Liturgie et crise écclésiale
Le cardinal
Jorge Medina, préfet émérite de
Les voici,
suivis, en italique, de questions que se pose un simple curé de base qui
célèbre uniquement selon le rite moderne [en usant chaque fois que possible,
selon les possibilités rubricales de 1973 et leur interprétation authentique
officielle, de la forme traditionnelle : par exemple, l’orientation de
l’autel qui n’a jamais fait l’objet explicite d’une demande de changement …, l’usage du grégorien au moins pour le kyriale
…, la sainte communion sur la langue selon la norme rappelée par Paul VI -la
forme dans la main n’étant que concédée le temps pour les pasteurs de raffermir
la norme- …, le service uniquement par des garçons … ]
Extraits du Cardinal Medina :
w « Il n’est pas possible de prouver que le rite
de Saint Pie V a été abrogé du point de vue juridique. »
w « La troisième édition typique du missel de Paul
VI ne contient aucune clausule d’abrogation du rite ancien, et cette absence
est voulue. »
w « On peut dire que c’est la déclaration par les
faits. Il serait tout de même bon qu’il y ait une réponse donnée par un
organisme compétent. Et cette réponse devrait éclairer les deux points : dire
tout d’abord que le vénérable rite de Saint Pie V qui a été le rite de l’Église
latine pendant des siècles, n’est pas interdit ni abrogé ; et préciser
d’autre part que pour ne pas créer de confusion, ni troubler les sensibilités,
ce rite pourrait être célébré dans des endroits définis etc… »
◊ A
l’unanimité en 1982, à 8 voix sur 9 en 1986, une commission cardinalice
demandée par le St Père a estimée que la messe tridentine n’a jamais été
interdite. Pourquoi donc l’organisme compétent (
◊ Envisager
pour qu’il n’y ait pas de trouble que le rite tridentin reconnu non abrogé ne
puisse être célébré qu’à certaines conditions revient en fait à ne le tolérer
qu’ici ou là et l’abroger ailleurs en général : pour que le « bon
ordre » justifie de prendre d’une main ce qu’on donne de l’autre, il faut
que la crainte de désordre soit immense et donc justifiée. Ce qui est pour le
moins douteux : si le rite traditionnel était loisible à tout prêtre de
rite latin validement et licitement ordonné, cela ne déclencherait pas, vu
l’état du clergé et surtout sa peur panique des petits groupes de pression
diocéso-paroissiaux composés des militants d’il y a 40 ans, une ruée sur le
missel de Saint Pie V ! Et si par impossible cela était le cas, eh !
bien cela prouverait … qu’il était urgent d’arrêter un tel malaise.
Si
désordre il devait y avoir, en fait ce serait chez les idéologues qui tiennent
les rênes et qui ont, au lieu de faire la réforme demandée par les Pères
conciliaires, imposé et imposent la révolution, fût-elle « douce »,
comme le remarque le Cardinal Stickler dans la préface au Bref examen republié
en 2004 : « Le décret Sacrosanctum Concilium suggérait une
réforme comme on l’entend au sein de l’Eglise catholique, et non un
bouleversement accompagné d’une fabrication hâtive de nouveaux rituels. Ces
innovations ouvraient trop grande la voie à ceux qui peut-être sans le vouloir
consciemment, feront entrer, comme l’a dit notre pape Paul VI, les
« fumées de Satan » dans l’Église. Les résultats de la réforme sont
jugés dévastateurs par beaucoup aujourd’hui … Heureusement,
Et puis
craindre le « désordre » c’est penser implicitement qu’actuellement
les choses sont dans l’ordre ? Est-ce si vrai ? Plus bas le cardinal
lui-même ne semble pas le penser …
w « … j’aurais voulu à l’occasion de la troisième
édition typique du missel de Paul VI, alors que j’étais préfet de
w « … je n’éprouve aucune difficulté en célébrant
tous les jours la sainte Messe selon le Missel du pape Paul VI. J’estime tout
de même que l’on pourrait revoir certains points de ce missel pour se
réapproprier des éléments très positifs du missel de saint Pie V… »
◊
Tout comme plus haut on peut se demander comment « des oppositions très
décidées » ont pu l’emporter sur un Cardinal Préfet en exercice.
S’il semble si difficile
de corriger le missel moderne dans le sens, fût-il extrêmement modéré, de la
forme traditionnelle, peut-on au moins espérer que le mouvement de dégradation
par rapport à la volonté des Pères conciliaires et des Papes eux même soit du
moins arrêté ? Hélas, pas du tout : la hiérarchie elle-même compose
avec les abus : elle les intègre et ainsi en fait les répand. Voir plus
bas.
L’idée ratzingérienne de
« la réforme de la réforme », fondée sur l’analyse scientifique,
historique des rites liturgiques depuis l’origine et leurs rapports avec la foi
réellement vécue par le peuple chrétien, s’impose certes de plus en plus, mais
elle restera un pur vœu pieux, tant qu’elle ne sera pas portée par une volonté
décidée chez les ecclésiastiques compétents (dans tous les sens du terme), et
donc que ceux-ci ne seront pas « renouvelés ». En liturgie comme
ailleurs dans l’Église, le problème de l’heure est celui du gouvernement, et de
sa capacité à refuser tout compromis avec les idéologies infiltrées dans
l'Église et qui n’ont rien à y faire.
w « En tous cas il faut aussi reconnaître que l’on
peut déplorer assez souvent des abus dans la célébration de
◊
Certes les abus sont gravement nuisibles. Mais pourquoi ont-il été rendus
possibles à ce point si ce n’est que dès avant qu’ils commencent, la hiérarchie
n’a pas eu la volonté forte de faire positivement pratiquer ce qu’elle
promulguait ? dans ces conditions là, les abus sont inévitables et
inévitablement se propagent et grossissent. Pour corriger les abus, il ne
suffit pas de les corriger dans leurs manifestations les plus grossières mais
dès avant, il faut réaffirmer concrètement les normes dans la réalité concrète.
Enrayer le progrès de la maladie n’est pas inutile, mais le pire serait de
s’arrêter là sans aller jusqu’à en expulser la cause : faute de quoi on ne
sera jamais guéri mais toujours « mal foutu ». Il est parfaitement
contradictoire de dénoncer les abus dans Redemptionis Sacramentum
et de les promulguer dans la troisième édition typique du Missel Romain de Paul
VI !
Prenons
le cas typique et capital de
Dans
cette troisième édition dont parle le Cardinal Medina, lui-même a introduit
dans les rubriques (n° 161) une manière de faire réprouvée formellement par
Paul VI : la communion dans la main au libre choix du communiant. Cette
erreur est d’ailleurs diffusée dans le petit catéchisme eucharistique
paru en 2005 avec préface du cardinal préfet actuel Arinze au n°76. Lorsque
Paul VI a non pas autorisé, mais concédé, la possibilité de distribuer la
communion dans la main, il l’a fait a contrecoeur, après avoir rappelé la norme
traditionnelle et la nécessité de la pratiquer (Mémoriale Domini 29 mai
1969) : « il n’a pas paru opportun au Souverain Pontife de changer la
façon selon laquelle depuis longtemps est administrée
Cette
digression étant finie, on peut constater que avant même d’envisager la
réintroduction fut ce au compte goutte du rite de Saint Pie V, vu l’état de
déliquescence du rite de Paul VI au sommet de la hiérarchie, et avant même de
songer à « corriger le rite de Paul VI fût ce minimement », il faudra
un énorme ‘coup de balai’ dans les curies … épiscopales et romaines.
w « … il ne me semble pas sage tout de même de
réduire la crise de l'Église catholique au seul problème liturgique. Il y a
d’abord les problèmes doctrinaux, de perte du sens de la tradition,
d’affaiblissement du sens du sacré, des manquements à la discipline
ecclésiastique. Je pense qu’en célébrant la liturgie selon la nouvelle forme du
rite romain d’une manière fidèle, exacte et pieuse, on pourrait porter remède à
bien des difficultés. Mais vous le savez, il y a aussi des problèmes quant à
une application pleinement ecclésiale et spirituelle de la forme nouvelle du
rite. »
◊
Oui, il n’y a pas que le problème liturgique dans l'Église. Mais il lui est
congénital. Car l’enjeu de la liturgie n’est pas une affaire de rites et de
formes ni même de la vertu de religion, c’est l’esprit d’adoration sacrée en Présence
de
◊
Quant à célébrer la nouvelle forme du rite romain d’une manière fidèle, exacte
et pieuse, ce que l’auteur de ces lignes depuis son ordination a toujours gardé
en première ligne de ses devoirs, cela ne portera remède que si la hiérarchie
locale ne sabote pas de manière délibérée et systématique le ministère des
prêtres qui s’y attellent, -souvent à deux ou trois contre cent par diocèse-,
via des relégations dans des trous paumés alors que des secteurs populeux
voisins sont abandonnés, des cabales organisées par la hiérarchie intermédiaire
via les habituelles équipes laïques (toujours nuisibles même si éloignées, tant
que les curies entretiendront leurs doléances erronées), des mises en
quarantaine d’office de tous les projets pastoraux un peu consistant (il ne
faudrait pas que ces prêtres ‘intégristes’ contaminent le troupeau), par des pétitions
de ‘base’ en fait montées par des vicaires généraux ou des campagnes de rumeurs
régulièrement entretenues sur le terrain, tout cela dans l’espoir de les lasser (en général cela fait l’effet
contraire) …
Alors, oui,
M. le Cardinal, comme vous, nous le savons, il y a aussi des problèmes quant
à une application pleinement ecclésiale et spirituelle de la forme nouvelle du
rite. Vous le dites fort bien, et c’est très courageux de le dire
maintenant que vous êtes à la retraite.
St Charles
Borromée visitant une paroisse où se trouvait un calice en étain alors qu’il
les avait interdit, en trouvant un chez un curé, qui avait les moyens d’avoir
un calice en or ou vermeil réglementaire, lui dit que l’année d’après il ne
voulait plus le voir. L’année d’après le calice était toujours là. Borromée le
prit, le mit par terre et l’aplatit avec le talon de sa botte.
Nous avons
besoin de saints Charles Borromées.
Un Curé de campagne ‘Paul VI’.
Illustration :
pendant la dernière ordination diaconale au diocèse de Mende.
Source : site
officiel du diocèse de Mgr Robert Legall