Flash-Info
au 5 juin 2009
Le
cardinal Castrillón à Ecône,
le 29 juin ?
Le cardinal Dario Castrillón, qui a montré tout au long de son existence
pastorale en Amérique et à Rome qu’il n’hésitait pas à poser certains gestes
forts, aurait très bien pu répondre positivement à la question qui sert de
titre à cet article et qu’il a réellement examinée. Il aurait ainsi clôturé de
manière spectaculaire sa mission à la tête de
Si j’évoque cette hypothèse, c’est pour souligner les
préoccupations des hauts personnages romains de « restauration » concernant la
vie ecclésiale, sacramentelle, pastorale, missionnaire, d’une portion d’Eglise
qui « pèse » près de mille clercs,
religieux et religieuses. Je ne vise pas ici le
problème d’un statut officiel définitif de
surtout l’acceptation du concile Vatican II et du
magistère postconciliaire des papes »). Je laisse donc ici de côté la question
doctrinale, qui est en somme à double détente : — désamorcer le problème de «
l’acceptation de Vatican II », à savoir, à mon humble avis, écarter un rideau
de fumée ; — mais surtout mettre en œuvre l’étude des points de Vatican II qui
font difficulté, dans le fond et/ou leur formulation, ce qui nécessitera à
l’évidence un temps très long, un examen paisible, et bien d’autres acteurs.
Mais il semble que, depuis le décret du 21 janvier qui
libère de l’excommunication les quatre évêques de
vivre et faire vivre spirituellement de manière «
normale » pour le bien de tous (et pour son propre développement).
D’où la question qui s’était posée au cardinal Castrillón.
Car au premier rang de cette vie, sont les ordinations
sacerdotales : Mgr Fellay va procéder le 29 juin prochain,
à Ecône, à de telles ordinations. Certes, entre le 21
janvier et cette date, il aura déjà ordonné d’autres prêtres en France, mais la
cérémonie d’Ecône, le 29
juin, aura une valeur particulièrement marquante. Il n’est pas imaginable (ni souhaitable
pour personne) qu’il y renonce. On peut en revanche souhaiter que lui-même et
tous ceux qui peuvent y contribuer en fassent une étape de « normalisation ».
En effet, le décret du 21 janvier dernier a installé
n’a pas une position canonique dans l’Eglise, ses
ministres non plus n’exercent pas de ministères légitimes » (2)). Tout particulièrement,
en ce qui concerne des ordinations de prêtres, l’acte le plus ecclésial qui
soit,
— Elle a une existence canonique quasi fantomatique :
érigée en « pieuse union » de droit diocésain par l’évêque de Fribourg, Mgr
Charrière, le 1er novembre 1970, elle a été dissoute par son successeur, Mgr
Mamie, le 6 mai 1975.
Dirigée par un évêque catholique, mais sans « titre »
épiscopal, elle peut donc être tenue pour une « une association de fidèles de
nature cléricale » de fait (c’est-à-dire ni reconnue, ni approuvée), qui
fonctionne concrètement comme un institut
de droit pontifical autonome, association cléricale au
sein de laquelle ne peuvent pas être ordonnés régulièrement des prêtres
;
— Et surtout, les prêtres catholiques qui vont
désormais recevoir l’ordination des mains de leur supérieur général
officiellement catholique n’ont régulièrement pas le droit de recevoir
cette ordination, ni cet évêque celui de la conférer
(3). A tout le moins, ces prêtres seront-ils
considérés officiellement comme irréguliers, c’est-à-dire qu’ils
n’auront pas le droit d’exercer les ordres reçus. Le tout sauf exception, et
toujours, encore une fois, en s’en tenant à la lettre du droit, sans porter
aucun jugement sur le fond dont on sait que, surtout dans l’Eglise, il peut
largement infléchir cette lettre.
Bien entendu, sauf quelques provocateurs, tel le
président de
du 21 janvier,
On n’aurait nullement été dans l’hypothèse
d’intercommunion que condamne le canon 908 du Code de Droit canonique : « Il
est interdit aux prêtres catholiques de concélébrer l’eucharistie avec des
prêtres ou des ministres d’Eglises ou de communautés ecclésiales qui n’ont pas
la pleine communion avec l’Eglise catholique » (au reste, de telles
concélébrations ont malgré tout eu lieu, à plusieurs reprises, dans les années
quatre-vingt-dix, entre prêtres et évêques catholiques et prêtres de l’Eglise
patriotique chinoise séparée de Rome, avant même que le Saint-Siège n’accorde discrètement
à des évêques de cette Eglise des lettres de communion).
En revanche, la présence du cardinal Castrillón à Ecône aurait
bénéficié d’un précédent de taille. En effet, en achevant la visite canonique des
maisons de
que cette société fût regardée comme canoniquement
dissoute), le cardinal Edouard Gagnon présida (5), entouré de Mgr Perl et de
l’abbé du Chalard, dans la chapelle du séminaire d’Ecône, le 8 décembre 1987, une messe pontificale célébrée
par Mgr Marcel Lefebvre. Or, à cette époque, Mgr Lefebvre était officiellement considéré
comme frappé d’une suspense a divinis. Qui
plus est, au cours de cette messe de l’Immaculée Conception, comme c’était de
coutume pour cette fête, des prêtres – eux-mêmes en principe frappés de suspense
pour avoir été ordonnés par un évêque suspens – avaient prononcés
leur engagement dans cette Fraternité théoriquement dissoute. Le tout, sous la
présidence liturgique officielle du représentant du pape. Il n’était donc pas
absurde qu’un « pas » de ce type ait pu être envisagé pour le 29 juin
Ce qui d’ailleurs peut toujours avoir lieu, sans même
le geste spectaculaire en question.
Le mur des excommunications empêchait de réunir ce qui
doit l’être impérativement compte tenu de l’état de l’Eglise : à savoir réunir les
forces vives de l’Eglise officielle et l’ensemble des traditionalistes (et pour
ces derniers, les joindre entre eux en même temps qu’aux premières).
Ce mur est
tombé.
Mais il reste encore une barrière psychologique faite
de méfiances et de longues méconnaissances réciproques.
Dès lors qu’elle aura disparu par étapes commencera le
vrai travail : participer ensemble à juguler une autodémolition
qui dure depuis 40 ans (ce qui nécessitera d’ailleurs, pour les responsables, d’avoir
les moyens de disqualifier les plus caractérisés des démolisseurs). Qui ne voit
que le fait de réapprendre à vivre ensemble est plus important que toutes les
discussions du monde, ou plus exactement qu’il permettrait de donner à ces
discussions une tout autre efficacité ?
Abbé Claude Barthe
1-On pourrait, certes, incriminer telle ou telle prise
de position théologique de membres de cette Fraternité, mais à ce compte-là,
combien de prélats, professeurs, prêtres « officiels » en charged’âmes
pourraient être bien plus gravement accusés en matière d’enseignement de foi
ou de morale.
2. Le Pape semble opter, par ailleurs, pour
l’interprétation la plus large possible des effets de miséricorde du décret du 21
janvier : « Ses ministres – même s’ils ont été libérés de la punition
ecclésiastique – n’exercent de façon légitime aucun ministère dans l’Eglise. »
3. Le canon 1383, qui frappe de peines tant l’évêque
qui ordonne le sujet d’un autre évêque sans « lettres dimissoriales » (c’està-
dire sans la permission que donne l’évêque dont dépend
un sujet de son diocèse à un autre évêque de l’ordonner) que les
prêtres ainsi ordonnés, s’applique-t-il, dans la
mesure où ces prêtres ne sont justement les sujets d’aucun évêque ?
4. Censure propre aux clercs, et qui pour l’essentiel
leur interdit en général de célébrer les sacrements.
5. Il assura, comme cardinal, ce que les liturgistes
qualifient d’« assistance au trône », dont la mise en œuvre fut au reste un peu
approximative, par méconnaissance d’un cérémonial complexe.
PRÉSENT — Jeudi 28 mai 2009