Flash-Info au 4 janvier 2008
Discours de Nicolas Sarkozy au Palais du Latran
Rome, Palais du Latran, jeudi 20 décembre 2007
Source : Elysée
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Messieurs les cardinaux,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi d’adresser mes
premières paroles au cardinal Ruini, pour le remercier très chaleureusement de
la cérémonie qu’il vient de présider. J’ai été sensible aux prières qu’il a
bien voulu offrir pour la
France et le bonheur de son peuple. Je veux le remercier
également pour l’accueil qu’il m’a réservé dans cette cathédrale de Rome, au
sein de son chapitre.
Je vous serais également
reconnaissant, Eminence, de bien vouloir transmettre à sa Sainteté Benoît XVI
mes sincères remerciements pour l’ouverture de son palais pontifical qui nous
permet de nous retrouver ce soir. L’audience que le Saint Père m’a accordée ce
matin a été pour moi un moment d’émotion et de très grand intérêt. Je
renouvelle au Saint Père l’attachement que je porte à son projet de déplacement
en France au deuxième semestre de l’année 2008. En tant que Président de tous
les Français, je suis comptable des espoirs que cette perspective suscite chez
mes concitoyens catholiques et dans de nombreux diocèses. Quelles que soient
les étapes de son séjour, Benoît XVI sera le bienvenu en France.
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En
me rendant ce soir à Saint-Jean de Latran, en acceptant le titre de chanoine
d’honneur de cette basilique, qui fut conféré pour la première fois à Henri IV
et qui s’est transmis depuis lors à presque tous les chefs d’Etat français, j’assume
pleinement le passé de la
France et ce lien si particulier qui a si longtemps uni notre
nation à l’Eglise.
C’est par le baptême de Clovis
que la France
est devenue Fille aînée de l‘Eglise. Les faits sont là. En faisant de Clovis le
premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur
le destin de la France
et sur la christianisation de l’Europe. A de multiples reprises ensuite, tout
au long de son histoire, les souverains français ont eu l’occasion de
manifester la profondeur de l’attachement qui les liait à l’Eglise et aux
successeurs de Pierre. Ce fut le cas de la conquête par Pépin le Bref des
premiers Etats pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus
ancienne représentation diplomatique.
Au-delà de ces faits historiques,
c’est surtout parce que la foi chrétienne a pénétré en profondeur la société
française, sa culture, ses paysages, sa façon de vivre, son architecture, sa
littérature, que la France
entretient avec le siège apostolique une relation si particulière. Les racines
de la France
sont essentiellement chrétiennes. Et la France a apporté au rayonnement du christianisme
une contribution exceptionnelle. Contribution spirituelle et morale par le
foisonnement de saints et de saintes de portée universelle : saint Bernard de
Clairvaux, saint Louis, saint Vincent de Paul, sainte Bernadette de Lourdes,
sainte Thérèse de Lisieux, saint Jean-Marie Vianney, Frédéric Ozanam, Charles
de Foucauld… Contribution littéraire et artistique : de Couperin à Péguy,
de Claudel à Bernanos, Vierne, Poulenc, Duruflé, Mauriac ou encore Messiaen.
Contribution intellectuelle, si chère à Benoît XVI, Blaise Pascal, Jacques
Bénigne Bossuet, Jacques Maritain, Emmanuel Mounier, Henri de Lubac, René
Girard… Qu’il me soit permis de mentionner également l’apport déterminant de la France à l’archéologie
biblique et ecclésiale, ici à Rome, mais aussi en Terre sainte, ainsi qu’à
l’exégèse biblique, avec en particulier l’Ecole biblique et archéologique
française de Jérusalem.
Je veux aussi évoquer parmi vous
ce soir la figure du cardinal Jean-Marie Lustiger qui nous a quittés cet été.
Son rayonnement et son influence ont eux aussi très largement dépassé les
frontières de la France. J’ai
tenu à participer à ses obsèques car aucun Français n’est resté indifférent au
témoignage de sa vie, à la force de ses écrits, au mystère de sa conversion.
Pour tous les catholiques, sa disparition a représenté une grande peine. Debout
à côté de son cercueil, j’ai vu défilé ses frères dans l’épiscopat et les nombreux
prêtres de son diocèse, et j’ai été touché par l’émotion qui se lisait sur le
visage de chacun.
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Cette profondeur de l’inscription
du christianisme dans notre histoire et dans notre culture, se manifeste ici à
Rome par la présence jamais interrompue de Français au sein de la Curie, aux responsabilités
les plus éminentes. Je veux saluer ce soir le cardinal Etchegaray, le cardinal
Poupard, le cardinal Tauran, Monseigneur Mamberti, dont l’action honore la France.
Les racines chrétiennes de la France sont aussi visibles
dans ces symboles que sont les Pieux établissements, la messe annuelle de la Sainte-Lucie et celle
de la chapelle Sainte-Pétronille. Et puis il y a bien sûr cette tradition qui
fait du Président de la
République française le chanoine d’honneur de Saint-Jean de
Latran. Saint-Jean de Latran, ce n’est pas rien. C’est la cathédrale du Pape,
c’est la « tête et la mère de toutes les églises de Rome et du
monde », c’est une église chère au cœur des Romains. Que la France soit liée à l’Eglise
catholique par ce titre symbolique, c’est la trace de cette histoire commune où
le christianisme a beaucoup compté pour la France et la France beaucoup compté pour le christianisme. Et
c’est donc tout naturellement, comme le Général de Gaulle, comme Valéry Giscard
d’Estaing, et plus récemment Jacques Chirac, que je suis venu m’inscrire avec
bonheur dans cette tradition.
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Tout autant que le baptême de
Clovis, la laïcité est également un fait incontournable dans notre pays. Je
sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoquées en France chez les
catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905.
Je sais que l’interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de
tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du
passé. C’est surtout par leur sacrifice dans les tranchées de la Grande guerre, par le
partage des souffrances de leurs concitoyens, que les prêtres et les religieux
de France ont désarmé l’anticléricalisme ; et c’est leur intelligence
commune qui a permis à la
France et au Saint-Siège de dépasser leurs querelles et de
rétablir leurs relations.
Pour autant, il n’est plus
contesté par personne que le régime français de la laïcité est aujourd’hui une
liberté : liberté de croire ou de ne pas croire, liberté de pratiquer une
religion et liberté d’en changer, liberté de ne pas être heurté dans sa
conscience par des pratiques ostentatoires, liberté pour les parents de faire
donner à leurs enfants une éducation conforme à leurs convictions, liberté de
ne pas être discriminé par l’administration en fonction de sa croyance.
La France a beaucoup changé.
Les Français ont des convictions plus diverses qu’autrefois. Dès lors la
laïcité s’affirme comme une nécessité et une chance. Elle est devenue une
condition de la paix civile. Et c’est pourquoi le peuple français a été aussi
ardent pour défendre la liberté scolaire que pour souhaiter l’interdiction des
signes ostentatoires à l’école.
Cela étant, la laïcité ne saurait
être la négation du passé. Elle n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines
chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû. Comme Benoît XVI,
je considère qu’une nation qui ignore l’héritage éthique, spirituel, religieux
de son histoire commet un crime contre sa culture, contre ce mélange
d’histoire, de patrimoine, d’art et de traditions populaires, qui imprègne si
profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c’est
perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, et
dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles
de mémoire.
C’est pourquoi nous devons tenir
ensemble les deux bouts de la chaîne : assumer les racines chrétiennes de la France, et même les
valoriser, tout en défendant la laïcité enfin parvenue à maturité. Voilà le
sens de la démarche que j’ai voulu accomplir ce soir à Saint-Jean de Latran.
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Le
temps est désormais venu que, dans un même esprit, les religions, en
particulier la religion catholique qui est notre religion majoritaire, et
toutes les forces vives de la nation regardent ensemble les enjeux de l’avenir
et non plus seulement les blessures du passé.
Je partage l’avis du pape quand
il considère, dans sa dernière encyclique, que l’espérance est l’une des
questions les plus importantes de notre temps. Depuis le siècle des Lumières,
l’Europe a expérimenté beaucoup d’idéologies. Elle a mis successivement ses
espoirs dans l’émancipation des individus, dans la démocratie, dans le progrès
technique, dans l’amélioration des conditions économiques et sociales, dans la
morale laïque. Elle s’est fourvoyée gravement dans le communisme et dans le
nazisme. Aucune de ces différentes perspectives – que je ne mets évidemment pas
sur le même plan - n’a été en mesure de combler le besoin profond des hommes et
des femmes de trouver un sens à l’existence.
Bien sûr, fonder une famille,
contribuer à la recherche scientifique, enseigner, se battre pour des idées, en
particulier si ce sont celles de la dignité humaine, diriger un pays, cela peut
donner du sens à une vie. Ce sont ces petites et ces grandes espérances
« qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin » pour reprendre
les termes même de l’encyclique du Saint Père. Mais elles ne répondent pas pour
autant aux questions fondamentales de l’être humain sur le sens de la vie et
sur le mystère de la mort. Elles ne savent pas expliquer ce qui se passe avant
la vie et ce qui se passe après la mort.
Ces questions sont de toutes les
civilisations et de toutes les époques. Et ces questions essentielles n’ont
rien perdu de leur pertinence. Bien au contraire. Les facilités matérielles de
plus en plus grandes qui sont celles des pays développés, la frénésie de
consommation, l’accumulation de biens, soulignent chaque jour davantage
l’aspiration profonde des femmes et des hommes à une dimension qui les dépasse,
car moins que jamais elles ne la comblent.
« Quand les espérances se
réalisent, poursuit Benoît XVI, il apparaît clairement qu’en réalité, ce n’est
pas la totalité. Il paraît évident que l’homme a besoin d’une espérance qui va
au-delà. Il paraît évident que seul peut lui suffire quelque chose d’infini,
quelque chose qui sera toujours ce qu’il ne peut jamais atteindre. […] Si nous
ne pouvons espérer plus que ce qui est accessible, ni plus que ce qu’on peut
espérer des autorités politiques et économiques, notre vie se réduit à être
privée d’espérance ». Ou encore, comme l’écrivit Héraclite, « Si l’on
n’espère pas l’inespérable, on ne le reconnaîtra pas ».
Ma
conviction profonde, dont j’ai fait part notamment dans ce livre d’entretiens
que j’ai publié sur la
République, les religions et l’espérance, c’est que la
frontière entre la foi et la non-croyance n’est pas et ne sera jamais entre
ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, parce qu’elle traverse en vérité
chacun de nous. Même celui qui affirme ne pas croire ne peut soutenir en même
temps qu’il ne s’interroge pas sur l’essentiel. Le fait spirituel, c’est la
tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait
religieux, c’est la réponse des religions à cette aspiration fondamentale.
Or, longtemps la République
laïque a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle. Même après le
rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège,
elle s’est montrée plus méfiante que bienveillante à l’égard des cultes. Chaque
fois qu’elle a fait un pas vers les religions, qu’il s’agisse de la
reconnaissance des associations diocésaines, de la question scolaire, des
congrégations, elle a donné le sentiment qu’elle agissait parce qu’elle ne
pouvait pas faire autrement. Ce n’est qu’en 2002 qu’elle a accepté le principe
d’un dialogue institutionnel régulier avec l’Eglise catholique. Qu’il me soit
également permis de rappeler les critiques virulentes dont j’ai été l’objet au
moment de la création du Conseil français du culte musulman. Aujourd’hui
encore, la
République maintient les congrégations sous une forme de
tutelle, refuse de reconnaître un caractère cultuel à l’action caritative ou
aux moyens de communication des Eglises, répugne à reconnaître la valeur des
diplômes délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholique
alors que la Convention
de Bologne le prévoit, n’accorde aucune valeur aux diplômes de théologie.
Je pense que cette situation est
dommageable pour notre pays. Bien sûr, ceux qui ne croient pas doivent être
protégés de toute forme d’intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui
croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est
qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent. La désaffection
progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la
disparition des patronages, la pénurie de prêtres, n’ont pas rendu les Français
plus heureux. C’est une évidence.
Et puis je veux dire également
que, s’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale
religieuse, la
République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion
morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque
risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas
adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite parce
qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée
aux contingences historiques et finalement à la facilité. Comme l’écrivait
Joseph Ratzinger dans son ouvrage sur l‘Europe, « le principe qui a cours
maintenant est que la capacité de l’homme soit la mesure de son action. Ce que
l’on sait faire, on peut également le faire ». A terme, le danger est que
le critère de l’éthique ne soit plus d’essayer de faire ce que l’on doit faire,
mais de faire ce que l’on peut faire. C’est une très grande question.
Dans la République
laïque, l’homme politique que je suis n’a pas à décider en fonction de
considérations religieuses. Mais il importe que sa réflexion et sa conscience
soient éclairées notamment par des avis qui font référence à des normes et à
des convictions libres des contingences immédiates. Toutes les intelligences,
toutes les spiritualités qui existent dans notre pays doivent y prendre part.
Nous serons plus sages si nous conjuguons la richesse de nos différentes
traditions.
C’est pourquoi j’appelle de mes
vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire une laïcité qui, tout en
veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne
considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. Il ne
s’agit pas de modifier les grands équilibres de la loi de 1905. Les Français ne
le souhaitent pas et les religions ne le demandent pas. Il s’agit en revanche
de rechercher le dialogue avec les grandes religions de France et d’avoir pour
principe de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels plutôt
que de chercher à la leur compliquer.
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Messieurs les cardinaux, Mesdames
et Messieurs, au terme de mon propos, et à quelques jours de cette fête de Noël
qui est toujours un moment où l’on se recentre sur ce qui est le plus cher dans
sa vie, je voudrais me tourner vers ceux d’entre vous qui sont engagés dans les
congrégations, auprès de la
Curie, dans le sacerdoce et l’épiscopat ou qui suivent
actuellement leur formation de séminariste. Je voudrais vous dire très
simplement les sentiments que m’inspirent vos choix de vie.
Je mesure les sacrifices que
représente une vie toute entière consacrée au service de Dieu et des autres. Je
sais que votre quotidien est ou sera parfois traversé par le découragement, la
solitude, le doute. Je sais aussi que la qualité de votre formation, le soutien
de vos communautés, la fidélité aux
sacrements, la lecture de la
Bible et la prière, vous permettent de surmonter ces
épreuves.
Sachez que nous avons au moins
une chose en commun : c’est la vocation. On n’est pas prêtre à moitié, on
l’est dans toutes les dimensions de sa vie. Croyez bien qu’on n’est pas non
plus Président de la
République à moitié. Je comprends que vous vous soyez sentis
appelés par une force irrépressible qui venait de l’intérieur, parce que
moi-même je ne me suis jamais assis pour me demander si j’allais faire ce que
j’ai fait, je l’ai fait. Je comprends les sacrifices que vous faites pour
répondre à votre vocation parce que moi-même je sais ceux que j’ai faits pour
réaliser la mienne.
Ce que je veux vous dire ce soir,
en tant que Président de la République, c’est l’importance que j’attache à ce
que vous faites et à ce que vous êtes. Votre contribution à l’action
caritative, à la défense des droits de l’homme et de la dignité humaine, au
dialogue inter-religieux, à la formation des intelligences et des cœurs, à la
réflexion éthique et philosophique, est majeure. Elle est enracinée dans la
profondeur de la société française, dans une diversité souvent insoupçonnée,
tout comme elle se déploie à travers le monde. Je veux saluer notamment nos
congrégations, les Pères du Saint-Esprit, les Pères Blancs et les Sœurs
Blanches, les fils et filles de la charité, les franciscains missionnaires, les
jésuites, les dominicains, la Communauté de Sant’Egidio qui a une branche en
France, toutes ces communautés, qui, dans le monde entier, soutiennent,
soignent, forment, accompagnent, consolent leur prochain dans la détresse
morale ou matérielle.
En donnant en France et dans le
monde le témoignage d’une vie donnée aux autres et comblée par l’expérience de
Dieu, vous créez de l’espérance et vous faites grandir des sentiments nobles.
C’est une chance pour notre pays, et le Président que je suis le considère avec
beaucoup d’attention. Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage
de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais
remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche,
parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le
charisme d’un engagement porté par l’espérance.
Je veux évoquer la mémoire des
moines de Tibhérine et de Monseigneur Pierre Claverie, dont le sacrifice
portera un jour des fruits de paix, j’en suis convaincu. L’Europe a trop tourné
le dos à la
Méditerranée alors même qu’une partie de ses racines y
plongent et que les pays riverains de cette mer sont au croisement d’un grand
nombre d’enjeux du monde contemporain. J’ai voulu que la France prenne l’initiative
d’une Union de la Méditerranée. Sa situation géographique tout
comme son passé et sa culture l’y conduisent naturellement. Dans cette partie
du monde où les religions et les traditions culturelles exacerbent souvent les
passions, où le choc des civilisations peut rester à l’état de fantasme ou
basculer dans la réalité la plus tragique, nous devons conjuguer nos efforts
pour atteindre une coexistence paisible, respectueuse de chacun sans renier nos
convictions profondes, dans une zone de paix et de prospérité. Cette
perspective rencontre, me semble-t-il, l’intérêt du Saint-Siège.
Mais ce que j’ai le plus à cœur
de vous dire, c’est que dans ce monde paradoxal, obsédé par le confort
matériel, tout en étant chaque jour de plus en plus en quête de sens et
d’identité, la France
a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils
sont et ce en quoi ils croient. La campagne électorale de 2007 a montré que les
Français avaient envie de politique pour peu qu’on leur propose des idées, des
projets, des ambitions. Ma conviction est qu’ils sont aussi en attente de
spiritualité, de valeurs, d’espérance.
Henri de Lubac, ce grand ami de
Benoît XVI, « La vie attire, comme la joie ». C’est pourquoi la France a besoin de
catholiques heureux qui témoignent de leur espérance.
Depuis toujours, la France rayonne à travers le
monde par la générosité et l’intelligence. C’est pourquoi elle a besoin de
catholiques pleinement chrétiens, et de chrétiens pleinement actifs.
La France a besoin de croire à
nouveau qu’elle n’a pas à subir l’avenir, parce qu’elle a à le construire.
C’est pourquoi elle a besoin du témoignage de ceux qui, portés par une
espérance qui les dépasse, se remettent en route chaque matin pour construire
un monde plus juste et plus généreux.
J’ai offert ce matin au Saint
Père deux éditions originales de Bernanos. Permettez-moi de conclure avec
lui : « L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne
subit pas l’avenir, on le fait […] L’optimisme est une fausse espérance à
l’usage des lâches […]. L’espérance est une vertu, une détermination héroïque
de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir
surmonté ». Comme je comprends l’attachement du pape à ce grand écrivain
qu’est Bernanos !
Partout où vous agirez, dans les
banlieues, dans les institutions, auprès des jeunes, dans le dialogue
inter-religieux, dans les universités, je vous soutiendrai. La France a besoin de votre
générosité, de votre courage, de votre espérance.