Projet de loi C-38 et débat sur le mariage
Lettre adressée à tous les Membres du Parlement et du Sénat au sujet du Projet de loi C-38

 

 

L’Organisme catholique pour la vie et la famille (OCVF) a parfaitement conscience de la situation délicate à laquelle se trouvent confrontés les membres du Parlement dans le dossier du mariage. L’OCVF estime qu’il est essentiel de poursuivre dans le respect  le débat initié par le dépôt du projet de Loi concernant certaines conditions de fond du mariage civil, afin que l’ensemble des Canadiennes et Canadiens puissent exprimer leurs points de vue.

 

Considérant que différentes chartes protègent désormais les personnes d’orientation  homosexuelle contre la discrimination et leur garantissent le respect de leurs droits  au cœur de la société, l’OCVF veut vous faire part de sa déception et de sa grande inquiétude face au projet de loi C-38, qui entend redéfinir le mariage.

 

Nous sommes d’autant plus préoccupés par cette initiative qu’elle entend modifier radicalement la nature et le sens d’une institution plurimillénaire dont toutes les cultures et les religions ont reconnu l’importance vitale pour la stabilité des familles et l’avenir des sociétés.

 

Notre intervention auprès de vous repose non seulement sur nos convictions chrétiennes, mais aussi sur une conception du mariage et de la société que partagent  bien des croyants et des non croyants, et qui se trouve profondément remise en question par la redéfinition du mariage contenue dans ce projet de loi. Voici donc quelques observations qu’il nous a semblé important de vous communiquer :

 

1. La dignité et l’égalité des personnes ne dépendent en rien de leur race, de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur état civil. Leur dignité et leur égalité se fondent sur le simple fait qu’elles sont humaines. Quant à leurs droits, certains sont absolus - le droit à la vie, par exemple. Et d’autres sont conditionnels - comme le droit de pratiquer la médecine à condition d’avoir obtenu un diplôme. De même, le droit au mariage, reconnu par l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ne s’applique qu’aux personnes qui remplissent les conditions inhérentes à ce droit. Dans le cas qui nous occupe, l’hétérosexualité est reconnue depuis toujours comme une condition inhérente au mariage.

 

2. Ni les États, ni les religions n’ont  inventé le mariage. Au fil des siècles, ils ont reconnu que cette institution naturelle composée d’un homme et d’une femme sert bien les besoins de la société en lui donnant de nouveaux citoyens et en les éduquant, ce qui lui  assure un avenir. Telle est la raison pour laquelle, grâce aux privilèges attachés au mariage civil, les États ont choisi de soutenir les couples hétérosexuels qui se marient : parce qu’ils contribuent ainsi au bien commun.

 

3. Que devient la question de la procréation qui, à notre avis, est trop exclue du débat? Avec le bien des époux, le potentiel procréateur est définitivement l’un des deux éléments constitutifs du mariage. En incluant les unions gaies et lesbiennes dans la définition du mariage, on détruirait donc le mariage puisque les personnes de même sexe n’ont pas la capacité biologique de se reproduire; bien que la procréation assistée permette de surmonter ce problème biologique, il n’en demeure pas moins que cette possibilité est une exception à la règle. Il est vrai, par ailleurs, que certains couples hétérosexuels n’ont pas d’enfants, mais ils possèdent tout de même la complémentarité anatomique nécessaire pour procréer.

 

4. Il n’y a rien de discriminatoire à traiter et à nommer différemment deux types d’unions aussi fondamentalement différentes —cela évite la confusion. Nous convenons qu’il est important de reconnaître et de protéger les droits individuels, mais jamais au détriment de l’intérêt public et du bien commun. Les coûts sociaux de cette expérience sociétale sans précédent n’apparaîtront qu’avec le temps, comme ce fut le cas après la légalisation du divorce.

 

Considérant d’ailleurs les nombreux impacts négatifs du divorce sur la vie de nombreux enfants et adultes (instabilité affective, dépression, pauvreté, décrochage scolaire, délinquance, suicide, etc), nous ne comprenons pas que ce gouvernement s’apprête à créer d’autres situations défavorables.

 

Les plus récentes études en sciences sociales prouvent non seulement que le fondement le plus stable de la famille est le mariage, mais aussi que les enfants ont les meilleures chances de s’épanouir en compagnie de leurs deux parents, père et mère. Une enquête nationale canadienne  (Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada) sur les enfants et les jeunes démontrait en 1999 que seulement 13% des enfants nés de parents mariés n’ayant pas vécu ensemble avant le mariage avaient connu la rupture de leur famille, comparativement à 63% des enfants issus d’unions libres.

 

Il est clair que la réduction du nombre de mariages (hétérosexuels) a des effets néfastes sur la santé des familles et dès lors sur la santé de la société tout entière. Tout État porte la responsabilité grave de favoriser l’intérêt national et le bien commun. En ce sens, le Parlement doit privilégier, protéger et promouvoir comme norme sociale le mariage entre un homme et une femme.

 

Les lois ont un impact éducatif certain sur les mentalités et les familles sont les premières à en subir les contre-coups.  Le courrier que nous recevons nous apprend que beaucoup de citoyens -croyants et non croyants - refusent que le mariage entre personnes de même sexe soit désormais présenté à leurs enfants, que ce soit dans le cadre scolaire ou ailleurs, comme un modèle de plus pour la vie de couple et de famille.  

 

5. Le projet de loi C-38 entend faire respecter les droits humains individuels des personnes de même sexe en leur reconnaissant le « droit » au mariage. Assez étonnamment, on n’entend jamais parler des besoins et des droits des citoyens les plus vulnérables - les enfants : leur droit à un père et à une mère, et leur droit de connaître leurs parents biologiques et de grandir avec eux. Ces droits sont protégés par l’institution du mariage et c’est une autre raison pour laquelle il faut conserver le mariage (hétérosexuel) comme norme sociale de base.

 

En incluant les unions entre personnes de même sexe dans le mariage, on ignorerait ces droits des enfants et, pour reprendre les mots du psychanaliste français Tony Anatrella, leur besoin de grandir en compagnie « de la double figure de l’homme et de la femme, du père et de la mère, pour se développer de façon cohérente en sachant que seuls un homme et une femme peuvent concevoir un enfant ».  Cette complémentarité et cette interaction éducatives sont essentielles au processus de croissance de l’enfant; en dépendent son développement affectif, son estime et sa confiance en lui, sa capacité d’aimer et de contribuer à la société.

 

Les jeunes Canadiennes et Canadiens ont besoin de sentir que l’État accorde une importance primordiale à l’institution du mariage (hétérosexuel) et qu’il est prêt à soutenir de façon privilégiée ceux et celles qui s’y engagent; cet encouragement ne peut que servir l’intérêt de l’État et de la société. Décider de placer sur un pied d’égalité le mariage et l’union entre personnes de même sexe entraînera une dévaluation néfaste du mariage et découragera les jeunes de s’y engager. Ils préféreront l’union libre avec ses tristes perspectives d’éclatement des familles.

 

En conclusion, rappelons que toute évolution sociale n’est pas nécessairement un progrès. Seule peut être qualifiée de progrès une évolution qui respecte le bien commun de la société. Nous souhaitons fortement que ce Parlement préserve au Canada l’institution naturelle qui, depuis les débuts de l’humanité, s’est avérée la plus stable pour les communautés familiales et la plus propice à l’épanouissement de leurs membres et au maintien du bien commun. Les citoyens canadiens comptent sur leurs élus, y compris sur les membres du Cabinet, pour voter sur le projet de loi C-38 selon leur conscience et en toute prudence.

 

Sincèrement,

 

 

 

+Pierre Morissette

Évêque de Baie-Comeau

Président de l’Organisme catholique pour la vie et la famille