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 La Curie romaine étudie le retour des lefebvristes


CATHOLICISME.
Benoît XVI a réuni hier son premier «conseil des ministres» pour étudier la réintégration des intégristes schismatiques.
Hervé Yannou
[LE FIGARO - 14 février 2006]

BENOÎT XVI voudrait se réconcilier rapidement avec les lefebvristes, mais pas à n'importe quel prix. Hier, il a réuni le premier «conseil des ministres» de son règne pour discuter de plusieurs dossiers épineux, la réforme de la curie, les nominations et surtout la délicate stratégie à adopter pour le retour des intégristes dans le giron de Rome.


Deux propositions seraient à l'étude : la «libéralisation» de la messe tridentine et la levée de l'excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X, ordonnés en 1988 par Mgr Marcel Lefebvre. Les cardinaux et archevêques à la tête de l'administration centrale de l'Eglise n'ont présenté aucune conclusion au Pape. Il leur laisse le temps de la réflexion et les a reconvoqués pour la fin du mois de mars.


Les princes de l'Eglise auraient donc écouté deux de leurs collègues. Le cardinal Francis Arinze, «gardien de l'orthodoxie» des rites et de la liturgie, se serait prononcé pour plus de «générosité» dans la possibilité de célébrer la messe préconciliaire, sans remettre en cause l'autorité épiscopale en la matière. Le cardinal Arinze a déjà affirmé à plusieurs reprises que Benoît XVI voulait lutter contre les «abus» liturgiques, ce qui ne signifie pas brader la messe issue du concile Vatican II.


Levée de l'excommunication


Quant au cardinal Dario Castrillon Hoyos, directement en charge du dossier des lefebvristes, il aurait abordé la question de la levée de l'excommunication. Plutôt que de parler de schisme, le cardinal, qui reçoit régulièrement et discrètement des responsables de la Fraternité Saint Pie X, parle désormais d'«attitude schismatique».


Le Vatican appâte les adeptes de Mgr Lefebvre. Le prix à payer pour la levée de l'excommunication pourrait être très élevé. Les évêques intégristes, qui ne se considèrent pas schismatiques, devraient en faire personnellement la démarche, reconnaître l'autorité du Pape et l'enseignement du concile VaticanII. Une véritable «apostasie». C'est pourtant ce que coûte le privilège d'un statut particulier, synonyme d'autonomie disciplinaire, qui permettrait à la Fraternité Saint Pie X de rentrer dans le rang la tête haute. Sur ce dossier, Benoît XVI veut consulter ses collaborateurs, aux positions contrastées. Mais en définitive, il décidera seul.

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La Fraternité Saint Pie X se méfie de la main tendue
Mgr Bernard Fellay hésite à écrire au Pape, comme on le lui suggère.

Sophie de Ravinel
[LE FIGARO - 14 février 2006]

Le supérieur de la Fraternité Saint Pie X est entré dans la dernière passe, étroite et hérissée d'écueils, qui pourrait le mener vers la normalisation avec Rome. Mgr Bernard Fellay n'ignore pas que la main tendue par Benoît XVI doit être saisie d'une manière ou d'une autre, mais il souhaite prendre le temps et soigner la manière pour ne pas brader leur combat destiné à «remettre Rome sur le droit chemin». Sa réélection en juillet prochain en dépend.


Le 2 février, au cours d'une célébration de prise de soutane à Flavigny, Mgr Fellay avait vivement démenti les rumeurs d'un projet d'«administration apostolique» destiné aux adeptes du rite antéconciliaire. «C'est du vent !», avait-il assuré à des ouailles indécises. Quelques semaines plus tôt, il décrivait pourtant à la presse sa dernière entrevue de décembre avec le cardinal Hoyos, chargé du dossier à Rome. «Les discussions sont longues, mais elles sont probablement les plus fructueuses de celles que nous avons eues jusqu'ici», avait-t-il confié. Quant à l'administration apostolique, une «étape transitoire», il s'est dit «presque sûr qu'on nous l'accordera».


Pressions en interne

Après avoir échangé à Flavigny avec les supérieurs dominicains, capucins ou bénédictins appartenant à la même obédience, Mgr Fellay étudierait à présent la situation avec les autres évêques consacrés par Mgr Lefebvre.


Le cardinal Castrillon leur a suggéré de prendre eux-mêmes l'initiative d'écrire au Pape pour demander une levée de l'excommunication. «Nous avons toujours refusé de reconnaître la validité de ces excommunications, nous ne pouvons donc pas demander qu'on enlève quelque chose qui n'existe pas», répond Mgr Fellay, cependant disposé à demander le retrait du décret d'excommunication, «cet épouvantail» destiné «à limiter le bien que l'on pourrait faire».


Certains, parmi les prêtres et les fidèles proches de la Fraternité Saint Pie X, sont déterminés à pousser à la réconciliation. C'est le cas de l'abbé parisien Guillaume de Tanouärn, qui entretient des relations houleuses avec Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dont il a été mis à la porte, en particulier avec le curé de la paroisse lefebvriste, l'abbé Xavier Beauvais. Vigoureusement opposé à Rome, ce dernier a pris la tête d'une sorte de «front du refus» qui, tout en étant minoritaire, exerce une forte pression sur Mgr Fellay. Le 21 février prochain à Paris, l'abbé de Tanouärn organise, «avec les encouragements du Vatican», une conférence en compagnie de Mgr Fernando Rifan, supérieur d'une administration apostolique du diocèse de Campos au Brésil, réconcilié avec Rome depuis le début 2002...