Flash-Info au 13 mai 2009
CENTENAIRE DE
Discours du Pape saint Pie X – 18 Avril 1909
Discours prononcé
le 13 décembre 1908 après la lecture des décrets de béatification des
Vénérables Jeanne d’Arc(2), Jean Eudes, François de Capillas, Théophane Vénard et ses
compagnons.
Je suis
reconnaissant, Vénérable Frère(1), à votre cœur
généreux qui voudrait me voir travailler dans le champ du Seigneur toujours à
la lumière du soleil, sans nuage ni bourrasque. Mais vous et moi, nous devons
adorer les dispositions de la divine Providence qui, après avoir établi son
Église ici-bas, permet qu’elle rencontre sur son chemin des obstacles de tout
genre et des résistances formidables. La raison en est, d’ailleurs
évidente : l’Église est militante et par conséquent dans une lutte
continuelle. Cette lutte fait du monde un vrai champ de bataille et de tout
chrétien un soldat valeureux qui combat sous l’étendard de la croix. Cette
lutte a commencé avec la vie de notre Très Saint Rédempteur et elle ne finira
qu’avec la fin même des temps. Ainsi, il faut tous les jours, comme les preux
de Juda au retour de la captivité, d’une main repousser l’ennemi, et de l’autre
élever les murs du Temple saint, c’est-à-dire travailler à se sanctifier.
Nous sommes
confirmés dans cette vérité par la vie même des héros auxquels sont consacrés
les décrets qui viennent d’être publiés. Ces héros sont arrivés à la gloire,
non seulement à travers de noirs nuages et des bourrasques passagères, mais à
travers des contradictions continuelles et de dures épreuves qui sont allées
jusqu’à exiger d’eux pour la foi le sang et la vie.
Je ne puis nier
pourtant que ma joie est, en effet, bien grande en ce moment : car, en
glorifiant tant de saints, Dieu manifeste ses miséricordes à une époque de
grande incrédulité et d’indifférence religieuse ; car, au milieu de
l’abaissement si général des caractères, voici que s’offrent à l’imitation ces
âmes religieuses qui, pour témoigner de leur foi, ont donné leur vie ;
car, enfin, ces exemples viennent, en effet, pour la plus grande part,
Vénérable Frère, de votre pays, où ceux qui détiennent les pouvoirs publics ont
déployé ouvertement le drapeau de la rébellion et ont voulu rompre à tout prix
tous les liens avec l’Église.
Oui, nous sommes
à une époque où beaucoup rougissent de se dire catholiques, beaucoup d’autres
prennent en haine Dieu, la foi, la révélation, le culte et ses ministres,
mêlent à tous leurs discours une impiété railleuse, nient tout et tournent tout
en dérision et en sarcasmes, ne respectant même pas le sanctuaire de la
conscience. Mais il est impossible que devant ces manifestations du surnaturel,
quelle que soit leur volonté de fermer les yeux en face du soleil qui les
éclaire, un rayon divin ne finisse pas par pénétrer jusqu’à leur conscience,
et, serait-ce même par la voie du remords, les ramener à la foi.
Ce qui fait
encore ma joie, c’est que la vaillance de ces héros doit ranimer les cœurs
alanguis et timides, peureux dans la pratique des doctrines et des croyances
chrétiennes, et les rendre forts dans la foi. Le courage, en effet, n’a de
raison d’être que s’il a pour base une conviction. La volonté est une puissance
aveugle quand elle n’est pas illuminée par l’intelligence, et on ne peut
marcher d’un pas sûr au milieu des ténèbres. Si la génération actuelle a toutes
les incertitudes et toutes les hésitations de l’homme qui marche à tâtons,
c’est le signe évident qu’elle ne tient plus compte de la parole de Dieu,
flambeau qui guide nos pas et lumière qui éclaire nos sentiers : Lucerna pedibus meis verbum tuum
et lumen semitis meis.
Il y aura du
courage quand la foi sera vive dans les cœurs, quand on pratiquera tous les
préceptes imposés par la foi ; car la foi est impossible sans les œuvres,
comme il est impossible d’imaginer un soleil qui ne donnerait point de lumière
et de chaleur. Cette vérité a pour témoins les martyrs que nous venons de
célébrer. Car il ne faut pas croire que le martyre soit un acte de simple
enthousiasme qui consiste à mettre la tête sous la hache pour aller tout droit
en paradis. Le martyre suppose le long et pénible exercice de toutes les
vertus. Omnimoda et immaculata
munditia.
Et, pour parler
de celle qui vous est connue plus que tous les autres –
Que l’on
n’exagère pas par conséquent les difficultés quand il s’agit de pratiquer tout
ce que la foi nous impose pour accomplir nos devoirs, pour exercer le fructueux
apostolat de l’exemple que le Seigneur attend de chacun de nous : Unicuique mandavit de proximo suo. Les difficultés
viennent de qui les crée et les exagère, de qui se confie en lui-même et non
sur les secours du ciel, de qui cède, lâchement intimidé par les railleries et
les dérisions du monde : par où il faut conclure que, de nos jours plus
que jamais, la force principale des mauvais c’est la lâcheté et la faiblesse
des bons, et tout le nerf du règne de Satan réside dans la mollesse des
chrétiens.
Oh ! S’il
m’était permis, comme le faisait en esprit le prophète Zacharie, de demander au
divin Rédempteur : « Que sont ces plaies au milieu de vos
mains ? Quid sont istæ plagæ
in medio manuum tuarum ? »
la réponse ne serait pas douteuse : « Elles
m’ont été infligées dans la maison de ceux qui m’aimaient. His
plagatus sum in domo eorum qui diligebant me » : par mes amis qui n’ont rien
fait pour me défendre et qui, en toute rencontre, se sont rendus complices de
mes adversaires. Et à ce reproche qu’encourent les chrétiens pusillanimes et
intimidés de tous les pays ne peuvent se dérober un grand nombre de chrétiens
de France.
Cette France fut
nommée par mon vénéré prédécesseur, comme vous l’avez rappelé, Vénérable Frère,
la très noble nation, missionnaire, généreuse, chevaleresque. A sa gloire,
j’ajouterai ce qu’écrivait au roi saint Louis le pape Grégoire IX :
« Dieu,
auquel obéissent les légions célestes, ayant établi, ici-bas, des royaumes
différents suivant la diversité des langues et des climats, a conféré à un
grand nombre de gouvernements des missions spéciales pour l’accomplissement de
ses desseins. Et comme autrefois il préféra la tribu de Juda à celles des
autres fils de Jacob, et comme il la gratifia de bénédictions spéciales, ainsi
choisit
Ainsi s’exprime
Grégoire IX.
Aussi, à votre
retour, Vénérable Frère, vous direz à vos compatriotes que s’ils aiment
A ce titre
seulement,
Ce n’est donc pas
un rêve que vous avez énoncé, Vénérable Frère, mais une réalité ; je n’ai
pas seulement l’espérance, j’ai la certitude du plein triomphe.
Il mourait, le
Pape martyr de Valence, quand
Traduit
du texte italien publié des Acta Apostolicis Sedis du 15/01/1909, p. 142-145.
(1)
Mgr Touchet, évêque d’Orléans. (2)
Canonisée le 16 mai 1920 par le pape Benoît XV