"Et si Benoit XVI conseillait de voter "NON" à la Constitution
Européenne..."

 

 

Lors de sa première audience générale, celle du mercredi, Benoît XVI, en soulignant que saint Benoît est le

patron de l’Europe, a noté aussi que ce saint « représente un repère fondamental pour l’unité de l’Europe et un

rappel fort aux racines chrétiennes de sa culture et de sa civilisation auxquelles on ne saurait renoncer. » Aussitôt

les commentateurs ont jugé sévèrement ce « rappel » en plein cœur du débat sur la nouvelle constitution. « Le

Monde » assure que « Benoît XVI « relance la polémique sur l’identité chrétienne », suggérant que ce n’est pas

une bonne chose d’avoir refusé de se référer explicitement aux origines chrétiennes de l’Europe.

Il est vrai que ces commentateurs nous expliquaient que le cardinal, devenu pape, avait fait preuve

« d’ouverture » au cours de l’homélie prononcée lors de son intronisation. Et cela – simplement – parce qu’il

avait déclaré vouloir œuvrer en faveur de l’unité des chrétiens (voir notre précédent Bulletin). Pensant l’Eglise

sur le mode de la société profane et de la vie électorale, nos bons apôtres croient que, à l’image d’un candidat qui,

une fois élu, mène une politique différente de celle qu’annonçait sa campagne, le cardinal Ratzinger ayant accédé

au trône de Pierre, renoncerait à ses convictions. Certes, il est désormais en charge de l’Eglise universelle et

non pas d’un dicastère, mais la foi qu’il défend est la même, la morale aussi. Et comme le Pape Jean-Paul II

avait réclamé que les racines chrétiennes de l’Europe fussent inscrites dans la constitution, son successeur

en fait autant.

Ce qui signifie que la question n’est pas réglée, même si le texte devait être adopté en l’état. Contre sept pays de

tradition catholique qui réclamaient cette référence expresse au christianisme (Pologne, Lituanie, Italie, Portugal,

Slovaquie, République Tchèque et Malte) les autres pays, poussés par la France, la Belgique et l’Espagne, refusèrent.

Mais une telle décision, même si elle devait recevoir dans certains Etats la caution du suffrage universel, ne

saurait être inscrite dans le marbre pour l’éternité. L’Eglise – a fait savoir Benoît XVI – « ne saurait renoncer ».

Nous non plus ! Nous voterons « non » principalement pour cette raison. Et si le « non » l’emportait, en France

ou ailleurs, et qu’il faille donc revoir ce texte déficient, il nous faudrait exiger de nouveau que l’on ré-écrive le préambule

du futur texte constitutionnel avec une référence explicite aux origines chrétiennes de notre continent.

A l’évidence, Benoît XVI – pas plus que Jean-Paul II – ne peut se satisfaire de la formule retenue par le

projet de constitution qui fait simplement référence aux « héritage culturels, religieux et humanistes de l’Europe

». Le pape défunt avait fait connaître son « amertume » après que cette formule eut été acceptée pour solde

de tout compte par les constituants. Valéry Giscard d’Estaing, rédacteur en chef de ce texte, a affirmé qu’il était

« évident » que l’héritage renvoyait au christianisme mais qu’il « était impossible de le dire » car, dans ce cas, il

aurait fallu citer les autres religions « ce qui n’aurait pas été acceptable pour tous ». En revanche, il jugeait acceptable

pour des centaines de millions de chrétiens européens, qu’on ne fasse pas mention de leur religion, qui

est plus que largement majoritaire !

Mais, quant au fond, l’argument giscardien est sans valeur, c’est même un sophisme ! Si l’héritage fondamental

est celui du christianisme – ce qui est vérité historique d’abord et non pas prétention confessionnelle –

alors on ne voit pas pourquoi il faudrait mentionner à égalité les autres religions ! Quelles religions ? Deux seulement

: le judaïsme et l’islam. Sans vouloir offenser les fidèles de ces deux confessions, on doit rappeler que leur

apport à la civilisation européenne est modeste. Il ne saurait en aucun cas se comparer au christianisme, dont

toute notre civilisation, notre culture, nos arts, nos lois sont marqués.

Pourquoi, par exemple, en Europe, le jour du repos est-il le dimanche, et non pas le samedi, comme pour

les juifs ou le vendredi, comme les musulmans, pour les croyants et les incroyants ? Parce que c’est le jour de la

Résurrection du Sauveur ! Mais cela est tellement un fait de civilisation désormais que l’on ne s’aperçoit plus

que même notre calendrier, d’un bout à l’autre, fait référence à l’origine chrétienne de l’Europe. Si l’on suivait

l’idée de VGE, il faudrait que chaque croyant en Europe observe les jours de repos propres à sa religion.

Toutefois, l’ancien président de la République ne dit pas toute la vérité sur l’absence de références chrétiennes

dans sa constitution. Leur présence eût tout simplement interdit de songer à intégrer la Turquie, à 90%

musulmane. La Turquie elle-même y aurait vu un obstacle. Et probablement que les termes du préambule ont été

soigneusement pesés avec elle par les dirigeants qui préparaient à la fois la constitution et l’intégration de la Turquie.

C’est pourquoi en disant « non » à la constitution nous disons « non » aussi à la Turquie dans l’Europe.

Les deux questions sont bien liées, contrairement à ce que prétend la propagande gouvernementale. Làdessus

aussi, le cardinal Ratzinger, cohérent avec lui-même déclarait en septembre 2004 : « Historiquement, la

Turquie a peu de choses en commun avec l’Europe. Ce serait une grande erreur de l’incorporer à l’Union

(…) La Turquie a un fondement islamique. Elle est très différente de l’Europe qui est une collectivité d’Etats

séculiers avec des fondements chrétiens. » Le nouveau pape ne saurait déjuger le cardinal.

 

                                                                                                                     Bulletin d’André Noël