Les chantiers de Mgr Vingt-Trois

Alors que le nouvel archevêque sera officiellement installé samedi 5 mars, les dossiers des finances diocésaines et des relations avec les prêtres apparaissent urgents

Qu’il s’agisse d’évangélisation, d’innovations pastorales, de formation des laïcs, de vocations sacerdotales, le bilan impressionnant du cardinal Jean-Marie Lustiger, au terme de vingt-quatre années à Paris, est salué par tous (lire La Croix du 11 février 2005). Ce bilan n’est toutefois pas exempt de dossiers importants et délicats, travaillés depuis longtemps et transmis à son successeur, Mgr André Vingt-Trois, qui devient archevêque de Paris samedi 4 mars (1).

La communion des prêtres diocésains

Avec 700 prêtres, l’effectif du diocèse de Paris est celui d’une véritable entreprise. Vu ce nombre et leurs personnalités, certains estiment que le diocèse manque d’une direction des ressources humaines «capable de cerner les capacités de chacun et d’évaluer les problèmes». Comme partout, les nominations de curés restent un sujet très sensible… Cette échelle ne favorise pas non plus la proximité personnelle entre l’évêque et ses prêtres. «En vingt-quatre ans, j’ai dû rencontrer cinq fois le cardinal Lustiger», regrette un prêtre septuagénaire, avis que ne partagent pas de plus jeunes confrères. Et c’est là une autre difficulté : veiller à la communion entre les prêtres formés en différents lieux, (Paris, Bruxelles, Rome) et ordonnés depuis 1984 par le cardinal Lustiger, dont les plus âgés ont une cinquantaine d’années, et ceux de la génération précédente.

Un budget équilibré mais fragile

«Le budget du diocèse est aujourd’hui équilibré dans sa globalité, assure Bertrand de Feydeau, le laïc qui est à la tête de la Direction générale des affaires économiques (DGAE) du diocèse. Et grâce à la réalisation de quelques actifs (vente de terrains et d’appartements), les réserves sont remontées à 50 millions d’euros.» Cependant, cet équilibre reste fragile, du fait de l’accroissement des besoins du diocèse d’année en année, au point qu’il faut désormais trouver 85 millions d’euros par an pour le fonctionnement de l’Église à Paris. L’Association diocésaine de Paris qui soutient les actions strictement diocésaines, telles que les salaires des laïcs, l’entretien et le chauffage des locaux, l’enseignement (la formation d’un séminariste revient à 13 000 € par an), tourne avec 70 millions d’euros par an. Quant à la charge immobilière annuelle (notamment celle de la quarantaine d’églises construites à Paris après 1905 et entièrement à la charge du diocèse), elle s’élève à 12 millions d’euros. À cela, il faut ajouter le coût des 630 associations (caritatives, culturelles, de jeunesse, etc.) soutenues par le diocèse.

Sans oublier l’épineux dossier KTO, la télévision catholique lancée par le cardinal. Si le risque est partagé avec de grosses entreprises qui participent au capital, le déficit annuel en 2003 était de 5,1 millions d’euros pour un budget de six millions, avec une part d’audience inférieure à 0,1 %.

Le chantier des Bernardins

Depuis 2001, le diocèse s’est lancé dans l’achat, puis la restauration du collège des Bernadins, rue de Poissy (5e arrondissement). Dans ce couvent construit au XIIIe siècle par les cisterciens (appelés aussi bernardins), il s’agit de créer un vaste pôle culturel, incluant éventuellement l’École Cathédrale. Coût total du projet initial : au minimum 41 millions d’euros, dont 14 millions d’euros subventionnés par l’État, la Ville et la région (le couvent étant classé monument historique). Les travaux de gros œuvre sont terminés, la restauration extérieure et l’aménagement intérieur (initialement confié à l’architecte Jean-Michel Wilmotte) devraient commencer. Mais il faut «que Mgr Vingt-Trois s’approprie ce projet», affirme Bertrand de Feydeau. La livraison du chantier, initialement prévue pour 2005, ne devrait pas se faire avant l’été 2007. Reste aussi à penser la centralisation des services diocésains actuellement éparpillés en une dizaine de lieux.

Des relations difficiles avec la Catho

Avec près de 2 000 inscrits – pour la plupart des laïcs – l’École Cathédrale connaît un vrai succès. Créée en 1984 et érigée comme faculté canonique de théologie en 2000, elle a pourtant fait grincer l’Institut catholique de Paris dont le chancelier est statutairement l’archevêque de Paris. À diverses occasions, on a assisté à des échanges à fleurets mouchetés entre le cardinal Lustiger et les responsables de la Catho… Car si, dans l’esprit du cardinal, l’École Cathédrale était un moyen de revaloriser le rôle de l’évêque dans sa fonction enseignante, les responsables de la Catho y ont vu une défiance à l’égard de l’institution théologique et une tentative de reprendre en main l’enseignement.

Dans les mêmes années, le retrait des séminaristes parisiens du séminaire sulpicien d’Issy-les-Moulineaux avait été interprété dans ce sens. Il reviendra donc à Mgr Vingt-Trois de renouer des liens de confiance avec ces instances.

La cohésion des diocèses d’Île-de-France

Les relations entre le diocèse de Paris et ceux de banlieue ont été longtemps marquées par le reproche fait au premier d’attirer certaines vocations sacerdotales : les étudiants ayant tendance à s’engager à Paris plutôt que dans leur diocèse d’origine. Conscient de ce déséquilibre, le cardinal Lustiger avait mis en place la «Fraternité missionnaire des prêtres pour la ville», qui met à la disposition des sept diocèses de banlieue (Créteil, Évry-Corbeil, Meaux, Nanterre, Pontoise, Saint-Denis et Versailles) des équipes de prêtres parisiens. Cela n’a toutefois pas réglé les difficultés. Ce travail de cohésion, attendu par ces sept diocèses, est encore à poursuivre.


Claire LESEGRETAIN et Nicolas SENÈZE


(1) La cérémonie d’installation de Mgr André Vingt-Trois aura lieu samedi 4 mars, à 18 h 30, à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Tous les Parisiens sont invités à participer à cette célébration qui sera également retransmise en direct sur KTO.