Flash-Info au 9 juillet

 

 

Motu proprio du Benoît XVI : 1er anniversaire,

 

 

A- Le motu Proprio de Benoît XVI : Ier anniversaire, vu par Henri Tincq dans un article du Monde du 3 juillet 2008. sous le titre : 

 

Le pape Benoît XVI et ses intégristes

 

 

C'est le titre d'un article d'Henri Tincq, dans “Le Monde” du 3 juillet, à lire ci-après:

 

 

Deux décennies plus tard, et malgré les échecs successifs des tentatives de “réconciliation” menées par Jean Paul II et surtout Benoît XVI, le traditionalisme, s'il n'a pas gagné dans les textes, a gagné dans les têtes. Ceux qui avaient confondu - et ils étaient alors nombreux - cet épisode des sacres d'Ecône, il y a vingt ans, avec l'expression d'un folklore désuet promis aux poubelles de l'histoire, d'une nostalgie béate pour l'encens, la soutane et la messe en latin, se sont trompés.

Les “tradis” sont toujours là. Largement français à ses débuts - en raison de la nationalité de Mgr Lefebvre et des crispations dans l'Hexagone sur la liturgie moderne -, le phénomène s'est mondialisé. La frontière est de plus en plus poreuse, avec des manifestations de foi et de dévotion encouragées par un Benoît XVI, par un jeune clergé et des communautés dites “nouvelles” qui prônent le retour à la tradition comme mode de résistance à la sécularisation moderne.

Les séminaires de la Fraternité saint Pie X, noyau dur du schisme, ont essaimé en Allemagne, en Australie, aux Etats-Unis dans le Minnesota, en Amérique latine. Les générations de prêtres (près de 500) qui en sortent et de fidèles (600 000, de source vaticane) héritiers de cette dissidence se sont renouvelées. Elles sont installées dans plus de trente pays. Typiquement européen, ce modèle d'une Eglise autoritaire, intransigeante, anti-oecuménique et anti-moderne, dominée par la figure du saint prêtre en charge du sacré, s'est exporté. Il est, pour les traditionalistes, le garant de cette part de mystère, d'émotion et de beauté propre à toute tradition et que la “nouvelle messe” aurait sacrifiée. Dans un monde éclaté, le latin y retrouverait un statut de langue universelle et les emprunts aux traditions culturelles, en Inde ou en Afrique, pousseraient vers la “tradition” les fidèles attachés à une liturgie et à un catéchisme uniques.

Les traditionalistes ont trouvé un allié avec le pape allemand. Les fidèles s'étonnent des audaces que prend Benoît XVI en matière liturgique, à rebours de toute une évolution enregistrée depuis Vatican II. Le maître des cérémonies de Jean Paul II a été remplacé. Benoît XVI a rétabli le trône pourpre bordé d'or des papes préconciliaires, renoncé au “bâton pastoral” de ses prédécesseurs, symbole d'une Eglise plus humble, et ressorti la “férule” en forme de croix grecque du pape le plus réactionnaire du XIXe siècle (Pie IX). Il a restauré l'usage de la distribution de la communion à genoux et par la bouche, “destinée à devenir la pratique habituelle des célébrations pontificales”, a déclaré dans L'Osservatore romano Mgr Guido Marini, son cérémoniaire. La France risque d'être stupéfaite lors de la visite de Benoît XVI en septembre.

 

LA ROME DU XIXE SIÈCLE

 

Un an après, le motu proprio (décret du pape) de juillet 2007 libéralisant l'ancien rite en latin n'a certes pas déchaîné les passions. En France, le ralliement à l'”ancienne messe” n'aurait touché que… 0,1 % de fidèles. Le nombre de paroisses où elle est célébrée depuis un an n'est que de 40, s'ajoutant aux 132 qui la proposaient déjà. Mais les traditionalistes n'ont pas renoncé à leur guerre d'usure contre les évêques, les prêtres et la Curie “modernistes”. Ils ont rejeté le protocole d'accord proposé par Rome en vue de régler le schisme, qui ne leur demandait que de s'engager à respecter l'autorité et la personne du pape. Victime d'un jeu de surenchères sans fin, Benoît XVI se voit sommé de lever les excommunications de juin 1988 et d'attribuer aux prêtres traditionalistes un statut sur mesure de “prélature nullius”, qui leur offrirait le double avantage d'être reconnus par Rome et de rester indépendants des évêques.Benoît XVI peut-il aller jusque-là ? Serait-il vraiment ce pape qui n'aurait jamais réussi à s'affranchir de son modèle bavarois où la messe, la famille, l'angelus des champs et la musique des villes étaient au coeur du quotidien ? D'un passé de théologien épouvanté par l'ampleur des dérives qui ont suivi le dernier concile, par le “nihilisme” de Mai 68 et par l'inexorable montée du “relativisme” des moeurs et des opinions, y compris religieuses ? On peine à penser que ce philosophe, qui a dialogué avec des figures de la pensée laïque (Florès d'Arçais en Italie, Habermas en Allemagne), renoué avec Hans Küng, son ancien collègue théologien devenu son meilleur ennemi, prié dans une mosquée (Istanbul), visité des synagogues, écrit des encycliques au ton moderne sur l'amour et l'espérance, puisse demain ouvrir la porte aux schismatiques de 1988, arc-boutés sur la Rome du XIXe siècle. Celle qui combattait les idées de liberté et de droits de l'homme, qui était le bastion du dogme le plus figé, la citadelle de la seule foi catholique légitime, hostile à tout dialogue avec les chrétiens séparés et les confessions non chrétiennes.

Son goût pour la liturgie traditionnelle était connu, ceux qui s'en scandalisent devraient relire les ouvrages qu'il y a consacrés. De même sa mission de pape, gardien de l'unité, l'oblige-t-elle à renouer, avec les traditionalistes, une négociation dans laquelle, comme responsable de la doctrine à Rome, il avait mis le prix, il y a vingt ans, mais dont il vit encore comme un échec personnel la rupture. Dans toutes les religions, la liturgie est toujours l'expression d'une foi. Elle ne peut être dissociée de la doctrine. Or le cap a été fixé, il y a plus de quatre décennies, lors de Vatican II, maintenu par Paul VI et Jean Paul II. Aujourd'hui, un néoconservatisme règne à Rome, encouragé moins par le pape que par des groupes qui n'ont jamais fait leur deuil de l'Eglise autoritaire et repliée de jadis. Le retour à une liturgie plus traditionnelle, la réintégration des schismatiques risquent de se faire au prix d'un grignotage des acquis de quarante ans. Ce serait le triomphe posthume de Mgr Lefebvre.

 

 

Source:http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/07/02/le-pape-benoit-xvi-et-ses-integristes-par-henri-tincq_1065385_3232.html

 

 

 

B - Motu proprio 1er anniversaire, l’article de Libération.

 

 

La messe en latin dans sa chapelle

 

Un an après la réhabilitation des célébrations traditionnelles, la hiérarchie de l'Eglise s'oppose aux paroissiens.

 

Par CATHERINE COROLLER

 

lundi 7 juillet 2008

 

Sous le frais soleil de ce premier dimanche de juillet, les adeptes de la messe selon le rite de saint Pie V, dit «tridentin», s'égaient devant l'église Saint-Germain, au Chesnay (Yvelines). La célébration a eu lieu en latin, le prêtre dos aux fidèles servi par des enfants de chœur tous de sexe masculin. Malgré la solennité du rite, y compris les cierges et l'encens, l'ambiance est recueillie mais détendue sur fond de cris d'enfants, l'assistance étant majoritairement jeune et prolifique. Pourtant une certaine frustration agite certains de ces partisans de la liturgie en vigueur avant le concile de Vatican II. Il y a un an, le 7 juillet 2007, Benoît XVI publiait le motu proprio Summorum Pontificum redonnant droit de cité à cette messe. Depuis Vatican II, cette liturgie était soumise à autorisation expresse de l'évêque. Désormais, sa célébration est de plein droit «dans les paroisses où existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure», précise le décret papal . Pas question, en clair, de donner la clé des églises à des commandos traditionalistes constitués pour la circonstance.

Résultat. Un an après la publication du motu proprio, «on n'a pas vu de rush dans la plupart des diocèses, affirme Robert Le Gall, archevêque de Toulouse et président de la commission pour la liturgie à la Conférence des évêques de France. Mais on n'a pas fait de point précis, le pape nous a donné trois ans.»Pour les tenants de la messe en latin, ce maigre résultat s'explique par la mauvaise volonté de la hiérarchie ecclésiastique.

Fabien, Claire et leurs cinq enfants habitent Versailles. Elle, universitaire, est âgée de 33 ans, lui, consultant, de 34 ans. Tous deux votent à droite, «entre Bayrou et Sarkozy», sont conservateurs sur les questions de morale mais ouverts à l'œcuménisme (l'un des buts principaux de Vatican II). En théorie, i ls dépendent de la paroisse Notre-Dame-de-Versailles. Dès la décision du pape connue, ils ont écrit, avec cinq autres familles, à leur curé pour lui demander qu'y soit célébrée la messe selon le rite de saint Pie V. Selon Fabien, le prêtre leur a demandé «combien vous avez de personnes avec vous ?», et leur a opposé une fin de non-recevoir. «Il a peur qu'on ait trop de succès», analyse le jeune homme. Les familles se sont alors tournées vers l'évêque. Le prélat a argué d'«une campagne de promotion du rite antérieur au concile», et conclu qu'il ne lui paraissait «pas opportun d'accéder à [leur] demande». Désormais au nombre de 130, les mêmes ont écrit à la commission Ecclesia Dei, au Vatican, pour lui demander «aide et conseil». Sans réponse pour l'instant. A l'échelle du diocèse, la situation serait peu ou prou la même selon Louis, un ami du couple. Il y aurait eu «environ 55 à 60 messes accordées», mais plus de 800 demandes non satisfaites. Dans un premier temps, Fabien, Claire et leurs amis se sont voulus discrets. Mais c'est fini. Ils devraient organiser, en septembre, un colloque sur l'application du motu proprio, et y ont convié les médias. L'évêque a fait savoir qu'il ne viendrait pas.

Abandon. Lorsque le pape a publié le décret , les évêques français n'ont pas bondi de joie. L'abandon de la messe selon le rite de saint Pie V avait été l'une des causes de la dissidence des adeptes de l'évêque Marcel Lefebvre, excommunié par le pape Jean Paul II en 1988 après avoir lui-même ordonné des évêques. Le Saint-Père espérait que la libéralisation de cette liturgie inciterait les intégristes à retourner dans le giron de Rome. En novembre 2006, le cardinal Jean-Pierre Ricard, alors président de la conférence épiscopale française, avait pourtant souligné que les différends avec les lefebvristes n'étaient pas seulement liturgiques mais aussi «théologiques (autour de la liberté religieuse, de l'œcuménisme, du dialogue interreligieux) et politiques», rien n'y a fait, le pape a publié le motu proprio. Depuis, des traditionalistes sont rentrés dans le rang. Mais les successeurs de, Mgr Lefebvre, continuent de traîner des pieds.

Reste que Fabien et Claire n'ont rien à voir avec cette chapelle intégriste. «On n'a jamais été des paroissiens lefebvristes», affirment-ils. «On reconnaît totalement Vatican II», assure Fabien. Ils se disent favorables à la coexistence entre les deux formes de célébration. Même s'ils se reconnaissent davantage dans la liturgie tridentine. Pour Claire, «le latin, c'est une forme de généalogie des catholiques». Et pour Edwige : «Dans la forme extraordinaire [la messe tridentine, ndlr], on a beaucoup plus l'impression qu'on s'approche de Dieu que dans la forme ordinaire [la messe post-Vatican II]». Espèrent-ils qu'un jour, le rite tridentin supplantera l'autre ? «C'est la crainte des évêques de France», analyse Fabien. Le fait est que l'église catholique de France se droitise : Nicolas Senèze (1), auteur de la Crise intégriste, affirme ainsi que 17 % des séminaristes sont proches de la mouvance traditionaliste contre 1,5 % des prêtres en activité. Pour Arnaud Spriet, curé de Saint-Germain, il n'y a pas de doute, les «tradis» sont l'avenir de l'église catholique. La «nouvelle évangélisation» voulue par Jean-Paul II, confirmée par Benoît XVI, et qui vise à ramener vers l'Eglise «les grandes masses qui [s'en] sont éloignées», passe par eux.

(1) Ed. Bayard, mars 2008.

 

Cet article a été publié le Lundi 7 juillet 2008 à 13:36 et est catégorisé sous Motu proprio. Vous pouvez suivre les réponses à cet article par le fil RSS 2.0. Les commentaires et trackbacks sont fermés pour cet article.

 

 

 

C- Motu proprio, 1er anniversaire, l’article de La Croix.

Posté par PO le 7 juillet 2008

Le motu proprio s'est appliqué en douceur

Un an après la publication de « Summorum Pontificum », par lequel Benoît XVI a libéralisé la liturgie d'avant Vatican II, peu de demandes ont été déposées

Benoît XVI l'aurait confié à des évêques français de passage à Rome : à ses yeux, le motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007, redonnant droit de cité à la liturgie telle qu'elle était célébrée avant Vatican II, ne concernait qu'un petit nombre de fidèles. De fait, un an exactement après sa publication, le nombre de lieux de culte où la liturgie catholique est célébrée selon la « forme extraordinaire du rite romain » n'a pas explosé : 172 en France, dont 124 où était déjà appliqué le motu proprio Ecclesia Dei adflicta publié en 1988 par Jean-Paul II.

À Paris, les six lieux où la messe dominicale est ainsi célébrée « à l'ancienne » ne rassemblent pas plus d'un millier de fidèles. « On dénombre en général cinq ou six personnes par paroisse qui demandent une célébration selon la forme extraordinaire, explique Mgr Patrick Chauvet, vicaire général, chargé de ce dossier par le cardinal André Vingt-Trois. Du coup, nous les rassemblons par arrondissement. » Selon lui, les curés accueillent avec bienveillance les demandes, du moment qu'elles ne soient pas instrumentalisées par des groupes qui, à l'instar de La Paix liturgique, tentent de fédérer l'opposition aux évêques sur ce sujet.

« Mais avec quelques conditions, souligne le P. Chauvet : qu'il n'y ait pas d'agressivité, et qu'il n'y ait pas de communautés les unes à côté des autres. » C'est le principal souci des évêques de France : éviter toute « ghettoïsation » des fidèles attachés à l'ancien rite. « Dans le 16e arrondissement, ceux qui viennent à Sainte-Jeanne-de-Chantal s'intègrent bien dans la vie paroissiale », relève-t-il. Un an après Summorum Pontificum, seuls douze diocèses de France métropolitaine n'ont pas mis le motu proprio en application.

Faute de demandes

Et c'est davantage faute de demandes que par mauvaise volonté. Ainsi, à Blois, Mgr Maurice de Germiny constatait en septembre dernier qu'« il n'existe pas dans le diocèse de groupe stable de fidèles désireux de reprendre l'usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970 ». Depuis, une « demande courtoise de mise en œuvre » du motu proprio a été adressée pour Vendôme, et l'évêque cherche « un prêtre “ad hoc” » dans son diocèse, plutôt que de faire appel à un institut relevant de la Commission pontificale Ecclesia Dei.

C'est aussi ce choix qu'a fait le cardinal Vingt-Trois à Paris, déclinant l'offre de l'Institut du Bon-Pasteur qui dispose d'un local et d'une chapelle dans le 2e arrondissement. « Ils ne célèbrent que la messe tridentine, ce qui est contraire au motu proprio », souligne Mgr Chauvet. Pas non plus de paroisse personnelle : « Le cardinal ne souhaite pas que les traditionalistes soient traités comme des chrétiens à part : l'objectif du motu proprio est justement de réunifier l'ensemble des catholiques », explique encore le vicaire général.

À Fréjus-Toulon, c'est au contraire cette dernière solution qu'avait retenue Mgr Dominique Rey dès 2005. Résultat : « Il y a eu peu de demandes. Sauf dans le golfe de Saint-Tropez, mais il semble s'agir plus de demandes d'estivants, pour lesquels nous allons trouver une solution », explique le P. Marc Aillet, vicaire général du diocèse.

“Insérer les fidèles dans la vie paroissiale”

« L'important est d'insérer les fidèles dans la vie paroissiale », insiste-t-il, soulignant par exemple que les séminaristes relevant de la paroisse personnelle reçoivent la même formation que les autres au séminaire diocésain - où ils célèbrent chaque jour dans la forme ordinaire -, et que des couples de la paroisse personnelle participent aux équipes de préparation au mariage sur le doyenné de Toulon.

« Mais, si cela se passe bien, cela tient aussi à la personnalité des prêtres qui desservent la paroisse : autant ils sont attachés à la forme extraordinaire du rite romain, autant ils sont ouverts à Vatican II », conclut le P. Aillet.

Reste la question de la réconciliation avec les intégristes, toujours en rupture avec Rome, qui formait l'un des buts avoués de ce motu proprio. Sans doute Benoît XVI n'espérait-il pas grand-chose des responsables de la Fraternité Saint-Pie-X qui, fin juin, ont refusé une énième main tendue (La Croix du 2 juillet). Rome garde toutefois l'espoir que certains fidèles et prêtres intégristes sauteront cette fois le pas.

À Paris, quelques fidèles de Saint-Nicolas du Chardonnet fréquentent aujourd'hui régulièrement les messes du diocèse selon l'ancien Missel. Et on a recensé l'un ou l'autre prêtre de la Fraternité qui ont demandé à rejoindre des diocèses français. Mais pas non plus, pour l'instant, de raz de marée sur ce plan-là.

 Nicolas SENÈZE

 Cet article a été publié le Lundi 7 juillet 2008 à 13:32