Flash-Info au 13 septembre 2008

Un excellent article de Rémi Fontaine dans Présent du 10 septembre

 

Le cardinal Vingt-Trois : au nom des religions !

 

A quelques jours de la visite de Benoît XVI en France, le cardinal-archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, qui est aussi le président de la conférence des évêques français, donne un grand entretien dans Le Monde du 8 septembre. A part quelques considérations finales sur la personnalité de Benoît XVI et la situation de l’Eglise catholique en France, il s’y montre surtout et avant tout comme une sorte de porte-parole des religions avec un soupçon de relativisme. Un extrait révélateur parmi d’autres :

« Oui, les religions doivent avoir toute leur place dans la vie publique. Leur liberté de parole est constitutionnellement assurée, et en pratique, elle est respectée. Je m’en réjouis. Dans notre pays, la parole religieuse n’est pas censurée. Et notre parole est légitime, non pas comme je dis souvent, “bien que chrétiens”, mais “parce que chrétiens” – cela vaut autant pour les bouddhistes, les juifs ou les autres confessions. Cela ne veut pas dire que les croyants doivent tenter de faire prévaloir, pour l’ensemble de la société, leur conception particulière de la société, mais que là où ils sont présents, leur conception de la société doit pouvoir s’exprimer librement, en donnant leurs motivations et leurs références. C’est, me semble-t-il, ce que le président de la République a tenté de faire valoir à plusieurs reprises. »

On reconnaît ici une apologie théorique de la « laïcité ouverte » (ou d’une certaine « liberté religieuse ») si prisée par le Président et nos évêques, mais qui se heurte aussi bien à la vérité religieuse qu‘à la réalité historique de la France. Comme l’avait timidement observé un jour le cardinal Ricard (prédécesseur du cardinal Vingt-Trois à la tête de la Conférence épiscopale) : « Il ne saurait y avoir un traitement indifférencié du “religieux”, pas plus qu’un front commun de défense des religions » : l’Etat doit « tenir compte de la diversité de (ces) familles religieuses, qui n’ont pas toutes la même histoire, la même conception de Dieu, de l’homme, de la femme, la même façon de vivre les rapports entre les lois religieuses et les lois de la société ».

Avoir toute sa place dans la vie publique, y tenir une parole légitime, cela ne vaut donc pas « autant » pour les bouddhistes ou les musulmans que pour les chrétiens. Au demeurant, on ne comprend pas pourquoi un homme d’Eglise se croit obligé de parler ainsi philosophiquement au nom des religions, se faisant l’avocat de toutes indistinctement, et non pas d’abord religieusement au nom de la Révélation et du Verbe incarné qu’il a mission de répandre et communiquer, selon les mots de Bossuet. Cela veut dire, en effet, que l’Eglise n’est pas une religion ou une communauté particulière parmi les autres, sous le « tout » étatique et démocratique français. Et que ses fidèles doivent bien tenter quelque part (comme on dit maintenant) de faire prévaloir librement, pour l’ensemble de la société, leur conception non pas particulière mais universelle de la « catholica ». Contre la conception libérale et relativiste du marché des religions, il faut décidément retrouver la dimension publique et sociale du Salut, comme l’avait voulu Jean-Paul II par le rappel du baptême des nations et comme nous y invite également Benoît XVI avec ses principes non-négociables.

« Nous ne sommes pas une Eglise en décombres, mais une Eglise en mutation », conclut le cardinal Vingt-Trois. Comme il parle malgré tout d’« Eglise de toujours », c’est-à-dire « une communion entre chrétiens » dont il ignore quelle sera la « figure sociale », espérons alors qu’il ne l’entend pas comme une mutation substantielle. Cette mutation revendiquée par un certain esprit du Concile et que résume la citation de Jean Guitton donnée par Michel De Jaeghere en exergue de sa fameuse pièce Ite missa est (aux éditions Renaissance catholique) sur la nouvelle religion des Gallorme (Présent du 25 juillet)  : « Selon certains penseurs catholiques – auxquels je m’oppose – la religion catholique, après avoir duré vingt siècles, va changer dans sa substance. Le “catholicisme” d’avant Jean XXIII est révolu… Va lui succéder une religion plus vaste, plus universelle, plus englobante, qu’on appellera l‘œcuménisme. Une religion dans laquelle les protestants, les catholiques, les orthodoxes, les incroyants eux-mêmes seront rassemblés sous la fédération d’un pasteur unique, qui ne sera plus le pape autoritaire des anciens temps mais un pape fédérateur. »

NB de Flash-Info : Mgr Vingt Trois par deux fois, aujourd’hui, le 12 septembre, en présence du Pape, à Paris  a parlé « des religions ».Sa pensée ne semblait pas s’éloigner beaucoup de la  pensée des loges maçonniques.

REMI FONTAINE

Article extrait du n° 6670
du Mercredi 10 septembre 2008