Le testament spirituel
de
Jean-Paul II
PRÉSENT
— Samedi 9 avril 2005
Olivier
Figuéras
Le journal
Présent du 9 avril 2005, sous la plume d’Olivier Figuéras,
donne une belle présentation du testament spirituel du pape jean-paul
II, rendu public à Rome par le Sacré Collège, le jeudi 7 avril. Vous en
trouverez le texte ci-dessous.
« Ce jeudi
7 avril, à la veille des funérailles de Jean-Paul II auxquelles des millions de
personnes prétendent, dans un espoir un peu fou, assister, le Sacré Collège,
qui se prépare à la terrible tâche d’élire le 264e successeur
de saint Pierre, a rendu public le testament du Pape défunt. Des commentateurs peu au fait de la profonde spiritualité du défunt pontife, avides peut-être de révélations sensationnelles, ont voulu y voir notamment des velléités, aux abords de l’an 2000, de démission.
Ils n’ont pas
compris ce qui transparaît pourtant à chaque ligne, à chaque mot de ce texte :
il s’agit d’un testament spirituel. Il ne s’agit pas (ou fort peu) de décisions
à prendre – et encore pour le seul repos de son âme. Il s’agit encore moins de
biens à répartir. Sur ce dernier point, le texte est d’une très claire sobriété
: « Je ne laisse aucune propriété dont il faut disposer. Quant à mes affaires d’usage quotidien, je demande de les distribuer
comme il semblera
opportun. Que les notes personnelles
soient brûlées. »
Ce point acquis,
on notera que ce testament est rédigé en deux époques. Le texte premier date du
6 mars 1979, à l’occasion d’exercices spirituels suivis la première année de
son pontificat. Dans les années qui suivent, peu
– sinon pas –
d’ajouts, et toujours très courts – une ligne parfois. Ils sont datés, toujours
des
exercices spirituels, de
1980, 1982, 1985, 1990 et 1992, et ne constituent jamais de changements substantiels,
seulement des précisions.
La deuxième
époque, si l’on peut ainsi s’exprimer, date du jubilé de l’an 2000. Là, pas
d’ajouts, ni de corrections. Mais une sorte de rétrospective de son pontificat
et de toute sa vie qui vient, en quelque sorte, commenter les considérations
premières.
Les premières
lignes du testament de Jean-Paul II s’ouvrent sur deux invocations, qui sont
comme le résumé des deux piliers de la foi du Souverain Pontife : Totus Tuus Ego Sum, et Au nom de
L’essentiel du
texte est une considération sur les fins dernières, qui tient en quelques
lignes : « Veillez
car vous ignorez le jour où votre Seigneur viendra. Ces paroles me font
penser au dernier appel, qui aura lieu au moment où il plaira au Seigneur de
m’appeler. Je désire Le suivre et que tout ce qui appartient à ma vie terrestre
me prépare à ce moment. J’ignore quand cela adviendra mais, comme tous les
autres, je confiece moment à
Suivent les
remarques d’ordre matériel que nous avons citées plus haut, et un avis sur son
inhumation, repris des dispositions données en son temps par son prédécesseur
Paul VI. Plus tard, Jean-Paul II ajoutera des
considérations sur une
éventuelle demande de l’épiscopat polonais concernant sa dépouille mortelle, à
satisfaire selon les possibilités du Sacré Collège.
La considération
la plus importante sur le sujet tient cependant dans la demi-ligne ajoutée en
1990 : « Après la mort, je demande des messes et des prières. »
Le texte
originel se termine sur cette citation du psaume 129 : « apud
Dominum misericordia et copiosa apud Eum
redemptio. »
Dès le tout
début de son ministère pétrinien, Jean-Paul II s’abandonne donc à la miséricorde
divine. Et si l’on ne note que fort peu d’ajouts entre les années quatre-vingt
et l’an 2000, il convient d’observer qu’il y eut tout de même, en 1985, l’acte
d’abandon à la divine miséricorde (Présent du 5 avril).
Car, rapidement,
la souffrance est là. On pense, bien sûr, à la souffrance physique. Mais il ne
faudrait pas que la terrible visibilité de celle-ci, notamment dans les
dernières années du pontificat, vienne altérer cette autre réalité
de la souffrance
du Pasteur.
On trouve trace
de cette faiblesse et de la réponse que constitue l’abandon à la miséricorde
divine dans un court
feuillet sans date. Le
Saint-Père y avait écrit : « Je suis profondément confiant, malgré toute ma
faiblesse, que le Seigneur me concédera toute la grâce nécessaire pour
affronter selon Sa volonté, chaque tâche, épreuve et souffrance qu’il voudra
demander à Son serviteur au cours de ma vie. Je suis également confiant qu’il
ne permettra jamais que, par mon comportement, mes paroles, oeuvres ou
omissions, je puisse trahir mes obligations envers ce saint Siège pétrinien. »
Les exercices spirituels de l’année 1980 sont
pour Jean-Paul II l’occasion de réfléchir sur « la vérité du sacerdoce du
Christ dans la perspective de ce Passage qui pour chacun de nous est le moment
de sa propre mort ».
Et il précise :
« Chacun de nous doit garder présent la perspective de la mort. » Une précision
justifiée : « (…) Dans certains pays (…), l’Eglise se trouve dans une période
de persécutions telles qu’elles ne sont pas moindres que les persécutions des
premiers siècles, elles les dépassent même par leur degré de cruauté et de
haine. Sanguis
martyrum - semen
christianorum. De plus, tant de personnes
disparaissent innocemment, également dans ce pays dans lequel nous vivons… »
Une considération,
une acceptation même, du martyre qui précède de quelques mois seulement
l’attentat dont il sera la victime l’année suivante… En 1982, il ajoute
d’ailleurs dans son testament: « L’attentat à ma vie, le 13.V.1981, a en
quelque sorte confirmé l’exactitude des paroles écrites pendant la période des
exercices spirituels de 1980. « Je ressens encore plus profondément que je suis
totalement entre les mains de Dieu – et je
reste constamment à
la disposition de mon Seigneur, me confiant à Lui dans Sa Mère Immaculée (Totus Tuus). »
C’est en 2000,
lors du Grand Jubilé, que Jean-Paul II écrit la plus longue partie de ce
testament. Non qu’il y change quoi que ce soit ; mais il observe comment sa
vie, et notamment comment Souverain Pontife, y a correspondu.
C’est là
qu’intervient le passage dans lesquels certains voient
une volonté de démission. Jean-
Paul II écrivait
: « Au fur et à mesure que l’Année Jubilaire 2000 avance, de jour en jour le
vingtième siècle se referme et s’ouvre le vingt et unième siècle. Selon le
dessein de
« Le 13 mai
1981, le jour de l’attentat contre le Pape, pendant l’Audience générale place
Saint- Pierre, le Divine Providence m’a miraculeusement sauvé de la mort. Celui
qui est l’unique Seigneur de la vie et de la mort, Lui-même m’a prolongé cette
vie, et d’une certaine façon il me l’a donnée de nouveau. Depuis ce moment,
elle Lui appartient encore plus
qu’avant. J’espère qu’Il m’aidera à comprendre jusqu’à quand je dois continuer
ce
service, auquel il m’a
appelé le 16 octobre 1978. Je Lui demande de me rappeler quand Lui-même
le voudra. “Dans
la vie et dans la mort, nous appartenons au Seigneur… nous sommes du Seigneur”(cf. Rm 14,8). J’espère aussi que
On ne saurait
pourtant, dans ce texte, voir autre chose que la volonté de faire celle de
Dieu, et l’abandon à sa miséricorde maintenant, et à l’heure de la mort.
Ce texte
comporte également deux autres considérations : sur l’évolution de la situation
internationale depuis l’automne 1989 qui a mis fin à la « guerre froide » sans
violent conflit nucléaire ; et l’expression de sa « gratitude à l’Esprit
Saint pour le grand don du concile Vatican II » : « Je suis convaincu que pour
de longues
années encore, les
nouvelles générations pourront y puiser les richesses que ce Concile du Xxe siècle a données. »
Puis il remercie
pour tous ceux, religieux ou laïcs, croyants ou non, qu’il a rencontré dans sa
vie : « A tous je veux dire une seule chose : “Que Dieu vous récompense”. »
Et il conclut,
une nouvelle fois, sur l’abandon à Dieu : In manus
Tuas, Domine, commendo spiritum
meum.
Un testament
spirituel, centré sur la volonté de Dieu et l’heure de la mort, et qui ne peut
être que bénéfique à la réflexion de tout chrétien.
Olivier Figueras