Flash-Info au 16 mars 2009
Un commentaire dans Liberté politique de François de Lacoste Lareymondie de la lettre du Pape aux évêques de l’Eglise
catholique du 10 mars 2009.
Le rappel à l’ordre de Benoît XVI : l’unité n’est pas sélective
13 mars 2009 | François de Lacoste Lareymondie
Benoit XVI aurait pu attendre que les esprits s’apaisent, corriger le fonctionnement de la curie par petites touches et adopter un profil bas. C’eût été se conformer à l’esprit du monde. Il a décidé de crever l’abcès ; non pour distribuer les bons et mauvais points mais pour remettre l’Église dans la seule perspective divine qui vaille et qu’il veuille : celle de l’unité.
Quitte à braquer le projecteur sur une crise trop longtemps occultée et dont l’affaire aura finalement été un révélateur paroxystique.
La lettre (cf LNDC au 13 mars 2009) qu’il vient d’adresser aux évêques « au sujet de la levée de l’excommunication des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre », datée du 10 mars et rendue publique le 12, constitue une démarche tout à fait inhabituelle ; la tempête que la levée des excommunications a soulevée ne l’était pas moins.
Celui qui doit conduire la barque de Pierre sait qu’il n’est
pas voué aux eaux tranquilles. Il ne peut cependant pas cacher son étonnement
qu’un acte de réconciliation ait été si mal compris, même de la part de ceux
qui partagent avec lui le ministère épiscopal, au point d’être présenté comme
son contraire. De fait, certains reproches l’ont blessé ; non pas
psychologiquement comme les « braves gens » l’imaginent ; mais spirituellement
dans sa charge de pasteur universel qui découvre combien certains membres de
l’Église, prompts à lui donner des leçons, ne semblent pas prêts à sortir de
leurs propres « étroitesses » et ont oublié « le juste usage de la liberté »,
au point de « l’offenser avec une hostilité prête à se manifester ».
Il n’est là ni pour se plaindre, ni pour complaire, mais pour exercer le
Magistère qui lui a été confié par l’Esprit Saint au nom du Christ, dût-il
mettre les points sur les i. Il s’y emploie avec autant d’humilité que de
fermeté. S’adressant à ses frères évêques, il a décidé de leur parler
franchement.
Explication
Pour faire place nette, Benoit XVI commence par
pointer les erreurs et maladresses qu’on lui a imputées, à tort ou à raison :
sans jeter la pierre à quiconque, il les assume et corrige rapidement ce qui
doit l’être.
La superposition, « fâcheuse et imprévisible », de la levée des
excommunications avec le « cas Williamson » aurait pu
être évitée par un suivi plus attentif des informations disponibles sur
l’Internet ? Dont acte : la curie est invitée à se servir davantage de cet
outil. D’une certaine façon, cela a été l’occasion pour Benoit
XVI de réitérer son engagement, insoupçonnable pourtant, à la réconciliation
avec les juifs : il l’a fait et remercie ses amis qui l’ont aidé à lever le
malentendu. On en a une nouvelle preuve avec la confirmation de son prochain
pèlerinage en Israël.
La portée et les limites de la levée des excommunications n’ont pas été
expliquées de façon suffisamment claire dès le départ ? Benoit
XVI comble lui-même cette lacune de la communication vaticane en mettant en
lumière le point clé des distinctions à opérer entre les personnes et les
institutions, entre le niveau disciplinaire et le niveau doctrinal.
Enfin,
Ce faisant, il met les irréductibles au pied du mur. Ceux de
La priorité suprême
Sommé de rendre des comptes, Benoit XVI accepte
humblement de s’expliquer. Non sans courage ni grandeur, et avec une fermeté
qui en dit long sur ce qu’il perçoit du mal à guérir. Accusé de ne pas se
centrer sur les « priorités » de l’Église, il rappelle où elles sont ! Affermir
ses frères, rendre compte de l’Espérance qui est en soi, rendre Dieu présent
dans ce monde : oui, voilà les priorités du Pape « en ce moment de l’Histoire
[où] le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des hommes… ». Et
l’on voudrait que les « discordes » entre chrétiens soient passées par pertes
et profits ? Benoit XVI redit quelle est la priorité
suprême de son pontificat : l’unité des chrétiens. Pourquoi ? Parce que « leur
discorde, leur opposition interne met en doute la crédibilité de ce qu’ils
disent de Dieu ».
Alors quoi ? Oui, à l’œcuménisme, mais pas avec
Oui, « si l’engagement ardu pour la foi, pour l’espérance et pour l’amour dans
le monde constitue en ce moment la vraie priorité de l’Église, alors les
réconciliations, petites et grandes, en font partie ».
Oui, « une communauté dans laquelle se trouvent 491 prêtres, 215 séminaristes,
6 séminaires, 88 écoles, 2 instituts universitaires, 117 frères, 164 sœurs et
des milliers de fidèles [ne peut] nous laisser totalement indifférents ». Cette
énumération insistante n’est pas fortuite de la part de celui qui sait à quel
niveau de déliquescence sont tombés certains diocèses : c’est une invitation
pressante à ouvrir les yeux. Ces 491 prêtres ne sont pas des ectoplasmes ou des
hommes perdus ; ils « ne se seraient pas décidés pour le sacerdoce si, à côté
de différents éléments déformés et malades [Benoît XVI est lucide quant à ce
qu’a été leur formation et quant au contexte dans lequel ils ont été ordonnés
et exercent leur ministère], (NB j’aimerais bien qu’on me donne quelques
précisions sur ce sujet…) il n’y avait pas eu l’amour pour le Christ et la
volonté de l’annoncer et avec lui le Dieu vivant ».
Non, on ne peut pas les laisser « impassiblement aller à la dérive loin de
l’Église, [ni] les exclure de la recherche de la réconciliation et de l’unité
». Toutes phrases qui sonnent comme un rappel de cette admonestation prononcée
en septembre dernier à Lourdes : « Nul n’est de trop dans l’Église. »
De quel côté sommes-nous ?
Les circonstances conduisent Benoit XVI à soulever
une question étonnante, qu’aucun de ses prédécesseurs n’aurait imaginé poser à
ses frères dans l’épiscopat, et qui pourtant surgit d’évidence : celle du bouc
émissaire, cette question amère qui tenaille la mauvaise conscience et derrière
laquelle se cachent de grandes démissions. « Parfois on a l’impression que
notre société a besoin d’un groupe au moins, auquel ne réserver aucune
tolérance ; contre lequel pouvoir tranquillement se lancer avec haine. Et si
quelqu’un ose s’en rapprocher – dans le cas présent le pape – il perd lui aussi
le droit à la tolérance et peut lui aussi être traité avec haine sans crainte
ni réserve. »
En terminant ainsi sa lettre, c’est à nous tous qu’il s’adresse : de quel côté
sommes-nous ? Du côté de la société et de sa haine, ou du côté du Christ qui
s’est livré pour son Église ? Autrement dit, sommes-nous prêts à cesser de
rechercher la complaisance de cette société, de courir après un « monde » qui
n’acceptera jamais le Christ et l’Église sinon le jour où ils renonceront à
être un signe de contradiction ?
Alors que nous marchons vers
« Père, je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs
parce qu’ils ne sont pas du monde…
« Je ne te prie pas de les enlever du monde mais de les garder du Mauvais…
« Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée pour qu’ils soient un comme
nous sommes uns,
« Afin qu’ils soient parfaits dans l’unité et que le monde reconnaisse que tu
m’as envoyé
(Jn XVII, 15 – 23) ».