Flash-Info au 9 septembre

 

Une interview du Cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, dans la Nef

 

 

« UN PEU DE PAIX »

Cardinal Philippe Barbarin
Source : La Nef n°196 de septembre 2008

++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

QUESTION: La Nef – Comment analysez-vous Summorum Pontificum un an après
sa mise en œuvre ?

 
Cardinal Philippe Barbarin – L’intention du Saint-Père était d’apporter
un peu de paix. À Lyon, le nombre des Messes célébrées selon la forme
extraordinaire est passé de trois à six, les dimanches. Il est difficile
de faire un bilan mais, dès septembre 2007, un homme m’a abordé un jour
dans la rue et m’a dit que la décision du pape et notre détermination à
lui obéir l’avaient touché. Il quittait donc la Fraternité Saint-Pie X,
et venait désormais avec sa famille à la Messe à l’église Saint-Georges.
Sont-ils nombreux à avoir fait comme lui ? Je ne sais pas.
Dans d’autres parties du monde, la question ne se pose pas de la même
façon. Au moment de la sortie du motu proprio, des cardinaux d’Espagne
ou de Pologne avaient dit que ce problème était surtout français et
venait de la manière dont la réforme liturgique avait été mise en œuvre
dans notre pays. Naturellement, eux aussi ont obéi au pape, et ils ont
demandé à certains de leurs prêtres d’apprendre à célébrer la Messe
selon la forme extraordinaire.
 
QUESTION: Comment la resacralisation de la liturgie voulue par le pape
peut se faire et quels rôles peuvent jouer les deux formes liturgiques
du rite romain ?

 
L’intention du Saint-Père est largement partagée dans le peuple
chrétien. Il suffit d’observer l’attitude des fidèles lors de grands
rassemblements comme le Congrès Eucharistique ou les JMJ. À Sydney, il y
avait une église où chaque jour était proposée aux jeunes, après les
catéchèses, la Messe selon la forme extraordinaire. Le samedi soir, ils
ont rejoint tout le monde à Randwick et participé à la Messe du
dimanche, célébrée par le pape selon le nouvel Ordo Missae. Là,
l’importance accordée à l’adoration eucharistique – vécue intensément
aussi à Québec –, les quelques chants latins, le long temps de silence
après la communion ont été marquants.
La grande question, c’est de savoir où le Saint-Père veut aller. Il a
plusieurs fois laissé entendre qu’il était temps de reprendre en
profondeur la réforme liturgique, comme on revoit maintenant de près la
traduction de la Bible. Le maintien de la forme extraordinaire dans la
vie liturgique de l’Église aidera à ce travail. Nous avons le recul
suffisant pour faire un bilan des progrès apportés par le nouvel Ordo et
des richesses de l’ancien qu’il ne faudrait pas perdre. C’est ainsi que
les deux formes pourront s’enrichir mutuellement.
 
QUESTION: Vis-à-vis des fidèles de votre diocèse attachés à l’ancienne
forme liturgique, quelle est votre ligne directrice ?

 
Les inviter à la paix et à retrouver la confiance. En fait, cette
communauté souffre de vives tensions internes. Longtemps à Lyon, je n’en
étais pas conscient. Dès que j’ai pu, je suis allé visiter la communauté
de l’église Saint-Georges et j’ai donné un enseignement sur
l’Eucharistie durant les vêpres. Puis, encouragé personnellement par le
pape, j’y ai célébré la confirmation. Tout s’est très bien passé ; les
parents me présentaient leurs enfants pour que je les bénisse, il n’y
avait ni reproche ni critique dans les propos, mais plutôt un climat de
confiance et de respect, et même d’affection.
Puis, un an avant la parution du motu proprio, de nouveaux supérieurs
ont été élus dans la Fraternité Saint-Pierre. Certains prêtres, en
désaccord avec les décisions qui ont suivi, ont demandé leur
incardination dans mon diocèse, et toute la communauté s’est alors
scindée en deux. Des campagnes de mails d’une grande violence ont été
lancées, on a vu naître des comités de soutien… Tout cela a fait
beaucoup de mal et, bien que le calme soit revenu, je pressens que le
feu couve toujours. Comment l’éteindre ?
La seule solution pour retrouver l’unité, c’est de faire ce que nous
demande l’Église et d’obéir au pape. Sur ce point, je rends hommage aux
responsables de la Fraternité Saint-Pierre, qui parlent le même langage
et invitent leurs fidèles à vivre dans l’obéissance et la charité.
Le motu proprio ne résout pas toutes les questions. Par exemple, lorsque
les fidèles d’une seule paroisse ne sont pas assez nombreux et qu’ils
doivent se regrouper sur un secteur plus vaste, ou quand ils posent des
exigences sur le lieu de la célébration et sur le choix du prêtre officiant…
 
QUESTION: Les supérieurs de la Fraternité Saint-Pie X viennent une fois
de plus de refuser la main généreusement tendue par Rome : qu’en
pensez-vous ?

 
À l’Abbaye de Saint Maurice, dans le Valais, on m’a rapporté ce propos
de Mgr Fellay : « Nous ne pouvons pas nous affirmer catholiques et
continuer à rester séparés de Rome. » Je me désole que les différentes
tentatives de rapprochement aient échoué depuis plus de vingt ans, mais
lorsque j’entends une déclaration du responsable de la Fraternité
Saint-Pie
X, aussi simple et pleine de bon sens, je garde confiance.
Benoît XVI, instruit par l’histoire, dit que si une rupture de cet ordre
n’est pas réparée dans les décennies qui suivent, il faudra ensuite des
siècles pour y parvenir. À Lyon, où un Concile œcuménique, à la fin du
xiiie siècle, a essayé en vain de réparer les dégâts du schisme de 1054,
on ne peut qu’être d’accord avec lui. Pour l’unité, il y a toujours urgence.