Flash-Info
au 18 février 2009
L’inreview
de Mgr Willianson au journal allemand Der Spiegel.
Le
Vatican vous demande de rétracter votre négation de l’Holocauste et menace de
ne plus vous permettre de reprendre vos activités d’évêque. Comment réagirez-vous?
Toute ma vie, j’ai cherché la vérité. C’est pour cela que je me suis converti
au catholicisme et suis devenu prêtre. Aujourd’hui encore, je ne peux dire que
ce dont je suis convaincu. Je réalise qu’il existe beaucoup de personnes
intelligentes et honnêtes qui pensent autrement; je dois réviser une fois
encore les preuves historiques. Je n’ai rien dit d’autre à la télévision
suédoise: il doit s’agir de preuves historiques, pas d’émotions. Si je découvre
ces preuves, je me corrigerai. Mais cela prendra du temps.
Comment
un catholique éduqué peut-il nier l’Holocauste?
J’ai abordé ce sujet
dans les années 80. J’avais lu à l’époque bon nombres de choses. En interview,
j’avais cité le rapport Leuchter (une théorie de «démystification» produite
dans les années 80 prétendant que les chambres à gaz des nazis étaient
techniquement impossibles, ndlr), et sa théorie était plausible, selon moi. A
présent, on me dit qu’elle est réfutée scientifiquement. Je prévois à présent
de m’y plonger.
Vous
pourriez vous rendre vous-même à Auschwitz.
Non, je n’irai pas à
Auschwitz. J’ai commandé le livre de Jean-Claude Pressac, Auschwitz: Technique
and Operation of the Gas Chambers (qui réfute les thèses négationnistes, ndlr).
Un exemplaire doit me parvenir bientôt et je vais l’étudier.
Dans l’Ancien Testament, le prophète Jonas dit aux marins dont le bateau était
en détresse: « Prenez-moi et jetez-moi à la mer; ainsi la mer se calmera; car
je sais que cette tempête vous menace par ma faute.» La fraternité a une
mission religieuse à remplir et elle souffre à cause de moi. A présent, je vais
examiner les preuves historiques. Si je ne les trouve pas convaincantes, je
ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour épargner dans l’avenir d’autres
épreuves à l’Eglise et à la fraternité.
Que
signifie pour vous la levée de votre excommunication par le pape Benoît XVI?
Nous voulons juste
être catholiques, rien d’autre. Nous n’avons pas développé nos propres
enseignements, mais nous préservons simplement les choses que l’Eglise a
toujours enseignées et pratiquées. Et puis, dans les années 60 et 70 lorsque
tout a changé au nom de ce concile (Vatican II, ndlr), c’était soudain un
scandale. En conséquence, nous avons été relégués aux marges de l’Eglise. A
présent, des églises vides et un clergé vieillissant montrent que ce fut une
erreur, et nous revenons vers le centre. C’est le chemin que nous suivons, nous
les conservateurs: l’avenir nous a donné raison, il fallait juste attendre le
temps nécessaire.
Au
Vatican, on dit qu’on ne vous connaît pas. C’est vrai?
La plupart de nos contacts passent par l’évêque Fellay et le concile général,
dont je ne suis pas membre. Mais trois des quatre évêques que nous sommes ont
assisté à un dîner du cardinal Castrillón Hoyos en l’an 2000. L’objectif était
de faire connaissance, mais nous avons bien sûr parlé des questions
théologiques et même de philosophie. Le cardinal fut très amical.
Le
concile Vatican II représente l’une des grandes réussites de l’Eglise
catholique. Pourquoi ne le reconnaissez-vous pas pleinement?
Ce que nous sommes
supposés reconnaître n’est pas clair du tout. Un document important porte le
nom de Gaudium et Spes, ou joie et espoir. A l’intérieur, les auteurs
s’extasient sur la capacité du tourisme de masse à réunir les gens. Mais, du
point de vue d’une société conservatrice, on peut difficilement se réjouir des
tours opérateurs. Puis, le rapport évoque les craintes et les difficultés. Et
une guerre nucléaire entre superpuissances est abordée. Vous voyez, beaucoup de
tout cela est bien dépassé. Ces documents du concile sont toujours ambigus.
Parce que personne ne savait au juste ce qu’ils voulaient dire, chacun ayant
commencé à faire un peu comme il voulait après le concile. Cela a conduit au
chaos théologique actuel. Que sommes-nous censés reconnaître dans tout cela?
L’ambiguïté ou le chaos.
Etes-vous
conscient, en fait, que vous divisez l’Eglise avec vos visions extrémistes?
Seule la violation des dogmes, c’est-à-dire le principe de l’infaillibilité
papale, détruit la foi. Le concile Vatican II avait dit qu’il ne promulguerait
pas de nouveau dogme. Aujourd’hui, les évêques libéraux agissent comme s’il
s’agissait d’une sorte de superdogme portant sur tout et rien, et ils
l’utilisent comme justification d’une dictature du relativisme. Cela contredit
les textes du concile.
Votre
position sur le judaïsme est uniformément antisémite.
Saint Paul a formulé la chose ainsi: les Juifs sont aimés à cause de leurs
pères, mais sont nos ennemis selon l’Evangile.
Pensez-vous
sérieusement pouvoir vous servir de la tradition catholique et de
L’antisémitisme
signifie plusieurs choses aujourd’hui; par exemple, lorsqu’on critique l’action
israélienne dans la bande de Gaza. L’Eglise a toujours défini l’antisémitisme
comme le rejet des Juifs à cause de leurs racines juives. Ce qui est condamné
par l’Eglise. Par ailleurs, cela peut sembler évident dans une religion dont
les fondateurs et tous les personnages importants dans son histoire à l’origine
sont des Juifs. Mais il semblait clair aussi, du fait du grand nombre de Juifs
chrétiens à l’aube du christianisme, que tous les hommes avaient besoin du
Christ pour leur salut. Tous les hommes, y compris les Juifs.
Le
pape ira prochainement en Israël où il prévoit de visiter le mémorial de
l’Holocauste. Y êtes-vous opposé?
Faire un pèlerinage
en Terre sainte est une grande joie pour les chrétiens. Je souhaite tout de bon
au Saint-Père pour son voyage. Ce qui me dérange à propos de Yad Vashem est que
le pape Pie XII y est attaqué, alors que pas un homme n’a sauvé plus de Juifs
que lui pendant la période nazie. Par exemple, il a fait émettre des
certificats de baptême pour des Juifs persécutés, afin d’éviter qu’ils soient
arrêtés. Ces faits ont été tordus depuis pour leur faire dire le contraire.
Sinon, j’espère que le pape aura aussi un regard et un cœur pour les femmes et
les enfants qui ont été blessés dans la bande de Gaza, et qu’il parlera en
faveur des chrétiens de Bethléem, désormais emmurés.
Vos
déclarations ont gravement blessé et insulté le monde juif. Pourquoi ne vous
excusez-vous pas?
Si je réalise que j’ai fait une erreur, je m’excuserai. Je demande à toute
personne de me croire quand je dis que je n’ai pas déclaré délibérément des
choses fausses. J’étais convaincu que mes commentaires étaient précis, fondés
sur mes recherches dans les années
Reconnaissez-vous
les droits de l’homme?
Lorsque les droits
de l’homme ont été reconnus en France, des centaines de milliers de personnes y
ont été tuées. Lorsque les droits de l’homme sont considérés comme un
instrument d’Etat pour s’imposer, cela débouche toujours sur des politiques
contre les chrétiens. Lorsqu’ils permettent de préserver la liberté de
conscience individuelle contre l’Etat démocratique, alors les droits de l’homme
remplissent une fonction importante. L’individu a besoin de ces droits contre
un pays qui se comporte comme un léviathan. Mais la conception chrétienne de
l’Etat est différente, en sorte que les théories chrétiennes de droits de
l’homme soulignent que la liberté n’est pas une fin en soi. L’objectif n’est
pas de s’affranchir de quelque chose, mais pour quelque chose. Pour le Bien.
Vos
déclarations et la levée de votre excommunication ont provoqué des
protestations dans le monde entier. Pouvez-vous le comprendre?
Une seule interview donnée à la télévision suédoise a dominé les informations
pendant des semaines en Allemagne. Oui, cela me surprend. Est-ce la même chose
en Allemagne chaque fois que la loi est violée? Probablement pas. Non, je ne
suis que l’instrument d’une action dirigée contre la fraternité et le pape.
Apparemment, les catholiques de gauche allemands n’ont toujours pas pardonné le
fait que Ratzinger devienne pape. •
© Der Spiegel.
Traduction: Michel Beuret.