations intellectuelles et artistiques; elle a élaboré des normes de
droit et, par-dessus tout, elle a promu la dignité de la personne, source de
droits inaliénables.46 Ainsi l'Église, dépositaire de l'Évangile, a contribué à
répandre et à affermir les valeurs qui ont donné un caractère universel à la
culture européenne.
Se
souvenant de tout cela, l'Église d'aujourd'hui se rend compte, avec une
responsabilité renouvelée, qu'il est urgent de ne pas perdre ce précieux
patrimoine et d'aider l'Europe à se construire elle-même en redonnant vie aux
racines chrétiennes de ses origines.47
Pour
façonner un véritable visage d'Église
26.
Que l'ensemble de l'Église en Europe entende comme lui étant adressés le commandement
et l'invitation du Seigneur: reviens à moi, convertis-toi, « Réveille-toi,
ranime ce qui te reste de vie défaillante! » (Ap 3, 2). C'est une exigence qui
se fait jour aussi lorsqu'on observe notre temps: « La grave situation
d'indifférence religieuse de tant d'Européens, le grand nombre de ceux qui, sur
notre continent aussi, ne connaissent pas encore Jésus Christ et son Église, et
qui ne sont pas encore baptisés, le sécularisme qui gagne une large frange de
chrétiens qui pensent, décident et vivent de manière habituelle comme si
"le Christ n'existait pas", tout cela, loin d'éteindre notre
espérance, la rend plus humble et plus capable de se fier à Dieu seul. De sa
miséricorde, nous recevons la grâce et l'engagement de la conversion ».48
27.
Même si parfois, comme dans l'épisode évangélique de la tempête apaisée (cf. Mc
4, 35-41; Lc 8, 22-25), on a l'impression que le Christ dort et abandonne sa
barque à la fureur des vagues, il est demandé à l'Église en Europe de cultiver
la certitude que le Seigneur, par le don de son Esprit, est toujours présent et
agit toujours en elle et dans l'histoire de l'humanité. Il prolonge sa mission
dans le temps, faisant de l'Église un fleuve de vie nouvelle qui se répand dans
la vie de l'humanité comme un signe d'espérance pour tous.
Dans
un contexte où l'on est facilement tenté par l'activisme, même sur le plan
pastoral, il est demandé aux chrétiens en Europe de continuer à être un vrai
reflet du Ressuscité, en vivant dans une communion intime avec lui. On a besoin
de communautés qui, contemplant et imitant la Vierge Marie, figure et modèle de
l'Église par sa foi et sa sainteté,49 gardent le sens de la vie liturgique et
de la vie intérieure. Avant tout et surtout, elles devront louer le Seigneur,
le prier, l'adorer et écouter sa Parole. Ce n'est qu'ainsi qu'elles pourront
assimiler son mystère, vivant totalement pour Lui, comme membres de son Épouse
fidèle.
28.
Face aux influences permanentes qui poussent à la division et à l'opposition,
les diverses Églises particulières en Europe, fortes de leur lien avec le
Successeur de Pierre, doivent s'engager à être véritablement lieu et instrument
de communion pour tout le peuple de Dieu, dans la foi et dans l'amour.50 C'est
pourquoi elles cultiveront un climat de charité fraternelle, vécue avec une
radicalité évangélique, au nom de Jésus et de son amour; elles développeront
une ambiance de rapports amicaux, de communication, de corresponsabilité, de
participation, de conscience missionnaire, d'attention et de service; elles
seront animées par des attitudes d'estime, d'accueil et de correction mutuelle
(cf. Rm 12, 10; 15, 7-14), ainsi que de service et de soutien réciproque (cf.
Ga 5, 13; 6, 2), de pardon mutuel (cf. Col 3, 13) et d'édification les uns des
autres (1 Th 5, 11); elles s'emploieront à poursuivre une pastorale qui,
mettant en valeur toutes les légitimes diversités, favorise en même temps une
collaboration cordiale entre tous les fidèles et leurs différentes associations;
elles relanceront pour cela les organismes de participation, qui sont de
précieux instruments de communion en vue d'une action missionnaire concertée,
suscitant la présence d'agents pastoraux préparés de manière appropriée et
dûment qualifiés. Ainsi, ces Églises, animées par la communion qui est
manifestation de l'amour de Dieu, fondement et raison de l'espérance qui ne
déçoit pas (cf. Rm 5, 5), seront à la fois un reflet plus resplendissant de la
Trinité et un signe qui interpelle et invite à croire (cf. Jn 17, 21).
29.
Pour que la communion dans l'Église puisse être vécue plus pleinement, il
convient de mettre en valeur la variété des charismes et des vocations, qui
convergent toujours plus vers l'unité et qui peuvent l'enrichir (cf. 1 Co 12).
Dans cette perspective, il est également nécessaire, d'une part, que les
nouveaux mouvements et les nouvelles communautés d'Église, « renonçant à toute
tentation de revendiquer des droits d'aînesse et à toute incompréhension des
uns à l'égard des autres », progressent sur le chemin d'une plus authentique
communion entre eux et avec toutes les autres réalités ecclésiales, et qu'ils «
vivent avec amour dans la pleine obéissance aux Évêques »; d'autre part, il est
nécessaire aussi que les Évêques, « en leur manifestant l'amour paternel qui
est le propre des pasteurs »,51 sachent reconnaître, mettre en valeur et
coordonner leurs charismes et leur présence, pour l'édification de l'unique
Église.
En
effet, par une collaboration croissante entre les différentes réalités
ecclésiales sous la conduite aimante des pasteurs, l'Église entière pourra
présenter à tous un visage plus beau et plus crédible, reflet plus limpide de
celui du Seigneur, et elle pourra ainsi contribuer à redonner espérance et
consolation à ceux qui la cherchent comme à ceux qui, bien qu'ils ne la
cherchent pas, en ont besoin.
Afin
de pouvoir répondre à l'appel de l'Évangile à la conversion, « il nous faut
faire tous ensemble un humble et courageux examen de conscience pour
reconnaître nos peurs et nos erreurs, pour confesser avec sincérité nos
lenteurs, nos omissions, nos infidélités et nos fautes ».52 Loin de favoriser
des attitudes défaitistes de découragement, la reconnaissance évangélique de
ses propres fautes ne pourra que susciter dans la communauté l'expérience que
vit le baptisé: la joie d'une profonde libération et la grâce d'un nouveau
départ, ce qui permet de poursuivre avec une vigueur renouvelée le chemin de
l'évangélisation.
Pour
progresser vers l'unité des chrétiens
30.
Enfin, c'est aussi dans le domaine œcuménique que l'Évangile de l'espérance est
une force et un appel à la conversion. Dans la certitude que l'unité des
chrétiens répond à la volonté du Seigneur « pour qu'ils soient un » (cf. Jn 17,
11) et qu'elle se présente aujourd'hui comme une nécessité pour une plus grande
crédibilité de l'évangélisation et comme une contribution à l'unité de
l'Europe, il faut que toutes les Églises et Communautés ecclésiales « soient
aidées et encouragées à interpréter le cheminement œcuménique comme un
mouvement où l'on "va ensemble" vers le Christ » 53 et vers l'unité
visible voulue par lui, de telle sorte que l'unité dans la diversité
resplendisse dans l'Église comme don de l'Esprit Saint, artisan de communion.
Pour
que cela se réalise, il convient que tous fournissent un effort patient et
constant, animé d'une authentique espérance et en même temps d'un sobre
réalisme, et visant à « la mise en valeur de ce qui déjà nous unit, à l'estime
sincère et réciproque, à l'élimination des préjugés, à la connaissance et à
l'amour mutuels ».54 Dans ce sens, le fait de s'engager pour l'unité, si l'on
veut que cet engagement repose sur des bases solides, ne peut pas ne pas
comporter la recherche passionnée de la vérité, par un dialogue et une confrontation
qui, tout en reconnaissant les résultats déjà obtenus, sachent les utiliser
comme une incitation à aller de l'avant pour surmonter les divergences qui
divisent encore les chrétiens.
31.
Il est indispensable de poursuivre le dialogue avec détermination, sans
capituler devant les difficultés et les épreuves. Ce dialogue doit être mené «
sous divers aspects (doctrinal, spirituel et pratique), en suivant la logique
de l'échange des dons, que l'Esprit suscite dans chaque Église, et en éduquant
les communautés et les fidèles, surtout les jeunes, à vivre des moments de
rencontres et à faire de l'œcuménisme bien compris une dimension ordinaire de
la vie et de l'action ecclésiales ».55
Ce
dialogue est une des préoccupations majeures de l'Église, surtout en Europe,
elle qui, au cours du précédent millénaire, a vu naître trop de divisions entre
les chrétiens et qui progresse aujourd'hui vers une plus grande unité. Nous ne
pouvons pas nous arrêter en chemin ni retourner en arrière! Nous devons
poursuivre notre marche et vivre dans la confiance, car, avec la grâce de Dieu,
l'estime réciproque, la recherche de la vérité, la collaboration dans la
charité et surtout l'œcuménisme de la sainteté ne pourront pas ne pas porter
leurs fruits.
32.
Malgré les inévitables difficultés, j'invite tout le monde à reconnaître et à
apprécier, avec amour et dans un esprit fraternel, la contribution que les Églises
catholiques orientales, par leur présence même, par la richesse de leur
tradition, par le témoignage de leur « unité dans la diversité », par
l'inculturation qu'elles ont réalisée dans l'annonce de l'Évangile et par la
diversité de leurs rites, peuvent apporter à une édification plus réelle de
l'unité.56 En même temps, je veux une fois encore assurer les pasteurs, ainsi
que nos frères et sœurs des Églises orthodoxes, que la nouvelle évangélisation
ne peut en aucune manière être confondue avec le prosélytisme, restant sauf le
devoir de respecter la vérité, la liberté et la dignité de toute personne.
II.
L'Église entière envoyée en mission
33.
Servir l'Évangile de l'espérance par une charité qui évangélise est un devoir
et une responsabilité pour tous. Quel que soit en effet le charisme ou le
ministère de chacun, la charité est la voie royale indiquée à tous et que tous
peuvent parcourir: c'est la voie que la communauté ecclésiale tout entière est
appelée à suivre sur les pas de son Maître.
L'engagement
des ministres ordonnés
34.
Les prêtres, en vertu de leur ministère, sont appelés de manière spéciale à
célébrer, à enseigner et à servir l'Évangile de l'espérance. En raison du
sacrement de l'Ordre qui les configure au Christ, Chef et Pasteur, les évêques
et les prêtres doivent conformer toute leur vie et toute leur action à Jésus;
par la prédication de la Parole, par la célébration des sacrements et en
guidant la marche de la communauté chrétienne, ils rendent présent le mystère
du Christ et, à travers l'exercice même de leur ministère, ils « sont appelés à
prolonger la présence du Christ, unique et souverain Pasteur, en retrouvant son
style de vie et en se rendant en quelque sorte transparents à lui au milieu du
troupeau qui leur est confié ».57
Insérés
dans le monde sans être du monde (cf. Jn 17, 15-16), ils sont appelés, dans la
situa- tion culturelle et spirituelle présente du continent européen, à être
signes de contradiction et d'espérance pour une société qui est malade de vivre
à un niveau horizontal et qui a besoin de s'ouvrir au Transcendant.
35.
De ce point de vue, le célibat sacerdotal prend un relief particulier comme
signe d'une espérance fondée totalement sur le Seigneur. Le célibat n'est pas
une simple discipline ecclésiastique imposée par l'autorité; au contraire, il
est avant tout une grâce, un don inestimable de Dieu pour l'Église, valeur prophétique
pour le monde actuel, don de soi dans le Christ pour son Église, source de vie
spirituelle intense et de fécondité pastorale, témoignage du Royaume
eschatologique, signe de l'amour de Dieu envers ce monde en même temps que
signe de l'amour sans partage du prêtre envers Dieu et envers son peuple.58
Vécu comme réponse au don de Dieu et dépassement des tentations d'une société
hédoniste, non seulement le célibat favorise l'épanouissement humain de celui
qui y est appelé, mais il se révèle un facteur de croissance pour les autres
aussi.
Estimé
dans toute l'Église comme un bien pour le sacerdoce,59 exigé comme une
obligation par l'Église latine,60 tenu en grand respect par les Églises
orientales,61 le célibat, dans le contexte de la culture actuelle, apparaît
comme un signe éloquent qui doit être conservé comme un bien précieux pour
l'Église. Une révision de la discipline actuelle en ce domaine ne permettrait
pas de résoudre la crise des vocations au presbytérat à laquelle on assiste en
de nombreuses régions d'Europe.62 Le service de l'Évangile de l'espérance
requiert aussi que, dans l'Église, on s'efforce de présenter le célibat dans
toute sa richesse biblique, théologique et spirituelle.
36.
Nous ne pouvons ignorer que l'exercice du ministère sacré est confronté de nos
jours à bien des difficultés liées tant à l'ambiance culturelle qu'à la
diminution du nombre de prêtres, avec l'accroissement des charges pastorales et
la fatigue qui en découlent. En conséquence, les prêtres qui se consacrent avec
un dévouement et une fidélité admirables au ministère qui leur est confié sont
encore plus dignes d'estime, de gratitude et d'affection.63
Avec
confiance et gratitude, je veux moi aussi leur exprimer mes encouragements, en
reprenant les propos des Pères du Synode: « Ne perdez pas cœur et ne vous
laissez pas accabler par la fatigue; en pleine communion avec nous, évêques, en
fraternité joyeuse avec les autres prêtres, en cordiale responsabilité avec les
consacrés et tous les fidèles laïcs, continuez votre œuvre précieuse et
irremplaçable »64!
Outre
les prêtres, je désire évoquer aussi les diacres, qui participent au sacrement
de l'Ordre, bien qu'à un degré différent. Envoyés pour servir la communion
ecclésiale, ils exercent, sous la direction de l'Évêque et avec son
presbyterium, la « diaconie » de la liturgie, de la parole et de la charité.65
De cette manière qui leur est propre, ils sont au service de l'Évangile de
l'espérance.
Le
témoignage des personnes consacrées
37.
Le témoignage des personnes consacrées est particulièrement éloquent. À ce
propos, il faut avant tout reconnaître le rôle fondamental qu'ont eu le
monachisme et la vie consacrée dans l'évangélisation de l'Europe et dans
l'édification de son identité chrétienne.66 Un tel rôle ne doit pas disparaître
de nos jours, au moment où une « nouvelle évangélisation » du continent se fait
urgente et où l'établissement de structures et de liens plus complexes le met
en face d'un tournant délicat. L'Europe a toujours besoin de la sainteté, de
l'esprit prophétique, de l'activité d'évangélisation et de service des
personnes consacrées. Il convient aussi de souligner la contribution spécifique
que les Instituts séculiers et les Sociétés de Vie apostolique peuvent apporter
grâce à leur aspiration à transformer le monde, de l'intérieur, par la
puissance des béatitudes.
38.
L'apport spécifique que les personnes con- sacrées peuvent fournir à l'Évangile
de l'espérance trouve son point de départ dans quelques aspects qui
caractérisent de nos jours le visage culturel et social de l'Europe.67 Ainsi,
la demande de nouvelles formes de spiritualité, qui se fait sentir aujourd'hui
dans la société, doit trouver une réponse dans la reconnaissance du primat
absolu de Dieu, vécu par les personnes consacrées dans le don total d'elles-
mêmes, dans la conversion permanente d'une existence offerte comme un vrai
culte spirituel. Dans un monde marqué par le laïcisme et soumis au vertige de
la consommation, la vie consacrée, don de l'Esprit à l'Église et pour l'Église,
devient toujours plus signe d'espérance dans la mesure où elle témoigne de la
dimension transcendante de l'existence. D'autre part, dans la situation
pluriculturelle et multireligieuse actuelle, le témoignage de fraternité
évangélique qui caractérise la vie consacrée est exigé, faisant de cette
dernière une incitation à la purification et à l'intégration de valeurs
différentes grâce au dépassement des antagonismes. La présence de nouvelles
formes de pauvreté et de marginalisation doit susciter la créativité qui fut
celle de tant de fondateurs d'Instituts religieux pour venir en aide à ceux qui
sont dans le besoin. Enfin, la tendance à un certain repliement sur soi demande
que l'on trouve un antidote dans la disponibilité des personnes consacrées,
afin que soit poursuivie l'œuvre de l'évangélisation sur d'autres continents,
malgré la diminution du nombre de membres que l'on constate dans certains
Instituts.
Le
souci des vocations
39.
L'engagement des ministres ordonnés et des personnes consacrées étant
déterminant, on ne peut passer sous silence le manque inquiétant de
séminaristes et de candidats à la vie religieuse, surtout en Europe
occidentale. Une telle situation exige l'engagement de tous en faveur d'une
pastorale appropriée des vocations. C'est seulement « quand on présente aux
jeunes la personne du Christ dans toute sa plénitude que naît en eux une
espérance qui les pousse à tout laisser pour le suivre, en réponse à son appel,
et pour être ses témoins auprès de leurs contemporains ».68 Le souci des
vocations est donc une question vitale pour l'avenir de la foi chrétienne en
Europe et, par suite, pour le progrès spirituel des peuples qui y vivent; c'est
un passage obligé pour l'Église, si elle veut annoncer, célébrer et servir
l'Évangile de l'espérance.69
40.
Pour mettre en œuvre l'indispensable pastorale des vocations, il convient de
présenter aux fidèles la foi de l'Église concernant la nature et la dignité du
sacerdoce ministériel; d'encourager les familles à vivre comme de véritables «
Églises domestiques », afin que les diverses vocations puissent y être
discernées, accueillies et accompagnées; de réaliser une action pastorale qui
aide les fidèles, surtout les jeunes, à faire le choix d'une vie fondée sur le
Christ et totalement consacrée à l'Église.70
Sachant
que l'Esprit Saint est à l'œuvre aujourd'hui encore et que les signes de sa
présence ne manquent pas, il s'agit avant tout d'insérer la pastorale des
vocations dans tous les secteurs de la pastorale ordinaire. Pour ce faire, il
est nécessaire de « raviver, surtout chez les jeunes, une profonde nostalgie de
Dieu, créant ainsi le contexte capable de faire surgir de généreuses réponses
de vocations »; « il est urgent qu'un grand mouvement de prière traverse les
communautés ecclésiales du continent européen », car « le changement des
conditions historiques et culturelles exige que la pastorale des vocations soit
perçue comme un des objectifs premiers de toute la communauté chrétienne ».71
Il est indispensable aussi que les prêtres eux-mêmes vivent et agissent en
parfaite harmonie avec leur identité sacramentelle véritable. En effet, si
l'image qu'ils donnent d'eux- mêmes est opaque ou terne, comment pourraient-ils
pousser les jeunes à les imiter?
La
mission des laïcs
41.
La participation des fidèles laïcs à la vie de l'Église est unique: le rôle qui
leur revient dans l'annonce et le service de l'Évangile de l'espérance est en
effet irremplaçable, car, « par eux, l'Église du Christ est présente dans les
secteurs les plus variés du monde, comme signe et source d'espérance et d'amour
».72 Participant pleinement à la mission de l'Église dans le monde, ils sont
appelés à montrer que la foi chrétienne est la seule réponse exhaustive aux
interrogations que la vie pose à tout homme et à toute société, et ils peuvent
implanter dans le monde les valeurs du Royaume de Dieu, promesse et gage d'une
espérance qui ne déçoit pas.
L'Europe
d'hier et d'aujourd'hui connaît une présence significative et l'exemple
lumineux de telles figures de laïcs. Comme l'ont souligné les Pères du Synode,
il faut évoquer entre autres, avec gratitude, le souvenir d'hommes et de femmes
qui ont témoigné et qui témoignent du Christ et de son Évangile, par leur
service de la vie publique et les responsabilités que celle-ci comporte. Il est
d'une importance capitale « de susciter et de soutenir des vocations
spécifiques au service du bien commun: des personnes qui, à l'exemple et avec
le style de ceux qui ont été appelés "les pères de l'Europe", sachent
être les artisans de la société européenne de l'avenir, en l'asseyant sur les
bases solides de l'esprit ».73
Il
faut apprécier tout autant l'œuvre accomplie par des laïcs chrétiens, hommes et
femmes, souvent dans une vie ordinaire et cachée, à travers d'humbles services
qui leur permettent d'annoncer la miséricorde de Dieu à ceux qui sont plongés
dans la pauvreté; nous devons leur être reconnaissants pour l'audacieux
témoignage de charité et de pardon qu'ils donnent, évangélisant par ces valeurs
les vastes horizons de la politique, de la vie sociale, de l'économie, de la
culture, de l'écologie, de la vie internationale, de la famille, de
l'éducation, de la vie professionnelle, du travail et de la souffrance.74 À
cette fin, il est utile d'avoir des itinéraires pédagogiques qui rendent les
fidèles laïcs capables d'un engagement de foi au sein des réalités temporelles.
De tels parcours, fondés sur un sérieux apprentissage de la vie ecclésiale, en
particulier sur l'étude de la doctrine sociale, doivent être en mesure de leur
apporter non seulement la doctrine et le dynamisme, mais aussi les éléments
spirituels adaptés qui soutiennent leur engagement vécu comme un authentique
chemin de sainteté.
Le
rôle de la femme
42.
L'Église est bien consciente de l'apport spécifique de la femme dans le service
de l'Évangile de l'espérance. L'histoire de la communauté chrétienne montre que
les femmes ont toujours eu une place importante dans le témoignage évangélique.
Il faut se souvenir de tout ce qu'elles ont fait, souvent dans le silence et de
manière cachée, dans l'accueil et la transmission du don de Dieu, aussi bien
par la maternité physique ou spirituelle, les activités éducatives, la
catéchèse, l'accomplissement de grandes œuvres de charité, que par la vie de
prière et de contemplation, les expériences mystiques et la rédaction d'écrits
remplis de sagesse évangélique.75
À
la lumière des très riches témoignages du passé, l'Église manifeste sa
confiance dans ce que les femmes peuvent faire aujourd'hui pour la croissance
de l'espérance à tous les niveaux. Il y a des aspects de la société européenne
contemporaine qui constituent un défi pour la capacité qu'ont les femmes
d'accueillir, de partager et d'engendrer dans l'amour, avec ténacité et
générosité. Que l'on pense, par exemple, à la mentalité scientifique et
technique largement répandue, qui relègue dans l'ombre la dimension affective
et le rôle des sentiments, à l'absence du sens de la gratuité, à la crainte
diffuse de donner la vie à des être nouveaux, à la difficulté de se placer dans
une relation de réciprocité avec l'autre et d'accueillir celui qui est
différent de soi. C'est dans ce contexte que l'Église attend des femmes
l'apport vivifiant d'une nouvelle vague d'espérance.
43.
Mais pour que cela puisse se vérifier, il est nécessaire que, avant tout dans
l'Église, soit promue la dignité de la femme, car l'homme et la femme ont la
même dignité, ayant été créés tous deux à l'image et à la ressemblance de Dieu
(cf. Gn 1, 27), et comblés chacun de dons propres et particuliers.
Comme
cela a été souligné durant le Synode, il est souhaitable que, pour favoriser la
pleine participation des femmes à la vie et à la mission de l'Église, leurs
talents soient davantage mis en valeur, y compris par l'attribution de
fonctions ecclésiales qui reviennent de droit aux laïcs. Il faut aussi mettre
convenablement en valeur la mission de la femme comme épouse et mère, et son
dévouement dans la vie familiale.76
L'Église
ne manque pas d'élever la voix pour dénoncer les injustices et les violences
perpétrées contre les femmes, en quelque lieu ou circonstance qu'elles se
produisent. Elle demande que soient véritablement appliquées les lois qui
protègent les femmes et que soient prises des mesures efficaces contre l'usage
humiliant d'images féminines dans la publicité commerciale et contre le fléau
de la prostitution; elle souhaite que le service rendu par les mères dans le
cadre de la vie familiale, au même titre que le service rendu par les pères,
soit considéré comme une contribution au bien commun, y compris à travers des
formes de reconnaissance économique.
CHAPITRE
III
ANNONCER
L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE
«
Va prendre le petit livre ouvert [...] et mange-le »
(Ap 10, 8. 9)
I.
Proclamer le mystère du Christ
La
révélation donne un sens à l'histoire
44.
La vision de l'Apocalypse nous parle d'« un Livre en forme de rouleau, écrit à
l'intérieur et à l'extérieur, scellé de sept sceaux », tenu « dans la main
droite de Celui qui siège sur le Trône céleste » (Ap 5, 1). Ce texte contient
le plan créateur et sauveur de Dieu, son projet détaillé sur toute la réalité,
sur les personnes, sur les choses, sur les événements. Aucun être créé,
terrestre ou céleste, n'est en mesure d'« ouvrir le livre et d'en regarder le
texte » (Ap 5, 3), ni d'en comprendre le contenu. Dans la confusion de
l'histoire humaine, nul ne sait indiquer la direction et le sens ultime des
choses.
Seul
Jésus Christ entre en possession du Livre scellé (cf. Ap 5, 6-7); Lui seul est
« digne de recevoir le Livre scellé et de l'ouvrir » (Ap 5, 9). En effet, seul
Jésus est en mesure de révéler et de réaliser le projet de Dieu qu'il contient.
Laissé à lui-même, l'homme n'est pas en mesure de donner, par ses propres
efforts, un sens à l'histoire et aux événements: la vie demeure sans espérance.
Seul le Fils de Dieu est en mesure de dissiper les ténèbres et de montrer la
route.
Le
Livre ouvert est remis à Jean et, à travers lui, à l'Église entière. Jean est
invité à prendre le livre et à le manger: « Va prendre le petit livre ouvert
dans la main de l'ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre [...].
Prends et mange-le » (Ap 10, 8-9). Ce n'est qu'après l'avoir assimilé en
profondeur, qu'il pourra le communiquer comme il convient aux autres, à qui il
est envoyé avec l'ordre de « parler sur un grand nombre de peuples, de nations,
de langues et de rois » (Ap 10, 11).
Nécessité
et urgence de l'annonce
45.
L'Évangile de l'espérance, remis à l'Église et assimilé par elle, demande que,
chaque jour, on l'annonce et on en témoigne. Telle est la vocation propre de
l'Église en tout temps et en tout lieu. Telle est aussi la mission de l'Église
aujourd'hui en Europe. « Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre
de l'Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser,
c'est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce,
réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la
sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse ».77
Église
en Europe, la « nouvelle évangélisation » est le devoir qui t'attend! Sache
retrouver l'enthousiasme de l'annonce. Entends la prière qui t'est adressée
aujourd'hui, en ce début du troisième millénaire, et qui avait déjà résonné à
l'aube du premier millénaire, alors qu'apparaissait à Paul la vision d'un
Macédonien qui le suppliait: « Traverse la mer pour venir en Macédoine à notre
secours! » (Ac 16, 9). Que la prière soit inexprimée ou même refoulée, c'est
l'appel le plus profond et le plus vrai qui jaillit du cœur des Européens
d'aujourd'hui, assoiffés d'une espérance qui ne déçoit pas. Cette espérance t'a
été donnée en partage pour que tu la redonnes toi-même avec joie à toute époque
et sous toutes les latitudes. Que l'annonce de Jésus, qui est l'Évangile de
l'espérance, soit donc ta fierté et ta raison d'être! Avance avec une ardeur
renouvelée, gardant le même esprit missionnaire qui, tout au long de ces vingt
siècles, en commençant par la prédication des Apôtres Pierre et Paul, a animé
tant de saints et de saintes, authentiques évangélisateurs du continent
européen.
Première
annonce et annonce renouvelée
46.
Dans différentes parties de l'Europe, une première annonce de l'Évangile est
nécessaire: le nombre des personnes non baptisées grandit, soit en raison de la
présence notable de personnes immigrées appartenant à d'autres religions, soit
encore parce que les enfants de familles de tradition chrétienne n'ont pas reçu
le Baptême ou à cause de la domination communiste ou d'une indifférence
religieuse diffuse.78 En réalité, l'Europe se situe désormais parmi les lieux
traditionnellement chrétiens dans lesquels, hormis une nouvelle évangélisation,
s'impose dans certains cas une première évangélisation.
L'Église
ne peut se soustraire au devoir d'un diagnostic courageux qui ouvre la voie à
des thérapies appropriées. Même dans le « vieux » continent, il y a des aires
sociales et culturelles étendues où est rendue nécessaire une véritable mission
ad gentes.79
47.
Partout se fait sentir le besoin d'une annonce renouvelée, même pour ceux qui
sont déjà baptisés. Beaucoup d'européens d'aujourd'hui pensent savoir ce qu'est
le christianisme mais ils ne le connaissent pas réellement. Souvent même, les
notions et les éléments les plus fondamentaux de la foi ne sont plus connus. De
nombreux baptisés vivent comme si le Christ n'existait pas: on répète les
gestes et les signes de la foi, spécialement à travers les pratiques du culte,
mais, à ces signes, ne correspondent ni un véritable accueil du contenu de la
foi, ni une adhésion à la personne de Jésus. Aux grandes certitudes de la foi
s'est substitué chez beaucoup un sentiment religieux vague et qui n'engage
guère; des formes variées d'agnosticisme et d'athéisme pratique se diffusent,
contribuant à aggraver l'écart entre la foi et la vie; certains se sont laissés
influencer par un esprit d'humanisme immanentiste qui a affaibli leur foi, les
poussant souvent, malheureusement, jusqu'à l'abandonner complètement; on
assiste à une sorte d'interprétation sécularisante de la foi chrétienne qui la
ronge et à laquelle s'ajoute une profonde crise de la conscience et de la
pratique morale chrétienne.80 Les grandes valeurs qui ont amplement inspiré la
culture européenne ont été séparées de l'Évangile, perdant ainsi leur âme la
plus profonde et laissant le champ libre à de nombreuses déviations.
«
Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre? » (Lc 18,
8). La trouvera- t-il sur cette terre de notre Europe de vieille tradition
chrétienne? C'est une question ouverte qui indique avec lucidité la profondeur
et le caractère dramatique de l'un des défis les plus graves que nos Églises
sont appelées à affronter. On peut dire – comme le Synode l'a souligné – qu'un
tel défi consiste souvent non pas tant à baptiser les nouveaux convertis qu'à
conduire les baptisés à se convertir au Christ et à son Évangile: 81 dans nos
communautés, il faut se préoccuper sérieusement d'apporter l'Évangile de
l'espérance à ceux qui sont loin de la foi ou qui se sont éloignés de la
pratique chrétienne.
Fidélité
à l'unique message
48.
Pour pouvoir annoncer l'Évangile de l'espérance, une solide fidélité à
l'Évangile lui-même est nécessaire. La prédication de l'Église doit donc, sous
toutes ses formes, être toujours plus centrée sur la personne de Jésus et elle
doit toujours plus orienter vers lui. Il faut veiller à ce qu'Il soit présenté
dans son intégralité: non seulement comme modèle éthique, mais avant tout comme
le Fils de Dieu, l'unique et nécessaire Sauveur de tous, qui vit et qui agit
dans son Église. Pour que l'espérance soit vraie et indestructible, « la
prédication intègre, claire et renouvelée de Jésus Christ ressuscité, de la
Résurrection et de la Vie éternelle » 82 devra constituer une priorité dans
l'action pastorale des prochaines années.
Si
l'Évangile à annoncer est le même en tout temps, les manières de réaliser cette
annonce sont diverses. Chacun est donc invité à « proclamer » Jésus et la foi
en lui en toute circonstance; à « attirer » les autres à la foi, en adoptant
des modes de vie personnelle, familiale, professionnelle et communautaire qui
reflètent l'Évangile; à « rayonner » autour de soi la joie, l'amour et
l'espérance, en sorte que beaucoup voient nos bonnes œuvres et en glorifient le
Père qui est aux cieux (cf. Mt 5, 16), jusqu'à en être « imprégnés » et
conquis; à devenir le « levain » qui transforme et qui anime de l'intérieur
toute expression culturelle.83
Par
le témoignage de la vie
49.
L'Europe réclame des évangélisateurs crédibles, dans la vie desquels
resplendisse la beauté de l'Évangile,84 en communion avec la croix et la
résurrection du Christ. Ces évangélisateurs seront formés comme il convient.85
Aujourd'hui, il est plus que jamais nécessaire que tout chrétien ait une
conscience missionnaire, à commencer par les évêques, les prêtres, les diacres,
les consacrés, les catéchistes et les professeurs de religion: « Tout baptisé,
en tant que témoin du Christ, doit acquérir une formation appropriée à sa
situation, non seulement pour éviter que sa foi ne s'épuise par manque de
vigilance dans un milieu hostile comme l'est le milieu sécularisé, mais aussi
pour soutenir son témoignage évangélisateur et lui donner un nouvel élan ».86
«
L'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou,
s'il écoute les maîtres, c'est parce qu'ils sont des témoins ».87 La présence
et les signes de la sainteté sont donc décisifs: la sainteté est un présupposé
essentiel à une authentique évangélisation, capable de redonner l'espérance. Il
faut des témoignages forts de vie nouvelle dans le Christ, sur le plan
personnel et communautaire. Il ne suffit pas en effet que la vérité et la grâce
soient offertes à travers la proclamation de la Parole et la célébration des
Sacrements; il faut qu'elles soient accueillies et vécues en toute circonstance
concrète, dans la façon d'être des chrétiens et des communautés ecclésiales.
C'est là un des défis les plus importants qui attendent l'Église en Europe au
début du nouveau millénaire.
Former
à une foi adulte
50.
« L'actuelle situation culturelle et religieuse de l'Europe exige la présence
de catholiques adultes dans la foi et de communautés chrétiennes missionnaires
qui témoignent de la charité de Dieu devant tous les hommes ».88 L'annonce de
l'Évangile de l'espérance implique donc d'avoir à promouvoir le passage d'une
foi qui s'appuie sur des habitudes sociales, pourtant appréciables, à une foi
plus personnelle et adulte, éclairée et convaincue.
Les
chrétiens sont donc appelés à avoir une foi qui leur permette de se confronter
de manière critique à la culture actuelle, résistant à ses séductions;
d'influer avec efficacité sur les milieux culturels, économiques, sociaux et
politiques; de manifester que la communion entre les membres de l'Église
catholique et avec les autres chrétiens est plus forte que tout lien ethnique;
de transmettre avec joie la foi aux nouvelles générations; d'édifier une
culture chrétienne capable d'évangéliser la culture toujours plus vaste dans
laquelle nous vivons.89
51.
En plus de veiller à ce que le ministère de la Parole, la célébration de la
liturgie et l'exercice de la charité soient orientés vers l'édification et le
soutien d'une foi mûre et personnelle, il faut que les communautés chrétiennes
s'activent pour proposer une catéchèse adaptée aux différents itinéraires
spirituels des fidèles, selon la diversité de leur âge et de leurs conditions de
vie, prévoyant également des formes appropriées d'accompagnement spirituel et
de redécouverte de leur Baptême.90 Dans ce programme, la référence fondamentale
sera évidemment le Catéchisme de l'Église catholique.
En
particulier, reconnaissant qu'il s'agit là d'une indiscutable priorité dans
l'action pastorale, il faut cultiver et, si nécessaire, relancer le ministère
de la catéchèse en tant qu'éducation et croissance de la foi chez toute
personne, de sorte que la semence, déposée par l'Esprit Saint et transmise par
le Baptême, pousse et parvienne à maturité. En référence constante à la Parole
de Dieu, conservée dans la Sainte Écriture, proclamée dans la liturgie et
interprétée par la Tradition de l'Église, une catéchèse organique et
systématique constitue, sans nul doute, un instrument essentiel et primordial
pour former une foi adulte chez les chrétiens.91
52.
Dans la même ligne, il faut également souligner le rôle important de la
théologie. Il existe en effet un lien intrinsèque et inséparable entre
l'évangélisation et la réflexion théologique, car cette dernière, en tant que
science ayant un statut et une méthodologie propres, vit de la foi de l'Église
et est au service de sa mission.92 Elle naît de la foi et elle est appelée à
l'interpréter, en gardant son lien imprescriptible avec la communauté
chrétienne dans toutes ses composantes; au service de la croissance spirituelle
de tous les fidèles,93 elle introduit ces derniers à la compréhension
approfondie du message du Christ.
En
exerçant sa mission d'annoncer l'Évangile de l'espérance, l'Église qui est en
Europe apprécie avec gratitude la vocation des théologiens, elle reconnaît la
valeur de leur travail et elle en assure la promotion.94 Avec estime et affection,
je les invite à persévérer dans le service qu'ils accomplissent, en unissant
toujours recherche scientifique et prière, en entretenant un dialogue attentif
avec la culture contemporaine, en adhérant fidèlement au Magistère et en
collaborant avec lui en esprit de communion, dans la vérité et dans la charité,
en s'imprégnant du sensus fidei du peuple de Dieu et en contribuant à le
nourrir.
II.
Témoigner dans l'unité
et dans le dialogue
La
communion entre les Églises particulières
53.
L'annonce de l'Évangile de l'espérance aura une force d'autant plus efficace
qu'elle sera liée au témoignage d'une unité et d'une communion profondes au
sein de l'Église. Les Églises particulières ne peuvent pas affronter seules le
défi qui les attend. Il faut une authentique collaboration entre toutes les
Églises particulières du continent, qui soit l'expression de leur communion
profonde ; collaboration d'ailleurs requise par la nouvelle réalité européenne.95
Dans ce cadre prend place l'apport des organismes ecclésiaux européens, à
commencer par le Conseil des Conférences épiscopales européennes. C'est un
instrument efficace pour rechercher ensemble des voies appropriées pour
évangéliser l'Europe.96 Par l'« échange des dons » entre les différentes
Églises particulières, sont mises en commun les expériences et les réflexions
de l'Europe de l'Ouest et de l'Est, du Nord et du Sud, et sont partagées des
orientations pastorales communes; ainsi se manifeste de manière toujours plus
significative le sentiment collégial qui unit les évêques du continent, pour
annoncer ensemble, avec audace et fidélité, le nom de Jésus Christ, seule
source d'espérance pour tous en Europe.
Avec
tous les chrétiens
54.
Dans le même temps, apparaît comme un impératif imprescriptible le devoir d'une
collaboration œcuménique fraternelle et convaincue.
Le
sort de l'évangélisation est étroitement lié au témoignage d'unité que sauront
donner tous les disciples du Christ: « Tous les chrétiens sont appelés à
accomplir cette mission selon leur vocation. La tâche de l'évangélisation
implique d'avancer l'un vers l'autre et d'avancer ensemble, en partant de
l'intérieur; évangélisation et unité, évangélisation et œcuménisme sont
étroitement liés entre eux ».97 C'est pourquoi je fais miennes de nouveau les
paroles écrites par Paul VI au Patriarche œcuménique Athenagoras Ier: « Puisse
l'Esprit Saint nous guider dans la voie de la réconciliation, afin que l'union
de nos Églises devienne un signe toujours plus lumineux d'espérance et de
réconfort au sein de l'humanité entière ».98
En
dialogue avec les autres religions
55.
Comme pour tout l'engagement de la « nouvelle évangélisation », il faut
également, en ce qui concerne l'annonce de l'Évangile de l'espérance, que soit
instauré un dialogue interreligieux profond et intelligent, en particulier avec
le judaïsme et avec l'islam. « Entendu comme méthode et comme moyen en vue
d'une connaissance et d'un enrichissement réciproques, il ne s'oppose pas à la
mission ad gentes, au contraire il lui est spécialement lié et il en est une
expression ».99 Dans ce dialogue, il n'est pas question de se laisser prendre
par une « mentalité marquée par l'indifférentisme, malheureusement très
répandue parmi les chrétiens, souvent fondée sur des conceptions théologiques
inexactes et imprégnées d'un relativisme religieux qui porte à considérer que
"toutes les religions se valent" ».100
56.
Il s'agit plutôt de prendre une plus vive conscience du rapport qui lie
l'Église au peuple juif et du rôle singulier d'Israël dans l'histoire du salut.
Comme il était déjà apparu lors de la première Assemblée spéciale pour l'Europe
du Synode des Évêques et comme l'a rappelé également le dernier Synode, il faut
reconnaître les racines communes qui existent entre le christianisme et le
peuple juif, appelé par Dieu à une alliance qui reste irrévocable (cf. Rm 11,
29),101 puisqu'elle est parvenue à sa plénitude définitive dans le Christ.
Il
est donc nécessaire de favoriser le dialogue avec le judaïsme, sachant qu'il
est d'une importance fondamentale pour la conscience chrétienne de soi et pour
le dépassement des divisions entre les Églises, et aussi d'œuvrer pour que
fleurisse un nouveau printemps dans les relations mutuelles. Cela implique que
chaque communauté ecclésiale ait à pratiquer, chaque fois que les circonstances
le permettront, le dialogue et la collaboration avec les croyants de la
religion juive. Un tel exercice suppose, entre autres, que « l'on se souvienne
de la part que les fils de l'Église ont pu avoir dans la naissance et dans la
diffusion d'une telle attitude antisémite au cours de l'histoire, et que l'on
en demande pardon à Dieu, favorisant de toutes les manières possibles les
rencontres de réconciliation et d'amitié avec les fils d'Israël ».102 On devra
par ailleurs, dans ce contexte, se souvenir aussi des nombreux chrétiens qui,
parfois au prix de leur vie, ont aidé et sauvé leurs « frères aînés », surtout
dans des périodes de persécution.
57.
Il s'agit également de se laisser inciter à une meilleure connaissance des
autres religions, pour pouvoir instaurer un dialogue fraternel avec les
personnes de l'Europe d'aujourd'hui qui y adhèrent. En particulier, il est
important d'avoir un juste rapport avec l'islam. Comme cela s'est révélé
plusieurs fois ces dernières années à la conscience des évêques européens, ce
rapport « doit être conduit avec prudence, il faut en connaître clairement les
possibilités et les limites, et garder confiance dans le dessein de salut de
Dieu, qui concerne tous ses fils ».103 Il faut être conscient, entre autres, de
la divergence notable entre la culture européenne, qui a de profondes racines
chrétiennes, et la pensée musulmane.104
À
cet égard, il est nécessaire de préparer convenablement les chrétiens qui
vivent au contact quotidien des musulmans à connaître l'islam de manière
objective et à savoir s'y confronter; une telle préparation doit concerner en
particulier les séminaristes, les prêtres et tous les agents pastoraux. On
comprend par ailleurs que l'Église, alors qu'elle demande aux institutions
européennes d'avoir à promouvoir la liberté religieuse en Europe, se fasse
également un devoir de rappeler que la réciprocité dans la garantie de la
liberté religieuse doit être observée aussi dans les pays de tradition religieuse
différente, où les chrétiens sont en minorité.105
Dans
ce domaine, on comprend « l'étonnement et le sentiment de frustration des
chrétiens qui accueillent, par exemple en Europe, des croyants d'autres
religions en leur donnant la possibilité d'exercer leur culte et qui se voient
interdire tout exercice du culte chrétien dans les pays où ces croyants
majoritaires » 106 ont fait de leur religion la seule qui soit autorisée et
encouragée. La personne humaine a droit à la liberté religieuse et, en tout
point du monde, tous « doivent être exempts de toute contrainte de la part soit
d'individus, soit de groupes sociaux, et de quelque pouvoir humain que ce soit
».107
III.
Évangéliser la vie sociale
Évangélisation
de la culture et inculturation de l'Évangile
58.
L'annonce de Jésus Christ doit rejoindre aussi la culture européenne
contemporaine. L'évangélisation de la culture doit montrer qu'aujourd'hui
encore, dans cette Europe, il est possible de vivre en plénitude l'Évangile
comme chemin qui donne sens à l'existence. Dans cette perspective, la pastorale
doit assumer la tâche de façonner une mentalité chrétienne dans la vie
ordinaire: en famille, à l'école, dans les communications sociales, dans le
monde de la culture, du travail et de l'économie, dans la politique, dans les
loisirs, dans le temps de la santé et celui de la maladie. Il faut se
confronter de manière critique et sereine à l'actuelle situation culturelle de
l'Europe, évaluant les tendances qui se manifestent, les faits et les situations
d'importance de notre temps à la lumière du caractère central du Christ et de
l'anthropologie chrétienne.
Aujourd'hui
encore, en se souvenant de la fécondité culturelle du christianisme tout au
long de l'histoire de l'Europe, il faut présenter l'approche évangélique,
théorique et pratique, de la réalité et de l'homme. Considérant, en outre, la
grande importance des sciences et des réalisations technologiques dans la
culture et dans la société de l'Europe, l'Église est appelée, à travers ses
moyens d'approfondissement théorique et d'initiative pratique, à offrir des
propositions en regard des connaissances scientifiques et de leurs
applications, montrant les insuffisances et le caractère inadéquat d'une
conception inspirée du scientisme qui ne reconnaît comme valeur objective que
le savoir expérimental, et indiquant les critères éthiques que l'homme possède
parce qu'ils sont inscrits dans sa nature.108
59.
Sur le chemin de l'évangélisation de la culture prend place l'important service
accompli par les écoles catholiques. Il faudra travailler à faire reconnaître
une effective liberté d'éducation et la parité juridique entre les écoles
publiques et les écoles privées. Ces dernières sont parfois l'unique moyen de
proposer la tradition chrétienne à ceux qui en sont loin. J'exhorte les fidèles
engagés dans le monde de l'éducation à persévérer dans leur mission, en portant
la lumière du Christ Sauveur dans leurs propres activités éducatives,
scientifiques et académiques.109 En particulier, il faut donner toute son
importance à la contribution des chrétiens engagés dans la recherche et dans
l'enseignement au sein des universités: par le « service de la pensée », ils
transmettent aux jeunes générations les valeurs d'un patrimoine culturel
enrichi par deux millénaires d'expérience humaniste et chrétienne. Convaincu de
l'importance des institutions académiques, je demande aussi que soit promue
dans les différentes Églises particulières une pastorale universitaire adaptée,
favorisant ainsi ce qui correspond aux nécessités culturelles actuelles.110
60.
On ne peut oublier l'apport positif de la mise en valeur des biens culturels de
l'Église. Ils peuvent en effet représenter un facteur particulier pour susciter
à nouveau un humanisme d'inspiration chrétienne. Grâce à une conservation
appropriée et à une utilisation intelligente des biens culturels, ceux-ci, en
tant que témoignage vivant de la foi professée au long des siècles, peuvent
constituer un instrument valable pour la nouvelle évangélisation et pour la
catéchèse, et inviter à redécouvrir le sens du mystère.
En
même temps, il faut promouvoir de nouvelles expressions artistiques de la foi,
au moyen d'un dialogue constant avec les spécialistes de l'art.111 L'Église a
en effet besoin de l'art, de la littérature, de la musique, de la peinture, de
la sculpture et de l'architecture, parce qu'elle doit « rendre perceptible et
même, autant que possible, fascinant le monde de l'esprit, de l'invisible, de
Dieu » 112 et que la beauté artistique, comme reflet de l'Esprit de Dieu, est
une marque du mystère, une invitation à rechercher le visage de Dieu, qui s'est
rendu visible en Jésus de Nazareth.
L'éducation
des jeunes à la foi
61.
Par ailleurs, j'encourage l'Église en Europe à porter une attention croissante
à l'éducation des jeunes à la foi. Fixant notre regard vers l'avenir, nous ne
pouvons pas ne pas tourner nos pensées vers eux: nous devons nous faire proches
de l'esprit, du cœur, du caractère des jeunes, pour leur offrir une solide
formation humaine et chrétienne.
Chaque
fois que se rassemblent de nombreux jeunes, il n'est pas difficile de
distinguer chez eux la présence d'attitudes diversifiées. On constate leur
désir de vivre ensemble pour sortir de l'isolement, leur soif plus ou moins
consciente d'absolu; on découvre chez eux une foi cachée qui demande à être
purifiée et qui veut suivre le Seigneur; on perçoit la décision de poursuivre
le chemin déjà entrepris et l'exigence de partager la foi.
62.
À cette fin, il convient de renouveler la pastorale des jeunes, organisée par
tranches d'âge et attentive aux diverses conditions des enfants, des
adolescents et des jeunes. Il sera en outre nécessaire de lui conférer une plus
grande structure organique et une plus grande cohérence, avec une écoute
patiente des demandes des jeunes, pour les rendre acteurs de l'évangélisation
et de la construction de la société.
Dans
cet esprit, il est important de promouvoir des occasions de rencontres entre
jeunes, de manière à favoriser un climat d'écoute mutuelle et de prière. Il ne
faut pas avoir peur d'être exigeant avec eux en ce qui concerne leur croissance
spirituelle. On leur montrera la route de la sainteté, les invitant à faire des
choix fermes à la suite du Christ, ce à quoi ils seront encouragés par une vie
sacramentelle intense. Ils pourront ainsi résister aux séductions d'une culture
qui souvent ne leur propose que des valeurs éphémères ou même contraires à
l'Évangile, et devenir eux-mêmes capables de faire preuve d'une mentalité
chrétienne dans tous les domaines de leur existence, y compris les
divertissements et les loisirs.113
J'ai
encore vivement présent devant les yeux les joyeux visages de tant de jeunes,
véritable espérance de l'Église et du monde, signe éloquent de l'Esprit qui ne
se lasse pas de susciter des énergies nouvelles. Je les ai rencontrés aussi
bien au cours de mes voyages dans les différents pays que lors des inoubliables
Journées mondiales de la Jeunesse.114
L'attention
aux médias
63.
Étant donné l'importance des moyens de communication sociale, l'Église en
Europe ne peut pas ne pas réserver une attention particulière au monde
multiforme des médias. Cela implique entre autres la formation appropriée des
chrétiens qui œuvrent dans les médias et des usagers des médias, en vue d'une
bonne maîtrise des nouveaux langages. Un soin spécial sera apporté au choix de
personnes préparées pour la communication du message à travers les médias. Il
sera très utile aussi de procéder à un échange d'informations et de stratégies
entre les Églises sur les divers aspects et les initiatives concernant une
telle communication. Il ne faudra pas non plus négliger la création de moyens
locaux de communication sociale, y compris au niveau paroissial.
En
même temps, il s'agit d'assurer une présence dans les processus de la
communication sociale, pour la rendre plus respectueuse de la vérité de
l'information et de la dignité de la personne humaine. À ce propos, j'invite
les catholiques à participer à l'élaboration d'un code de déontologie pour ceux
qui travaillent dans les milieux de la communication sociale, en se laissant
éclairer par les critères que les organismes compétents du Saint-Siège 115 ont
récemment indiqués et que les Évêques réunis en Synode avaient énumérés ainsi:
« Respect de la dignité de la personne humaine, de ses droits, y compris le
droit à la vie privée; service de la vérité, de la justice et des valeurs
humaines, culturelles et spirituelles; estime des différentes cultures pour
éviter qu'elles ne se fondent dans la masse; protection des minorités et des plus
faibles; recherche du bien commun, au-delà des intérêts particuliers et de la
prédominance des critères purement économiques ».116
La
mission ad gentes
64.
Une annonce de Jésus Christ et de son Évangile qui se limiterait au seul
contexte européen serait le signe d'un manque préoccupant d'espérance. L'œuvre
d'évangélisation est animée par une véritable espérance chrétienne quand elle
s'ouvre aux horizons universels, qui incitent à offrir gratuitement à tous ce
qu'on a soi-même reçu en don. La mission ad gentes devient ainsi expression
d'une Église modelée par l'Évangile de l'espérance, qui continuellement se
renouvelle et se rajeunit. Telle a été au long des siècles la conscience de
l'Église en Europe: d'innombrables générations de missionnaires, hommes et
femmes, allant à la rencontre d'autres peuples et d'autres civilisations, ont
annoncé l'Évangile de Jésus Christ aux populations du monde entier.
La
même ardeur missionnaire doit animer l'Église dans l'Europe d'aujourd'hui. La
diminution du nombre de prêtres et de personnes consacrées dans certains pays
ne doit empêcher aucune Église particulière de faire siennes les exigences de
l'Église universelle. Chacune saura favoriser la préparation à la mission ad
gentes, de manière à répondre généreusement à l'appel qui provient encore de
beaucoup de nations et de peuples désireux de connaître l'Évangile. Les Églises
d'autres continents, particulièrement de l'Asie et de l'Afrique, se tournent
encore vers les Églises d'Europe et attendent qu'elles continuent à répondre à
leur vocation missionnaire. Les chrétiens en Europe ne peuvent être infidèles à
leur histoire.117
L'Évangile:
un livre pour l'Europe
d'aujourd'hui et de toujours
65.
En franchissant la Porte sainte, au début du grand Jubilé de l'An 2000, j'ai
présenté à l'Église et au monde le livre de l'Évangile. Ce geste, accompli par
chaque évêque dans les diverses cathédrales du monde, indique l'engagement qui
attend aujourd'hui et toujours l'Église dans notre continent.
Église
en Europe, entre dans le nouveau millénaire avec le Livre de l'Évangile ! Que
soit entendue par chaque fidèle l'exhortation conciliaire « à acquérir, par une
fréquente lecture des divines Écritures, "la science éminente de Jésus
Christ" (Ph 3, 8). "L'ignorance des Écritures est, en effet,
l'ignorance du Christ" ».118 Que la sainte Bible continue d'être un trésor
pour l'Église et pour tout chrétien: nous trouverons dans l'étude attentive de
la Parole la nourriture et la force pour accomplir chaque jour notre mission.
Prenons
ce Livre dans nos mains! Recevons-le de la part du Seigneur qui nous l'offre
continuellement à travers son Église (cf. Ap 10, 8). Mangeons- le (cf. Ap 10,
9), pour qu'il devienne la vie de notre vie. Goûtons-le à fond: il nous
réservera des difficultés, mais il nous donnera aussi la joie car il est doux
comme le miel (cf. Ap 10, 9-10). Nous serons comblés d'espérance et capables de
communiquer cette espérance à tout homme et à toute femme que nous rencontrons
sur notre route.
CHAPITRE
IV
CÉLÉBRER
L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE
«
À Celui qui siège sur le trône, et à l'Agneau,
bénédiction, honneur, gloire et domination,
dans les siècles des siècles! » (Ap 5, 13)
Une
communauté priante
66.
L'Évangile de l'espérance, annonce de la vérité qui libère (cf Jn, 8, 32), doit
être célébré. Devant l'Agneau de l'Apocalypse commence une liturgie solennelle
de louange et d'adoration: « À Celui qui siège sur le trône, et à l'Agneau,
bénédiction, honneur, gloire et domination, dans les siècles des siècles! » (Ap
5, 13). La même vision, qui révèle Dieu et le sens de l'histoire, se produit «
le jour du Seigneur » (Ap 1, 10), le jour de la résurrection revécu par
l'assemblée dominicale.
L'Église
qui accueille cette révélation est une communauté qui prie. En priant, elle
écoute son Seigneur et ce que l'Esprit lui dit: elle adore, elle loue, elle
rend grâce, et enfin elle invoque la venue du Seigneur, « Viens, Seigneur
Jésus! » (cf. Ap 22, 16-20), affirmant ainsi qu'elle attend le salut de Lui
seul.
À
toi aussi, Église de Dieu qui vis en Europe, il est demandé d'être une
communauté qui prie, célébrant ton Seigneur par les Sacrements, par la liturgie
et par toute ta vie. Dans la prière, tu redécouvriras la présence vivifiante du
Seigneur. Ainsi, enracinant en lui chacune de tes actions, tu pourras proposer
de nouveau aux Européens la rencontre avec lui-même, véritable espérance qui
seule peut satisfaire pleinement le désir ardent de Dieu, lui qui est caché
sous les diverses formes de recherche religieuse qui se font jour dans l'Europe
contemporaine.
I.
Redécouvrir la liturgie
Le
sens religieux dans l'Europe d'aujourd'hui
67.
Malgré les vastes zones de déchristianisation dans le continent européen, un
certain nombre de signes permettent d'esquisser le visage d'une Église qui, en
croyant, annonce, célèbre et sert son Seigneur. En effet, il ne manque pas
d'exemples de chrétiens authentiques qui vivent des moments de silence
contemplatif, qui participent fidèlement aux propositions spirituelles qui
leurs sont faites, qui vivent l'Évangile dans leur existence quotidienne et qui
en témoignent dans les divers milieux où ils sont engagés. On peut aussi
discerner des manifestations d'une « sainteté populaire », qui attestent que
même dans l'Europe actuelle il n'est pas impossible de vivre l'Évangile, aussi
bien à un niveau personnel que dans une authentique expérience communautaire.
68.
Parallèlement à de nombreux exemples de foi authentique, il existe aussi en
Europe une religiosité vague et parfois déviante. Ses indices revêtent souvent
un caractère général et superficiel, quand ils ne sont pas carrément en
contradiction les uns avec les autres chez les personnes mêmes dont ils
proviennent. Ce sont des phénomènes manifestes de fuite dans le spiritualisme,
de syncrétisme religieux et ésotérique, de recherche à tout prix de «
l'extraordinaire », qui peuvent conduire à des choix déviants, telle la
participation à des sectes dangereuses ou à des expériences pseudo-religieuses.
Le
désir diffus d'une nourriture spirituelle doit être accueilli avec
compréhension et purifié. À l'homme qui, même confusément, prend conscience
qu'il ne peut vivre seulement de pain, il est nécessaire que l'Église puisse
témoigner de manière convaincante de la réponse que Jésus fit au tentateur: « Ce
n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre, mais de toute parole qui
sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4).
Une
Église qui célèbre
69.
Dans le contexte de la société actuelle, souvent fermée à la transcendance,
étouffée par des comportements consuméristes, propice aux formes anciennes et
nouvelles d'idolâtrie, et en même temps assoiffée de quelque chose qui aille
au-delà de l'immédiat, la mission qui attend l'Église en Europe est tout à la
fois exigeante et exaltante. Elle consiste à redécouvrir le sens du « mystère
»;
à
renouveler les célébrations liturgiques afin qu'elles soient des signes
toujours plus éloquents de la présence du Christ Seigneur; à assurer de
nouveaux espaces au silence, à la prière et à la contemplation; à revenir aux
Sacrements, surtout l'Eucharistie et la Pénitence, car ils sont source de
liberté et de nouvelle espérance.
C'est
pourquoi, à toi, Église qui vis en Europe, j'adresse un appel pressant: Sois
une Église qui prie, qui loue Dieu, qui en reconnaît la primauté absolue et qui
l'exalte avec une foi joyeuse. Redécouvre le sens du mystère: vis-le avec une
humble gratitude; témoignes-en avec une joie convaincue et contagieuse. Célèbre
le Salut du Christ: accueille- le comme un don qui fait de toi son sacrement;
fais de ta vie le vrai culte spirituel qui plaît à Dieu (cf. Rm 12, 1).
Le
sens du mystère
70.
Certains symptômes révèlent un affaiblissement du sens du mystère dans les
célébrations liturgiques elles-mêmes, qui devraient au con- traire y
introduire. Il est donc urgent que dans l'Église soit ravivé le sens
authentique de la liturgie. Celle-ci, comme l'ont rappelé les Pères synodaux,119
est un instrument de sanctification; elle est une célébration de la foi de l'Église;
elle est un moyen de transmission de la foi. Avec l'Écriture sainte et les
enseignements des Pères de l'Église, elle est source vivante d'une authentique
et solide spiritualité. Comme le souligne bien aussi la tradition des
vénérables Églises d'Orient, par la liturgie, les fidèles entrent en communion
avec la Sainte Trinité, faisant l'expérience de leur participation à la nature
divine, en tant que don de la grâce. La liturgie devient ainsi anticipation de
la béatitude finale et participation à la gloire céleste.
71.
Dans les célébrations, il faut redonner à Jésus la place centrale, afin de nous
laisser éclairer et guider par lui. Nous pouvons trouver là l'une des réponses
les plus claires que nos communautés sont appelées à donner à une religiosité
vague et inconsistante. La liturgie de l'Église n'a pas pour but d'apaiser les
désirs et les peurs de l'homme, mais d'écouter et d'accueillir Jésus le Vivant,
qui honore et loue son Père, afin que nous puissions le louer et l'honorer avec
lui. Les célébrations ecclésiales proclament que notre espérance nous vient de
Dieu, par Jésus notre Seigneur.
Il
s'agit de vivre la liturgie comme œuvre de la Trinité. C'est le Père qui agit
pour nous dans les mystères célébrés; c'est lui qui nous parle, qui nous pardonne,
qui nous écoute et qui nous donne son Esprit; c'est vers lui que nous nous
tournons, lui que nous écoutons, que nous louons et que nous invoquons. C'est
Jésus qui agit pour notre sanctification, nous rendant participants de son
mystère. C'est l'Esprit Saint qui opère avec sa grâce et fait de nous le Corps
du Christ, l'Église.
La
liturgie doit être vécue comme annonce et anticipation de la gloire future,
terme ultime de notre espérance. Comme l'enseigne en effet le Concile:
«
Dans la liturgie terrestre nous participons, en y goûtant par avance, à cette
liturgie céleste qui est célébrée dans la sainte cité de Jérusalem vers
laquelle nous tendons dans notre pèlerinage [...], jusqu'à ce que [le Christ],
qui est notre vie, se manifeste et que nous soyons manifestés nous-mêmes avec
lui dans la gloire ».120
Formation
liturgique
72.
Si, après le Concile œcuménique Vatican II, une partie du chemin a été
accomplie pour vivre le sens authentique de la liturgie, il reste encore beaucoup
à faire. Il faut un renouveau régulier et une formation constante de tous,
ministres ordonnés, personnes consacrées et laïcs.
Le
véritable renouveau, loin de provenir d'actes arbitraires, consiste à
développer toujours mieux la conscience du sens du mystère, de façon à faire
des liturgies des moments de communion avec le grand et saint mystère de la
Trinité. En célébrant les actions sacrées comme relation à Dieu et accueil de
ses dons, expressions d'une authentique vie spirituelle, l'Église en Europe
pourra vraiment nourrir son espérance et l'offrir à ceux qui l'ont perdue.
73.
À cette fin, un grand effort de formation est nécessaire. Destinée à favoriser
la compréhension du sens véritable des célébrations de l'Église, elle requiert,
en plus d'une formation appropriée sur les rites, une spiritualité authentique
et une éducation qui permette de la vivre en plénitude.121 On doit donc
promouvoir plus intensément une véritable « mystagogie liturgique », avec la participation
active de tous les fidèles, chacun selon ses attributions, aux actions sacrées,
en particulier à l'Eucharistie.
II.
Célébrer les Sacrements
74.
Une place toute particulière doit être réservée à la célébration des Sacrements,
en tant qu'actions du Christ et de l'Église ordonnées au culte à rendre à Dieu,
à la sanctification des hommes et à l'édification de la communauté ecclésiale.
Conscients qu'en eux c'est le Christ lui-même qui agit par l'action du
Saint-Esprit, nous devons célébrer les sacrements avec le plus grand soin, en
en créant les conditions favorables. Les Églises particulières du continent
auront à cœur d'intensifier leur pastorale sacramentelle pour en faire
reconnaître la profonde vérité. Les Pères synodaux ont mis en lumière cette
exigence pour répondre à deux dangers: d'une part, certains milieux ecclésiaux
semblent avoir perdu le sens authentique du sacrement et risqueraient donc de
banaliser les mystères célébrés; d'autre part, de nombreux baptisés, attachés
aux usages et aux traditions, continuent à recourir aux sacrements aux moments
significatifs de leur existence, sans pour autant vivre conformément aux
indications de l'Église.122
L'Eucharistie
75.
L'Eucharistie, don suprême du Christ à l'Église, rend mystérieusement présent
le sacrifice du Christ pour notre salut: « La très sainte Eucharistie contient
en effet l'ensemble des biens spirituels de l'Église, à savoir le Christ
lui-même, notre Pâque ».123 C'est en elle, « source et sommet de toute la vie
chrétienne »,124 que l'Église puise au long de son pèlerinage, y trouvant la
source de toute espérance. En effet, l'Eucharistie « donne une impulsion à
notre marche dans l'histoire, faisant naître un germe de vive espérance dans le
dévouement quotidien de chacun à ses propres tâches ».125
Nous
sommes tous invités à confesser la foi dans l'Eucharistie, « gage de la gloire
future », dans la certitude que la communion avec le Christ, que nous vivons
actuellement comme pèlerins dans notre existence mortelle, anticipe la
rencontre suprême le jour où « nous serons semblables à lui, parce que nous le
verrons tel qu'il est » (1 Jn 3, 2). L'Eucharistie est un « avant-goût de
l'éternité dans le temps »; elle est présence divine et communion à cette
présence; mémorial de la Pâque du Christ, elle est par nature dispensatrice de
la grâce dans l'histoire humaine. Elle ouvre à l'avenir de Dieu; étant
communion avec le Christ, en son corps et son sang, elle est participation à la
vie éternelle de Dieu.126
La
Réconciliation
76.
Avec l'Eucharistie, le sacrement de la Réconciliation doit aussi jouer un rôle
fondamental pour retrouver l'espérance: « L'expérience personnelle du pardon de
Dieu pour chacun de nous est en effet le fondement essentiel de toute espérance
pour notre avenir ».127 L'une des racines de la résignation qui assaille tant
de personnes aujourd'hui doit être cherchée dans l'incapacité de se reconnaître
pécheur et de se laisser pardonner, incapacité souvent due à la solitude de
ceux qui, vivant comme si Dieu n'existait pas, n'ont personne à qui demander
pardon. En revanche, celui qui se reconnaît pécheur et qui se confie à la
miséricorde du Père céleste fait l'expérience de la joie d'une vraie libération
et il peut avancer dans l'existence sans se replier sur sa propre misère.128 Il
reçoit ainsi la grâce d'un nouveau départ et il retrouve des raisons d'espérer.
C'est
pourquoi il est nécessaire que dans l'Église en Europe le sacrement de la
Réconciliation soit ravivé. Il faut cependant redire que la forme du sacrement
est la confession personnelle des péchés, suivie de l'absolution individuelle.
Cette rencontre entre le pénitent et le prêtre doit être favorisée, quelles que
soient les formes prévues du rite du Sacrement. Face à la perte largement
répandue du sens du péché et à l'affirmation d'une mentalité marquée par le
relativisme et le subjectivisme dans le domaine moral, il est nécessaire que,
dans toute communauté ecclésiale, on pourvoie à une sérieuse formation des
consciences.129 Les Pères du Synode ont insisté pour que l'on reconnaisse
clairement la vérité du péché personnel et la nécessité du pardon personnel de
Dieu à travers le ministère du prêtre.
Les
absolutions collectives ne sont pas une modalité laissée à la libre
appréciation dans l'administration du sacrement de la Réconciliation.130
77.
Je m'adresse aux prêtres, les exhortant à être généreusement disponibles pour
écouter les confessions et à être eux-mêmes des exemples en s'approchant avec
régularité du sacrement de la Pénitence. Je les invite à mettre soigneusement à
jour leurs connaissances dans le domaine de la théologie morale, de manière à
pouvoir affronter avec compétence les problèmes apparus récemment dans le
domaine de la morale personnelle et sociale. Puissent-ils porter aussi une
particulière attention aux conditions concrètes de vie dans lesquelles se
trouvent les fidèles et savoir les conduire patiemment à reconnaître les
exigences de la loi morale chrétienne, les aidant à vivre le sacrement comme
une joyeuse rencontre avec la miséricorde du Père céleste! 131
Prière
et vie
78.
En plus de la célébration eucharistique, il convient de promouvoir aussi les
autres formes de prières communautaires,132 aidant à redécouvrir le lien qui
existe entre ces dernières et la prière liturgique. En particulier, tout en
maintenant vivante la tradition de l'Église latine, on doit développer les
diverses expressions du culte eucharistique en dehors de la Messe: adoration
personnelle, exposition et procession, qui sont à comprendre comme des
expressions de la foi en la permanence de la présence réelle du Seigneur dans
le Sacrement de l'autel.133 À propos de la célébration personnelle ou
communautaire de la Liturgie des Heures, dont le Concile a aussi rappelé la
grande valeur pour les fidèles laïcs,134 on s'attachera à faire voir le lien
qui la relie au mystère eucharistique. Les familles seront encouragées à
réserver un temps pour la prière en commun, de façon à interpréter à la lumière
de l'Évangile toute leur vie conjugale et familiale. Ainsi, à partir de là et
dans l'écoute de la Parole de Dieu, se développera cette liturgie domestique
qui accompagnera tous les moments de la vie familiale.135
Toute
forme de prière communautaire présuppose la prière individuelle. Entre la
personne et Dieu naît ce colloque en vérité qui s'exprime dans la louange, dans
l'action de grâce, dans la supplication adressée au Père, par Jésus Christ et
dans l'Esprit Saint. Jamais ne sera délaissée la prière personnelle, qui est
comme la respiration du chrétien. À tous aussi, on apprendra à redécouvrir le
lien entre cette dernière et la prière liturgique.
79.
On réservera aussi une attention particulière à la piété populaire.136
Largement présente en diverses régions d'Europe grâce aux confréries, aux
pèlerinages et aux processions auprès de nombreux sanctuaires, elle enrichit le
cours de l'année liturgique, inspirant coutumes et usages familiaux et sociaux.
Toutes ces formes doivent être considérées avec attention, moyennant une
pastorale de promotion et de renouveau, qui les aide à développer ce qui est
expression authentique de la sagesse du peuple de Dieu. Tel est assurément le
saint Rosaire. En cette année qui lui est consacrée, il m'est cher d'en
recommander de nouveau la récitation, car, « s'il est redécouvert dans sa
pleine signification, le Rosaire conduit au cœur même de la vie chrétienne et
offre une occasion spirituelle et pédagogique ordinaire mais féconde pour la
contemplation personnelle, la formation du peuple de Dieu et la nouvelle évangélisation
».137
En
matière de piété populaire, il faut veiller constamment aux aspects ambigus de
certaines manifestations, les préservant des dérives séculières, du
consumériste irréfléchi ou encore des risques de superstition, afin de les
maintenir dans le cadre de formes assurées et authentiques. On fera œuvre
d'éducation, expliquant que la piété populaire doit toujours être vécue en
harmonie avec la liturgie de l'Église et en relation avec les Sacrements.
80.
Il ne faut pas oublier que le « culte spirituel capable de plaire à Dieu » (cf.
Rm 12, 1) se réalise avant tout dans l'existence quotidienne, vécue dans la
charité à travers le don de soi libre et généreux, même dans les moments
d'apparente impuissance. Ainsi, la vie est animée par une espérance
indéfectible parce qu'elle s'appuie uniquement sur la certitude de la puissance
de Dieu et de la victoire du Christ: c'est une vie remplie des consolations de
Dieu, par lesquelles nous sommes appelés à consoler à notre tour ceux que nous
rencontrons sur notre route (cf. 2 Co 1, 4).
Le
jour du Seigneur
81.
Le jour du Seigneur est le moment par excellence et hautement évocateur en ce
qui concerne la célébration de l'Évangile de l'espérance.
Dans
le contexte actuel, les circonstances rendent précaire pour les chrétiens la
possibilité de vivre pleinement le dimanche comme jour de la rencontre avec le
Seigneur. Il n'est pas rare qu'il se réduise à n'être qu'une « fin de semaine
», un simple temps d'évasion. C'est pourquoi il faut une action pastorale
organique au niveau éducatif, spirituel et social, qui aide à en vivre le sens
véritable.
82.
Je renouvelle donc l'appel à redécouvrir le sens profond du jour du Seigneur: 138
qu'il soit sanctifié par la participation à l'Eucharistie et par un repos rempli
de joie chrétienne et de fraternité. Qu'il soit célébré comme le centre de tout
le culte, comme l'annonce incessante de la vie sans fin, qui ranime l'espérance
et redonne courage sur le chemin. Ne craignons pas alors de le défendre contre
toute attaque et de tout mettre en œuvre pour que, dans l'organisation du
travail, il soit sauvegardé, de manière à être un jour pour l'homme, au
bénéfice de la société entière. En effet, si le dimanche était privé de sa
signification originelle et s'il devenait impossible en ce jour de réserver un
temps convenable à la prière, au repos, à la communion et à la joie, il
pourrait arriver « que l'homme reste enfermé dans un horizon si réduit qu'il ne
peut plus voir le ciel; alors, même revêtu d'un habit de fête, il devient
profondément incapable de faire la fête ».139 Et sans la dimension de la fête,
l'espérance ne trouverait pas de maison où habiter.
CHAPITRE
V
SERVIR
L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE
«
Je connais ta conduite, ton amour, ta foi,
ton sens du service, ta persévérance » (Ap 2, 19)
Le
chemin de l'amour
83.
La Parole que l'Esprit adresse aux Églises contient un jugement sur leur vie.
Elle concerne les actes et les comportements: « Je connais ta conduite » est
l'introduction qui, tel un refrain et avec peu de variantes, apparaît dans les
lettres écrites aux sept Églises. Quand les œuvres s'avèrent positives, elles
sont le fruit du labeur, de la persévérance, de l'acceptation des épreuves, des
tribulations, de la pauvreté, de la fidélité dans la persécution, de la
charité, de la foi, du service. En ce sens, elles peuvent être lues comme la
description d'une Église qui non seulement annonce et célèbre le salut venant
du Seigneur, mais qui en « vit » réellement.
Pour
servir l'Évangile de l'espérance, l'Église qui est en Europe est elle aussi
appelée à suivre la route de l'amour. C'est une route qui passe par la charité
évangélisatrice, l'engagement multiforme dans le service, la détermination dans
une générosité sans trêve ni frontière.
I.
Le service de la charité
Dans
la communion et dans la solidarité
84.
Pour toute personne, l'amour reçu et donné constitue l'expérience originaire
dans laquelle naît l'espérance. « L'homme ne peut vivre sans amour. Il demeure
pour lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de sens s'il ne
reçoit pas la révélation de l'amour, s'il ne rencontre pas l'amour, s'il n'en
fait pas l'expérience et s'il ne le fait pas sien, s'il n'y participe pas
fortement ».140
Le
défi pour l'Église dans l'Europe d'aujourd'hui consiste donc à aider l'homme
contemporain à faire l'expérience de l'amour de Dieu le Père et du Christ dans
l'Esprit Saint, à travers le témoignage de l'amour, qui en lui-même possède une
force évangélisatrice intrinsèque.
En
définitive,« l'Évangile », joyeuse annonce faite à tout homme, consiste en
ceci: Dieu nous a aimés le premier (cf. Jn 4, 10.19); Jésus nous a aimés
jusqu'au bout (cf. Jn 13, 1). Grâce au don de l'Esprit, l'amour de Dieu est
offert aux croyants, les rendant participants de sa capacité d'aimer: il saisit
le cœur de tout disciple et de l'Église entière (cf. 2 Co 5, 14). Précisément
parce qu'il est donné par Dieu, l'amour devient commandement pour l'homme (cf. Jn
13, 34).
Vivre
dans l'amour devient ainsi une joyeuse nouvelle pour tout homme, rendant
visible l'amour de Dieu qui n'abandonne personne. En fin de compte, cela
signifie donner à l'homme égaré de véritables raisons pour continuer à espérer.
85.
C'est la vocation de l'Église, comme « signe tangible, bien que toujours
inadéquat, de l'amour vécu, de faire que les hommes et les femmes rencontrent
l'amour de Dieu et du Christ qui vient à leur recherche ».141 « Signe et
instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain »,142
l'Église en témoigne lorsque les personnes, les familles et les communautés
vivent intensément l'Évangile de la charité. En d'autres termes, nos communautés
ecclésiales sont appelées à être de véritables lieux privilégiés d'entraînement
à la communion.
De
par sa nature même, le témoignage de la charité est appelé à s'étendre au-delà
des limites de la communauté ecclésiale, pour atteindre toute personne, de
sorte que l'amour pour tous les hommes devienne incitation à une authentique
solidarité pour l'ensemble de la vie sociale. Quand l'Église sert la charité,
elle fait en même temps croître la « culture de la solidarité », contribuant
ainsi à redonner vie aux valeurs universelles de la convivialité humaine.
Dans
cette perspective, il convient de redécouvrir le sens authentique du bénévolat
chrétien. Naissant de la foi et étant continuellement nourri par elle, il doit
conjuguer les compétences professionnelles et l'amour authentique, poussant
ceux qui s'y livrent à « élever leurs sentiments de simple philanthropie à la
hauteur de la charité du Christ; à reconquérir chaque jour, dans le labeur et
la fatigue, la conscience de la dignité de tout homme; à aller à la découverte
des besoins des personnes en ouvrant, s'il le faut, de nouvelles voies là où le
besoin se fait le plus urgent, et là où l'attention et le soutien sont les plus
déficients ».143
II.
Servir l'homme dans la société
Redonner
espérance aux pauvres
86.
À toute l'Église il est demandé de redonner espérance aux pauvres. Les
accueillir et les servir signifie pour elle accueillir et servir le Christ (cf.
Mt 25, 40). L'amour préférentiel pour les pauvres est une dimension nécessaire
de l'être chrétien et du service de l'Évangile. Aimer les personnes et leur
témoigner qu'elles sont particulièrement aimées de Dieu veut dire reconnaître
qu'elles ont une valeur en elles-mêmes, quelles que soient les conditions
économiques, culturelles et sociales dans lesquelles elles vivent, les aidant à
développer leurs potentialités.
87.
Il faut par ailleurs se laisser interpeller par le phénomène du chômage, qui,
dans beaucoup de pays d'Europe, constitue un grave fléau social. À cela
s'ajoute aussi les problèmes liés à l'accroissement des flux migratoires. Il
est demandé à l'Église de rappeler que le travail est un bien que toute la
société doit prendre en charge.
Présentant
à nouveau les critères éthiques qui doivent guider le marché et l'économie,
dans un respect scrupuleux de la place centrale que l'homme y occupe, l'Église
ne peut négliger la recherche du dialogue avec les personnes engagées dans le
domaine politique et syndical, et dans le monde de l'entreprise.144 Le dialogue
doit tendre à l'édification d'une Europe entendue comme communauté de peuples
et de personnes, communauté solidaire dans l'espérance, non soumise
exclusivement aux lois du marché, mais fermement préoccupée de sauvegarder la
dignité de l'homme même dans ses rapports économiques et sociaux.
88.
Qu'une attention particulière soit aussi portée à la pastorale des malades.
Considérant que la maladie est une situation qui suscite des questions
essentielles sur le sens de la vie, « dans une société de la prospérité et de
l'efficacité, dans une culture caractérisée par l'idolâtrie du corps, par le
refus de la souffrance et de la douleur, et par le mythe de la jeunesse
éternelle »,145 l'attention envers les malades doit être considérée comme une
priorité. À cette fin, il faut promouvoir, d'une part, une présence pastorale
appropriée dans les différents lieux de la souffrance, par exemple à travers
l'engagement d'aumôniers d'hôpitaux, de membres d'associations de bénévolat,
d'institutions sanitaires liées à l'Église, et, d'autre part, un soutien aux
familles des malades. De plus, il est nécessaire d'être proche du personnel médical
et paramédical, avec des moyens pastoraux adaptés, pour le soutenir dans son
exigeante vocation au service des malades. En effet, dans leur activité
professionnelle, les personnes qui travaillent dans le monde de la santé
rendent chaque jour un noble service à la vie. Il leur est demandé d'offrir
aussi aux patients le soutien spirituel particulier qui suppose la chaleur d'un
contact humain authentique.
89.
Enfin, on ne saurait oublier qu'il est parfois fait un usage indu des biens de
la terre. Manquant en effet à la mission de cultiver et de garder la terre avec
sagesse et amour (cf Gn 2, 15), l'homme a, dans de nombreuses régions, dévasté
plaines et forêts, pollué les eaux, rendu l'air irrespirable, bouleversé les
systèmes hydrogéologiques et atmosphériques, et provoqué la désertification de
vastes zones.
Même
dans ce cas, servir l'Évangile de l'espérance veut dire s'engager de manière
nouvelle pour un usage correct des biens de la terre,146 développant
l'attention qui, en plus de sauvegarder des habitats naturels, défend la
qualité de vie des personnes, afin de préparer pour les générations futures un
monde plus conforme au projet du Créateur.
La
vérité sur le mariage et la famille
90.
L'Église en Europe, dans toutes ses composantes, doit proposer à nouveau, avec
fidélité, la vérité sur le mariage et la famille.147 C'est une nécessité
qu'elle ressent intensément en elle-même, car elle sait qu'elle est qualifiée
pour accomplir cette tâche, en vertu de la mission évangélisatrice que lui a
confiée son Époux et Seigneur, et que cette tâche s'impose aujourd'hui de
nouveau avec une insistance inégalée. De nombreux facteurs culturels, sociaux
et politiques contribuent en effet à provoquer une crise, toujours plus
évidente, de la famille. Ils compromettent, dans certaines mesures, la vérité
et la dignité de la personne humaine, et ils remettent en cause, en la
dénaturant, l'idée même de famille. La valeur de l'indissolubilité du mariage
est de plus en plus méconnue; on revendique des formes de reconnaissance légale
des unions de fait, les mettant sur le même plan que les mariages légitimes; on
observe même des tentatives visant à faire accepter des modèles de couples où
la différence sexuelle ne serait plus essentielle.
Dans
ce contexte, il est demandé à l'Église d'annoncer avec une vigueur renouvelée
ce que dit l'Évangile sur le mariage et la famille, pour en saisir la
signification et la valeur dans le dessein salvifique de Dieu. Il est en
particulier nécessaire de réaffirmer que ces institutions sont des réalités qui
proviennent de la volonté de Dieu. Il faut redécouvrir la vérité de la famille,
en tant que communauté intime de vie et d'amour,148 ouverte à la génération de
nouvelles vies; et aussi sa dignité « d'Église domestique » et sa participation
à la mission de l'Église et à la vie de la société.
91.
Selon les Pères du Synode, il faut reconnaître que de nombreuses familles, dans
le quotidien d'une existence vécue dans l'amour, sont des témoins visibles de
la présence de Jésus qui les accompagne et qui les soutient par le don de son
Esprit. Pour affermir leur marche, on devra approfondir la théologie et la
spiritualité du mariage et de la famille; proclamer avec fermeté et intégrité,
et montrer au moyen d'exemples efficaces la vérité et la beauté de la famille
fondée sur le mariage entendu comme union stable et féconde d'un homme et d'une
femme; promouvoir dans toute communauté ecclésiale une pastorale familiale
organique et adaptée. En même temps, il sera nécessaire d'offrir, avec une
sollicitude maternelle de la part de l'Église, une aide à ceux qui se trouvent
dans des situations difficiles, par exemple les mères célibataires, les
personnes séparées, les divorcés, les enfants abandonnés. Dans tous les cas, il
conviendra d'encourager, d'accompagner et de soutenir une juste participation
des familles, seules ou associées, dans l'Église et dans la société, et de
veiller à ce que les États et l'Union européenne elle-même mettent en place des
politiques familiales authentiques et adaptées.149
92.
Une attention particulière doit être réservée à l'éducation des jeunes et des
fiancés à l'amour, grâce à des parcours spécifiques de préparation à la
célébration du sacrement de Mariage, qui les aident à arriver jusqu'à ce jour en
vivant dans la chasteté. Dans son œuvre éducative, l'Église se montrera
prévenante, accompagnant également les jeunes époux après la célébration de
leur mariage.
93.
Enfin, l'Église est aussi appelée à rencontrer, avec une bonté maternelle, tous
ceux qui sont dans des situations matrimoniales qui peuvent facilement faire
perdre l'espérance. En particulier, « face aux nombreuses familles disloquées,
l'Église se sent appelée, non pas à exprimer un jugement sévère et distant,
mais plutôt à introduire dans les plaies de tant de drames humains la lumière
de la Parole de Dieu, accompagnée du témoignage de sa miséricorde. Tel est
l'esprit avec lequel la pastorale familiale cherche à prendre en charge
également les situations des croyants qui sont divorcés et se sont remariés
civilement. Ils ne sont pas exclus de la communauté: ils sont même invités à
participer à sa vie, en accomplissant un chemin de croissance dans la ligne des
exigences évangéliques. Sans leur taire la vérité du désordre moral objectif
dans lequel ils se trouvent et des conséquences qui en découlent quant à la
pratique sacramentelle, l'Église entend leur montrer toute sa proximité
maternelle ».150
94.
S'il est nécessaire, pour servir l'Évangile de l'espérance, d'apporter une
attention particulière et prioritaire à la famille, il est tout aussi vrai que
les familles elles-mêmes ont une tâche irremplaçable à accomplir à l'égard de
ce même Évangile de l'espérance. C'est pourquoi, en toute confiance et
affection, je renouvelle mon invitation à toutes les familles chrétiennes qui
vivent en Europe: « Familles, devenez ce que vous êtes ! » Vous êtes une représentation
vivante de l'amour de Dieu: Vous avez la « mission de garder, de révéler et de
communiquer l'amour, reflet vivant et participation réelle de l'amour de Dieu
pour l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l'Église son Épouse ».151
Vous
êtes le « sanctuaire de la vie [...]: le lieu où la vie, don de Dieu, peut être
convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles
elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant les exigences
d'une croissance humaine authentique ».152
Vous
êtes le fondement de la société, en tant que lieu premier de l'« humanisation »
de la personne et du « vivre ensemble »,153 modèle pour l'instauration de
rapports sociaux vécus dans l'amour et la solidarité.
Soyez
vous-mêmes des témoins crédibles de l'Évangile de l'espérance! Car vous êtes « Gaudium
et spes ».154
Servir
l'Évangile de la vie
95.
Le vieillissement et la diminution de la population auxquels on assiste dans
divers pays d'Europe ne peuvent pas ne pas être des motifs de préoccupation; en
effet, la chute des naissances est le symptôme d'un rapport perturbé avec
l'avenir; c'est une manifestation évidente d'un manque d'espérance, c'est le
signe de la « culture de mort » qui traverse la société contemporaine.155
Avec
la chute de la natalité, il faut rappeler d'autres signes qui concourent à
provoquer l'éclipse de la valeur de la vie et à déchaîner une sorte de
conjuration contre elle. Parmi eux, il faut tout d'abord mentionner avec
tristesse la diffusion de l'avortement, même en utilisant des préparations
chimiques et pharmaceutiques qui le rendent possible sans devoir recourir à un
médecin, et le soustrayant ainsi à toute forme de responsabilité sociale; cela
est favorisé par la présence, dans les législations de nombreux États du
continent, de lois permettant un geste qui demeure un « crime abominable » 156
et qui constitue toujours un grave désordre moral. On ne peut pas oublier non
plus les attentats perpétrés à travers les interventions « sur les embryons
humains qui, bien que poursuivant des buts en soi légitimes, en comportent
inévitablement le meurtre », ou bien l'utilisation détournée des techniques de
diagnostic prénatal, qui sont mises non pas au service de thérapies précoces,
parfois envisageables, mais « d'une mentalité eugénique qui accepte
l'avortement sélectif ».157
Il
faut aussi mentionner la tendance, que l'on observe dans certaines parties de
l'Europe, à penser qu'il pourrait être permis de mettre fin sciemment à ses
jours ou à ceux d'autrui: d'où une diffusion de l'euthanasie, cachée ou
effectuée au grand jour, en faveur de laquelle les demandes et les tristes
exemples de légalisation ne manquent pas.
96.
Face à cet état de fait, il est nécessaire de « servir l'Évangile de la vie »
également grâce « à une mobilisation générale des consciences et à un effort
commun d'ordre éthique, pour mettre en œuvre une grande stratégie pour le service
de la vie. Nous devons construire tous ensemble une nouvelle culture de la vie
».158 C'est là un grand défi qu'il faut affronter avec responsabilité, dans la
certitude que « l'avenir de la civilisation européenne dépend en grande partie
d'une défense et d'une promotion résolues des valeurs de la vie, centre de son
patrimoine culturel »; 159 il s'agit en effet de rendre à l'Europe sa véritable
dignité, qui est d'être le lieu où toute personne est reconnue dans son
incomparable dignité.
Je
fais volontiers miennes ces paroles des Pères du synode: « Le synode des
évêques européens incite les communautés chrétiennes à se faire les
évangélisatrices de la vie. Il encourage les couples chrétiens et les familles
chrétiennes à se soutenir mutuellement pour demeurer fidèles à leur mission de
collaborer avec Dieu dans la génération et l'éducation de nouvelles créatures;
il apprécie toute généreuse tentative de réagir à l'égoïsme en matière de
transmission de la vie, égoïsme nourri par de faux modèles de sécurité et de
bonheur; il demande aux États et à l'Union européenne de mettre en œuvre des
politiques clairvoyantes qui promeuvent les conditions concrètes de logement,
de travail et d'aide sociale, en vue d'aider à la constitution de la famille et
à répondre à la vocation à la maternité et à la paternité, et qui en plus
assurent à l'Europe d'aujourd'hui la ressource la plus précieuse: les Européens
de demain ».160
Bâtir
une cité digne de l'homme
97.
La charité active nous engage à hâter la venue du Règne de Dieu. C'est pourquoi
elle apporte son concours à la promotion des valeurs authentiques qui sont à la
base d'une civilisation digne de l'homme. Comme le rappelle en effet le Concile
Vatican II, « dans leur marche vers la cité céleste, les chrétiens doivent rechercher
et goûter les choses d'en haut; mais, par là, la gravité du devoir de
travailler en collaboration avec tous les hommes à l'édification d'un monde
plus humain, loin d'être diminuée, est plutôt accrue ».161 L'attente des cieux
nouveaux et de la terre nouvelle, loin d'éloigner de l'histoire, intensifie la
sollicitude pour le monde présent où, jusqu'à aujourd'hui, croît la nouveauté
qui est germe et figure du monde à venir.
Animés
par ces certitudes de foi, engageons-nous à construire une cité digne de
l'homme! Même s'il n'est pas possible de réaliser dans l'histoire un ordre
social parfait, nous savons pourtant que tout effort sincère pour construire un
monde meilleur est accompagné de la bénédiction de Dieu et que toute semence de
justice et d'amour plantée dans le temps présent donnera son fruit dans
l'éternité.
98.
Dans la construction d'une cité digne de l'homme, un rôle d'inspiration doit
être reconnu à la doctrine sociale de l'Église. À travers elle, en effet,
l'Église pose au continent européen la question de la valeur morale de sa
civilisation. Cette doctrine tire son origine de la rencontre entre, d'une
part, le message biblique et la raison, et, d'autre part, les problèmes et les
situations concernant la vie de l'homme et de la société. Par l'ensemble des
principes qu'elle propose, cette doctrine contribue à poser des bases solides
pour une vie sociale à la mesure de l'homme, dans la justice, la vérité, la
liberté et la solidarité. Tournée vers la défense et la promotion de la dignité
de la personne, fondement non seulement de la vie économique et politique, mais
aussi de la justice sociale et de la paix, elle apparaît capable d'assurer des
bases solides aux piliers sur lesquels se bâtit l'avenir du continent européen.162
La doctrine sociale de l'Église comporte aussi les points de repères qui
permettent de défendre la structure morale de la liberté, de manière à
sauvegarder la culture et la société européennes aussi bien de l'utopie
totalitaire de la « justice sans liberté » que de celle d'une « liberté sans
vérité » qui s'accompagne d'une fausse conception de la « tolérance », toutes
deux porteuses d'erreurs et d'horreurs pour l'humanité, comme en témoigne
malheureusement l'histoire récente de l'Europe elle-même.163
99.
La doctrine sociale de l'Église, en raison de son lien intrinsèque avec la
dignité de la personne, est faite pour être comprise aussi par ceux qui
n'appartiennent pas à la communauté des croyants. Il est donc urgent d'en
répandre la connaissance et l'étude, dans le but de surmonter l'ignorance que
même les chrétiens ont à son endroit. C'est ce qu'exige l'Europe nouvelle en
voie de construction, elle qui a besoin de personnes éduquées selon ces valeurs
et disposées à travailler à la réalisation du bien commun. À cette fin s'avère
nécessaire la présence de laïcs chrétiens qui, dans les diverses
responsabilités de la vie civique, économique, culturelle, dans le monde de la
santé, de l'éducation et de la politique, agissent de manière à pouvoir y
diffuser les valeurs du Royaume.164
Pour
une culture de l'accueil
100.
Parmi les défis qui se posent aujourd'hui pour le service de l'Évangile de
l'espérance apparaît celui du phénomène croissant de l'immigration, qui
interroge l'Église sur sa capacité d'accueillir chaque personne, quel que soit
le peuple ou la nation auquel elle appartient. Il incite également toute la
société européenne et ses institutions à rechercher un ordre juste et des modes
de convivialité respectueux de tous, comme aussi de la législation, en vue
d'une éventuelle intégration.
Devant
l'état de pauvreté, de sous-développement ou même d'insuffisance de liberté
qui, malheureusement, caractérise encore divers pays et qui pousse de
nombreuses personnes à abandonner leur terre, se fait sentir le besoin d'un
engagement courageux de tous pour la réalisation d'un ordre économique
international plus juste, qui soit en mesure de promouvoir l'authentique
développement de tous les peuples et de tous les pays.
101.
Face au phénomène migratoire, l'Europe est mise au défi de trouver des formes
nouvelles et intelligentes d'accueil et d'hospitalité. C'est la vision «
universaliste » du bien commun qui l'exige: il faut dilater son regard jusqu'à
embrasser les exigences de toute la famille humaine. Le phénomène même de la
mondialisation demande ouverture et partage s'il veut être non pas une source
d'exclusion et de marginalisation, mais au contraire de participation solidaire
de tous à la production et à l'échange des biens.
Chacun
doit s'employer à la croissance d'une solide culture de l'accueil qui, tenant
compte de l'égale dignité de toute personne et du devoir de solidarité à
l'égard des plus faibles, demande que soient reconnus les droits fondamentaux
de tout migrant. Il est de la responsabilité des autorités publiques d'exercer
un contrôle sur les flux migratoires en fonction des exigences du bien commun.
L'accueil doit toujours se réaliser dans le respect des lois et donc se
conjuguer, si nécessaire, avec une ferme répression des abus.
102.
Il faut également s'employer à découvrir les formes possibles d'une véritable
intégration des immigrés légitimement accueillis dans le tissu social et
culturel des diverses nations européennes. Cela exige que l'on ne cède pas à
l'indifférence à l'égard des valeurs humaines universelles et que l'on soit
attentif à sauvegarder le patrimoine culturel propre à chaque nation. Une
convivialité pacifique et un échange des richesses intérieures réciproques
rendront possible l'édification d'une Europe qui sache être la maison commune,
où chacun puisse être accueilli, où nul ne fasse l'objet de discrimination, où
tous soient traités et vivent de façon responsable comme membres d'une seule
grande famille.
103.
Pour sa part, l'Église est appelée à « continuer son action pour créer et
améliorer sans cesse ses services d'accueil et ses attentions pastorales à
l'égard des immigrés et des réfugiés »,165 pour faire en sorte que soient
respectées leur dignité et leur liberté, et que soit favorisée leur
intégration.
On
veillera en particulier à assurer une assistance pastorale à l'intégration des
immigrés catholiques, en respectant leur culture et l'originalité de leurs
traditions religieuses. À cette fin, il est bon de favoriser les contacts
entres les Églises d'origine des immigrés et celles qui les accueillent, en vue
d'étudier des formes d'aide qui peuvent également prévoir la présence, parmi
les immigrés, de prêtres, de personnes consacrées et d'agents pastoraux,
convenablement formés, provenant de leur pays.
Le
service de l'Évangile exige en outre que l'Église, défendant la cause des
opprimés et des exclus, demande aux autorités politiques des divers États et
aux responsables des Institutions européennes de reconnaître la condition de
réfugié à ceux qui fuient leur pays d'origine en raison de menaces pour leur
vie, et aussi de faciliter leur retour dans leur pays, ainsi que de créer les
conditions pour que soit respectée la dignité de tous les immigrés et que
soient défendus leurs droits fondamentaux.166
III.
Optons pour la charité
104.
L'appel à vivre une charité active, adressé par les Pères synodaux à tous les
chrétiens du continent européen,167 représente la synthèse heureuse d'un
service authentique rendu à l'Évangile de l'espérance. Aujourd'hui, je te
propose à mon tour cet appel, Église du Christ qui vis en Europe. Que les joies
et les espérances, que les tristesses et les angoisses des Européens
d'aujourd'hui, surtout des pauvres et de ceux qui souffrent, soient aussi tes
joies et tes espérances, tes tristesses et tes angoisses, et que rien de ce qui
est authentiquement humain ne manque de trouver un écho dans ton cœur! Regarde
l'Europe et son cheminement, avec la sympathie de celui qui apprécie tout
élément positif, mais qui, en même temps, ne ferme pas les yeux sur ce qui
n'est pas en harmonie avec l'Évangile et qui le dénonce avec force!
105.
Église en Europe, accueille chaque jour avec une fraîcheur renouvelée le don de
la charité que le Seigneur t'offre et dont il te rend capable! Apprends de lui
le contenu et la mesure de l'amour! Et sois l'Église des Béatitudes,
continuellement conformée au Christ (cf. Mt 5, 1-12).
Libre
de toute entrave et de toute dépendance, sois pauvre et amie des plus pauvres,
accueillante envers toute personne et attentive à toute forme de pauvreté,
qu'elle soit ancienne ou nouvelle!
Continuellement
purifiée par la bonté du Père, reconnais dans l'attitude de Jésus, qui a
toujours défendu la vérité tout en se montrant miséricordieux envers les
pécheurs, la norme suprême de ton action.
En
Jésus, à la naissance duquel la paix fut annoncée (cf. Lc 2, 14), en lui qui
dans sa mort a abattu toute inimitié (cf. Ep 2, 14) et qui a donné la paix
véritable (cf. Jn 14, 27), sois un artisan de paix, invitant tes fils à laisser
purifier leur cœur de toute hostilité, égoïsme ou esprit partisan, favorisant
en toute circonstance le dialogue et le respect réciproques!
En
Jésus, justice de Dieu, ne te lasse jamais de dénoncer toute forme d'injustice!
En vivant dans le monde avec les valeurs du Règne qui vient, tu seras l'Église
de la charité, tu apporteras ton indispensable contribution à l'édification en
Europe d'une civilisation toujours plus digne de l'homme.
CHAPITRE
VI
L'ÉVANGILE
DE L'ESPÉRANCE
POUR UNE EUROPE NOUVELLE
«
J'ai vu descendre du ciel, d'auprès de Dieu,
la cité sainte, la Jérusalem nouvelle » (Ap 21, 2)
La
nouveauté de Dieu dans l'histoire
106.
L'Évangile de l'espérance qui résonne dans l'Apocalypse ouvre le cœur à la contemplation
de la nouveauté opérée par Dieu: « Alors j'ai vu un ciel nouveau et une terre
nouvelle, car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et il n'y
avait plus de mer » (Ap 21, 1). C'est Dieu lui-même qui proclame cette
nouveauté avec des mots expliquant la vision qui vient d'être décrite: « Voici
que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5).
La
nouveauté de Dieu – pleinement compréhensible sur l'arrière-plan des choses du
passé, faites de larmes, de deuil, d'affliction et de mort (cf. Ap 21, 4) –
consiste à sortir de la condition du péché et de ses conséquences, dans
laquelle se trouve l'humanité; c'est le ciel nouveau et la nouvelle terre, la
Jérusalem nouvelle, par opposition à un ciel et à une terre anciens, à un
antique ordre des choses et à une Jérusalem vétuste, tourmentée par ses
rivalités.
Il
n'est pas indifférent pour la construction de la cité de l'homme d'utiliser
l'image de la Jérusalem nouvelle qui descend « du ciel, d'auprès de Dieu, toute
prête, comme une fiancée parée pour son époux » (Ap 21, 2) et qui se réfère
directement au mystère de l'Église. C'est une image qui parle d'une réalité
eschatologique: elle va au-delà de tout ce que l'homme peut faire; elle est un
don de Dieu qui s'accomplira dans les derniers temps. Mais elle n'est pas une
utopie: elle est une réalité déjà présente. C'est ce qu'indique le verbe au
présent utilisé par Dieu – « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap
21, 5) – avec la précision qui suit: « Tout est réalisé désormais » (Ap 21, 6).
Car Dieu est déjà en train d'agir pour renouveler le monde; la Pâque de Jésus
est déjà la nouveauté de Dieu. Elle fait naître l'Église, elle en anime
l'existence, elle renouvelle et transforme l'histoire.
107.
Cette nouveauté commence à prendre forme avant tout dans la communauté
chrétienne, qui est déjà aujourd'hui « la demeure de Dieu avec les hommes »
(cf. Ap 21, 3), au sein de laquelle Dieu est déjà à l'œuvre, renouvelant la vie
de ceux qui se soumettent au souffle de l'Esprit. L'Église est pour le monde
signe et instrument du Royaume qui se réalise avant tout dans les cœurs. Un
reflet de cette même nouveauté se manifeste aussi dans toute forme de
convivialité humaine animée par l'Évangile. Il s'agit d'une nouveauté qui
interroge la société à tout moment de l'histoire et en tout point de la terre,
particulièrement la société européenne qui, depuis de nombreux siècles, écoute
l'Évangile du Règne inauguré par Jésus.
I.
La vocation spirituelle de l'Europe
L'Europe
promotrice des valeurs universelles
108.
L'histoire du continent européen est marquée par l'influence vivifiante de
l'Évangile. « Si nous tournons notre regard vers les siècles passés, nous ne pouvons
pas manquer de rendre grâce au Seigneur pour le fait que le christianisme a été
pour notre continent un facteur primordial d'unité entre les peuples et les
cultures et de promotion intégrale de l'homme et de ses droits ».168
On
ne peut certes pas douter que la foi chrétienne fait partie, de façon radicale
et déterminante, des fondements de la culture européenne. Le christianisme a en
effet donné sa forme à l'Europe, y faisant pénétrer certaines valeurs
fondamentales. La modernité européenne elle- même, qui a donné au monde l'idéal
démocratique et les droits humains, puise ses valeurs dans son héritage
chrétien. Plus qu'un espace géographique, cet héritage peut être qualifié de « concept
majoritairement culturel et historique, caractérisant une réalité née comme
continent grâce, entre autres, à la force unificatrice du christianisme;
celui-ci a su fondre entre eux des peuples différents et des cultures diverses,
et il est intimement lié à la culture européenne tout entière ».169
Cependant,
au moment même où l'Europe d'aujourd'hui renforce et élargit son union
économique et politique, elle semble aussi souffrir d'une profonde crise de
valeurs. Bien qu'elle dispose de moyens accrus, elle donne l'impression de
manquer d'élan pour nourrir un projet commun et pour redonner à ses citoyens
des raisons d'espérer.
Le
nouveau visage de l'Europe
109.
Dans le processus de transformation qu'elle vit actuellement, l'Europe est
appelée avant tout à retrouver sa véritable identité. En effet, bien qu'elle
soit parvenue à constituer une réalité fortement diversifiée, elle doit édifier
un nouveau modèle d'unité dans la diversité, une communauté de nations
réconciliées, ouverte aux autres continents et engagée dans le processus actuel
de mondialisation.
Pour
donner un nouvel élan à son histoire, elle doit « reconnaître et retrouver,
dans une fidélité créatrice, les valeurs fondamentales à l'acquisition
desquelles le christianisme a apporté une contribution déterminante, et qui
peuvent se résumer dans l'affirmation de la dignité transcendante de la
personne, de la valeur de la raison, de la liberté, de la démocratie, de l'état
de droit et de la distinction entre politique et religion ».170
110.
L'Union européenne continue à s'élargir. Tous les peuples qui partagent le même
héritage fondamental ont pour vocation d'en faire partie à plus ou moins longue
échéance. Il faut souhaiter que, en plus d'assurer une mise en œuvre plus
affermie des principes de subsidiarité et de solidarité, une telle expansion se
réalise dans le respect de tous, valorisant les particularités historiques et
culturelles, les identités nationales et la richesse des apports que pourront
fournir les nouveaux membres.171 Dans le processus d'intégration du continent,
il est capital de prendre en compte le fait que l'Union n'aurait pas de
consistance si elle était réduite à ses seules composantes géographiques et
économiques, mais qu'elle doit avant tout consister en une harmonisation des
valeurs appelées à s'exprimer dans le droit et dans la vie.
Promouvoir
la solidarité et la paix dans le monde
111.
Dire « Europe » doit vouloir dire « ouverture ». Malgré les expériences et les
signes contraires qui d'ailleurs n'ont pas manqué, c'est son histoire même qui
l'exige: « L'Europe n'est pas vraiment un territoire clos ou isolé; elle s'est
construite en allant, au-delà des mers, à la rencontre d'autres peuples,
d'autres cultures, d'autres civilisations ».172 C'est pourquoi l'Europe doit
être un continent ouvert et accueillant qui continue à pratiquer, dans l'actuelle
mondialisation, des formes de coopération non seulement économique, mais
également sociale et culturelle.
Il
y a une exigence à laquelle le continent doit répondre de manière positive pour
que son visage soit véritablement nouveau: « L'Europe ne saurait se replier sur
elle-même. Elle ne peut ni ne doit se désintéresser du reste du monde; elle
doit au contraire garder pleine conscience que d'autres pays, d'autres
continents, attendent d'elle des initiatives audacieuses, pour offrir aux
peuples les plus pauvres les moyens de leur développement et de leur
organisation sociale, et pour édifier un monde plus juste et plus fraternel ».173
Pour réaliser une telle mission de manière appropriée, il sera nécessaire « de
repenser la coopération internationale en termes de nouvelle culture de
solidarité. Considérée comme ferment de paix, la coopération ne peut pas se
réduire à l'aide et à l'assistance, surtout quand on envisage en retour de
tirer profit des ressources mises à disposition. Au contraire, elle doit
exprimer un engagement concret et tangible de solidarité qui vise à faire des
pauvres les acteurs de leur développement et qui permette au plus grand nombre
possible de personnes d'exercer, dans les circonstances économiques et
politiques concrètes dans lesquelles elles vivent, la créativité propre à la
personne humaine, d'où dépend aussi la richesse des nations ».174
112.
De plus, l'Europe doit prendre une part active dans la promotion et dans la
mise en pratique d'une mondialisation « dans la » solidarité. Comme condition
de cette dernière, il faut ajouter une sorte de mondialisation « de la »
solidarité et des valeurs connexes d'équité, de justice et de liberté, dans la
ferme conviction que le marché requiert d'être « dûment contrôlé par les forces
sociales et par l'État, de manière à garantir la satisfaction des besoins
fondamentaux de toute la société ».175
L'Europe
qui nous est léguée par l'histoire a vu, surtout au siècle dernier, s'affirmer
des idéologies totalitaires et des nationalismes exacerbés qui, faisant perdre
l'espérance aux hommes et aux peuples du continent, ont nourri des conflits au
sein des Nations et entre les Nations elles- mêmes, jusqu'à l'effroyable
tragédie des deux guerres mondiales.176 Les luttes ethniques plus récentes, qui
ont à nouveau ensanglanté le continent européen, ont montré elles aussi à tous
que la paix est fragile, qu'elle a besoin d'un engagement actif de tous et
qu'elle ne peut être garantie qu'en ouvrant de nouvelles perspectives
d'échange, de pardon et de réconciliation entre les personnes, entre les
peuples et entre les Nations.
Face
à cet état de fait, l'Europe, avec tous ses habitants, doit s'employer
inlassablement à construire la paix à l'intérieur de ses frontières et dans le
monde entier. À ce propos, il convient de rappeler « d'une part que les
différences nationales doivent être maintenues et cultivées comme le fondement
de la solidarité européenne; et, d'autre part, que l'identité nationale
elle-même ne se réalise que dans l'ouverture aux autres peuples et à travers la
solidarité envers eux ».177
II.
La construction européenne
Le
rôle des Institutions européennes
113.
Si l'on veut dessiner le nouveau visage du continent, c'est, sous de nombreux
aspects déterminants, par leur rôle que les Institutions internationales qui
sont principalement liées au territoire européen, et qui y agissent, ont
contribué à marquer le cours historique des événements sans s'engager dans des
opérations à caractère militaire. À ce sujet, je voudrais mentionner avant tout
l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, qui travaille au
maintien de la paix et à la stabilité, y compris par la protection et la promotion
des droits humains et des libertés fondamentales, comme aussi à la coopération
économique et environnementale.
Il
y a aussi le Conseil de l'Europe, dont font partie les États qui ont signé la
Convention européenne pour la sauvegarde des droits humains fondamentaux de
1950 et la Charte sociale de 1961. La Cour européenne des droits de l'homme lui
est rattachée. Ces deux institutions visent, à travers la coopération
politique, sociale, juridique et culturelle, comme aussi à travers la promotion
des droits humains et de la démocratie, à la réalisation de l'Europe de la
liberté et de la solidarité. Enfin, l'Union européenne, avec son Parlement,
avec le Conseil des Ministres et avec la Commission, propose un modèle
d'intégration qui se perfectionne progressivement, dans la perspective
d'adopter un jour une charte fondamentale commune. Cet organisme a pour but de
réaliser une plus grande unité politique, économique et monétaire entre les
États membres, aussi bien les membres actuels que ceux qui en feront partie à
l'avenir. Dans leur diversité et à partir de l'identité propre à chacune
d'elles, les Institutions mentionnées ci-dessus ont pour but de promouvoir
l'unité du continent, et plus profondément sont au service de l'homme.178
114.
Aux Institutions européennes elles-mêmes et aux divers États d'Europe, je
demande avec les Pères synodaux179 de reconnaître qu'un bon ordonnancement de
la société doit s'enraciner dans d'authentiques valeurs éthiques et civiques,
partagées le plus possible par les citoyens, en notant que de telles valeurs
constituent avant tout le patrimoine des divers corps sociaux. Il est important
que les Institutions et les États reconnaissent que, parmi ces corps sociaux,
il y a aussi les Églises et Communautés ecclésiales, ainsi que les autres
organisations religieuses. À plus forte raison, quand elles existent déjà avant
la fondation des nations européennes, elles ne sont pas réductibles à de
simples entités privées, mais elles agissent avec un poids institutionnel
spécifique, qui mérite d'être sérieusement pris en considération. Dans le
déroulement de leurs activités, les différentes Institutions étatiques ou
européennes doivent agir en sachant que leurs systèmes juridiques ne seront
pleinement respectueux de la démocratie que s'ils prévoient des formes de «
saine collaboration » 180 avec les Églises et les Organisations religieuses.
À
la lumière de ce qui vient d'être souligné, je voudrais m'adresser encore une
fois aux rédacteurs du futur traité constitutionnel de l'Europe, pour que, dans
ce dernier, figure une référence au patrimoine religieux et spécialement
chrétien de l'Europe. Dans le plein respect de la laïcité des Institutions, je
souhaite par-dessus tout que soient reconnus trois aspects complémentaires: le
droit des Églises et des communautés religieuses de s'organiser librement, en
conformité avec leurs propres statuts et leurs propres convictions; le respect
de l'identité spécifique des Confessions religieuses et le fait de prévoir un
dialogue structuré entre l'Union européenne et ces mêmes Confessions; le
respect du statut juridique dont les Églises et les institutions religieuses
jouissent déjà en vertu des législations des États membres de l'Union.181
115.
Les Institutions européennes ont pour but déclaré la défense des droits de la
personne humaine. Par cet engagement, elles contribuent à construire l'Europe
des valeurs et du droit. Les Pères synodaux ont fait appel aux responsables
européens, leur disant: « Élevez la voix quand sont violés les droits humains des
individus, des minorités et des peuples, à commencer par le droit à la liberté
religieuse; réservez la plus grande attention à tout ce qui regarde la vie
humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle, et la famille fondée sur le
mariage: telles sont les bases sur lesquelles repose la maison commune
européenne; [...] affrontez, en toute justice et équité,
et
avec un grand sens de la solidarité, le phénomène croissant des migrations,
faisant en sorte qu'elles soient une nouvelle ressource pour l'avenir européen;
faites tous vos efforts pour qu'aux jeunes soit garanti un avenir vraiment
humain, par le travail, la culture, l'éducation aux valeurs morales et
spirituelles ».182
L'Église
pour la nouvelle Europe
116.
L'Europe a besoin d'une dimension religieuse. Pour être « nouvelle », à la
manière de ce qui est dit de la « cité nouvelle » de l'Apocalypse (cf. 21, 2),
elle doit se laisser rejoindre par l'action de Dieu. L'espérance de construire
un monde plus juste et plus digne de l'homme ne peut en effet faire abstraction
de la prise de conscience que les efforts humains ne conduiraient à rien s'ils
n'étaient pas accompagnés par le soutien divin, car, « si le Seigneur ne bâtit
la maison, les bâtisseurs travaillent en vain » (Ps 127 [126], 1). Pour que
l'Europe puisse être édifiée sur des bases solides, il est nécessaire de
s'appuyer sur les valeurs authentiques, qui ont leur fondement dans la loi
morale universelle, inscrite dans le cœur de tout homme. « Non seulement les
chrétiens peuvent s'unir à tous les hommes de bonne volonté pour travailler à
la construction de ce grand projet, mais plus encore ils sont invités à en être
en quelque sorte l'âme, en montrant le véritable sens de l'organisation de la
cité terrestre ».183
Une
et universelle, tout en étant présente dans la multiplicité des Églises
particulières, l'Église catholique peut offrir une contribution unique à
l'édification d'une Europe ouverte au monde. De l'Église en effet se dégage un
modèle d'unité essentielle dans la diversité des expressions culturelles, la
conscience d'appartenir à une communauté universelle qui s'enracine dans les
communautés locales mais ne s'épuise pas en elle, le sens de ce qui unit
au-delà de ce qui distingue.184
117.
Dans ses relations avec les pouvoirs publics, l'Église ne demande pas un retour
à des formes d'État confessionnel. Mais en même temps, elle déplore tout type
de laïcisme idéologique ou de séparation hostile entre les institutions civiles
et les confessions religieuses.
Pour
sa part, dans la logique d'une saine collaboration entre communauté ecclésiale
et société politique, l'Église catholique est convaincue de pouvoir apporter
une contribution spécifique à la perspective de l'unification, offrant aux
institutions européennes, en continuité avec sa tradition et en harmonie avec
les directives de sa doctrine sociale, la présence de communautés de croyants
qui cherchent à réaliser l'humanisation de la société à partir de l'Évangile
vécu sous le signe de l'espérance. Dans cette optique, il est nécessaire que
des chrétiens, convenablement formés et compétents, soient présents dans les
diverses instances et Institutions européennes, pour concourir, dans le respect
des justes dynamismes démocratiques et à travers une confrontation des
propositions, à définir une convivialité européenne toujours plus respectueuse
de tout homme et de toute femme, et donc conforme au bien commun.
118.
L'Europe qui est en train de se construire comme « union » pousse aussi les chrétiens
vers l'unité pour qu'ils soient de vrais témoins d'espérance. Dans ce cadre, il
faut poursuivre et développer cet échange de dons, qui a revêtu ces dernières
années des expressions significatives. Réalisé entre communautés ayant des
histoires et des traditions diverses, il incite à nouer des liens plus durables
entre les Églises des divers pays et il conduit à leur enrichissement mutuel, à
travers rencontres, confrontations et aides réciproques. Il faut en particulier
mettre en valeur la contribution de la tradition culturelle et spirituelle
offerte par les Églises catholiques orientales.185
Un
rôle important pour la croissance de cette unité peut être joué par les
organismes continentaux de communion ecclésiale, qui attendent d'être
ultérieurement encouragés.186 Parmi ceux-ci, il convient d'attribuer un rôle
particulier au Conseil des Conférences épiscopales d'Europe dont la mission
est, au niveau de tout le continent, d'« assurer la promotion d'une communion
toujours plus intense entre les diocèses et les Conférences épiscopales
nationales, l'accroissement de la collaboration œcuménique entre les chrétiens,
l'élimination des obstacles qui menacent l'avenir de la paix et le progrès des
peuples, le renforcement de la collégialité affective et effective et de la
"communio" hiérarchique ».187 De même, il faut reconnaître le service
de la Commission des Épiscopats de la Communauté européenne qui, suivant le
processus de consolidation et d'élargissement de l'Union européenne, favorise
l'information mutuelle et coordonne les initiatives pastorales des Églises
d'Europe concernées.
119.
Le renforcement de l'Union au sein du continent européen incite les chrétiens à
coopérer au processus d'intégration et de réconciliation à travers un dialogue
théologique, spirituel, éthique et social.188 En effet, « dans l'Europe en
marche vers l'unité politique, pouvons-nous admettre que ce soit précisément
l'Église du Christ qui soit un facteur de désunion et de discorde? Ne serait-ce
pas là un des plus grands scandales de notre temps? ».189
À
partir de l'Évangile, un nouvel élan pour l'Europe
120.
L'Europe a besoin d'un saut qualitatif dans la prise de conscience de son
héritage spirituel. Un tel élan ne peut lui venir que d'une écoute renouvelée
de l'Évangile du Christ. Il appartient à tous les chrétiens de s'employer à
satisfaire cette faim et cette soif de vie.
C'est
pourquoi « l'Église éprouve le devoir de renouveler avec vigueur le message
d'espérance qui lui a été confié par Dieu » et elle répète à l'Europe: « "Le
Seigneur ton Dieu est en toi, c'est lui, le héros qui apporte le salut" (So
3, 17). Son invitation à l'espérance ne se fonde pas sur une idéologie
utopiste. [...] C'est, au contraire, le message éternel du salut proclamé par
le Christ (cf. Mc 1, 15). Avec l'autorité qui lui vient de son Seigneur,
l'Église répète à l'Europe d'aujourd'hui:
Europe
du troisième millénaire, "que tes mains ne défaillent pas! " (So 3,
16); ne cède pas au découragement, ne te résigne pas à des modes de penser et
de vivre qui n'ont pas d'avenir, car ils ne sont pas fondés sur la ferme
certitude de la Parole de Dieu! ».190
Reprenant
cette invitation à l'espérance, je te le répète encore aujourd'hui, Europe qui
es au début du troisième millénaire: « Retrouve-toi toi- même. Sois toi-même.
Découvre tes origines. Avive tes racines ».191 Au cours des siècles, tu as reçu
le trésor de la foi chrétienne. Il fonde ta vie sociale sur les principes tirés
de l'Évangile et on en voit les traces dans l'art, la littérature, la pensée et
la culture de tes nations. Mais cet héritage n'appartient pas seulement au
passé; c'est un projet pour l'avenir, à transmettre aux générations futures,
car il est la matrice de la vie des personnes et des peuples qui ont forgé
ensemble le continent européen.
121.
Ne crains pas! L'Évangile n'est pas contre toi, il est en ta faveur. Cela est
confirmé par la constatation que l'inspiration chrétienne peut transformer
l'ensemble des composantes politiques, culturelles et économiques en une
convivialité où tous les Européens se sentent chez eux et forment une famille
de nations dont d'autres régions du monde peuvent s'inspirer de manière
fructueuse.
Aie
confiance! Dans l'Évangile, qui est Jésus, tu trouveras l'espérance forte et
durable à laquelle tu aspires. C'est une espérance fondée sur la victoire du
Christ sur le péché et sur la mort. Cette victoire, il a voulu qu'elle soit
tienne, pour ton salut et pour ta joie.
Sois-en
sûre! L'Évangile de l'espérance ne déçoit pas. Dans les vicissitudes de ton
histoire d'hier et d'aujourd'hui, c'est une lumière qui éclaire et oriente ton
chemin; c'est une force qui te soutient dans l'épreuve; c'est une prophétie
d'un monde nouveau; c'est le signe d'un nouveau départ; c'est une invitation à
tous, croyants ou non, à tracer des chemins toujours nouveaux qui ouvrent sur
l'« Europe de l'Esprit », pour en faire une véritable « maison commune » où
l'on trouve la joie de vivre.
CONCLUSION
Consécration
à Marie
« Un
signe grandiose apparut dans le ciel:
une Femme, ayant le soleil pour manteau »
(Ap 12, 1)
La
femme, le dragon et l'enfant
122.
L'histoire de l'Église s'accompagne de « signes » qui sont sous les yeux de
tous, mais qui demandent à être interprétés. Parmi eux, l'Apocalypse présente
le « signe grandiose » apparu dans le ciel, qui parle d'une lutte entre la
femme et le dragon.
La
femme ayant le soleil pour manteau, qui est en train d'accoucher dans la
souffrance (cf. Ap 12, 1-2), peut désigner l'Israël des prophètes qui enfante
le Messie, « celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un
sceptre de fer » (Ap 12, 5; cf. Ps 2, 9). Mais elle représente aussi l'Église,
peuple de la nouvelle Alliance, en proie à la persécution, mais protégée par
Dieu. Le dragon est « le serpent des origines, celui qu'on nomme Démon ou
Satan, celui qui égarait le monde entier » (Ap 12, 9). Le combat est inégal:
le
dragon semble avoir l'avantage, tant est grande son outrecuidance face à la
femme sans défense et souffrante. En réalité, le vainqueur, c'est le fils que
la femme vient de mettre au monde. Dans ce combat, une chose est certaine: le
grand dragon a déjà été vaincu, « il fut jeté sur la terre, et ses anges avec
lui » (Ap 12, 9). Ceux qui l'ont vaincu, ce sont le Christ, Dieu fait homme,
par sa mort et sa résurrection, et les martyrs, « par le sang de l'Agneau et le
témoignage de leur parole » (Ap 12, 11). Et même si le dragon persiste dans son
opposition, il n'y a rien à craindre, car sa défaite est déjà consommée.
123.
Telle est la certitude qui anime l'Église au long de son chemin, tandis qu'elle
relit son histoire de toujours à partir de la femme et du dragon. La femme qui
met au monde un enfant mâle nous rappelle aussi la Vierge Marie, surtout au
moment où, transpercée par la souffrance au pied de la Croix, elle engendre de
nouveau le Fils, comme vainqueur du prince de ce monde. Elle est confiée à Jean
qui, à son tour, lui est confié (cf. Jn 19, 26-27), et elle devient ainsi la
Mère de l'Église. Grâce au lien qui unit Marie à l'Église, et l'Église à Marie,
le mystère de la femme prend une clarté nouvelle: « En effet, Marie, présente
dans l'Église comme Mère du Rédempteur, participe maternellement au "dur
combat contre les puissances des ténèbres" qui se déroule à travers toute
l'histoire des hommes. Et par cette identification ecclésiale avec la
"femme enveloppée de soleil" (Ap 12, 1), on peut dire que
"l'Église, en la personne de la bienheureuse Vierge, atteint déjà la
perfection qui la fait sans tache ni ride" ».192
124.
L'Église entière regarde donc Marie. Grâce aux multiples sanctuaires mariaux
disséminés dans toutes les nations du continent, la dévotion à Marie est très
vivante et fort répandue parmi les peuples européens.
Église
en Europe, continue à contempler Marie, et reconnais qu'elle apporte « sa
présence et son assistance maternelles dans les problèmes multiples et
complexes qui accompagnent aujourd'hui la vie des personnes, des familles et
des nations » et qu'elle vient au secours « du peuple chrétien dans la lutte
incessante entre le bien et le mal, afin qu'il "ne tombe pas" ou,
s'il est tombé, qu'il "se relève" ».193
Prière
à Marie, Mère de l'espérance
125.
Dans cette contemplation, animée par un amour authentique, Marie nous apparaît
comme la figure de l'Église qui, nourrie par l'espérance, reconnaît l'action
salvifique et miséricordieuse de Dieu, à la lumière duquel elle lit son propre
chemin et toute l'histoire. Elle nous aide à interpréter, aujourd'hui encore,
nos itinéraires en référence à son Fils Jésus. Créature nouvelle modelée par
l'Esprit Saint, Marie fait croître en nous la vertu de l'espérance.
À
Elle, Mère de l'espérance et de la consolation, nous adressons avec confiance
notre prière: nous lui confions l'avenir de l'Église en Europe et l'avenir de
toutes les femmes et tous les hommes de ce continent:
Marie, Mère de l'espérance,
marche avec nous!
Apprends-nous à proclamer le Dieu vivant;
Aide-nous à témoigner de Jésus,
l'unique Sauveur;
rends-nous serviables envers notre prochain,
accueillants envers ceux
qui sont dans le besoin, artisans de justice,
bâtisseurs passionnés d'un monde plus juste;
intercède pour nous
qui œuvrons dans l'histoire,
avec la certitude
que le dessein du Père s'accomplira.
Aurore d'un monde nouveau,
montre-toi la Mère de l'espérance
et veille sur nous!
Veille sur l'Église en Europe :
qu'elle soit transparente à l'Évangile ;
qu'elle soit un authentique lieu
de communion ;
qu'elle vive sa mission
d'annoncer, de célébrer et de servir
l'Évangile de l'espérance
pour la paix et la joie de tous.
Reine de la paix,
protège l'humanité du troisième millénaire!
Veille sur tous les chrétiens:
qu'ils avancent dans la confiance
sur le chemin de l'unité,
comme un ferment pour la concorde
sur le continent.
Veille sur les jeunes,
espérance de l'avenir,
qu'ils répondent généreusement
à l'appel de Jésus;
veille sur les responsables des nations:
qu'ils s'emploient à édifier
une maison commune,
dans laquelle soient respectés la dignité
et les droits de chacun.
Marie, donne-nous Jésus!
Fais que nous le suivions
et que nous l'aimions!
C'est lui l'espérance de l'Église,
de l'Europe et de l'humanité.
C'est lui qui vit avec nous, au milieu de nous,
dans son Église.
Avec toi, nous disons
« Viens, Seigneur Jésus! » (Ap 22, 20):
Que l'espérance de la gloire
déposée par Lui en nos cœurs
porte des fruits de justice et de paix!
Donné
à Rome, près de Saint-Pierre, le 28 juin 2003, vigile de la solennité des
saints Apôtres Pierre et Paul, en la vingt-cinquième année de mon pontificat.
JEAN-PAUL
II
1Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 1: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique 96
(1999), pp. 957-958.
2Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, nn. 90-91: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., pp. 17-18; La
Documentation catholique 96 (1999), pp. 802-803.
3Jean-Paul
II, Bulle Incarnationis mysterium (29 novembre 1998), nn. 3-4: AAS 91 (1999),
pp. 132. 133; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 1052. 1053.
4Cf.
Jean-Paul II, Lettre apost. Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n.
38: AAS 87 (1995), p. 30; La Documentation catholique 91 (1994), pp. 1027-1028.
5Cf.
Angélus, n. 2: Insegnamenti XIX/1 (1996), pp. 1599- 1600; La Documentation
catholique 93 (1996), p. 673.
6Synode
des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration finale (13
décembre 1991), n. 2: Enchiridion Vaticanum 13, n. 619; La Documentation
catholique 89 (1992), p. 124.
7Ibid.
n. 3: Ench. Vat., l.c., n. 621; La Documentation catholique, l.c., p. 125.
8Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 3: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 3; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 751.
9Cf.
Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième
Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 1:
AAS 92 (2000), p. 177; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 959-960.
10Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 2: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique 96
(1999), pp. 955-956.
11Cf.
Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième
Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 4:
AAS 92 (2000), p. 179; L'Oss. Rom., éd. hebd. en langue française, 26 octobre
1999, p. 5.
12Ibid.
13Cf.
Proposition 1.
14Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris,
n. 2: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl. pp. 2-3; La Documentation catholique 96
(1999), p. 763.
15Cf. ibid., nn. 12-13. 16-19: L'Oss. Rom., l.c., pp. 4-6; La Documentation catholique,
l.c., pp. 768-769; Idem, Rapport avant la discussion, I: L'Oss. Rom., 3 octobre
1999, pp. 6-7; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 935-938; Idem,
Rapport après la discussion, II, A: L'Oss. Rom., 11-12 octobre 1999, p. 10.
16Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, I, 1. 2: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 6; La Documentation
catholique 96 (1999), pp. 935. 936.
17Cf.
Proposition 5a.
18Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final, n. 1:
L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique 96 (1999), p.
955.
19Cf.
Proposition 5a; Conseil pontifical pour la Culture et Conseil pontifical pour
le Dialogue interreligieux, Jésus le porteur d'eau vive. Une réflexion
chrétienne sur le « New Age », Cité du Vatican, 2003; La Documentation
catholique 100 (2003), pp. 272-310.
20Cf.
Proposition 5a.
21Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final, n. 6:
L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique 96 (1999), p.
958.
22Jean-Paul
II, Angélus (25 août 1996), n. 2: Insegnamenti XIX/2 (1996), p. 237; cf. Proposition
9.
23Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris,
n. 88: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 17; La Documentation catholique 96
(1999), p. 801.
24Jean-Paul
II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 4: AAS 92
(2000), p. 179; La Documentation catholique 96 (1999), p. 960.
25Cf.
Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre
1988), n. 26: AAS 81 (1989), p. 439; La Documentation catholique 86 (1989), pp.
166-167.
26Cf.
Proposition 21.
27Ibid.
28Proposition
9.
29Ibid.
30Cf.
Proposition 4, 1.
31Jean-Paul
II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 2: AAS 92
(2000), p. 178; La Documentation catholique 96 (1999), p. 960.
32Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final, n. 2: L'Oss.
Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique 96 (1999), pp.
955-956.
33Cf.
Proposition 4, 2.
34Jean-Paul
II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 47: AAS 83 (1991), p. 852; La
Documentation catholique 88 (1991), p. 542.
35Cf.
Proposition 4, 1.
36Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 30: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 8; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 777.
37Cf.
Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 3: AAS 92
(2000), p. 178; La Documentation catholique 96 (1999), p. 960; Congrégation
pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus (6 août 2000), n. 13: AAS
92 (2000), p. 754; La Documentation catholique 97 (2000), p. 817.
38Cf.
Proposition 5.
39Cf.
Jean-Paul II, Encycl. Dominum et vivificantem (18 mai 1986), n. 7: AAS 78
(1986), p. 816; La Documentation catholique 83 (1986), p. 585; Congrégation
pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus (6 août 2000), n. 16: AAS
92 (2000), pp. 756-757; La Documentation catholique 97 (2000), p. 818.
40Paul
VI, Encycl. Mysterium fidei (3 septembre 1965): AAS 57 (1965), pp. 762-763; La
Documentation catholique 62 (1965), col. 1643. Cf. S. Congrégation des Rites,
Instr. Eucharisticum mysterium (25 mai 1967), n. 9: AAS 59 (1967), p. 547; La
Documentation catholique 64 (1967), col. 1098-1099; Catéchisme de l'Église
catholique, n. 1374.
41Concile
œcum. de Trente, Décr. De ss. Eucharistia, can. 1: DS 1651; La Foi catholique,
n. 745; cf. chap. 3: DS 1641; La Foi catholique, n. 738.
42Jean-Paul
II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), n. 15: L'Oss. Rom., 18
avril 2003, p. 2; La Documentation catholique 100 (2003), p. 373.
43Cf.
S. Augustin, Sur l'Évangile de Jean, Traité VI, chap. I, n. 7: PL 35, 1428; S.
Jean Chrysostome, Sur la trahison de Judas, 1, 6: PG 49, 380C.
44Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n.
7; Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 50; Paul VI, Encycl. Mysterium
fidei (3 septembre 1965): AAS 57 (1965), pp. 762-763; La Documentation
catholique
62
(1965), col. 1641-1643; S. Congrégation des Rites, Instr. Eucharisticum
mysterium (25 mai 1967), n. 9: AAS 59 (1967), p. 547; La Documentation
catholique 64 (1967), col. 1098-1099; Catéchisme de l'Église catholique, nn.
1373-1374.
45Jean-Paul
II, Motu proprio Spes ædificandi (1er octobre 1999), n. 1: AAS 92 (2000), p.
220; La Documentation catholique 96 (1999), p. 917.
46Cf
Jean-Paul II, Discours au siège du Parlement polonais, à Varsovie (11 juin
1999), n. 6: Insegnamenti, XXII/1, p. 1276; La Documentation catholique 96
(1999), p. 673.
47Cf.
Jean-Paul II, Discours à la cérémonie de congé à l'aéroport de Cracovie (10
juin 1997), n. 4: Insegnamenti, XX/1, pp. 1496-1497; L'Oss. Rom. éd. hebd. en
langue française, 15 juillet 1997, p. 6.
48Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final, n. 4:
L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique 96 (1999), p.
957.
49Cf.
Proposition 15, 1; Catéchisme de l'Église catholique, n. 773; Jean-Paul II,
Lettre apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n. 27: AAS 80 (1988), p.
1718; La Documentation catholique 85 (1988), pp. 1084-1085.
50Cf.
Proposition 15, 1.
51Cf.
Proposition 21.
52Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final, n. 4:
L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique 96 (1999), p.
957.
53Proposition 9.
54Ibid.
55Ibid.
56Cf.
Proposition 22.
57Jean-Paul
II, Exhort. apost. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), n. 15: AAS
84 (1992), pp. 679- 680; La Documentation catholique 89 (1992), p. 459.
58Cf.
ibid., n. 29: AAS, l.c., pp. 703-705; La Documentation catholique, l.c., pp.
467-468; Proposition 18.
59Cf.
Code des Canons des Églises orientales, can. 373.
60Cf.
Code de Droit canonique, can. 277, 1.
61Cf.
Paul VI, Encycl. Sacerdotalis cælibatus (24 juin 1967), n. 40: AAS 59 (1967),
p. 673; La Documentation catholique 64 (1967), col. 1262.
62Cf.
Proposition 18.
63Cf.
ibid.
64Cf
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 4: L'Oss. Rom., 23
octobre
1999, p. 5; La Documentation catholique 96 (1999), p. 957.
65Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 29.
66Cf.
Proposition 19.
67Cf.
ibid.
68Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, III: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9; La Documentation catholique
96 (1999), p. 947.
69Cf.
Proposition 17.
70Cf.
ibid.
71Jean-
Paul II, Discours aux participants au Congrès sur les vocations en Europe (9
mai 1997), nn. 1-3: Insegnamenti XX/1, pp. 917-918; La Documentation catholique
94 (1997), pp. 605-606.
72Jean-Paul
II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 7:
AAS 81 (1989), p. 404; La Documentation catholique 86 (1989), p. 156.
73Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris,
n. 82: L'Oss. Rom., 6 août 1999, p. 16; La Documentation catholique 96 (1999),
p. 799.
74Cf.
Proposition 29.
75Cf.
Proposition 30.
76Cf.
ibid.
77Paul
VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 14: AAS 68 (1976),
p. 13; La Documentation catholique 73 (1976), p. 3.
78Cf.
Proposition 3b.
79Cf.
Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 37: AAS 83
(1991), pp. 282-286; La Documentation catholique 88 (1991), pp. 166-167.
80Cf.
Synode des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant
la discussion, I, 2: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 7; La Documentation
catholique 96 (1999), pp. 936-938.
81Cf.
Proposition 3a.
82Synode
des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, III, 1: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 8; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 944.
83Cf.
Synode des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 53: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 12; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 788.
84Cf.
Proposition 4,1.
85Cf.
Proposition 26,1.
86Synode
des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, III,1: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 944.
87Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 41: AAS 68 (1976), p.
31; La Documentation catholique 73 (1976), p. 8.
88Proposition
8, 1.
89Cf.
Proposition 8, 2.
90Cf.
Propositions 8, 1a-b; 6.
91Cf.
Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendæ (16 octobre 1979), n. 21: AAS
71 (1979), pp. 1294-1295; La Documentation catholique 76 (1979), p. 906.
92Cf.
Proposition 24.
93Cf.
Proposition 8, 1c.
94Cf.
Proposition 24.
95Cf.
Proposition 22.
96Cf.
Jean-Paul II, Discours aux Présidents des Conférences épiscopales européennes
(16 avril 1993), n. 1: AAS 86 (1994), p. 227 ; La Documentation catholique 90
(1993), p. 501.
97Jean-Paul
II, Discours pendant la célébration œcuménique de la Parole à la cathédrale de
Paderborn (22 juin 1996), n. 5: Insegnamenti XIX/I, p. 1571; La Documentation
catholique 93 (1996), p. 662.
98Paul
VI, Lettre du 13 janvier 1970: Tomos agapis, Rome-Istanbul (1971), pp. 610-611;
cf. Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint (25 mai 1995), n. 99: AAS 87 (1995), p.
980; La Documentation catholique 92 (1995), p. 158.
99Jean-Paul
II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 55: AAS 83 (1991), p. 302;
La Documentation catholique 88 (1991), p 173.
100Ibid.,
n. 36: AAS, l.c., p. 281; La Documentation catholique, l.c., p. 166.
101Cf.
Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration
finale (13 décembre 1991), n. 8: Ench. Vat., 13, nn. 653-655; La Documentation
catholique 89 (1992), p. 129; Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 62: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 13; La Documentation
catholique 96 (1999), pp. 791-792; Proposition 10.
102Proposition
10; cf. Commission pour les Rapports religieux avec le Judaïsme, Nous nous
souvenons: une réflexion sur la Shoah (16 mars 1998): Ench. Vat. 17, nn.
520-550; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 336-340.
103Synode
des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration finale (13
décembre 1991), n. 9: Ench. Vat., 13, n. 656; La Documentation catholique 89
(1992), p. 129.
104Cf.
Proposition 11.
105Cf.
ibid.
106Jean-Paul
II, Discours au Corps diplomatique (12 janvier 1985), n. 3: AAS 77 (1985), p.
650; La Documentation catholique 83 (1985), p. 219.
107Conc.
œcum. Vat. II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ, n. 2.
108Cf.
Proposition 23.
109Cf.
Propositions 25; 26, 2.
110Cf.
Proposition 26, 3.
111Cf.
Proposition 27.
112Jean-Paul
II, Lettre aux artistes (4 avril 1999), n. 12: AAS 91(1999), p. 1168; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 12.
113Cf.
Proposition 7b-c.
114Cf.
Jean-Paul II, Discours durant la veillée de prière à Tor Vergata lors des XV es
Journées mondiales de la Jeunesse (19 août 2000), n. 6: Insegnamenti XXIII/2,
p. 212 ; La Documentation catholique 97 (2000), pp. 776-778.
115Cf.
Conseil pontifical pour les Communications sociales, Éthique dans les
communications sociales, Cité du Vatican, 4 juin 2000: La Documentation
catholique 97 (2000), pp. 623-633.
116Proposition
13.
117Cf.
Proposition 12.
118Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. 25.
119Cf.
Proposition 14.
120Const.
Sacrosanctum Concilium, n. 8.
121Cf.
Proposition 14; Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe,
Rapport avant la discussion, III, 2: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9; La
Documentation catholique 96 (1999), pp. 945-946.
122Cf.
Proposition 15, 2a.
123Conc.
œcum. Vat. II, Décr. sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum
Ordinis, n. 5.
124Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 11.
125Jean-Paul
II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), n. 20: L'Oss. Rom., 18
avril 2003, p. 3; La Documentation catholique 100 (2003), p. 374.
126Cf.
Jean-Paul II, Discours à l'audience générale (25 octobre 2002), n. 2: Insegnamenti
XXIII/2 (2000), p. 697.
127Cf.
Proposition 16.
128Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant la
discussion, III, 2: L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9; La Documentation
catholique 96 (1999), pp. 945-946.
129Cf.
Proposition 16.
130Cf.
Jean-Paul II, Motu proprio Misericordia Dei (7 avril 2002), n. 4: AAS 94
(2002), pp. 456-457; La Documentation catholique 99 (2002), pp. 453-454.
131Cf.
Proposition 16; Jean-Paul II, Lettre aux prêtres pour le Jeudi saint 2002 (17
mars 2002), n. 4: AAS 94 (2002), pp. 435-436; La Documentation catholique 99
(2002), p. 304.
132Cf.
Proposition 14c.
133Cf. ibid.
134Cf. Const. Sacrosanctum Concilium, n.
100.
135Cf. Proposition
14c; 20.
136Cf.
Proposition 20.
137Jean-Paul
II, Lettre apost. Rosarium Virginis Mariæ (16 octobre 2002), n. 3: AAS 95
(2003), p. 7; La Documentation catholique 99 (2002), p. 952-953.
138Cf.
Proposition 14.
139Jean-Paul
II, Lettre apost. Dies Domini (31 mai 1998), n. 4: AAS 90 (1998), p. 716; La
Documentation catholique 95 (1998), p. 659.
140Jean-Paul
II, Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 10: AAS 71 (1979), p. 274; La
Documentation catholique 76 (1979), p. 306.
141Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum
laboris, n. 72, L'Oss. Rom., 6 août 1999, Suppl., p. 15; La Documentation
catholique 96 (1999), p. 795.
142Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1.
143Cf.
Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitæ (25 mars 1995), n. 90: AAS 87 (1995), p.
503; La Documentation catholique 92 (1995), p. 396.
144Cf.
Proposition 33.
145Proposition
35.
146Cf.
Proposition 36.
147Cf.
Proposition 31.
148Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l'Église dans le monde de ce temps
Gaudium et spes, n. 48.
149Cf.
Proposition 31.
150Jean-Paul
II, Discours pour la troisième Rencontre mondiale des Familles à l'occasion de
leur jubilé (14 octobre 2000), n. 6: Insegnamenti XXIII/2, p. 603; La
Documentation catholique 97 (2000), p. 973.
151Jean-Paul
II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 17: AAS 74
(1982), pp. 99-100; La Documentation catholique 79 (1982), p. 6.
152Jean-Paul
II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 39: AAS 83 (1991), p. 842; La
Documentation catholique 88 (1991), p. 538.
153Cf.
Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre
1988), n. 40: AAS 81 (1989), p. 469; La Documentation catholique 86 (1989), p.
176.
154Cf.
Jean-Paul II, Discours à la première Rencontre mondiale des Familles (8 octobre
1994), n. 7: AAS 87 (1995), p. 587; La Documentation catholique 91 (1994), p.
969.
155Cf.
Proposition 32.
156Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 51.
157Jean-Paul
II, Encycl. Evangelium vitæ (25 mars 1995), n. 63: AAS 87 (1995), p. 473; La
Documentation catholique 92 (1995), p. 383.
158Ibid.,
n. 95: AAS, l.c., p. 509; La Documentation catholique, l.c., p. 398.
159Jean-Paul
II, Discours au nouvel Ambassadeur de Norvège près le Saint-Siège (25 mars
1995): Insegnamenti XVIII/1, p. 857.
160Proposition
32.
161Const.
past. Gaudium et spes, n. 57.
162Cf.
Proposition 28; Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe,
Déclaration finale (13 décembre 1991), n. 10: Ench. Vat. 13, nn. 659-669; La
Documentation catholique, 89 (1992), p. 130.
163Cf.
Proposition 23.
164Cf.
Proposition 28.
165Proposition
34.
166Cf.
Congrégation pour les Évêques, Instr. Nemo est (22 août 1969), n. 16: AAS 61
(1969), pp. 621-622; La Documentation catholique 67 (1970), p. 62; CIC, can.
294 et 518; CCEO, can. 280 § 1.
167Cf.
Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,
n. 5: L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 6; La Documentation catholique 96
(1999), pp. 957-958.
168Jean-Paul
II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la deuxième Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des
Évêques
(23 octobre 1999), n. 5: AAS 92 (2000), p. 179; La Documentation catholique 96
(1999), p. 960.
169Proposition
39.
170Ibid.
171Cf.
ibid.; cf. aussi Proposition 28.
172Jean-Paul
II, Lettre au Cardinal Miloslav Vlk, Président du Conseil des Conférences
épiscopales européennes (16 octobre 2000), n. 7: Insegnamenti XXIII/2, p. 628; La
Documentation catholique 97 (2000), p. 960.
173Ibid.
174Jean-Paul
II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2000, n. 17: AAS 92 (2000), pp.
367-368; La Documentation catholique 97 (2000), pp. 5-6.
175Jean-Paul
II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 35: AAS 83 (1991), p. 837; La
Documentation catholique 88 (1991), p. 535.
176Cf.
Proposition 39.
177Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris,
n. 85: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 17; La Documentation catholique 96
(1999), p. 800; cf. Proposition 39.
178Cf.
Jean-Paul II, Allocution à la Présidence du Parlement européen (5 avril 1979):
Insegnamenti, II/I, pp. 796-799; La Documentation catholique 76 (1979), pp.
432-433.
179Cf.
Proposition 37.
180Cf.
Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 76.
181Cf.
Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique (13 janvier 2003), n. 5: L'Oss.
Rom., 13-14 janvier 2003, p. 6: La Documentation catholique 100 (2003), p. 120.
182Synode
des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final, n. 6:
L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5; La Documentation catholique 96 (1999), p.
958.
183Jean-Paul
II, Lettre au Cardinal Miloslav Vlk, Président du Conseil des Conférences
épiscopales européennes (16 octobre 2000), n. 4: Insegnamenti XXIII/2, p. 626; La
Documentation catholique 97 (2000), p. 960.
184Cf.
Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration
finale (13 décembre 1991), n. 10: Ench. Vat. 13, n. 669; La Documentation
catholique 89 (1992), pp. 130-131.
185Cf.
Proposition 22.
186Cf.
ibid.
187Jean-Paul
II, Discours au Conseil des Conférences épiscopales d'Europe (16 avril 1993),
n. 5: AAS 86 (1994), p. 229; La Documentation catholique 90 (1993), p. 502.
188Cf.
Proposition 39d.
189Jean-Paul
II, Homélie durant la célébration œcuménique à l'occasion de l'Assemblée
spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (7 décembre 1991), n. 6:
Insegnamenti XIV/2, p. 1330. L'Oss. Rom., éd. hebdom. en langue française, 17
décembre 1991, p. 14.
190Jean-Paul
II, Homélie pour l'ouverture de la deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe du
Synode des Évêques (1er octobre 1999), n. 3: AAS 92 (2000), pp. 174-175; La
Documentation catholique 96 (1999), p. 932.
191Discours
à différentes Autorités européennes (9 novembre 1982), n. 4: AAS 75 (1983), p.
330; La Documentation catholique 79 (1982), p. 1129.
192Jean-Paul
II, Encycl. Redemptoris Mater (25 mars 1987), n. 47: AAS 79 (1987), p. 426; La
Documentation catholique 84 (1987), p. 404.
193Ibid.,
n. 52: AAS, l.c., p. 432; La Documentation catholique, l.c., p. 406; cf. Proposition
40.