«Un prêtre doit-il refuser de donner la communion à un homme
politique dont il sait pertinemment qu'il ne respecte pas les positions les
plus importantes de l'Eglise catholique, en particulier sur l'avortement ?» La réponse du cardinal Francis Arinze,
en charge de la question a été «oui», hier au Vatican, lors de la
présentation à la presse d'une longue instruction législative et technique sur
l'eucharistie. Une instruction qui ne présente par ailleurs aucune nouveauté en
matière doctrinale.
Pour les catholiques européens, la question pourra sembler un peu saugrenue et,
en France, les évêques ne se sont jamais exprimés officiellement sur ce sujet
délicat, touchant à la conscience de chacun. Dans leur catéchisme, le fidèle
est simplement invité, avant de communier, à se poser la question de savoir «si
la vie qu'il mène est en harmonie avec la communion au Christ».
Mais, aux Etats-Unis, le débat fait rage autour de John Kerry, candidat
démocrate à la Maison-Blanche, qui s'affirme à la fois catholique pratiquant et
favorable à l'avortement. Or le poids de l'électorat catholique est loin d'être
négligeable outre-Atlantique. La question devient très sensible pour des
fidèles américains qui restent extrêmement attentifs à la pratique de leur foi
et à la cohérence entre cette foi et leurs actes publics.
Aussi, la réponse du cardinal Arinze, préfet de la
Congrégation pour le culte divin, risque de donner une nouvelle dynamique au
débat. En février, l'archevêque de Saint Louis, Mgr Raymond Burke, avait
demandé au candidat démocrate de ne pas se présenter à la communion dans son
diocèse. Pour faire face à la division au sein de l'épiscopat américain, le
cardinal archevêque de Washington, Theodore McCarrick, a décidé de créer une commission sur le sujet.
L'an dernier, le Vatican avait publié une «note doctrinale» soulignant
que les hommes politiques catholiques avaient «une grave et claire
obligation de s'opposer à toute loi» qui soit «contre la vie humaine».
Cette question interne aux Etats-Unis est arrivée comme une boule dans le jeu
de quilles du Vatican, qui a déjà la mission parfois austère de faire respecter
la doctrine et, selon les propos du cardinal Arinze,
de «servir de tutelle au mystère eucharistique». Quand il y a des abus,
a-t-il ajouté, «l'Eglise a le devoir de les affronter avec clairvoyance et
charité».
Or, d'un point de la planète à l'autre, la culture, les traditions et
l'imagination locale des catholiques ont tendance à déformer ce sacrement, «en
qui sont contenus l'ensemble des biens spirituels de l'Eglise».
C'est ce qui a incité la congrégation du cardinal Arinze
à rédiger l'instruction d'une cinquantaine de pages publiée hier «sur
certaines choses devant être observées ou évitées concernant la très sainte
Eucharistie» et intitulée Redemptionis Sacramentum («Le Sacrement de la rédemption»). Elle
concerne 17% de la population mondiale – les catholiques – ainsi que les
quelque 4 500 évêques et les 405 000 prêtres qui célèbrent chaque jour la
messe.
Il ne s'agit pas d'un document nouveau – aucun changement sur le fond doctrinal
–, mais d'un sérieux rappel à l'ordre législatif sur ce qui doit ou ne doit pas
être fait, jusque dans les moindres détails. En guise d'exemple et si leur
évêque est d'accord, les jeunes filles peuvent toujours, selon l'instruction,
continuer à servir la messe. Mais une «interdiction» nette est faite aux
laïcs de prêcher durant la célébration. Une interdiction qui vaut aussi bien
pour les «séminaristes, les étudiants en théologie, tous ceux qui exercent
la fonction d'assistants pastoraux», que pour «n'importe quel type de
groupe, mouvement, communauté ou association de laïcs». Dans le même ordre
d'idée, les laïcs ne peuvent distribuer la communion qu'en cas de «vraie
nécessité».